LIVRE I : LES COMPLEXES

INTRODUCTION : LES COMPLEXES CHEZ L'ENFANT ET LEUR CLASSIFICATION

Les complexes sont des faisceaux de tendances, et celles-ci sont à étudier pour elles- mêmes, jusqu'aux plus élémentaires d'entre elles .. comme tendances primitives et que les psychanalystes ont pris l'habitude de désigner par le terme de pulsions. A son tour, l'étude de ces tendances induit au point de vue génétique, .. à échelonner les conduites intellectuelles et sociales de l'enfant aux différents âges. .. Freud distingue essentiellement trois stades : I) le stade buccal .. « oral ».. la grande volupté est celle de la bouche - le suçage - et qui va de la naissance à la deuxième année ; 2) le stade anal qui se manifeste avec l'apprentissage de la propreté et où l'enfant témoigne de l'intérêt pour ses matières, prouve du plaisir à « se retenir », montre de l'obstination et aussi des pulsions destructrices, ce qui conduit Freud à parler d'un système sadique-anal (de la deuxième à la quatrième année) ; 3) le stade phallique (ou stade génital infantile) où la zone d'excitation privilégiée se déplace sur les organes génitaux, en même temps que se développent les sentiments d'amour et de jalousie caractéristiques « complexe d'Odipe » (de 3-4 à 6-7 ans). . . certains distinguent, dans chaque stade principal, différentes phases secondaires. On a pu situer ainsi, formant transition entre les stades I et 2, une phase dentaire, tandis que la transition entre les stades 2 et 3 serait marquée par une phase urétrale et une phase phallique-narciste, d'excitation superficielle, qui se traduit par des tendances à l'exhibition. Françoise Dolto situe entre le stade buccal et les trois phases génitales qu'elle distingue, deux phases « musculo-excrémentielles » à savoir un stade accaparateur sadique-anal et un stade ambitieux sado-phallique-urétral. .. Freud estime qu'à partir de 6-7 ans environ, les « pulsions partielles » correspondant aux différents stades infantiles connaissent normalement une période de latence à la faveur de laquelle les intérêts intellectuels, sociaux, culturels peuvent se développer (âge de raison !) et après laquelle elles pousseront, réunies en un seul élan, l'offensive violente et décisive de la puberté. Mais tout au long de ce développement, des accrochages accidentels et des régressions peuvent avoir lieu, qui caractérisent les troubles névrotiques..
.. il ne faudrait pas être obsédé par la ligne du temps au point de ne pas voir que la psychanalyse concrète se développe dans un espace qui suppose une autre dimension ; cet espace concret est précisément défini par les complexes. Ceux-ci en effet .. sont des faisceaux de tendances associées, mais il faut bien voir que chacun de ces faisceaux groupe des tendances appartenant à différentes époques, à différents stades du développement, les unes renforçant ou réactivant les autres, de sorte que les manifestations qui se fondent sur les complexes ne sauraient ..être définies purement et simplement par un stade donné. La psychanalyse suppose une génétique, mais elle ne s'y réduit pas. Plus encore qu'une référence aux stades freudiens, la psychanalyse suppose une constante référence aux complexes. Les décrire, c'est vraiment aborder l'anatomie des organes psychologiques.
. Marie Bonaparte, le dit fort bien : « De même que tous les humains, blancs, jaunes ou noirs, possèdent un foie, un coeur, des poumons, des nerfs, des vaisseaux analogues, le psychisme humain possède une anatomie analogue, malgré toutes les différences de race et de climat. Les mêmes complexes primordiaux, la même topographie, sont à la base de la psychologie d'un Hottentot ou d'un Einstein, malgré la différence des superstructures. »
. Le public .. serait plutôt porté à voir en ceux-ci des faits exceptionnels et plus ou moins anormaux.. le complexe apparut d'abord comme un système bizarre d'associations d'idées, dominé par la seule logique affective, et qui rendait compte de certains troubles nerveux. Mais une investigation plus poussée montra que les mêmes complexes, identifiés d'abord chez les névropathes, existent aussi chez le normal, et que, si chacun de nous présente ce que j'ai appelé ses « complexes personnels », ceux-ci ne sont jamais que des ramifications des grands « complexes primitifs » identiques chez tous, et il est toujours possible de repérer le point par où ils s'y insèrent. . Ce ne sont pas les complexes
qui sont pathologiques, mais bien certaines de leurs modifications ou hypertrophies.
.
Les complexes.. passent.. pour être constitués dans les grandes lignes vers l'âge de 6 ans. .. induit sous le nom d' « inconscient ». ..l'inconscient freudien est essentiellement formé par les survivances de la conscience infantile, celle-là même que nous voyons se constituer avant l'âge de 6 ans environ, qui succombe , ensuite à un oubli si singulier et si complet, et qui est si parfaitement ignorée de l'adulte (il lui faut vraiment la découvrir).
. Freud fait jouer un grand rôle - non pas d'ailleurs un rôle exclusif - dans sa psychologie de l'inconscient à la notion de sexualité, telle qu'il l'entend ; .. il s'agit par excellence de ce qu'il nomme sexualité infantile .. la « sexualité » dont il est question n'est pas tout à fait ce que tout le monde entend sous ce terme. Il s'agit de ces éléments soit de sensualité diffuse, soit d'affectivité et d'amour, qui sont chez l'enfant le germe de ce qui sera proprement génital chez l'adulte.. sa méthode lui permet de suivre exactement la transformation insensible et graduelle, sans lacune, de l'un en l'autre. Mieux encore, on pourrait dire que la « sexualité infantile » est une expression elliptique, qui résume les rapports si curieux, étroits et imprévus, découverts par Freud entre la génitalité adulte et l'affectivité infantile. en décrivant la psychanalyse moins comme une psychologie du sexuel que comme une psychologie de l'infantile.
Nous ne prétendons pas épuiser la liste définitive des complexes. Nous nous bornons à ceux qui s'imposent à l'observation. classification..
1)Une première classe comprendrait des complexes formés par des tendances préoccupées essentiellement de posséder ou d'atteindre un objet extérieur. Nous pourrons les appeler COMPLEXES DE L'OBJET. L'un a trait à la rivalité des frères et sours (complexe de Caïn), chacun voulant d'abord posséder pour soi seul la mère et tous les biens possibles ; un autre nous présente les tendances d'amour et d'hostilité à l'égard des parents : amour pour l'un des parents et hostilité à l'égard de l'autre (complexe d'Oedipe) ; nous pouvons ranger dans la même classe un complexe de destruction (sadique-anal), intéressé à détériorer une chose, a nuire à un ennemi et un complexe spectaculaire qui groupe les tendances de voir et d'être vu (exhibition) et qui demeure, comme les précédents, en rapport constant avec l'objet, puisqu'il s'agit de le voir, de le découvrir, de le contempler ou de se faire voir, apprécier, admirer par lui.
2) Cependant, par une de ces transitions insensibles .. ce dernier complexe nous conduit à une seconde classe. L'attitude spectaculaire, pour intéressée qu'elle soit à l'objet, prend cependant à son égard un certain recul ; voir n'est pas avoir. En outre, le sujet qui se veut faire admirer, n'est pas loin de s'admirer soi-même. Enfin, la curiosité, qui prolonge tout naturellement le désir de voir, porte bientôt sur le sujet lui aussi : « Que suis-je ? » Ainsi, l'on passe peu à peu à des préoccupations dont le sujet lui-même est le centre. Nous pouvons parler alors de COMPLEXES DU MOI.
Dans cette classe nous rencontrons d'abord le si important complexe de mutilation, qui a été, avec le complexe d'Oedipe, l'un des premiers identifiés par Freud. Ici, nous voyons le sujet se comparer à autrui ; l'enfant se mesure avec les enfants de l'autre sexe, pense que la petite fille a été mutilée ; il est préoccupé par des questions de plus et de moins ; et c'est ici que prennent racine les sentiments d'infériorité, les désirs de supériorité. Chez la petite fille, ce complexe revêt une forme particulière.. que j'ai isolée sous le nom de complexe de Diane : la petite fille, s'estimant inférieure, veut être un garçon. Mais ce n'est pas seulement par rapport à autrui que l'enfant cherche à se situer ; de très bonne heure il veut savoir qui il est, d'où il vient, comment naissent les enfants. Et voici apparaître le complexe de naissance. L'enfant a ses théories à lui sur la naissance : l'enfant naît par l'anus. à moins qu'il n'ait une origine merveilleuse, comme les héros de la fable.
Les tentatives du sujet pour constituer et saisir son être aboutissent enfin à ces formations caractéristiques que Jung désigne des noms de persona, d'ombre et de soi, et qui sont comme différentes images que le moi se donne de lui-même. Le soi est directement lié aux fantaisies de nouvelle naissance. (« Tu es né deux fois ; il faut naître à l'esprit ; l'eau et le feu »)
3) Mais nul intérêt, chez l'enfant, n'est purement théorique. Le complexe de naissance comporte de singulières fantaisies de « retour au sein maternel » liées elles-mêmes à la recherche du refuge. Nous passons ainsi - de nouveau par des transitions progressives - à des systèmes que nous pouvons qualifier de COMPLEXES D'ATTITUDE. Il ne s'agit plus ici de se situer, de s'affirmer comme un « moi » , il ne s'agit pas davantage de poursuivre et de posséder tel objet défini ; il s'agit d'une attitude qui se répète devant un grand nombre d'objets et, pourrait- on dire, devant la vie même, et qui colore les tendances les plus diverses.
Le complexe de sevrage est bien lié à un choc défini et au désir d'un objet défini : le lait maternel. Ainsi l'on pourrait dire qu'entre ces deux termes : « désir » et « objet » l'accent se déplace bientôt du second sur le premier ; l'objet, définitivement inaccessible, est abandonné, mais il reste le désir, la nostalgie, bref une attitude, qui se répète à l'égard de toutes sortes d'objets, sous forme d'exigence, d'avidité, etc. L'attitude propre au complexe du sevrage comporte en outre un regret de la petite enfance, regret qui se reproduit dans d'autres cas et qui nous introduit dans le complexe de retraite. Celui-ci comprend les attitudes de regret, de régression aux stades infantiles, d'introversion, et est constamment sous-tendu par la recherche du refuge (ce qui, par un détour, va rejoindre une des branches du complexe de naissance). Il faut y rattacher l'attitude narciste qui, elle aussi, a des attaches évidentes avec les complexes du moi, puisque le narcisme, c'est le reploiement affectif sur soi-même. Mais dans ce reploiement il y a peut-être, en définitive, moins encore d'amour de soi que de fuite devant la vie et le monde.
.. les phases les plus infantiles de l'introjection, phases où l'objet que l'enfant imagine incorporé est à peine défini, mais où le mécanisme se manifeste d'autant plus à l'état pur..
4) . cette classification correspond à une distinction fortement imprimée dans la nature même des choses. Le complexe est un faisceau de tendances, et se définit par la tendance. Mais toute tendance, toute action (comme toute proposition du langage) présente ce qu'on peut nommer un objet, un sujet, un verbe ; selon que l'accent est porté davantage sur l'un des trois termes, nous sommes en présence des complexes de l'objet, du moi, ou de l'attitude. . de strictes limites sont impossibles à tracer ; les complexes poussent des ramifications les uns dans les autres ; à chaque instant, des courts-circuits nous ramènent de l'un à l'autre - et d'une classe à l'autre.
Ainsi sommes-nous induits à corriger .. en recherchant les RELATIONS entre les complexes. Nous pourrons décrire bien des points de jonction entre divers complexes. . ces rencontres, à leur tour, ne se produisent pas au hasard, mais .. divers complexes ont pour accoutumé de se rejoindre en certains motifs typiques, qui se présentent, dans un grand nombre de cas, avec une physionomie analogue ; .. deux exemples de ces schémas : le motif « je suis exclu » et celui de la « femme victime ». Enfin nous aborderons l'étude de ce que Freud a nommé le surmoi, véritable complexe, qui représente l'instance morale, et qui joue à l'égard de tous les autres complexes un rôle de RÉGULATION, de sorte qu'il est en relation constante avec tous. Cette instance - qui définit la physionomie que prendront chez chaque individu l' « idéal » et la «conscience morale » - apparaît déjà nettement chez le jeune enfant ; elle est fonction des parents, des premiers éducateurs, et nous fait toucher le cour même du problème éducatif. P.15

PREMIÈRE PARTIE : COMPLEXES DE L'OBJET

I. CAÏN OU LA RIVALITÉ FRATERNELLE
.. ce thème de la rivalité fraternelle .. était un des plus violents dans l'inconscient de Hugo. Cadet de trois frères, dont l'aîné s'appelait justement Abel, le « petit Victor », faible et disgracié dans les premières années de sa vie, avait été dominé, dès le début, par le désir d'égaler, de dépasser ses grands frères, de «prendre leur place ». De tels désirs, à l'époque infantile, se traduisent très communément par des voux de mort à l'égard du rival - voux moins cruels, en somme, qu'il ne semble au premier abord, car l'enfant ignore ce qu'est la mort, et en fait souvent un synonyme de l'absence. . (cf. question : Et si Sophie était morte qu'est ce qu'on aurait fait ? Qu'est ce qui se serait passé ?)
.. ce complexe lui-même n'est pas l'exception, mais la règle. La nature humaine est ainsi ; il faut nous incliner devant le fait. L'enfant à qui échoit un petit frère ou une petite sour, réagit d'abord, très généralement, par une jalousie sans mesure, et tout animale, qui subsiste ensuite, latente et plus ou moins bien réprimée. L'hostilité du cadet à l'égard de l'aîné apparaît comme une réponse naturelle à cette hostilité de l'aîné. ..
Les querelles si fréquentes entre frères et sours, et qui laissent les mères bien désemparées, sont le résultat le plus commun de cette rivalité primitive, qui s'avive à propos des occasions les plus futiles. Celles-ci ne sont guère que des prétextes..
. Ces faits, nous les avons pour la plupart vécus nous-mêmes, dans notre enfance ; mais nous les avons si bien refoulés que nous n'en avons guère de souvenirs. Ajoutons que chez l'enfant déjà, et selon le degré de développement de sa vie morale, le refoulement est en eux. Bien des enfants peuvent heureusement, assez vite, maîtriser leur hostilité, et y substituer - plus justement : y superposer - une affection fraternelle très sincère. De certains on peut obtenir, dès le début, l'assurance plus ou moins forcée qu'ils aiment beaucoup le petit frère ou la petite sour. Mais l'hostilité naturelle, que l'on réprime ainsi, perce de temps à autre et demeure saisissable.
. (observations cliniques p. 17).
Ce refus d'avoir à partager la mère peut prendre des formes bien originales. ..
Mme Dolto pense cependant qu'il n'est pas toujours correct d'interpréter les conduites agressives de l'aîné par la jalousie ; la situation est plus complexe. Le certain, à son avis, est que l'enfant est perturbé et cherche à s'adapter à la situation nouvelle. Il est naturel que le premier «essai » soit d'écarter la cause perturbatrice, l'intrus ; mais il y a aussi des « essais » d'assimilation, d'identification avec lui et ceux-ci doivent être pensés en outre en fonction des stades mentaux, au sens de Piaget : on décèlerait aussi bien des essais de « participation mystique » avec le nouveau venu.
Il n'est pas rare que ces sentiments provoqués chez un enfant par la venue d'un cadet se traduisent par une modification plus ou moins fâcheuse de son caractère et de son comportement.
Maïa est une fillette de 3 ans. Depuis la naissance de son petit frère Yaïla, c'est-à-dire depuis trois mois, on a observé chez elle un changement d'humeur Elle se mettait tout à coup à pleurer, sans raison apparente, et dans ses pleurs elle imitait la voix de son petit frère, ce qu'elle faisait aussi dans ses jeux. Elle rêve alors ce qui suit :
1)Il faisait sombre ; la tante est venue en auto. Maman avait dit qu'elle prendrait Maïa dans l'auto, mais elle est partie seule et Maïa est restée.
2) Un homme est entré dans la chambre à coucher et a jeté toutes les assiettes par la fenêtre. Toutes les assiettes ont été cassées.
Le premier tableau exprime clairement le sentiment qu'a Maïa d'être désormais délaissée par sa mère. Le second tableau réagit contre cette situation, mais d'une manière déguisée ; il ne s'éclaire que par les associations que voici : la veille, on a raconté à Maïa que le chat est tombé par la fenêtre et s'est fait grand mal. « Il a crié et pleuré. » Cette histoire occupa beaucoup l'enfant. Etant ensuite au jardin, et entendant pleurer son petit frère, elle a dit : « Yaïla crie, il a dû tomber par la fenêtre. » On ne croit que ce qu'on désire, et cette supposition gratuite, qui se fit jour aisément dans l'esprit de l'enfant, nous met au clair sur ses sentiments à l'égard du petit frère, et sur les assiettes qui, dans le rêve, le représentent.
Cette interprétation des assiettes est d'autant plus plausible qu'on a vu, dans un bon nombre d'autres cas, des enfants réaliser en acte ce que Maïa réalise en rêve : jeter des objets par la fenêtre. Et l'analyse a montré alors que c'était là un acte typique, symbolique, par lequel l'enfant exprimait d'une manière détournée, son désir - réprimé - de se débarrasser des petits rivaux gênants. .P.19
Les actes ne sont pas toujours aussi typiques, et il en est dont on ne peut aucunement prévoir le sens. (cas clinique p.20)..
Il est rare qu'il ne subsiste pas entre frères et sours, jusqu'à l'âge adulte, de secrets ressentiments qui sont des vestiges de la rivalité infantile, et que les intéressés justifient par toutes sortes de raisons plus ou moins bonnes.
Les troubles, loin de se localiser dans la conduite ou dans l'humeur, peuvent s'installer dans la santé même, sous forme de symptômes nerveux. (cf. R.A.A. , promenade terminant dans le landeau de Sophie et le rêve post Guillaume Tell de papa sous son lit bras et jambes coupés, ensanglantés, me disant de ne pas avoir peur de l'approcher)
Madeleine a 17 mois lorsque naît une petite sour, Jaqui. Elle ne manifeste aucune jalousie : au contraire. Elle s'intéresse beaucoup à elle, aide à sa toilette et ne permet pas aux étrangers de la toucher ; elle explique dans son langage que la petite sour n'est « rien que pour elle ». D'ailleurs, la petite est très tranquille, on ne s'occupe d'elle que pour la nourrir et lui faire sa toilette. Vers I8 mois, Madeleine commence à mouiller plus rarement son lit. De I9 à 20 mois, elle est presque tout à fait propre ; puis, tout à coup, elle recommence à mouiller. Cela coïncide avec le moment où l'on commence à s'occuper davantage de sa sour . Madeleine arrive jusqu'à l'âge de 3 ½ ans, mouillant toujours son lit .Tous les moyens ont été essayés pour combattre cette habitude : en vain.
Elle aime toujours s'occuper de sa sour et la protéger ; on peut la lui laisser en toute confiance ; mais si les parents sont présents, elle change d'attitude et fait tout ce qui peut ennuyer Jaqui. En même temps, elle commence à se montrer désagréable envers sa mère ; elle ne lui obéit plus, répond à tout qu'elle ira se plaindre à papa.
A partir de 3 ans 7 mois, elle accuse sans cesse sa mère de favoriser sa sour. Au même moment, elle commence en outre à prendre un tic : c'est un son particulier qu'elle fait sortir de son gosier, et ceci va s'aggravant. Sur ces entrefaites, on la laisse cinq jours chez des amis ; dès le premier soir, elle rejette sa toile cirée avec violence, on la laisse faire, et elle tient sa promesse de ne pas mouiller : aucun accident au cours de ces cinq jours. Mais à son retour dans sa famille, dès la première nuit, elle recommence à mouiller. Le lendemain, on lui enlève la toile cirée ; on lui explique qu'on la considère comme une grande fille. A partir de ce moment, elle ne mouille plus qu'un jour sur trois environ. Mais elle commence à faire des comparaisons entre son lit et celui de sa sour qui est plus grand et plus joli - car sa sour est propre depuis longtemps. Les parents se décident à remettre la toile cirée, car ils sont en pension, et ne peuvent laisser gâter le lit : Madeleine recommence à mouiller chaque nuit.
Quelques semaines après, Madeleine, Jaqui et la mère quittent l'Allemagne pour Genève (le père ne les accompagne pas). Avant le départ, la mère annonce à Madeleine qu'à Genève elle aura un lit comme une grande personne. Elle manifeste une certaine joie, mais demande aussitôt : « Et Jaqui, elle aura un aussi grand lit que moi ? - Non, plus petit. » Alors elle devient folle de joie, et répète à chaque instant : « J'aurai un grand lit, un plus grand que Jaqui ! » A son arrivée à Genève, elle a son grand lit ; elle cesse de mouiller du jour au lendemain. Quant à l'attitude envers la mère, elle s'améliore au bout de quelques jours, et deux ou trois semaines plus tard, elle est irréprochable. Madeleine devient très affectueuse et obéissante, et cesse de reprocher à sa mère de favoriser sa sour.
Il est hors de doute que tous les troubles, et notamment l'énurésie, étaient en rapport avec le complexe de Caïn. L'énurésie, dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, peut s'interpréter par le désir d'être le petit bébé, dont on s'occupe jour et nuit. Madeleine avait, dès le début, hésité entre deux moyens de résoudre son conflit - l'un était cette régression à l'état de petit bébé ; l'autre était au contraire cette attitude supérieure et possessive (la petite sour n'est «rien que pour elle », par laquelle elle compensait l'état d'infériorité où elle se sentait reléguée du fait de la naissance de Jaqui. Ce second moyen était certainement beaucoup plus heureux que le premier, et dans bien des cas, il fournit une excellente cicatrisation.
La solution finale est bien dans le même sens : elle contente l'enfant parce qu'elle lui assure enfin une supériorité tangible sur sa petite sour.
Les enfants s'orientent, suivant les cas, soit dans le sens de la régression, soit vers une solution plus active et plus heureuse. . (cas clinique p. 22)
. Si violentes que soient les hostilités infantiles, elles peuvent être résolues heureusement. L'amour pour les parents, l'instance morale qui s'éveille aussi de bonne heure, sont des facteurs propres à permettre cette solutions. Mme MARIE BONAPARTE rappelle «l'avantage qu'il y a pour un enfant, en vue de la vie ultérieure en société, à avoir de bonne heure des frères et des soeurs et à bien compenser par l'amour la jalousie naturelle qu'il leur porte ».
En effet, la manière dont un enfant résout ce conflit avec ses frères et soeurs tend à se répéter dans ses rapports avec ses camarades d'école ou de jeu et plus tard dans ses rapports sociaux.
C'est une observation d'ADLER que dans les familles l'aîné est volontiers autoritaire et conservateur, le second révolté, tandis que le dernier est le plus paresseux (enfant gâté) ou le plus original ; il a quelquefois une ambition démesurée. Tout cela s'explique par la situation respective des enfants lors des premières années. (cas clinique).
De toute manière, les répressions et transformations des rivalités infantiles aboutissent à une attitude sociale ; on peut penser qu'elles ne sont pas loin de conditionner l'essentiel des sentiments sociaux. Même les sentiments de justice, solidarité sont, selon FREUD, leur résultante : si l'enfant ne peut être le premier le préféré, il veut du moins - c'est un pis-aller ! - que tous soient logés à la même enseigne, il veut qu'on soit « juste ». (cf. le film Z)
N'est-ce pas à dire qu'une société morale qui ne serait fondée que sur la « justice » ou sur la « fraternité », comme le voudraient quelques moralistes, aurait une base bien précaire ? La justice n'est qu'un pis-aller de l'égoïsme, et fraternité, c'est d'abord rivalité ; les frères naissent ennemis. Au-delà de la justice, il faut, qu'on le veuille ou non, recourir à l'autre grand principe social, celui de « charité » ou d'amour. Mais celui-ci n'a pas sa source dans les rapports fraternels ; il procède des sentiments filiaux.

II. OEDIPE ET LES SENTIMENTS FILIAUX
. le complexe d'Oedipe se résumait en deux tendances connexes d'amour pour le parent de sexe opposé et d'hostilité pour le parent de même sexe. . pour comprendre la portée du complexe d'Oedipe .. il ne faut jamais perdre de vue les complications apportées par le déplacement et le symbolisme à ce schéma premier (l'hostilité du garçon se transférant du père sur le frère, sur les chefs, etc.). Mais, en outre, il convient de relever ce que Freud a signalé, beaucoup plus tard, à savoir que .. il apparaît souvent au-dessous de l' « Oedipe normal » un « Oedipe renversé » : c'est-à-dire, chez le garçon, des périodes d'amour pour le père et d'hostilité à la mère ; chez la fille, des périodes d'amour pour la mère et d'hostilité au père. . la psychologie de l'infantile ou du primitif . de voir se juxtaposer, ou se superposer, sans nul souci de logique, des réactions affectives contraires. . L'expérience montre d'abord que l' « Oedipe normal » se présente à nous avec beaucoup plus d'évidence et de fréquence que l' « Oedipe renversé » ; .. nous touchons dans les deux cas à une même vérité fondamentale, qui nous est déjà apparue dans notre étude du complexe de Caïn. : c'est que l'amour, chez le jeune enfant, est singulièrement entier et jaloux. La situation complète pourrait donc se résumer par les formules suivantes :
1) Dans le moment où l'enfant - garçon ou fille - aime son père, il tend à voir dans sa mère une rivale ; dans le moment où il aime sa mère, il tend à voir dans son père un rival.
2) L'amour pour la mère avec hostilité au père est beaucoup plus fréquent chez le garçon ; l'amour pour le père avec hostilité à la mère est plus fréquent chez la fille.
. Celle-ci (formule), .. affirme essentiellement la solidarité de l'amour et de la rivalité chez l'enfant. Les faits interprétés par Freud en fonction de l'amour ont été interprétés par Adler en fonction de la rivalité ou « volonté de puissance ». . cette traduction soit toujours possible, puisque l'amour infantile, dès ses premières manifestations, est indissolublement lié à la rivalité. La discussion peut s'engager non seulement à propos du complexe d'Oedipe, mais aussi à propos de celui de Caïn. Le conflit des frères et sours est à coup sûr un conflit de puissance et de supériorité, mais d'autre part le partage de l'amour maternel demeure le point brûlant de la rivalité. Il est peut-être plus fécond de constater simplement cette remarquable solidarité de la rivalité et de l'amour.. C'est elle que, par excellence, nous affirmons en introduisant la notion de complexe. (cas cliniques Pascal et Stendhal p.25) Entre cette hostilité irréconciliable (pour le père) et l'amour passionné pour la mère, il y a certainement un rapport : les deux branches du complexe sont solidairement suractivées.
.. Ces sentiments (filiaux oedipiens) passent pour atteindre normalement leur apogée aux alentours de la 5ème année. . l'histoire du petit Paul (4 ans) qui veut épouser sa mère et qui, à l'objection de celle-ci : « Mais ton papa ? » répond tranquillement : « Oh ! il sera mort depuis longtemps. » . la petite Madeleine, que nous connaissons déjà pour sa rivalité à l'égard de sa sour Jaqui, et qui présentait aussi, vers trois ans, une forte hostilité contre la mère, avec voux de mort. « Aurai-je de grands souliers ? demande-t-elle un jour. - Je t'en achèterai, dit la mère - Non, reprend l'enfant, tu seras morte, j'aurai les tiens. » On sait que Madeleine avait nettement choisi son père contre sa mère.. Une petite fille de moins de 4 ans a ce mot relaté par FREUD : « Maintenant ma petite mère peut s'en aller, mon petit père m'épousera et je serai sa femme. »
Plus tard, l'enfant exprime ses désirs oedipiens moins ingénument : il les refoule comme coupables, mais il continue de leur donner libre cours dans les créations de son imagination : dans ses dessins, dans ses rêves. Ex. :mère représentée par une horrible mégère. (Après que l'analyse eut résolu l'hostilité oedipienne, la mégère fut remplacée, dans les dessins, par une reine et une petite princesse qui donne une fleur à la reine.)
(cas clin. p.26)
. le complexe d'Odipe est une situation normale .. il ne saurait, ,par lui-même, préparer une névrose, mais seulement par certaines exagérations ou certaines modifications occasionnelles, dont il peut être l'objet. .
Mais surtout l'Odipe - comme d'ailleurs tout complexe - se ramifie à l'infini grâce aux jeux du transfert, du déplacement d'une tendance, d'un objet sur un autre. L'hostilité Oedipienne, par exemple, est susceptible de déplacements multiples, et c'est surtout à la qualité plus ou moins heureuse de ceux-ci que le sujet doit de demeurer normal ou de présenter des troubles. . (ex. clin.)
. les déplacements de cette sorte peuvent, comme tout déplacement, se fixer. Si l'objet-substitut apparaît dans certains cas, comme dérivatif occasionnel, sur lequel la tendance se décharge et qu'elle oublie aussitôt, il peut arriver aussi que la tendance s'attache définitivement à ce substitut, tandis que le premier objet est peu à peu désinvesti de sa valeur affective. C'est là le transfert au sens propre.
Il n'est pas rare de voir cette hostilité oedipienne se transférer sur toutes les formes de l'autorité. .. l'Etat, l'Eglise et la société .. tendance à voir tout le monde des ennemis. L'analyse montra que cette attitude procédait d'une forte hostilité oediplenne envers le père. A deux ans déjà, il se souvient d'avoir rêvé d'un ours dont il avait grande peur. Il apparut clairement que cet ours était une image de son père, fort barbu, et qui, de plus, effrayait l'enfant avec un petit ours de bronze. .
Tout symbole, comme tout transfert, repose sur des associations. Or il est des associations collectives, identiques chez tous, et qui sont à la base de symboles collectifs, dont la lecture, avec un peu d'habitude, devient claire d'emblée. L'association du père, soit avec le maître et l'autorité, soit avec certains animaux puissants est de celles-là. Mais il est remarquable que ces éléments liés par une de ces associations primitives et collectives le sont aussi dans l'expérience individuelle, comme s'il avait fallu celle-ci pour réveiller et renforcer l'association. Ainsi, l'association ours = père est bien collective, mais le symbole s'est cristallisé chez le sujet .. à l'occasion du petit ours de bronze. .. des symboles aigle - père, et empereur - père chez Victor Hugo.
Il n'en reste pas moins que ces associations collectives paraissent prêtes à se réveiller à la moindre sollicitation, et l'imagination de l'enfant réinvente à chaque instant les mythes. .
On conçoit que la rivalité oedipienne soit à l'origine de bien des troubles de conduite, en vertu de la faculté qu'elle possède de se transférer, de se généraliser. Il n'est pas rare que la rivalité et l'hostilité oedipiennes se transfèrent plus ou moins sur tout partenaire, tout interlocuteur. . C'est ainsi que l'hostilité envers le père peut devenir une hostilité contre la société même.
.s'identifier (effet fréquent de la rivalité). En général, une identification réussie du fils avec le père, de la fille avec la mère -pour peu que père et mère soient de bons exemples à suivre - est la solution la plus simple et la plus normale de l'Odipe.
Mais l'identification peut aussi - compliquée par la culpabilité qui frappait la rivalité dont elle procède - aboutir aux troubles nerveux les plus variés. L'enfant imite, sous forme de symptômes nerveux, les maladies ou les infirmités du parent dont il a rêvé de prendre la place.
Ce n'est pas seulement l'hostilité ; c'est aussi l'autre composante du complexe - l'amour - qui est susceptible d'avatars imprévus.
Ainsi un fils trop attaché à sa mère peut se blottir contre elle de telle manière que tout son développement social en est entravé. .. les deux composantes du complexe risquent de converger, agissent dans le même sens, puisque la composante d'hostilité au père, se transformant en résistance contre la société, invitait déjà l'enfant à se replier. D'innombrables analyses d'adultes confirment le rapport étroit, chez l'homme surtout, du complexe d'Odipe avec la fuite du social. Mais c'est une situation que l'on voit déjà s'ébaucher dans l'enfance, et dont on peut suivre alors la formation. . (cas clin.)
Le refoulement de l'amour oedipien, ressenti comme coupable, n'est d'ailleurs pas sans entraîner, lui aussi des accidents.
Il semble bien que les sentiments oedipiens excessifs aboutissent simultanément par deux voies opposées à ce même résultat : l'inhibition de l'amour. D'une part, le sentiment est trop fortement fixé à une personne de la famille (père ou frère chez une fille ; mère ou sour chez un garçon) pour pouvoir s'en détacher aisément ; d'autre part, ce sentiment est frappé par un certain refoulement (tabou de l'inceste) qui se généralise indûment à tout autre amour. Ainsi donc, aussi bien par sa force propre que par le refoulement auquel il est en butte, l'attachement oedipien risque d'entraîner une inhibition plus ou moins prononcée de l'amour : tantôt c'est le seul amour sexuel qui est frappé ; tantôt ce sont, de proche en proche, tous les mouvements de tendresse qui sont enrayés, c' est la sensibilité tout entière qui semble avoir succombé. L'analyse du complexe d'Odipe, surtout lorsqu'elle intervient chez des êtres jeunes, peut corriger brillamment cette situation. Mais pour que cette situation ne se constitue pas, il importe que l'enfant, de bonne heure, détache une partie de son affectivité du cercle familial et commence à aimer d'autres que ses proches.
Ajoutons enfin que, dans l'analyse des sentiments filiaux, il importe d'avoir toujours présente à l'esprit .. : outre les personnages du père et de la mère réels, il faut considérer l'existence d'archétypes du père et de la mère, c'est-à-dire des figures proprement mythiques, issues de 1' « inconscient collectif ». Elles sont, selon les circonstances, diversement projetées par l'enfant sur le père et la mère réels, ou les personnes qui en tiennent lieu, et en modifient l'aspect et la signification à ses yeux dans des proportions diverses, ce qui peut le conduire aux déformations les plus fantastiques.
Lorsque l'enfant, dans ses rêves, ses fantaisies, ses dessins, représente les parents sous la figure de rois et de reines, de dieux et de démons, lorsque la mère prend à ses yeux des traits reconnaissables de la divinité lunaire ou de la sorcière, c'est que le mythe fait son entrée, et que la conduite n'est plus entièrement explicable par les incidents individuels. Il importe aussi que les parents le sachent, pour ne pas s'attribuer, dans un excès de scrupules et une débauche de reproches, des fautes et des erreurs dont ils sont fort innocents, car il s'agit de difficultés et de problèmes simplement humains, indépendants des situations individuelles à la faveur desquelles ils s'activent et s'incarnent sans doute, mais le mythe connaît et met en scène depuis des générations.

III- LA DESTRUCTION

Les tendances sadiques, anales, masochistes

Nous avons déjà rencontré, à propos de la rivalité fraternelle ou oedipienne, certaines poussées hostiles et cruelles de l'enfant. « Cet âge est sans pitié. » Il vaut la peine d'envisager ces tendances pour elles-mêmes, et indépendamment du mobile de rivalité. Elles nous apparaîtront alors, à leur tour, comme le noyau d'un important système.
Dès le début, les poussées cruelles sont nettement associées aux tendances digestives. .. association très primitive.. animale. On tue pour manger, et la volupté de tuer se rattache ainsi à l'instinct de nutrition. On a signalé chez le jeune enfant un stade « cannibalique », ou « sadique-buccal » que résume assez bien l'acte de mordre, et où les poussées cruelles demeurent liées à une excitation de la bouche. P.31

D'ordinaire, la première enfance passée, la cruauté demeure liée aux fonctions digestives, mais la zone buccale perd de son importance au profit de la zone anale, la mastication au profit de la défécation. .. forte association.. qui forme le noyau du complexe « sadique- anal » de Freud. . au cours de l'enfance les tendances cruelles s'activent au même stade où la région anale devient une zone d'excitation. .. analogie . destruction. Les poussées sadiques tendent à abîmer et à détruire et la digestion, de son côté, abîme et détruit ce qu'elle touche. L'expression de destruction que j'ai été amené à employer pour désigner ce complexe, me paraît assez naturelle. .
Ce terme s'impose notamment lorsque l'on considère certains retentissements de ce complexe sur la conduite, où se multiplient les gestes qui gâchent, et plus tard sur l'esprit, qui pourra prendre une tournure plus ou moins critique, négative, destructive, « méphistophélique ». . P.33
. Il est fréquent de voir l'hostilité cruelle à l'égard des frères et sours se transférer sur des animaux. .. Des déplacements plus subtils sont possibles. Ex. piétiner rageusement un plant de jeune blé, qui sortait de terre.
Il n'est pas possible de s'aventurer bien loin dans l'étude du « sadisme » sans rencontrer sa contrepartie, le
« masochisme ». Le désir de souffrir voisine avec celui de faire souffrir. Comme il arrive en bien d'autres occasions dans la vie des instincts, la tendance active et la tendance passive se tiennent de près, sont facilement interchangeables et basculent pour ainsi dire entre elles.
(cas clin.)
Des combinaisons variées apparaissent entre la tendance active et la tendance passive. Ex. clin. .. si on le gronde, il s'enfuit, le dos courbé, avec un sourire, et l'air sournois. Cette expression, dépourvue de franchise, paraît trahir souvent l'état d'un enfant qui n'est pas au clair avec lui-même, et qui demeure « ambivalent », entre deux tendances opposées (ainsi sadique et masochiste). Dans l'attitude sournoise, il y a quelque chose de la honte, et celle-ci a pu être à son tour interprétée comme un état de suspens entre la colère et la peur, entre l'agression et la fuite.
(cas clin.)
Il est facile de prévoir que chez l'enfant, les troubles digestifs, qui sont d'origine nerveuse plus souvent qu'on ne pense, sont en rapport avec le complexe que nous étudions. Cela est vrai de maintes diarrhées, constipations, entérites, d'ailleurs peuvent s'installer et subsister jusqu'à l'âge adulte.
La constipation, notamment, résulte souvent d'une habitude, prise en vertu d'une excitation agréable que l'enfant éprouve dans la zone anale, en retenant les matières ; (D'ailleurs, inversement, cette sorte d'excitation peut être activée, dans la petite enfance, par des troubles purement somatiques : entérite, hémorroïdes, vers intestinaux, etc., qui se trouvent ainsi prédisposer l'enfant au complexe anal. Il y a réciprocité d'action entre les troubles et le complexe, et i est parfois difficile de dire où est la cause ou l'effet, où commence le nerveux et finit le somatique.) elle est en rapport aussi avec les réactions de l'enfant au devoir qui lui est imposé d'être propre : et ce devoir, si l'on y réfléchit bien, représente son premier contact avec l'obligation, avec la contrainte sociale. Il y a souvent dans la constipation une rébellion : l'enfant consent à être propre comme on l'exige, mais se venge en n'accomplissant l'acte d'excrétion qu'à son heure. Il y a, dès ce moment, une relation très apparente entre constipation et entêtement, et ce n'est pas un hasard si le langage est tombé sur l'expression de « constipation opiniâtre ».
Les différentes tendances sadiques-anales sont susceptibles de corrections plus ou moins heureuses. Il en est de spontanées que l'éducateur peut diriger ou inciter.
L'intérêt infantile pour les excréments se déplace assez naturellement sur la boue, la terre, et d'autres substances, comme on l'a dit élégamment, toujours plus « déshydratées ». On peut orienter cette série de transferts, sans toutefois la brusquer.
(cas clin. P.36) . l'intérêt de cet enfant pour la boue se rattachait à un intérêt primitif pour les produits de la digestion. L'intervention un peu trop brusque de la gouvernante avait déterminé un refoulement, et une régression aux satisfactions plus primitives, représentées justement par les troubles digestifs. Quant ensuite on permet à l'enfant de suivre sa propre voie de sublimation, il est délivré de tout sentiment de culpabilité, et la sublimation réussit. C'est celle que l'on a pu mettre maintes fois déjà en évidence dans la genèse d'une vocation pour les arts plastiques.
..l'intervention de l'éducateur demeure affaire de doigté, et l'on ne saurait conseiller une règle fixe pour tous les cas. .. un autre exemple. l'intérêt pour la glaise représentait plutôt une régression qu'une sublimation. (c'est-à-dire que cette activité était absorbée par le complexe digestif au lieu de le tirer à elle. Il est souvent délicat de déterminer lequel de ces deux mécanisme est en jeu.) .. plus l'institutrice encourageait l'enfant à jouer avec l'argile, plus le comportement devenait infantile. Il fallut, dans ce cas, introduire graduellement des matériaux plus durs, qui, par ailleurs, permettaient à l'enfant de se mêler davantage aux jeux de ses camarades.
Ces déplacements progressifs, qui vont des substances molles et sales aux substances dures, sont bien intéressants à suivre. .. Ils pourront aboutir à un intérêt pour les cailloux, pour la monnaie. L'économie, l'avarice (souvent apparentées à la constipation), l'amour pour les collections, les classifications, sont des traits que l'on a pu rattacher de la sorte au « type anal ».
Le même type comporte aussi de tout autres traits : notamment une propreté extrême, un ordre méticuleux, (on a même distingué comme caractérisant le développement normal de l'enfant deux phases «anales » à la suite des deux phases « buccales », à la première phase anale, l'enfant se complaît dans la liberté de ses excrétions ; à la seconde, il s'intéresse à retenir et il adopte sa première morale, désignée comme « morale des sphincters ».) curieuses formations de compromis entre, d'une part, un effort pour surmonter, pour « surcompenser » les tendances à salir et à gâcher, et, d'autre part, la conservation de cet entêtement, qui paraît lié, dès le début, au complexe anal. Il est curieux d'observer un enfant au moment où se forme en lui ce compromis. . un enfant rabroué risque de tout planter là, et de revenir sans plus à ses habitudes de saleté et de désordre. Il est d'ailleurs assez naturel qu'il ait, dans cette période transitoire, des alternatives de saleté et de propreté, d'ordre et de désordre, et se montre aussi extrême dans un sens que dans l'autre.
Cette période semble propice à l'acquisition de diverses « manies »: rites de l'habillage et du déshabillage, tics, répétitions d'actes inutiles, pédantisme, habitude de compter les planches du parquet (arithmomanie), etc. Ces manifestations chez un enfant, lorsqu'elles sont très marquées, laissent présager un terrain favorable, plus tard, à l'éclosion d'une névrose d'obsession. L'analyse de cette forme de névrose a montré qu'elle est régulièrement en rapport avec une activation du complexe de destruction. Dans les cas sévères, le malade a lui-même le sentiment qu'il est poussé à gâcher, malgré lui, sa vie, son travail, enfin à se détruire soi-même petit à petit, et que ses obsessions sont l'instrument par lequel il travaille à cette destruction. ..
Pour ce qui est des tendances cruelles, il arrive que l'enfant les surmonte en utilisant le mécanisme de bascule que nous avons déjà observé : bref, en transformant le « sadisme » en «masochisme ». Mais cela ne suffit pas à résoudre le problème ; il faut encore que ce désir de souffrir se sublime, autrement dit qu'il cesse d'être « de l'art pour l'art » - une recherche de la souffrance gratuite - mais qu'il s'attache à des buts raisonnables : la maîtrise de soi, l'ascétisme. Cette sublimation est d'ailleurs délicate et a facilement des ratés. ..
Ajoutons enfin qu'il peut y avoir dans la lutte contre les tendances cruelles, comme tout à l'heure dans la conversion de la saleté en propreté méticuleuse, « surcompensation ». . « Les enfants les plus égoïstes peuvent donner des citoyens charitables au plus haut degré et capables de grands sacrifices ; la plupart des apôtres de la pitié, des philanthropes, des protecteurs animaux, ont fait preuve, dans l'enfance, de penchants sadiques et se sont distingués par leur cruauté envers les animaux. » (Freud)

IV. LE SPECTACLE ET LE MYSTÈRE
Montrer. Cacher. Voir. Savoir. Le problème de l'éducation sexuelle
Cas clinique d'Ilona p.38 . être regardée était synonyme d'être aimée. .
Selon une association très commune, le plaisir de se montrer voisine.. avec celui de voir. .
. principales composantes du complexe que j'ai appelé spectaculaire: plaisir d'être vu, plaisir de voir, coquetterie, coloration sexuelle de ces jouissances, ébauche d'une sublimation dans le spectacle théâtral, dans le discours public. : Les inexactitudes morales de l'enfant, surtout ses mensonges, étaient par ailleurs en rapport avec ce complexe. Les tendances de se montrer et de se cacher sont étroitement solidaires ; la seconde s'éveille souvent à la répression de la première. Dans l'amour des fards, comme dans le déguisement scénique, nous avons des « formations de compromis » où ces deux tendances contraires et très proches trouvent à la fois leur compte. Le mensonge, à son tour, est apparenté à la passion des fards, dont La Bruyère a bien su dire que c'était « une espèce de menterie » et qu'il est permis de traiter, sans galanterie, comme un symptôme. P.39
(ex. clin.)
Le terme curiosité est . une tendance que l'on rencontre bien vite dès que l'on touche au complexe spectaculaire. Le plaisir de savoir prolonge tout naturellement celui de voir. La curiosité de l'enfant se porte de très bonne heure sur la conformation des enfants de l'autre sexe, sur le mystère de la naissance. Les interdictions qu'elle rencontre sur cette voie ne l'exaspèrent que de plus belle, la chargent de culpabilité, la bloquent ou la contraignent à se transférer sur d'autres objets.
Cas clinique Isadora p.40 . l'exagération.. tendance, qui confine à la mythomanie , représente - comme l'amour des fards- un savant compromis entre montrer et cacher. . jouer un rôle et se montrer autre. Le « voile » tient dans ses associations une grande place. . le thème de la statue voilée, le malaise du mystère, vibraient encore dans cette antipathie pour une couleur( violet). Dans le désir de l'initiation (cf. Les grands initiés) se trouvait d'ailleurs le thème du voile : « Etre une initiée », c'est savoir ce que d'autres ne savent pas ; c'est voir et cacher ce que l'on voit : nouvelle formation de compromis.
Le mensonge est lié de diverses manières au complexe spectaculaire. Il l'est abord en vertu de l'association montrer-cacher. Dans certains cas . il procède d'une tendance, somme toute, morale, qu'il suffit de mettre au point ; le freinage de la tendance à montrer aurait simplement été trop fort, et la dissimulation ainsi obtenue serait une sorte de pudeur morale excessive. Mais un facteur capital, dans la genèse du mensonge chez l'enfant, c'est le mensonge des parents eux-mêmes ; ce sont surtout leurs réponses évasives ou fausses lorsque l'enfant les interroge sur la sexualité et la naissance. Il faut savoir que l'enfant, même très jeune, n'est jamais tout à fait dupe de ces réponses.
Cas cliniques p.41
Mais les troubles les plus typiques de ce complexe des curiosités interdites sont ceux qui atteignent l'intelligence cf. régression au comportement d'un enfant de 3 ans.. la base de cette régression paraît être le désir qu'il eut d'oublier les connaissances sexuelles acquises, et de jouer l'enfant innocent.
Sans aller jusqu'à ces cas pathologiques, il n'est pas rare de voir ce tabou, qui frappe certaines curiosités, se généraliser par transfert à d'autres branches du savoir, et bloquer plus ou moins le développement intellectuel. Selon les associations voulues par les circonstances .. le blocage porte de préférence sur telle ou telle branche.
. cf. Léonard de Vinci.. tantôt le refoulement des curiosités interdites pousse l'esprit (par transfert), dans d'autres voies de recherche et conditionne les aptitudes intellectuelles et scientifiques les plus hautes ; tantôt le refoulement suit pas à pas le transfert, et ces nouvelles voies sont tour à tour interdites : le développement intellectuel est alors inhibé au lieu d'être favorisé. .
La sublimation réussit le mieux, (JONES) lorsqu'il existe entre l'objet de la tendance sublimée (intérêts intellectuels) et l'objet de la tendance primitive interdite une certaine distance d'association optima. Lorsque cette distance est trop grande, c'est-à-dire lorsque la ressemblance est trop faible, l'intérêt affectif est plus lent à se déplacer ; lorsque la distance est trop petite, le refoulement qui frappe la tendance primitive tend à affecter également la nouvelle tendance, et l'intérêt s'en trouvera inhibé, ce qui donnera les apparences d'une incapacité intellectuelle. . il faut tenir compte aussi, au premier chef, de l'intensité du refoulement, de la violence du sentiment de culpabilité lié au premier objet : plus il est violent, plus il a de chances de se généraliser et de bloquer l'intelligence. .
Ceci nous conduit au problème de l'initiation sexuelle de l'enfant. cas clin. P.42
Le sentiment de culpabilité qui frappe les curiosités interdites est sans doute pour beaucoup dans les inhibitions en vertu desquelles le développement intellectuel est loin de toujours répondre, par la suite, aux belles promesses de ce premier âge. . il faut à tout prix éviter de cultiver le sentiment de culpabilité en répondant brusquement aux questions de l'enfant, en lui en faisant honte, en lui disant qu' « on ne parle pas de cela ». Un second point, c'est que, s'il n'est pas possible de renseigner l'enfant sur tout ce qui touche à la vie sexuelle, il faudrait du moins « ne jamais lui mentir, quel que soit son âge. »
Ce n'est pas une raison pour tomber dans l'exagération des explications prématurées. . la manie qu'ont les enfants de poser des questions sans fin dissimule toujours les curiosités sexuelles.. MORGENSTEIN ..estime sagement que « nous ne rendons aucun service à l'élucidation sexuelle de l'enfant, si nous lui donnons des détails sur la vie sexuelle qu'il ne demande pas encore à savoir et qu'il n'est pas encore capable d'assimiler ». En général, il n'est opportun de parler à l'enfant que lorsqu'il questionne, de répondre strictement à sa question. Cependant « lorsqu'un enfant, arrivé à l'âge de quatre ou cinq ans, ne pose pas spontanément de questions se rapportant aux choses sexuelles, on doit se méfier, car il y a alors tout lieu de soupçonner qu'il a réussi à comprendre, d'après l'attitude des parents, que c'est là un domaine qu'il lui est interdit d'approcher ; il convient alors de prendre des mesures plus actives, en y mettant, bien entendu, tout le tact nécessaire. » JONES
. il appartient aux parents de répondre aux curiosités de l'enfant et de lui inspirer le respect des lois de la nature . il faut éviter d'imposer d'emblée à l'enfant des connaissances sexuelles même saines. P.43
L'expérience montre que les explications sont quelquefois difficilement assimilées par l'enfant ; il paraît les comprendre, mais préfère revenir à ses fantaisies, à ses histoires de choux ou de cigognes, à ses théories propres.
Il y a à cela plusieurs raisons : c'est d'abord une question de stade de développement intellectuel, que l'on rencontre à propos de toute explication en quelque domaine que ce soit (l'enfant répète des lèvres les explications de l'adulte, mais il a les siennes). Il y a une activité autonome de imagination. Ce facteur ne doit pas être sous-estimé.. JUNG.. a étudié la tendance manifestée par des enfants « à en revenir toujours, en dépit des explications qu'on leur fournissait, à quelque explication fantaisiste. Il y a .. une indication de grande importance, qui tendrait à démontrer que l'esprit, abandonné à son essor naturel, éprouve un irrésistible besoin de s'affranchir de la réalité des faits pour se constituer un monde à lui. Autant il parait dangereux de donner à l'enfant des explications fausses., autant il me paraît inopportun d'insister .pour qu'il adopte à tout prix l'explication vraie. »
Cependant d'autres facteurs, d'ordre affectif, peuvent intervenir pour expliquer certains de ces refus. . le tabou, la culpabilité, doit jouer un rôle de premier plan dans ce refus de comprendre ; et ce tabou est généralement cultivé par l'attitude des parents dans les premières années. Lorsque ensuite l'explication franche intervient, l'enfant qui a accepté le tabou, tend à la refuser ; et cela ne prouve pas nécessairement que l'explication vient trop tôt, mais peut-être qu'elle vient trop tard, après la constitution d'un tabou trop violent. .. cf. « C'est drôle, depuis que vous me parlez de cela, c'est comme si je ne comprenais pas, comme si je ne pouvais pas écouter », ce qui est une jolie expression du tabou. .
En tout état de cause, il semble que l'on n'ait qu'à gagner en ne faisant jamais aucun mystère de la différence anatomique des sexes, en évitant tous les sous-entendus à ce sujet, et en informant l'enfant, même très jeune, du rôle de la mère. Les questions sur le rôle du père sont en général beaucoup plus tardives. . A partir de la puberté, c'est bien tard ; l'explication est moins facile qu'avant, car elle risque de provoquer une excitation génésique qui n'a pas lieu chez l'enfant plus jeune. .
L'éducation sexuelle donnée par les parents ne peut être pleinement valable que si ces derniers ont eux-mêmes, intérieurement, une attitude tout à fait libre et claire à l'égard de ces questions, et c'est loin d'être toujours le cas.
.Ces transferts (sur d'autres branches du savoir ) demeureront inévitables, car les réponses les plus sincères ne satisferont jamais la curiosité de l'enfant. L'on sait que tout fait intellectuel ne se conçoit qu'en fonction de l'activité. « Comprendre, c'est savoir fabriquer » (JANET) . il faut que l'explication, sous peine d'être inutile, fasse une place au plaisir, à la caresse, à la joie de l'amour. .. Ce qu'il y a derrière toute curiosité, ce n'est pas seulement le désir de savoir, mais le désir de faire ; derrière la curiosité sexuelle de l'enfant, il y a incontestablement le désir de participer à la vie sexuelle de l'adulte. Et comme cela est en tous points impossible, un élément d'insatisfaction demeurera, très suffisant pour provoquer des transferts et des sublimations. Au contraire, lorsque l'on n'a pas répondu à la curiosité de l'enfant, c'est alors qu'il risquera le plus de succomber -pour s'informer- à des expériences sexuelles précoces et perverses.
De même qu'on ne peut pas satisfaire, absolument, la curiosité de l'enfant, il semble bien qu'on ne puisse pas davantage lever entièrement le tabou et la culpabilité qui affectent cette curiosité et qui, comme d'autres tabous, paraissent .. innés, héréditaires. Mais ce qu'on est en droit de se proposer, c'est d'alléger, au lieu de cultiver comme on le fait, le sentiment de culpabilité.
. les théories sexuelles fantaisistes apparaissent spontanément dans l'esprit du jeune enfant ; .. nous touchons ici encore, à cet « inconscient collectif ». Ces théories, qu'il faut seulement éviter de renforcer artificiellement en refusant à l'enfant les explications qu'il demande. les unes concernent la différence des sexes, et forment le noyau du complexe de mutilation, les autres concernent l'origine de l'enfant, et nous introduisent dans le complexe de la naissance. P.46

DEUXIEME PARTIE : COMPLEXE DU MOI

I. LA MUTILATION
supériorité. Infériorité. Culpabilité. Le problème de l'onanisme
Une théorie infantile.. est celle qui interprète la différence anatomique du petit garçon et de la petite fille comme le résultat d'une mutilation de celle-ci. . Le garçon est généralement fier de ce qui lui apparaît comme une supériorité et qui se condense bientôt dans son esprit avec toutes les autres supériorités attribuées à tort ou à raison à son sexe ; la petite fille est humiliée dans les mêmes proportions, et réagit . (complexe de Diane).
. les réactions adoptées par chaque enfant devant cette comparaison, autrement dit la forme que prend chez lui le « complexe de castration » se répète.. et entretient ainsi des rapports avec un type assez bien déterminé de caractère. Car virilité forme symbole avec la force, la puissance, la tête, le nom propre, la personnalité, l'affirmation de soi, la supériorité sous toutes ses formes ; tandis que la mutilation (inconsciemment assimilée à la féminité) forme symbole avec la faiblesse, l'infériorité, la mort, la décapitation, enfin le châtiment. Cette dernière association est confirmée par la parenté étymologique de châtier et de châtrer qui procèdent tous deux du latin castrare. Plus curieuse encore est peut-être l'analogie des mots couper et coupable, qui procèdent, au contraire, de sources étymologiques différentes, et dont les formes analogues exercent l'une sur l'autre une contamination inconsciente réciproque. (il existe d'autres exemples : ainsi mer et mère.) Car, pour l'inconscient, il est tout à fait rigoureux de dire que , « coupable » signifie « digne d'être coupé » .
. C'est, avec le complexe d'Odipe, l'un des deux complexes fondamentaux de FREUD. C'est lui .. qu'ADLER a mis au centre de son système sous les noms de « sentiment d'infériorité » et de « protestation virile ».
. « . Du moment qu'il y a complexe, il y a par définition plusieurs composantes ; le complexe n'existe que par cette pluralité. .. Le complexe consiste dans le groupement de ces éléments disparates, et non dans la représentation de l'un d'entre eux par les autres. C'est pourquoi il sera toujours préférable de désigner le complexe par un terme lui-même synthétique, qui pond à la pluralité des composantes. Ainsi, le terme de mutilation me paraît préférable au terme strictement sexuel de castration comme au terme trop abstrait d'infériorité. » (Psychanalyse de l'art ; C. Baudouin)
Les souvenirs sur la comparaison infantile.. souvent.. se dissimulent derrière des souvenirs-écrans, c'est-à-dire des souvenirs de scènes qui présentent quelque analogie avec celles qui sont oubliées (refoulées), et celles-ci ne sont trouvées qu'au cours de l'analyse, au moyen d'associations d'idées faites à partir du souvenir-écran. . Parfois, l'écran n'est pas même un souvenir ; il se présente simplement comme symptôme, ou comme association.
.
Les craintes de mutilation, chez le garçon, apparaissent très souvent comme des craintes de châtiment. Et c'est là un système qui vibre avec une force particulière lorsque l'onanisme est en cause. .. l'onanisme est perçu par l'enfant comme la faute par excellence, et .. appelle automatiquement le châtiment par excellence : la suppression de l'organe qui a été occasion de péché.. Le petit garçon craint que l'organe qu'il possède ne lui soit enlevé ; la petite fille pense qu'il lui a été enlevé parce qu'elle a fauté, ou qu'il ne pousse pas parce qu'elle l'a abîmé en le touchant. Par ailleurs, ce désastre symbolise avec la perte de toutes les supériorités associées à la virilité, et selon le cas, la crainte porte de préférence sur telle ou telle de ces supériorités. Souvent la perte redoutée est réalisée sous forme de symptôme.
Cf. rêves cas clin. de ZULLIGER
- Je lève le pouce gauche avec la main droite ; le pouce devient tout rouge et enflé ; ensuite il se fend et un ver blanc en sort ; ensuite je peux replier mon pouce. »
- Je suis dans une gare ; je porte une scie et des planches qui sont liées avec une corde ( La ligature apparaît souvent dans ce système d'idées, à la fois comme châtiment du péché, (puissance équivalente à la mutilation,) et comme protection contre lui (lier les mains, etc.)) ; tout à coup je me coupe la jambe gauche avec la scie, cela ne me fait pas mal. » Les associations obtenues à partir de ces rêves montrèrent clairement que l'enfant luttait à ce moment contre l'onanisme, dont l'analyste l'aida à se délivrer. Ses troubles étaient en rapport avec ce conflit. A ce sujet, nous remarquerons que la distraction, la dispersion de l'esprit est souvent conçue consciemment comme un équivalent de la mutilation. .. la concentration est associée à « entier », et la dispersion à « mutilé ». (C'est le mythe d'Osiris coupé en morceaux)
. La crainte que cette pratique ne soit suivie d'une perte irréparable de la force vitale n'est en somme qu'une autre expression de la crainte d'un châtiment par mutilation. Cette crainte qui n'est pas raisonnée, mais instinctive, risque d'être plutôt nocive et ne doit pas être cultivée. Lorsqu'un enfant s'adonne à de « mauvaises habitudes » il ne faut pas lui faire croire, ni lui laisser croire, qu'il a succombé au plus exceptionnel et au plus monstrueux des péchés, et qu'il est un enfant perdu : il n'a que trop de propension à l'imaginer. Il vaut infiniment mieux lui parler loyalement et simplement, sans faire vibrer la corde - si sensible en ce point - de la culpabilité. .. cette manifestation est extrêmement fréquente la puberté et .. elle ne devient un réel danger que si elle s'installe en habitude irrésistible. .
.. avant l'onanisme proprement dit, qui apparaît la puberté, s'est manifesté chez le jeune enfant une sorte d'onanisme larvé, dit « onanisme infantile » qui paraît être, quant à lui, tout à fait général. .. deux périodes de prédilection distinctes : la première se fait jour à l'âge du nourrisson, en même temps que la succion du pouce et d'autres « tripotages »; la seconde, beaucoup plus importante, apparaît vers 3-4 ans, parfois un peu avant, et semble disparaître normalement vers 6-7 ans, au moment où Freud place le refoulement le plus radical de la « sexualité infantile » et le début de la « période de latence » qui va jusqu'à la puberté. Or, c'est à l'occasion de l'onanisme infantile de la seconde phase (donc entre 3 et 6 ans) que se constitue .. la crainte de la castration. Lors de la puberté, c'est cet ancien système qui se réveille ; mais alors la crainte d'autrefois se déplace et prend une forme plus savante (crainte de perdre ses forces, de ne plus grandir, de mourir, d'être moralement perdu). .
la propension qu'a l'enfant (en vertu sans doute d'un mécanisme primitif et héréditaire) à interpréter toute sévérité sur ce point comme une menace de castration, menace qui réveille, dans le primitif, les pires terreurs et les pires angoisses qui soient. On gagne .. à remplacer, dès cet âge tendre, la sévérité par l'explication. . Ainsi le mensonge, que nous avons pu rattacher, dans bien des cas, aux curiosités interdites, paraît souvent dépendre pour une bonne part, de l'habitude prise par l'enfant de cacher l'onanisme auquel il continue à se livrer après de sévères interdictions. P.51
. ADLER a beaucoup parlé de ces efforts vers la supériorité, de ce « désir d'être premier » qui joue, en effet, chez les enfants, un rôle facile à mettre en évidence. La lutte pour être le premier commence dès la petite enfance. .. Cette passion s'exaspère volontiers chez les enfants nerveux. ..Tantôt les enfants réalisent ce désir dans leurs rêves de plein jour, d'autres travaillent effectivement pour tenir les plus hautes notes, mais ne peuvent prendre part aux examens, de peur de n'être pas les premiers : ils tombent malades au dernier moment.
Nous touchons ici à un fait digne d'intérêt : c'est que le vif désir d'être le premier se double d'une crainte extrême de ne l'être pas. Désir de supériorité et sentiment d'infériorité sont solidaires, et celui-là .. est surtout une réaction contre celui-ci. L'un s'exaspère quand l'autre s'accuse davantage, et c'est là une situation bien caractéristique de la névrose- On sait que, pour Adler, ce serait même la situation par excellence sur laquelle se développe la névrose. Le désir de supériorité - qui peut d'ailleurs aboutir, finalement, à une supériorité réelle- serait alors, avant tout, compensateur, et procéderait de ces recherches de sécurité.
Le sentiment d'infériorité, à son tour, se rattache à une infériorité réelle de te1 ou tel organe : infériorité dont l'enfant s'est senti humilié. Adler a montré que le désir de supériorité se greffe, dans chaque cas particulier, sur ce défaut de la cuirasse, et que l'enfant veut d'abord compenser cette infériorité bien définie. Le bègue se rêve orateur (compensation) et s'il s'appelle Démosthène, il le devient (surcompensation ).
Mais si l'on veut bien y prendre garde, les infériorités organiques qui frappent l'enfant et l'humilient, ne sont pas toujours les plus sérieuses. Il s'agit très souvent d'un petit détail superficiel (à peine remarqué par autrui).. on trouve avec une grande fréquence que le sentiment qu'a l'enfant de ce petit défaut symbolise avec une constatation qu'il a faite aussi a propos de l'organe génital. .
Il est d'ailleurs digne de remarque que, selon un jeu de l'association par contraste, le motif « un peu trop » ou « un peu trop long », est traité par l'inconscient comme équivalent du motif « un peu trop peu » ou « un peu trop court ». cf. cheveux coupés.. Couper est une mutilation ; mais avoir les cheveux courts, comme l'homme, c'est corriger la mutilation primitive que l'on éprouve du seul fait d'être femme.
.. équivalence de deux situations opposées.. association par contraste.. association « d'idées » est comme toutes les autres une association de tendances.. l'association par contraste décèle la présence du mécanisme que j'ai appelé réversion, c'est-à-dire du jeu de bascule entre deux tendances opposées .. le complexe de mutilation nous présente des tendances singulièrement sujettes à la réversion. Et c'est ce qui expliquerait .. la remarquable solidarité des sentiments de supériorité et l'infériorité, que l'on trouve toujours côte à côte chez le même sujet, qui s'exaspèrent simultanément, de telle sorte que la timidité est toujours pleine d'orgueil, que d'autre part il y a, comme se plaît à le dire Bergson « beaucoup de modestie au fond de la vanité ».
. le lien entre le sentiment d'infériorité et les craintes (ou désirs) de mutilation est de ceux qui se confirment sans cesse. .. Le travail fécond de l'analyse est celui qui met en relation les éléments formant complexe, et qui fait prendre conscience au sujet de leur continuité, sans plus. Or, ce que nous pouvons affirmer, c'est la remarquable continuité qui existe, dans tous les cas, entre diverses « mutilations » qui s'échelonnent de la castration propre au sentiment le plus abstrait d'infériorité. .
Nous pouvons donc tenir pour acquis l'existence de ce curieux et important système symbolique, selon lequel castration, mutilation, châtiment, infériorité sont des termes interchangeables et inconsciemment tenus pour équivalents. .. un sentiment conscient d'infériorité recouvre généralement un sentiment inconscient de culpabilité. Il importe d'analyser celui-ci pour alléger celui-là. En outre, le pont entre les deux est formé par les idées de mutilation.

II. DIANE
Préférez-vous être fille ou garçon ?
. la fillette voudrait voir le garçon privé des attributs de la virilité, tandis qu'elle rêve de les posséder elle-même.
Certes, ce serait beaucoup trop simple de ramener à la seule « envie du pénis » .. le système qui va nous occuper. Mais il est certain qu'il est des petites filles chez qui cette « envie » est au premier plan. .
.. la petite fille qui constate que « cela ne pousse pas », voit très facilement dans cette atrophie une conséquence de l'onanisme infantile, et .. le sentiment de culpabilité est ainsi déjà en cause : ce qui intensifie situation.
En général, la fillette, toute petite, ne désespère pas que ce soit possible de devenir un garçon. . Plus tard, lorsque la petite fille doit se résigner à l'inévitable, elle continue inconsciemment de rechercher toutes sortes d'équivalents de la virilité. C'est dans le langage d'Adler, la forme typique de la « protestation virile » chez la femme ; dans la terminologie freudienne, c'est 1' « homosexualité psychique » de la femme. C'est cette même réaction, si caractéristique de la psychologie féminine, que MARIE BONAPARTE désigne comme « complexe de virilité » de la femme, que j'ai pris l'habitude de désigner sous le nom de complexe de Diane. P.57
Cf. enquête dans les écoles.
.. du point de vue de l'inconscient ce dernier argument ( Cette signification de la robe souillée ou déchirée n'est pas seulement fréquente dans les rêves. On la retrouve dans les légendes. Cf. Tristan et Iseult. ) est le bon. Il recouvre.. celui de la défloration qui, à son tour, réveille inévitablement le motif infantile de la castration. . motif inconscient du même complexe.. qui traitent de la « liberté » ou de la « gêne » - entendue tantôt au sens moral, tantôt au sens physique. La gêne, le mouvement entravé, sont, en effet, étroitement associés au motif de la ligature, où nous avons signalé, en son lieu, un équivalent de la mutilation. Les autres arguments représentent des élaborations conscientes plus poussées et plus variées.
. la femme ou la fillette, qui était sous le coup du complexe de Diane, trouve fréquemment une compensation à la mutilation dans l'idée de l'enfant qu'elle a ou qu'elle peut avoir. . « équivalence inconsciente du pénis et de l'enfant ». Plus largement, la fillette, puis la femme, est capable de trouver dans l'idée de l'enfant une compensation à toutes les infériorités qu'elle attribue à son sexe, et qui symbolisent, comme nous l'avons vu, avec la mutilation. C'est pourquoi la fillette qui voulait être un garçon peut renoncer à ce désir après avoir pris conscience de son rôle maternel.
. « La crise sexuelle prépubère s'est trouvée avantager la notion de mère créatrice. » .. C'est elle, au premier chef, qui paraît avoir réconcilié les fillettes avec leur sort : .. conforme au schéma psychanalytique, qui pose l'équivalence et de la virilité et de l'enfant .
.. S'il est vrai que la fillette peut trouver dans l'idée de l'enfant une compensation, la plus simple et la plus naturelle, à son infériorité présumée, il n'en est pas moins vrai que la maternité, ses douleurs, ses servitudes peuvent lui apparaître au contraire comme un nouvel aspect de la disgrâce de son sexe. Lequel des deux points de vue l'emportera ?. Si c'est le second, complexe de Diane, loin de trouver dans l'idée de la maternité sa correction, s'alimente au contraire de plus belle à cette idée.
La crainte de la maternité peut être cultivée par l'attitude des parents. P.61
. Cette crainte, qui ne fait qu'un, chez bien des jeunes filles et bien des femmes, avec la fuite de la féminité, est en tout cas un signe classique d'un fort complexe de Diane non résolu. Parfois, un seul et même refus est opposé à l'enfant et au manage, comme à deux aspects d'une même servitude humiliante. .
Parmi les traits de caractère et de comportement qui révèlent, dès l'enfance, un fort complexe de Diane chez la petite fille, il faut relever, au premier chef, les allures « garçon », le goût de l'indépendance, avec souvent une certaine obstination. .
Ce motif de la protection contre l'homme se rencontre souvent, en rapport avec le complexe de Diane. Il peut prendre diverses formes. Parfois, l'on dirait que la jeune fille recherche dans sa propre virilité une protection contre l'homme. . ex. rêve : une fillette rêve qu'elle se promène avec un ami masculin ; elle voit arriver un camion chargé de méchants hommes, est prise de peur, et se replie vers l'ami pour qu'il la protège. .. l'ami masculin, c'est la virilité que la fillette s'efforce de développer en elle-même, et où elle trouve une protection contre l'homme. ..
Il est naturel que le motif de la protection s'exaspère, lorsque la fillette a été l'objet d'une agression réelle. .
Il serait bien intéressant de suivre, au cours du développement de la fillette et de la jeune fille, l'évolution de cette « imago » du protecteur. Il arrive assez normalement qu'après avoir cherché en elle-même, dans la culture de sa propre virilité, ce protecteur, la jeune fille réussisse à le projeter en dehors sur la personne d'un ami d'élection. Ce mouvement doit pouvoir être souvent décelé, à l'origine de l'amour de la jeune fille. Il peut assurer une résolution assez heureuse du complexe. Il joue peut-être un grand rôle dans la genèse psychologique de la famille monogame.
.. on conçoit néanmoins sans peine que ce complexe puisse se traduire par des tendances homosexuelles plus ou moins latentes, ou renforcer ces tendances. La peur de l'homme, d'une part, et d'autre part le désir inconscient de jouer le rôle viril, incitent l'adolescente à se prendre de passion pour des personnages féminins. . P.63
. Un moment vient où les adolescentes pressentent le danger de ces « flammes » d'où la sensualité n'est pas absente. .. cf. rêve que Mme X. tient une gerbe de très belles fleurs ; elle les jette à terre, une à une, et au fur et à mesure qu'elles touchent le sol elles se transforment en flammes. Fascinée d'abord par le miracle, la jeune fille se voit tout à coup entourée de flammes et se réveille angoissée.
De fait, si les « flammes » ne brûlent pas toujours, et sont même souvent anodines, elles peuvent aussi présager des attachements homosexuels véritables. La plus grande fréquence de l'homosexualité chez la femme s'explique assez facilement par le complexe de Diane. Elle répète, .. chez la fille, du désir de changer de sexe. ..
L'inhibition sexuelle (frigidité), beaucoup plus fréquente elle aussi chez la femme que chez l'homme, se rattache d'ordinaire au même système. On a dit que la frigidité exprime une homosexualité latente ; il serait peut-être plus juste de dire que ces deux phénomènes procèdent d'une source commune.
Lorsque le complexe de Diane ne se résout pas dès l'adolescence par les voies les plus simples : amour « protecteur » et désir de l'enfant, et que, d'autre part, il n'aboutit pas à la perversion homosexuelle, la névrose demeure l'issue la plus proche. Cette névrose peut prendre des aspects variés. l'une des idées fondamentales qu'elle exprime est celle d'une incomplétude irréparable, la même idée qu'exprime, à sa manière, légende du tonneau percé des Danaïdes, impossible à remplir. cf. cas d' ADLER, nous voyons une fillette dont l'idéal est d'abord de tout supporter comme un « indien », puis de devenir comme Jeanne d'Arc ; plus tard, elle refuse le mariage, et à ce moment, ne peut mener à bien aucun travail ; il y a notamment un travail à l'aiguille qu'elle doit toujours défaire à nouveau ; les associations montrent qu'elle était dominée alors par le mythe de Pénélope - autre Danaïde - qui défait chaque nuit son travail du jour, pour écarter les prétendants. Ces rencontres avec le mythe décèlent toujours la présence d'une situation très générale, ancrée dans 1' « inconscient collectif ».
. cette situation. demeure.. susceptible de corrections. La jeune fille peut trouver celles-ci sur la voie de la sublimation, dans certaines activités qui, dans le milieu où elle vit, sont plutôt réservées aux hommes, ainsi, selon les cas, dans l'étude du latin, de la médecine, dans les sports, dans l'enrôlement parmi les « éclaireuses ». . Une activité déployée en faveur du féminisme est, pour un certain nombre de femmes, une solution plus ou moins heureuse. Cette activité, qui côtoie parfois la névrose, s'élève dans d'autres cas à une véritable sublimation. Il est possible que cette activité, issue du complexe de Diane, tende à corriger en fait certaines des conditions sociales qui l'aggravent. ADLER estime, en effet, que la réelle mise en infériorité des femmes, dans notre société, entretient chez elles la « protestation virile » et est responsable, pour une bonne part, des névroses auxquelles elles succombent.
. Les cas où il (complexe de Diane) est le plus marqué ne sont pas toujours ceux où il est le plus conscient. Il peut être, en effet, frappé de culpabilité, soit qu'on ait inspiré à la fillette la honte de ces allures garçon, qui chez une fille sont facilement taxées d'inconvenance, soit que les poussées homosexuelles aient apparu au premier plan, soit enfin que l'enfant ait pris l'habitude de voir dans ses désirs de virilité et d'indépendance un équivalent et un symbole du défendu, de tout ce qui est contraire à la norme. Ainsi, les aspects les plus nets du complexe peuvent succomber au refoulement, se dissimuler sous une attitude opposée, et ne se faire jour que sous des déguisement. .. « Quel animal voudriez-vous être ? » elle répond sans hésiter : « un cerf », et justifie sa réponse par le motif classique de la liberté d'allures. Outre que le cerf a été décrit comme un symbole phallique, c'est un animal qui nous ramène, d'un bond, en plein mythe de Diane. P.65

III. LA NAISSANCE
Théories infantiles. La seconde naissance. Explication et compensation.
L'enfant devine ou apprend à l'ordinaire de très bonne heure que c'est la mère qui donne la vie ; mais, comme sur la différence des sexes, l'enfant professe, sur les naissances, des théories de sa façon. Le rôle du père lui échappe ; le rôle des organes génitaux également. Les théories infantiles courantes obvient comme elles peuvent à cette double déficience. La plupart font intervenir l'appareil digestif. . Organes d'excrétion et organes génitaux sont volontiers confondus en un seul « cloaque ». . Ces théories .. sont le plus souvent oubliées par la suite, ou mieux, refoulées. .
. de très bonne heure, les divers grands mystères, les diverses questions d'origine et de cause, s'associent au mystère de la naissance. Cette association demeure toujours. L'être répète ensuite à l'égard des problèmes métaphysiques les réactions qui ont été les siennes à l'égard du problème de la naissance. Ce passage à la métaphysique se fait d'ailleurs, lui aussi, de très bonne heure. . « Qu'est-ce qu'il y avait quand il n'y avait rien ? » (idem à 6 ans : « avant, il n'y avait rien et ce rien était Dieu » , « Normalement nous devrions pouvoir par notre énergie à la fin de notre vie nous transformer en lumière plutôt que de mourir. C'est à ça que je dois arriver. »)
. On ne peut parler bien longtemps du complexe de la naissance sans toucher à l'angoisse. . Des questions sur la naissance, déjà anxieuses par elles-mêmes, on passe insensiblement à ces rêves, à ces fantaisies, où le sujet se voit dans un endroit clos qui est une représentation plus ou moins fidèle du sein maternel, et doit en sortir par un passage étroit et difficile, ce qui est régulièrement accompagné d'angoisse. .. C'est un fait que l'enfant qui naît .. présente précisément les symptômes physiologiques de la crise d'angoisse. RANK .. attribue un rôle capital, dans la psychologie de l'inconscient, à un traumatisme effectif de la naissance, tandis que d'autres auteurs verraient plutôt dans les allusions à la naissance - qui se présentent si souvent - une expression symbolique. Quoi qu'il en soit de l'interprétation. naissance et angoisse sont solidement associées. P.69
. « Un rêve qui se répétait souvent lui faisait très peur : il se voyait dans une pièce très vaste où il n'y avait d'autre sortie qu'un tout petit trou par lequel une souris aurait à peine pu passer. Quelquefois la sortie était assez grande, mais dès qu'il s'en approchait elle devenait de plus en plus petite. »
Ce rêve typique, avec des variations, reparaît chez le grand nombre des sujets, dans les diverses situations où ceux-ci éprouvent qu'ils ont à s'arracher à leur vie ancienne pour accepter une vie nouvelle et redoutée. Le sein maternel continue à symboliser avec le refuge, avec la fuite devant la tâche et la vie, tandis que la naissance même, le « passage difficile », la « porte étroite » forme symbole avec l'action, avec l'audace, avec la victoire sur soi-même.
Mieux que dans ses rêves, il est souvent commode d'observer l'enfant dans ses jeux, qui ne laissent pas de présenter avec le rêve de curieuses analogies. Or l'enfant joue communément à construire des abris de terre, des grottes, des souterrains, et à s'y blottir. S'il est permis de voir là des reviviscences de conduites réelles de nos premiers ancêtres, il n'en est pas moins vrai que l'analyse trouve à ces jeux une signification symbolique, tout à fait analogue à celle de rêves qui leur ressemblent : rêves de « naissance » ou au contraire de « refuge », de « retour au sein maternel ». .
Ces deux tendances de refuge d'une part (« retour au sein maternel »), de curiosité d'autre part, tendances dont les rapports ne pouvaient être prévus sur le plan conscient et logique, se révèlent comme associées, forment facilement un tout assez inextricable, dont la naissance est le noyau, et c'est ce qui nous permet de parler d'un complexe.
.
.. les question de l'enfant et ses théories sur la naissance. trois formations distinctes ;
1) les théories infantiles signalées par Freud ;
2)les réponses des adultes ;
3) une élaboration imaginative des théories refoulées.
Ces formations peuvent d'ailleurs se combiner diversement. La troisième.. s'alimente facilement à la seconde :
Certaines réponses des adultes fournissent vraisemblablement à l'enfant le matériel des élaborations imaginatives de ses théories infantiles, auxquelles il n'a pas renoncé, mais qu'il refoule bientôt sous la pression du dégoût, de la pudeur, de la culpabilité, et qui, comme tout système refoulé, seront désormais remplacées dans la conscience par des fantaisies plus acceptables, et quelquefois fort poétiques : la fantaisie de l'ange..
Ces fantaisies relatives à la naissance sont d'ailleurs, comme toute création imaginative, orientées par des désirs. Cf. BARBARA LOW , ces fantaisies ont très nettement deux fonctions, l'une d'explication, l'autre de compensation. Elles ont cela de commun avec les mythes primitifs, de n'être pas seulement des théories satisfaisant une curiosité, mais de satisfaire du même coup d'autres désirs dominants, quitte à s'écarter délibérément pour cela d'une réalité désagréable. Cette double fonction nous permettra de mieux comprendre la signification des deux voies .. le complexe de la naissance groupait une curiosité et une recherche du refuge.
. ces deux aspects que nous allons retrouver dans toute fantaisie de naissance : l'explication d'un mystère, et la compensation à une réalité décevante ou cruelle.
La fantaisie de naissance la plus typique est celle de la seconde naissance, où l'enfant réinvente la mythologie, et vient coïncider avec le mythe de la naissance du héros.. Le désir de renaître, qui se fait jour dans cette fantaisie, suppose celui de corriger la situation actuelle, la vie telle qu'elle est donnée. On retrouve ici le mouvement, que nous connaissons déjà, de retour au sein maternel ; mais ce mouvement est suivi d'un second : la naissance nouvelle pour une existence meilleure, plus belle, plus glorieuse. De nombreuses variations sur ce thème sont possibles, mais, sous les symboles variés, ces deux mouvements successifs sont toujours reconnaissables. Il est d'ailleurs facile de mettre en évidence le caractère compensateur de ces imaginations.
. motifs typiques de 1' « inconscient collectif » : Noël entre autres est un motif évoqué très souvent .. lorsque vibre le complexe de la naissance, soit dans le sens investigateur (mystère de la naissance), soit dans le sens compensateur (nouvelle naissance, naissance merveilleuse). .
On ne saurait croire combien ces sortes de fantaisies sont fréquentes chez les enfants, soit qu'ils se contentent de les imaginer, soit qu'ils leur accordent une certaine créance. Leur fonction compensatrice, consolatrice si l'on veut, s'exerce à l'égard de bien des éléments de la réalité. Elles caressent un rêve d'émancipation de l'autorité parentale, elles répondent (par le motif de la naissance illustre) à la volonté de puissance ; il n'est pas difficile non plus d'y relever .. des poussées oedipiennes : l'élimination du père.
Mais il ne faut jamais oublier que, dans le complexe de la naissance, compensation et explication voisinent toujours. Ces deux facteurs se conjuguent étroitement en ceci, que la fantaisie de la naissance héroïque fournit une correction appréciée aux théories infantiles (naissance anale, etc.) ou aux connaissances réelles présentées d'une manière malpropre. L'enfant cherche à oublier celles-ci sous l'empire du dégoût et de la honte ; alors il leur substitue ces belles fantaisies. .
.
Les fantaisies de naissance peuvent prendre d'autres formes que celle du mythe de la naissance du héros.. mais toujours le souci compensateur s'y trahit.
ADLER signale chez des enfants nés après plusieurs autres une « fiction de primogéniture » dans laquelle ils renversent purement et simplement l'ordre naturel, jouent à l'aîné, et cultivent cette ambition . psychologie des
cadets.
Ce renversement de l'ordre naturel se rencontre, plus énergique, dans d'autres fantaisies bien curieuses .. Il s'agit du « renversement de l'ordre des générations » . . « Quand je serai grande, tu seras petite et. » De proche en proche, l'enfant en vient à imaginer qu'il peut donner la vie à ses parents, qu'il est leur père, leur mère. Il n'y a plus qu'un pas à une identification avec le grand-père ou la grand-mère - auxquels l'enfant fait appel, par ailleurs, contre ses parents. Et cette identification imaginative peut avoir un certain retentissement sur le caractère réel : l'enfant se met à imiter le grand-père ou la grand- mère.
Cette fantaisie peut fort bien se combiner avec les autres fantaisies de naissance. .. cf. cas de cleptomanie .. le symptôme vol, les fantaisies de pays lointains, enfin l'identification au grand-père paraissent bien procéder d'une seule et même source : d'une recherche de compensation chez un enfant qui se croit frustré par ses parents.
.
. accepter le rapprochement de deux sortes d'éléments, les uns appartenant à une région relativement consciente et logique, les autres situés plus avant dans l'inconscient et le primitif, et qui, les uns et les autres, bien que disparates au premier regard, collaborent cependant à la production d'un seul et même fait «surdéterminé »; .. complexe de mutilation, en relevant que les sentiments d'infériorité ..recouvrent .. généralement des fantaisies de castration.. les rapports sont les mêmes entre la recherche de la sécurité et les fantaisies de retour au sein maternel.
Les rapports sont les mêmes encore entre la compensation et les fantaisies de nouvelle naissance. . P.75
..
Rendre l'enfant conscient de sa recherche d'une compensation, et orienter celle-ci dans une direction plus heureuse, peut être suffisant pour obtenir de bons résultats. ..une analyse approfondie.. se développera dans le sens des fantaisies de la seconde naissance, de la naissance héroïque, royale ou divine.

IV. LA PERSONA, L'OMBRE ET LE SOI
Selon l'école de C. G. Jung
. le sujet prend de lui-même, selon les circonstances, des vues diverses, discordantes et par surcroît inégalement affectées de conscience ou d'inconscience. .. les primitifs se reconnaissent volontiers plusieurs âmes, et les cas pathologiques de «dédoublement de la personnalité » peuvent être envisagés .. comme une régression à ce stade. .. ils ne font qu'accumuler une « multiplicité intérieure » que l'analyse met en évidence chez le normal. différentes images, différemment déformées, de lui-même. Parmi ces images, C. G. Jung .. distingue outre le moi ordinaire et pour ainsi dire central :
1)la persona qui est le masque social, le moi se conformant à l'opinion que les autres ont de lui, et s'efforçant de ne pas la trahir ; 2) 1'ombre qui est une sorte de « double » incarnant le refusé, le non-vécu, le refoulé, et qui en certaines circonstances réclame avec insistance satisfaction ; 3) le soi, qui au-delà de ces personnages diversement fragmentaires, maintient la conception d'une personnalité totale les intégrant, les dominant : image à vrai dire plutôt idéale d'un « vrai moi », vers laquelle le moi ordinaire, avec toutes ses infirmités, tend comme vers une « limite ». .. cete multiplicité se présente avec une force particulière chez les primitifs (.. riche imagerie de 1'ombre), .. l'enfant, qui leur ressemble.. est loin de se saisir comme une évidence simple.

MICHAEL FORDHAM . les rapports de la formation d'une persona avec la vie scolaire. . l'éducation donnée par l'école est surtout une éducation de la persona, et ceci marque à la fois sa valeur, sa limite, son danger. L'enfant y apprend à émousser certains angles de sa nature, à se présenter sous des dehors « convenables » et cela est fort nécessaire à l'adaptation sociale. Il est nécessaire d'avoir une persona. Celle-ci, « dans son meilleur sens, est une fonction de relation avec le monde extérieur ».. Mais il y a aussi les cas où la persona prend un développement excessif, devient une pure « formule de vie », incite le sujet à cacher avec habileté tout ce qui en lui est inadapté et « problématique », au lieu de l'élaborer, de sorte qu'il est mal préparé à la vie réelle, à travers laquelle il promène un personnage superficiel, fort aimable peut-être, « charmeur » parfois, mais sans efficace et sans prise. L'enfant que l'on tient, par définition, pour bon élève, bon enfant, enfant bien élevé, etc., et qui accepte cette image de lui-même au point de s'identifier entièrement à elle court le risque, plus tard, de jouer un personnage décevant.
L'écueil de cette identification à la persona serait parfois assez bien défini par le terme de pharisaïsme. Lorsque le « bon enfant », le « bon élève » finit par se sentir comme d'une autre race que les « chahuteurs », les « voyous », les « gosses de la rue », P.77 lorsqu'il est partagé à leur égard entre une envie mal avouée, un mépris sincèrement arboré et une espèce de peur, éprouvant, en tout cas, qu'il ne pourrait en aucune manière être des leurs, on est en droit de craindre qu'il n'ait répudié et refoulé la part asociale et primitive de sa nature, plus qu'il ne l'a élaborée et dominée, si bien que cette part répudiée, dont il ne peut plus du tout prendre conscience directement, se trouve projetée sur ces autres enfants réprouvés et ne lui revient .. que par réflexion à partir d'eux. Il est ainsi à la fois coupé, au dedans, d'une partie de sa propre nature et séparé, au dehors, d'une part d'humanité où elle s'incarne à ses yeux. .
L'inverse peut se produire aussi. L'enfant à qui l'on ne cesse de jeter à la tête qu'il est un méchant enfant, un voyou, peut, la révolte aidant, relever en quelque sorte le défi, et s'identifier à ce que l'on prétend qu'il est ; .. il rencontre quelques-uns de ses semblables, il tend à former bande avec eux, et dans cette bande, il adopte une véritable persona inverse, mais dont les mécanismes ne diffèrent guère de ceux de la persona des « bons » ; elle aussi représente l'adaptation à une société ; elle est un conformisme à rebours, mais un conformisme encore, en vertu duquel l'enfant répudie et refoule toute la part qui serait docile et affectueuse, et qui ne laisse pas d'être réelle, de sorte que l'analyse, ou un éducateur compréhensif, peut fort bien la débloquer.
..la persona est en liaison étroite avec le spectaculaire, puisqu'elle représente à la fois ce qu'on entend montrer de soi-même, et ce par quoi on cache, et l'on se cache, un autre soi-même.

Les éléments refusés dans la construction de la persona sont rejetés dans 1'ombre et viennent peupler et nourrir celle-ci. On conçoit que 1'ombre ou le « double » soit d'autant plus accusé que le sujet s'identifie davantage avec la persona. Plus cette ombre est chargée, plus elle tend à se projeter au dehors . et il semble que ce soit surtout par cette voie indirecte que l'enfant fait la rencontre de son ombre - .. la projection est un des mécanismes de refus les plus primitifs.
.
Jung, en désignant du nom d'ombre ce personnage qui plonge dans le « côté obscur » de l'être, dans l'inconscient, s'est tenu au plus près de l'imagerie spontanée, qui figure volontiers ce personnage soit par l'ombre au sens propre, soit par un être sombre ou franchement noir.
.. rêve d'un garçon au temps de sa puberté, l'apparition du personnage de 1'ombre sous les traits d'un mendiant, qui est « identifié à la nuit » (lorsqu'il est parti, il fait jour tout aussitôt) et qui s'est introduit subrepticement dans la maison.
.. cette fillette qui projette son ombre sur une poupée noire, qu'elle taxe de méchante, traite fort mal, et jette dans les coins. Elle lui attribue sa propre « méchanceté » repudiée, mais cette méchanceté a trait surtout à l'hostilité que la fillette éprouve à ce moment à l'égard d'un petit frère, et s'efforce de surmonter. .. Sur le plan de l'objet, on peut dire que la poupée noire représente le petit frère que le premier mouvement est de dévaloriser, de détester, de rejeter ; sur le plan du sujet, la poupée représente l'hostilité même et la « noirceur » de la fillette, plus largement son « ombre ». Cette double interprétation jungienne est en somme une application.. d'autant plus valable que nous nous trouvons à un niveau où joue la « participation mystique », ce qui est le cas chez l'enfant comme chez le primitif : à ce niveau l'objet et le sujet sont véritablement confondus et c'est par abstraction que nous séparons deux significations qui sont vécues comme une seule. P.79 (cf. rêve du 08-11-00 de Nicole S.)
L'ombre cependant n'existe dans toute sa force qu'en fonction d'un moi clair et conscient. .. jeu des deux poupées ; en face de la méchante poupée noire, il y a le bon Baby, pourvu de toutes les qualités. Mais.. voici que la fillette se met à parer la poupée noire de beaux vêtements, et d'autre part, elle invente un jour que le Baby ne veut pas fermer les yeux quand il faut dormir, ce qui revient à reconnaître en lui le germe de l'indiscipline et de la méchanceté. Ainsi commence à se dessiner une relativité, un équilibre entre les deux principes, un passage de l'un à l'autre, ce qui est d'un pronostic favorable quant à la solution du conflit. Fordham reconnaît là .. la présence d'un archétype, le même qui s'exprime pleinement dans le dessin taoïste du taï-ghi-tou, où les deux principes (yang, yin) sont représentés respectivement par deux surfaces symétriques, blanche et noire. chaque principe contient le germe de son opposé : connaissance qui est donnée par le taoïsme comme le commencement de la sagesse.
Cette figure représente vraiment un archétype ; (..définir très simplement l'archétype, comme un inducteur qui provoque. Chez les différents sujets des associations identiques. Par où il s'avère que l'on touche bien là une structure de l'esprit.)
.. ce système puisse s'activer déjà chez l'enfant.. On voit donc les deux principes blanc et noir se présenter comme respectivement identiques au moi et à 1'ombre, ou peut-être à la persona et à 1'ombre. .
Cette projection de 1'ombre sur la poupée noire significatrice d'autre part du petit frère, dans le cas de Fordham, cette association du moi et de 1'ombre avec les deux principes symétriques, et de ceux-ci avec les jumeaux, voilà autant d'indications qui pourraient nous introduire dans une étude captivante et curieuse : celle des rapports de 1'ombre avec le frère ou la sour. Il y a certainement une tendance chez l'enfant à projeter son ombre sur le frère ou la sour. Il y est induit lorsque.. il s'agit d'un frère ou d'une sour jalousé, refusé ; cela lui est facilité d'autre part lorsqu'il arbore le parti pris affectif de se développer - pour s'affirmer - en sens inverse du frère ou de la sour, notamment du frère ou de la sour qu'on lui donne comme modèle et dont les qualités, de ce fait, l'irritent. A seule fin d'être lui-même et non pas l'autre, il répudie certains traits de caractère et d'intelligence, peut-être très réels en lui aussi, mais qui ont le malheur d'être ceux du frère ou de la sour, ce qui fait que ce dernier devient l'objet tout désigné de la projection d'une ombre, à laquelle il ressemble réellement. Le mécanisme peut d'ailleurs être parfaitement réciproque entre les deux enfants, qui se développent, quant à leur moi, en s'opposant l'un l'autre, en mettant entre eux le plus d'écart possible, et dont chacun est dès lors comme 1'ombre de l'autre, c'est-à-dire garde en lui, à l'état d'éléments réels mais refusés et latents, ce qui s'épanouit chez l'autre, de manière patente ou même agressive. .. « Nous sommes si différents ».. ne se rédui(sen)t pas à la seule rivalité, au seul « complexe de Caïn ».. Ou bien il faudrait dire que le complexe de Caïn ne comporte pas la seule rivalité, mais débouche dans le complexe de 1'ombre, et que Caïn est 1'ombre d'Abel. .. les Jumeaux .. (thème du Masque de fer, frère jumeau, éternellement prisonnier, du roi glorieux).
.. l'apparition de 1'ombre est favorisée par le petit jeu, adopté par certains parents, qui consiste à imaginer que l'enfant, lorsqu'il est « méchant », n'est plus lui-même, mais un autre, auquel on va jusqu'à donner un nom, et que l'enfant est invité à chasser ? Faut-il proscrire ce jeu, de peur de cultiver par là le refoulement et la dissociation ? Il semble plutôt que cette fantaisie, que l'enfant adopte très facilement, est bien dans la ligne de son développement naturel, et qu'en mettant un nom sur l' « autre », on invite plutôt le sujet à en prendre conscience, et à prendre position à son égard. Que cette prise de position soit d'abord de l'ordre du refus, cela est sans doute inévitable ; de même il ne faut pas déplorer les rêves où l'enfant, dans sa lutte pour le perfectionnement, tue, détruit, annihile de quelque manière son « autre moi », représenté par un monstre ou une bête redoutable, qui finit par n'être plus, par exemple, qu'un chiffon noir. P.81 Sans doute, il y a là refoulement, rejet « dans l'ombre », suppression magique. Mais n'oublions pas que1'ombre est une formation normale et sans doute nécessaire ; on ne voit pas qu'une éducation soit possible sans un tri entre les éléments - de même que la Genèse suppose la séparation de la lumière et des ténèbres. Il faut que les contraires se posent, s'opposent ; après, viendra l'heure de la confrontation, prélude d'une synthèse.
Les analystes de l'école de Jung sont très prudents quant à cette confrontation avec les « puissances de 1'ombre », Fordham estime qu'il est des cas où il vaut mieux l'éviter, de peur de provoquer cet envahissement par 1'ombre, cet engloutissement par l'inconscient, dont la psychose est l'expression extrême et dont les nombreux mythes du monstre dévorant expriment le danger. . il ne suffit pas.. de ramener à la surface les éléments inconscients, il faut que le moi les assimile,(cf. la grenouille de Robert L. du 16-11-00) et pour cela il faut que le moi soit suffisamment fort et construit ; lorsqu'il ne l'est pas (lorsqu'il présente des signes de débilité, d'incohérence, d'hystérie, etc.), on estime aujourd'hui, contrairement aux dogmes freudiens de la première époque, qu'il ne faut pas craindre d'exercer, parallèlement à l'analyse, une « action éducative sur le moi ». .

.. le soi, expression d'une recherche de l'unité de la synthèse, n'aura pas chez l'enfant la même importance que chez l'adulte. .
.. (Jung) ..1)que les mandalas d'enfants, pour autant qu'on en peut parler, sont communément d'un niveau primitif , peuvent être assimilés au cercle magique et au talisman, et sont évoqués pour parer à un danger ; 2) que les cas où l'enfant rencontre le plus nettement ce symbolisme paraissent être ceux où il est désemparé, par exemple du fait du désaccord ou de la séparation des parents, ce qui le contraint à établir lui-même son point d'appui, et à accéder à une sorte de maturité plus précoce sa personnalité.
..pour le « processus d'individuation », une explication de psychologie fonctionnelle, en faisant ressortir que ce processus, au moins à l'origine, est mis en branle par un besoin : à la base de la construction d'une personnalité, on décèlerait une recherche de la sécurité, tendant à isoler d'abord le sujet des puissances d'un monde hostile.
Quoi qu'il en soir, on voir en outre que le processus existe au moins en puissance chez l'enfant déjà et passe à l'acte lorsque les circonstances s'y prêtent. .. ex. de la série de dessins d'une fillette de 7 ans qui se présente d'abord.. comme timide, anxieuse, incapable de s'adapter à la séance et qui ne sait.. qu'éclater en larmes. .. réalisation progressive du « centrage ».

. nous reconnaîtrons une activation beaucoup plus manifeste du soi, toutes les fois que l'enfant se montre sensible - et cela n'est as rare - à la fête de Noël, pour d'autres raisons que la simple convoitise des cadeaux. La naissance de l'enfant divin correspond, dans le registre subjectif, à cette naissance de l'enfant intérieur, qu'un symbolisme abondant et universel présente comme identique à la « naissance spirituelle « qui est un autre nom du soi. P.83 On peut dire que la poésie et la mystique de Noël, dans la mesure où elles ressortissent à la psychologie, irradient autour de ce centre, et pour autant que l'enfant s'y montre accessible, il nous révèle que le thème du soi ne lui est pas étranger.
De même que nous avons perçu des liens entre l'ombre et Caïn, entre la persona et le spectaculaire, nous pouvons maintenant préciser que le soi se situe dans le prolongement du complexe de la naissance, le passage étant marqué par le thème de la nouvelle naissance.

TROISIÈME PARTIE. COMPLEXES D'ATTITUDE

I. LE SEVRAGE
Séparation. Avidité
La vie de l'enfant est faite d'étapes successives ; le passage de l'une à l'autre exige une certaine dépense d'énergie ; chaque passage suppose la force de renoncer aux satisfactions du stade précédent, un certain consentement au risque, au plongeon dans l'inconnu inhospitalier, plus largement une adaptation, qui, comme toute adaptation, est un acte « coûteux ».
Le premier de ces passages est ..la naissance elle-même. .. il ne saurait y avoir discontinuité absolue entre le physiologique et le psychologique, ni entre le choc de la naissance et les autres chocs de passage, qui présentent avec lui bien des analogies. .. les divers « passages difficiles » continuent de se symboliser par la suite ..de s'exprimer par les images de naissance.
Faut-il en conclure que le traumatisme initial, celui de la naissance, est le plus important de tous .. et le prototype de tous autres ? .. quelque prudence, et situer.. au sevrage le premier traumatisme psychologique de passage qui soit vraiment accessible à l'observation. . plutôt que sur la naissance, l'attention du psychanalyste doit porter sur le sevrage, puis sur l'apprentissage de la propreté, sur le moment de l'entrée à l'école, sur celui de la renonciation à l'onanisme infantile, et plus tard sur toutes les étapes marquées par un détachement progressif de l'enfant à l'égard de la famille. P.85
Tous ces chocs successifs sont d'ailleurs associés avec le sevrage et tendent à en répéter les modalités. Nous sommes donc en présence d'un complexe. .. étroitement noué à celui de la naissance ; .. un point de contact des deux systèmes : le sevrage, comme la naissance, est une séparation d'avec la mère ; ce sont.. deux étapes successives de cette séparation qui se poursuivra plus tard lors de l'entrée à l'école, du détachement à l'égard de la famille, etc. La séparation d'abord physiologique se continue ensuite sur d'autres plans..

.. à l'époque du tétage, la zone buccale est la zone de plaisir par excellence ; les zones anale et génitale.. n'ont pas encore acquis leur signification. .. le nourrisson ne connaît d'autre jouissance que le tétage.. cette jouissance est intense et .. l'enfant y renonce difficilement. (Freud) Quand il cesse de téter, il remplace le sein maternel par une partie de son propre corps ; il suce sa langue, son pouce, etc. Il y a des transitions insensibles, au cours de l'enfance, entre les habitudes de succion et l'onanisme. La répression de l'onanisme entraînera facilement la réapparition de la succion, sous une forme ou une autre. K. PIPAL a pu décrire, comme des phénomènes formant une série continue, les habitudes de se ronger les ongles, de se gratter, de mâcher le porte-plume ou de l'introduire sans cesse dans l'oreille. Ces habitudes, si fréquentes chez les enfants, sont considérées comme des « équivalents de l'onanisme ». (Il en est de même des différentes « manies », et même de celle qui ne mette plus en jeu la « main », mais consistent toujours dans la répétition régulière d'un acte : compter ses pas, etc. A propos du mot manie que l'étymologie dérive du grec mania, folie, il faut observer que l'inconscient paraît plutôt porté à le rapprocher de « manier » et à le comprendre en fonction de ce mot, ce qui est psychologiquement exact (au même titre que le rapprochement de couper et de coupable .) .. plusieurs d'entre elles sont des habitudes de succion. (Plus tard, l'habitude de fumer devra être rangée dans la même série. ) Ces sortes de rapprochements s'imposent sans cesse à la psychanalyse, dont la grande originalité est de saisir une continuité insoupçonnée entre des phénomènes apparemment disparates. - ne disons pas l'identité - .
Pour nous borner à l'habitude de succion, l'enfant paraît y tenir avec plus d'acharnement lorsque le sevrage a été, pour une raison ou une autre, mal accepté. .. habitude.. solidaire d'autres traits qui sont assez symptomatiques.
Françoise, ..continue de sucer son pouce avec une sorte de frénésie ; .. d'autres traits qui caractérisent bien un traumatisme de sevrage : elle mange très vite, avale, engloutit, et malgré les réprimandes ou les raisonnements, ne peut se résoudre à mâcher ; autrement dit, elle traite tous les aliments comme un liquide. .. Elle est avide et exigeante en matière de nourriture ; ..des troubles entériques .. ont nécessité un régime sévère. Ce régime comporte entre autres la suppression complète du lait - tant il est vrai que l'inconscient agit contre ses propres fins - ..
Un de ses jeux favoris est de donner le biberon a ses poupées : jeu que j'ai cru devoir encourager et orienter vers un jeu de sevrage. Car, dans le jeu, l'enfant « joue » (met en scène) les traumatismes qu'il a incomplètement surmontés et peut s'en délivrer de la sorte.
Jean-Paul de 4 ans.. s'était résigné au biberon, mais quand on voulut remplacer le biberon par la tasse de lait, il montra une grande résistance, et l'on eut toutes les peines du monde à lui faire accepter cette étape. Lorsque enfin le moment fut venu d'introduire des aliments solides, il y opposa un refus catégorique, et il fallait trois heures pour l'amener à venir à bout de son repas, composé de bouillies. Parallèlement s'était développé un bégaiement, qui traduisait aussi à sa manière l'importance de la zone buccale.

.. il y a continuité entre des réactions relatives à une fonction physiologique définie, et des réactions analogues, mais détachées de cette fonction, et de nature toute psychologique. Ainsi l'avidité et l'exigence qui, chez l'enfant mal sevré, se manifestent à l'occasion de la nourriture, ont une tendance à se transposer dans tout le caractère. Cette sorte de continuité apparaît aussi entre le regret du sein maternel, au sens propre défini par la fonction du tétage, et le regret de la mère, le désir de son contact ou de sa présence.

. un trait de caractère .. vraiment significatif.. du complexe de sevrage, c'est l'avidité et l'exigence parfois démesurée et toujours insatisfaite.
Cette avidité, si caractéristique, peut se développer en une ambition brûlante propre à consumer l'être qu'elle habite. Ex. Journal de Marie Bashkirtseff P.89
. ce sevrage tardif peut avoir des conséquences analogues à celles d'un sevrage prématuré. Dans le dernier cas, l'enfant s'adapte mal à la nouvelle situation et réclame l'ancienne. Dans le premier, le tétage est devenu une habitude trop invétérée, associée à une vie psychologique déjà développée et complexe, de sorte que l'enfant a, de nouveau, grand-peine à y renoncer. On dirait que, par la suite, il ne sait renoncer à rien.
C'est sur la base de cette avidité nostalgique et ambitieuse que se forment les talents remarquables de Marie B. .Elle veut ce qu'elle n'a pas, elle veut tout à la fois, et se désespère de ce que cela est impossible.
. « Enfin en tout, dans toutes les branches, de tous les sentiments et de toutes les satisfactions humaines, j'ai rêvé plus grand que nature ; si ça ne réalise pas, il vaut mieux mourir. »
.. Cette sorte d'avidité paraît, plus que nul autre sentiment, répondre à cette loi du « tout ou rien » où l'on a vu la marque la plus authentique des grandes poussées instinctives, demeurées à l'état sauvage. Marie est dominée de très bonne heure, par cette alternative : tout ou rien ; et rien, cela signifie mourir. La phtisie où elle succomba semble bien répondre au schéma que les psychanalystes ont plusieurs fois décelé derrière cette maladie : un secret désir de mort. (Cf. Anne- Catherine M.)
Ce désir, qui n'est chez Marie que l'envers de l'ambition, se fait jour de bonne heure. P.91
.. « Ah ! je vous l'avais bien dit que je devrais mourir. Dieu, ne pouvant me donner ce qui me rendrait la vie possible, s'en tire en me tuant. . Cette soif de tout, ces aspirations colossales, ça ne pouvait pas durer. .. Mais les autres ont davantage et ne meurent pas !. »
Seulement « les autres » ont « accepté le sevrage ». Marie B. n'a jamais pu s'y résoudre. Il ne s'agit certes pas de prétendre ici que toute cette tragédie procède du seul traumatisme du sevrage ; nous savons trop combien tout, en psychologie, est « surdéterminé », pour défendre une opinion aussi exclusive. .. d'autres complexes : ..ses fortes tendances spectaculaires, ..son narcisme extrême. .

II. LA RETRAITE
Regret. Régression. Introversion. Narcisme
. situations de regret, de recul, où l'enfant a la nostalgie d'un état antérieur et tend à s'y reporter. . Les fantaisies de « retour au sein maternel », la crise d'adaptation à toute étape nouvelle du développement, les « chocs de passage », l'attachement au stade révolu et la difficulté d'en accepter le « sevrage ».
le mouvement de retraite domine.. le tableau.
Pour envisager ces phénomènes de recul psychologique .. il faut.. distinguer les simples regrets, les régressions qui sont des reviviscences du comportement propre à un stade antérieur, et les introversions qui sont une retraite devant l'action et un refuge en soi-même ; après quoi il faut marquer la solidarité de ces phénomènes. ils forment.. un seul et même complexe de retraite, construit ces tendances de retraite, de fuite, de refuge, qui existent déjà chez l'animal.
Une situation qui me paraît fréquente chez l'enfant.. c'est lorsqu'un regret de la petite enfance, regret légitimé par les chocs faciles à mettre en évidence, entraîne une régression plus ou moins prononcée de l'intelligence, du caractère, du comportement à un stade infantile. .. Le regret, dès lors, aboutit très naturellement à la régression. Tout se passe comme si le sujet avait des raisons de désirer revenir au paradis de la petite enfance et y parvenait dans une certaine mesure. P.93
. Kurt, 9ans, se distingue par une soumission excessive et nettement pathologique. Il est incapable de tout acte d'indépendance, de volonté, d'énergie, et présente à l'école un retard sensible (régression intellectuelle). Le trait dominant, le penchant à la soumission, laisse déjà prévoir, à lui seul, la présence d'un fort complexe de retraite dont t il est un des symptômes. (.. ces couples de tendances complémentaires, l'une active et l'autre passive, dont les jeux de bascule se constatent déjà au niveau de l'instinct. Le couple domination- soumission, à côté des couples attaque- fuite, et sadisme- masochisme, est un des plus typiques. L'association formée par les composantes passives des différents couples (fuite, soumission, masochisme, etc.) nous est apparue comme la base du complexe de retraite.) Le retard intellectuel en est un autre. . « .. quand on est plus grand, on n'est plus autant aimé. » (regret). .. il aime se sentir enfermé bien au chaud quand .. il pleut, « car rien ne peut lui arriver » (refuge) ; il aime aussi se sentir dans une église, dans une auto fermée.. « Je ne sais pas dans quelle chose j'étais enfermé quand j'étais tout petit ; avant de venir au monde, je n'existais sûrement pas. » Ce qui nous aux fantaisies de retour au sein maternel. .
.James.. 14 ans.. énurésie.. avait perdu sa mère à 6 ans, et son père s'était remarié. .. premier rêve.. : « Je suis dans un hôtel en face d'un ravin. En bas, il y a une rivière. En face, on voit l'autre coté du ravin. Mon camarade Jean-Louis escalade cet autre côté, se cramponne à de grosses primevères. Après qu'il a tiré quelques herbes, tout d'un coup le gong du dîner sonne à l'hôtel. Il se lance en l'air comme un avion, tombe dam l'eau en criant « Maman ». Quand il grimpait, il avait les cheveux courts, quand il descendait en criant, il avale les cheveux longs. »
Les associations .. ont trait à sa mère.. Jean-Louis est un de ses camarades, qui est plus fort à l'école.. James présente une forte fixation à la mère. Il a la nostalgie de celle-ci et désire retourner à la petite enfance. Le conflit peur s'exprimer ainsi : d'un côté, il veut inconsciemment rester petit, faible, avec ses cheveux longs, comme les filles. D'un autre côté, le désir d'être fort à l'école comme son camarade se traduit dans rêve par la transformation du sujet en Jean-Louis. Mais le désir contraire (régressif) est fort bien exprimé par la fin du rêve. On pourrait dire que « l'autre côté du ravin » correspond à la virilité et au « principe de réalité » tandis que l'en deçà du ravin correspond au « principe de jouissance » et à la fixation maternelle (« mère-nourriture », gong du dîner).
. les personnes qui se relèvent la nuit pour les besoins de l'enfant, apparaissent souvent sous forme de fantômes dans les fantaisies de ce dernier. James .. se souvient d'un détail curieux expliquant comment le symptôme d'énurésie a débuté : « Je me réveillais bien quand j'avais besoin, mais je ne me levais pas par crainte des fantômes. » En réalité, il désire être soigné par sa mère comme quand il était petit. Enfin, on observera qu'il existe des associations entre le symptôme d'énurésie, le rêve.. de l'eau, où il tombe, et les fantaisies classiques de retour dans le milieu humide (sein maternel).

Cette régression consécutive chez l'enfant au sentiment d'être délaissé, peut porter, aussi bien que sur la vie intellectuelle, sur la vie morale. .. l'enfant retourne au stade sadique-anal. II devient.. sale ou méchant - ou les deux à la fois- ce qui peut se traduire, selon les cas, par différentes formules : il devient négligé, désordonné, incorrect, rebelle, agressif. (Le résultat d'une régression n'est en effet jamais un simple retour au passé. Mais une formation de compromis entre les conduites du stade auque1 l'entant « régresse » et les fonctions propres à son âge réel, actuel. Ainsi l'enfant chez qui se ravivent les tendances anales ne va pas nécessairement se salir comme un bébé, mais il fera des tâches, sera négligé dans son vêtement, dans le soin de ses affaires, dans son travail, etc.)
.. la mort de la mère.. remariage.. naissance d'un cadet. .. l'enfant se croit, à tort ou à raison, délaissé. . P.95 De même l'enfant « gâté » pourra réagir comme l'enfant réellement privé d'affection, car il sera devenu exigeant et s'estimera toujours frustré. .. les stoïciens avaient raison d'assurer que les événements ne sont rien, au prix de l'idée que nous nous en faisons. .. on peut mettre en évidence un événement traumatique de première grandeur : la mort de la mère, dans d'autres cas, au contraire, l'événement est en soi beaucoup moins tragique, mais le choc affectif n'est pas moindre et les conséquences se déroulent avec la même rigueur. « avoir un petit frère », signifie, pour certains enfants, exactement la même chose que « perdre la mère ». (cf. mort d'Edouard et gèle de la fonction sentiment de Loulou.)

.. négligence. indolence.. L'enfant exprime son désir de recul par de la lenteur.
.. cette diminution de l'activité extérieure est compensée par l'activité intérieure de la rêverie ou de la pensée. Lorsqu'un enfant se tient dans un coin, ou marche derrière les autres, on ne peut pas conclure que l'indolence, l'apathie soit la seule ou même la principale cause à invoquer : il est possible que cet enfant veuille aussi, et surtout s'isoler ; il s'isole pour rêver et penser. (cf. promenades dans la Chevreuse.) Ainsi. nous passons à l'introversion qui, en fait, apparaît bien toujours comme une compensation - plus ou moins heureuse- a une activité extérieure supprimée.
.. une passion pour la lecture (cf. lecture des club des cinq ; comtesse de Ségur.. et avant de savoir lire les histoires et chansons sur disque). valeur et.. dangers de l'introversion. Loin qu'il faille regarder l'introversion en elle-même comme un fait pathologique, elle peut être point de départ d'une riche et féconde vie intérieure. Il reste cependant que l'apparition des états d'introversion chez l'enfant doit être surveillée, à cause de l'association qu'ils entretiennent avec la retraite en général, et avec la régression affective. .. un désir d'isolement qui, au delà de certaines limites n'est pas sans danger.
. l'attitude de l'enfant qui se retire « dans le coin » ; .. jeux où ils se barricadent entre trois chaises ; les jeux de refuge et d'abri.. s'orientent facilement dans le sens de jeux d'isolement. .. les tendances du refuge, de l'abri, sont excellentes en soi, répondent à une fonction non moins vitale que les tendances d'attaque et de risque, il n'en est pas moins vrai que leur exagération peut être pernicieuse pour l'être même qu'elles devraient sauvegarder. .. (le jeu, comme d'ailleurs le rêve, ne nous présente jamais d'autres associations de tendances que celles qui ont cours dans la vie même).
.. Gustave.. dans l'enfance, développa plusieurs petites manies de sécurité qui furent le point de départ d'obsessions.. insomnie.. protection contre les dangers qui menacent un être endormi ; .. « prestige » des hommes qui ne se montrent pas.. les gens mystérieux qui dorment le jour et vivent la nuit.. le penseur, le savant sous sa lampe lui apparaissait aussi comme « celui qui veille » et cela n'était pas étranger au développement privilégié de la vie intellectuelle. Ce complexe de protection groupait donc des éléments aussi disparates que des obsessions, une insomnie, enfin une forte vie intellectuelle. Celle-ci était vraiment conçue comme une sauvegarde contre les dangers de la vie concrète ; et cela apparaissait bien dans la tendance à substituer le schéma, plus confortable, à la réalité qui nous échappe et qui est toujours inquiétante.. chez Jacques, la vie intellectuelle a servi de refuge et de défense contre « la vie ». JUNG a insisté sur le rôle protecteur du schéma et de l'intellectualité. P.97 reconnaître la fonction biologique normale de l'intelligence.. à travers des déformations plus ou moins pathologiques.

Tout complexe groupe des tendances de valeur fort inégale : les unes salutaires, les autres dangereuses. Les unes et les autres peuvent être extrêmement proches.. ce qui fait que l'éducation est affaire de doigté et de nuance. L'introversion, qui peut préluder au développement heureux de l'intelligence et de la vie intérieure, ne laisse pas de côtoyer le danger d'une forte régression affective, celle que caractérise le terme de narcisme.
. l'introversion isole l'individu, le détache de l'objet, le désintéresse du monde extérieur, le concentre affectivement sur lui- même. Il y a des rapports saisissables entre ce narcisme et le « retour au sein maternel ». Mais, dans les observations concrètes.. ces rapports sont plus complexes..
ex. ce petit roi de 9 ans.. Lorsqu'il s'introvertit et se retire dans sa chambre par suite d'une déception dans l'amour pour sa mère (naissance d'un rival), on peut admettre d'une part qu'il recherche dans sa conduite « calfeutrée » un équivalent du sein maternel, mais d'autre part qu'il « introjecte »la mère, comme il arrive souvent d'un objet affectif perdu : il la recherche dans les reines des histoires qu'il lit, dans ses fantaisies, bref, en lui-même, et finit par reporter sur lui-même l'affection qu'il a détachée d'elle : ce qui est le propre de la réaction de Narcisse. . chez .. Gustave.. le prestige des gens enfermés se rattache pour lui à une nostalgie du lieu clos et intime, qui se révèle équivalente à une nostalgie du sein maternel. D'autre part, il ressort de bien des associations que la protectrice qu'il projette dans sainte Geneviève veillant sur Paris, n'est autre que la mère veillant sur l'enfant. Mais lorsqu'il assume lui-même le rôle de « veilleur » , il est clair qu'il a « introjecter » la mère. Toute sa vie est d'ailleurs dominée par une identification féminine.
En rapport avec la régression au narcisme, le désintérêt envers le monde intérieur, la dépréciation du réel objectif au profit (simultanément) de la fantaisie et du moi, on peut voir s'affirmer cette surestimation particulière et illusoire de la pensée : la croyance à la toute-puissance des idées. Cette croyance, de caractère magique, a été décrite comme caractéristique du stade du narcisme. .. les rapports entre l'introversion, la fantaisie, la magie et le narcisme ne me semblent pas élucidés ; mais ils existent, et c'est un fait qu'on passe assez facilement d'un terme à l'autre.
L'attitude magique .. chez ce garçon qui évitait soigneusement de mettre ses pieds dans les traces que les pas du maître avaient laissées sur la neige ; car, en marchant dans les pas d'un autre, on risque de le tuer. Ces survivances magiques chez l'enfant ont été souvent notées, mais ce qui nous intéresse ici, c'est leur relation avec la retraite dans la fantaisie et le narcisme.
. relation est assez nette.. cette fillette.. qui compensait ses sentiments d'infériorité en s'imaginant être Dieu et créer des êtres. Plus tard, elle présenta des obsessions, notamment la peur d'influencer autrui par sa propre pensée, comme aussi la peur de donner naissance à un enfant. .. Les unes(fantaisies antérieures) et les autres(obsessions) tendent à substituer des rapports magiques aux rapports naturels, et en même temps à attribuer au moi une sorte de toute-puissance.
. écrire des pièces de théâtre afin de se donner, l'illusion de créer des êtres. .. rapports de l'art avec la magie et le narcisme.. L'art peut offrir aux tendances que nous venons d'invoquer la voie de sublimation par excellence.
Elle n'est pas toujours suffisante. Chez la jeune Marie B. nous assistons à une forte régression au narcisme, consécutive au violent complexe de sevrage.. de cette enfant-prodige. Or son ambition démesurée la conduit à pousser très loin le développement de beaux dons artistiques, mais cela ne suffit pas à rétablir le contact vital avec le monde et avec autrui, et à compenser un narcisme dévorant. Fillette de 13 ans.. elle écrit.. « J'aime la solitude devant une glace. C'est peut-être bête de se louer tellement ; mais les gens qui écrivent, décrivent toujours leur héroïne, et je suis mon héroïne à moi. Heureusement ou malheureusement, je m'estime un tel trésor que personne n'en est digne, et ceux qui osent lever les yeux sur ce trésor sont regardés par moi comme à peine dignes de pitié. Je m'estime une divinité. A peine pourrais-je traiter d'égal un roi. Je crois que c'est très bien. Je regarde les hommes d'une telle hauteur, que je suis charmante pour eux, car il ne sied pas de mépriser ceux qui sont si bas. ».. P.99
« Si l'homme, après sa naissance et dans ses premiers mouvements, n'éprouvait pas de résistance dans le contact des choses d'alentour, il arriverait à ne pas se distinguer d'avec le monde extérieur, à croire que ce monde fait partie de lui-même, de son corps ; à mesure qu'il y atteindrait de son geste ou de son pas, il arriverait à se persuader que le tout n'est qu'une dépendance et une extension de son être personnel, il dirait avec confiance : l'univers c'est moi. » (un philosophe) Et elle ajoute naïvement : « Eh bien ! c'est comme cela que j'avais rêvé de vivre, mais le contact des choses d'alentour m'a fait des bleus, ce dont je suis excessivement fâchée. » .. pas plus qu'elle ne sut accepter le « sevrage », elle ne sut accueillir la leçon de ces « bleus ». Elle continua de penser « l'univers c'est moi », ce qui ne signifie pas du tout la « possession du monde », mais sa négation : la régression affective à un stade infantile où la notion d'objet n'est pas encore construite. Ce narcisme extrême, qui paraît si conquérant, représente en réalité une des dernières étapes de la retraite : au-delà, il n'y a plus guère que la mort. (Avant de recourir à l'hypothèse grandiose des « instincts de mort ».. je crois prudent d'étudier d'abord tout désir de mort en fonction des instincts de retraite, qui sont encore des instincts de défense, mais qui, exagérés, deviennent pernicieux : la mort peut souvent s'interpréter.. comme le suprême refuge.)

III. LES DÉBUTS DE L'INTROJECTI0N
selon l' « Ecole anglaise »
. la notion d'introjection.. introduite par FERENGZI.. pour désigner un processus par lequel le sujet constitue, dans sa propre psyché, une reproduction de l' « objet » aimé ; et désormais cet objet intérieur dirige sa conduite comme le ferait l'objet réel. . la mélancolie.. rattacher cette psychose à une introjection de l'objet sur le mode buccal (« oral »). . Inversement la projection .. serait liée, dans le même sens, aux fonctions d'excrétion (surtout anale). .. les chocs liés à ces phénomènes et à ces stades ont pour le développement ultérieur une importance capitale- plus grande peut-être que celle de l'époque « classique » de 4 à 6 ans, caractérisée par ses complexes d'Odipe et de mutilation. .

MELANIE KLEIN. psychogenèse des états maniaques- dépressifs. distinction.. de l'objet « bon » et de l'objet « mauvais » distinction .. caractéristique de la psychologie du petit enfant. L'objet bon, comme l'objet mauvais, peuvent être introjectés. L'enfant les imagine alors comme continuant leur existence au dedans de lui, et il résulte de là toutes sortes de fantaisies P.101. L'objet bon doit être conservé au dedans, en sécurité. L'objet bon intériorisé de la sorte a des exigences ; s'il est conçu comme parfait, l'enfant se sent facilement coupable à son égard, et nous aurions là une des origines de ces sentiments écrasants de culpabilité.
. les seins de la mère ou de la nourrice sont des sortes de personnages fantastiques, tantôt bons, tantôt mauvais. C'est quand l'enfant « projette » sur eux son « sadisme » (envie de mordre) qu'ils deviennent particulièrement redoutables : d'où le phantasme des vampires. Ces stades primitifs auraient notamment une grande importance dans la genèse des différentes psychoses.. comme des régressions à la mentalité correspondante à ces stades ; la shizophrénie.. consisterait dans une recherche du refuge (contre le monde extérieur) auprès de l'objet bon introjecté. . le suicide est un acte hostile dirigé contre un objet mauvais introjecté. .. cet acte procède d'un phantasme, selon lequel il s'agirait de préserver l'objet bon des atteintes de l'objet mauvais.
. l'introjection est.. à la base de la formation de l'instance morale ou surmoi. (dans) la mélancolie.. les exigences d'un surmoi exceptionnellement sévère - . sur le « pénis du père introjecté ». Cet organe.. est dans l'imagination de l'enfant un personnage important ; ce personnage, introjecté.. serait un prototype infantile du surmoi (à comparer au « petit homme dans l'estomac » ..antérieur.. à 1'élboration du complexe d'Odipe. . Mais la petite fille garde une propension ..à projeter, à nouveau, par la suite, ce surmoi sur des personnages réels (sur le père, plus tard sur l'homme aimé), autrement dit le décharger sur eux d'une partie de la responsabilité qu'il a assumée, de la conduire.il est moins abstrait, moins indépendant des personnes à qui le sujet est attaché..
. couples de notions : debors-dedans ; bon-mauvais. L'introjection et la projection sont des passages, respectivement, du dehors au dedans, du dedans au dehors, mais l'objet ainsi véhiculé est toujours soit bon, soit mauvais, ce qui donne lieu à toutes sortes de situations. Et il ne faut pas oublier que l'objet « mauvais », est un objet menaçant, redouté, un peu à la manière des forces « mystiques » que redoute l'homme primitif.
. avoir ce schéma à l'esprit.. pour bien comprendre. Les notions de propre et de sale ont une certaine base objective, mais il est clair que cette base est minime, et que ces notions sont l'objet des « distorsions » imaginatives les plus capricieuses. Les arguments bactériologiques eux-mêmes ne sont, la plupart du temps, qu'une rationalisation, toute récente, de fantaisies archaïques.
Il y a une saleté des choses et une saleté du corps humain. Tout ce que nous savons sur la pensée de l'enfant (pour qui les choses sont d'emblée personnifiées et conçues par analogie avec des organes ou des produits du corps) nous contraint à penser que la seconde est seule fondamentale, et que les objets extérieurs ne sont réputés sales qu'à la faveur d'une projection. L'imagination a ses étalons, selon lesquels elle attribue, avec une logique toute primitive, des coefficients de malpropreté, Elle tient d'ordinaire l'humide, le vieux, la peau velue, pour respectivement moins propres que le sec, le jeune, la peau sans poils ; P.103 le cheveu brun dans la soupe pour plus sale que le cheveu blond. ( Jung et la pensée chinoise : le « propre » et le « sale » ont tendance à polariser respectivement avec le yang et le yin.) . repésentations primitives d'une malpropreté congénitale attribuée à la féminité : de là - avec « transfert en haut »- les préoccupations cosmétiques de la femme, le besoin de fards.. il s'agit.. de corriger une tare présumée.
. si l'on admet que.. cela.. passe pour sale, qui sort du corps, et si l'on se souvient qu'un « tabou des orifices » affecte ces derniers, selon les cas, de terreur ou de dégoût. Et ceci nous ramène aux fantaisies infantiles du système : dehors- dedans, bon- mauvais.
. Tel sujet s'identifie avec les produits de son corps, avec ses viscères, et tout un « intérieur » réputé sale. Tout ce qui, dans la vie, se montre beau, poli, civil, lui apparaît dès lors comme une surface trompeuse masquant cette seule réalité. On passe de là aux fantaisies de destruction du monde. Il arrive aussi que le sujet n'échappe à ces impressions qu'en niant son corps, et en tombant des obsessions précédentes dans le sentiment d'irréalité. L'objet mauvais intérieur (et les produits de la digestion en sont le prototype) est souvent réputé à la fois sale et délétère. La haine tend à le projeter sur l'entourage, avec des idées de nuire, d'empoisonner, de détruire. Le refoulement de ces désirs haineux peut conduire à l'obsession d'avoir à « se retenir » (soit physiquement, sur le plan digestif, soit moralement) et l'on nous

Les fantaisies en question ont jusqu'à un retentissement social. L'enfant éprouve volontiers comme « sale » son milieu familial - par suite des contacts de la vie quotidienne, de la toilette et du déshabillé - et cela peut le pousser à se hausser jusqu'à un milieu « socialement plus élevé », c'est-à-dire plus « propre ». (plus puissant) Les stratifications sociales sont plus ou moins construites en fonction des mêmes idées inconscientes (le paria, c'est 1' « intouchable »). L'homme d'une autre race, d'une autre peau, est réputé malpropre (sale juif, sales étrangers). .
ERNEST JONES .. contribution à la théorie du surmoi. certaines attitudes d'amour ont à se transformer en moralité - non certes sans quelques interférences de « sadisme ». .. Le système de règles qui constitue la morale est d'abord un système protecteur en vue de préserver l'objet aimé (l'objet « bon ») des impulsions sadiques- agressives du sujet ; il comporte aussi des conduites de restitution, de réparation, pour le mal que ces impulsions auront pu faire à l'objet (même en pensée ; car acte ou pensée, en vertu de la « toute-puissance des idées » du stade magique, c'est tout comme). Mais la substitution des conduites de moralité aux conduites d'amour est ressentie comme une contrainte, contre laquelle il arrive que le sujet se révolte. Cette révolte caractérise la névrose. Si elle intervient avant la puberté, elle conditionnerait l'hystérie ; si elle se situe plus tard, ce serait l'obsession. l
..étude de MARJORIE BRIERLEY sur les affects. L'affect.. s'est vu détrôné au profit des « trois instances » et des divers systèmes psychiques. .. La moralité procède de l'amour ; tout système est construit avec ce qui était d'abord affect. Mais qu'est-ce que l'affect ? Un représentant de l'instinct dans le moi (FREUD ). De là on passe, par élaboration, aux divers sentiments plus complexes. .. (chez) le jeune enfant.. les affects.sont plus réels pour lui que les objets même.. Si certaines diarrhées réalisent symboliquement l'expulsion de 1' « objet mauvais », ne peuvent-elles pas réaliser davantage encore l'expulsion de l' « affect pénible » ? . la psychologie du jeune enfant est dominée par le « primat buccal » et par une affectivité que régit le principe du « tout ou rien ». l'objet est d'abord pour l'enfant un « objet partiel » - c'est-à-dire la partie de l'objet qui intéresse sa tendance, son affect (ainsi les seins de la mère), et.. l'objet total ne se construit que peu à peu. de même, le moi de l'enfant est d'abord « insulaire » et ne devient total que peu à peu. P.105 parallélisme entre la formation de l'objet total et la synthèse du moi (.. présomptions des philosophes.. laa notion d'objet est calquée sur celle du moi, et n'est possible que par elle). Ainsi l'enfant serait une nébuleuse d'affects avant d'être un moi cohérent .. Et si avons besoin de théories, dans la pratique c'est à travers les affects que nous travaillons, que nous établissons le contact vivant avec le patient.
S. H. FUCHS.. bien distinguer entre les notions d'introjection et d'identification. L'introjection est un acte ou un processus, l'identification est un fait ou un état, qui résulte de cet acte. Il importe en outre de distinguer avec Freud une identification (et une introjection) au stade génital, qui serait partielle et d'allure hystérique, et une autre plus précoce, dite primaire, prégénitale, qui serait de mode narciste et s'avérerait totale. Mais l'introjection primaire mérite-t-elle bien son nom ? . ne onviendrait-i1 pas de parler plutôt d'un état d'indifférenciation originelle, où le sujet et l'objet sont confondus. .. l'identification est le premier mode de relation à l'objet.. WALDER .. veut voir dans l'introjection un « mécanisme du moi ». .. le même objet peut être simultanément introjecté dans le moi et dans le surmoi. .c'est l'objet qui est introjecté ; mais c'est la charge affective (libido) qui est projetée. Si l'on veut parler d'une introjection de la charge, alors c'est le mot d'introversion qui conviendrait exactement. ..
GRABER et de CHRISTOFFEL.. distinguent, à côté d'une identification active.. une identification passive, qui consiste, pour le sujet, à se transporter pour ainsi dire, dans autrui (intropathie, sympathie), et qui serait, elle, à base de projection et non plus d'introjection. .. GRABER. jeu alterné des deux processus d'introjection et de projection.. valeur curative d'une dissolution de certaines identifications encombrantes. .. fonction de décharge de la projection. (Mais Rank.. définit le type projectif comme « actif » et le type introjectif comme « passif ».

EDWARD GLOVER. .. tous les systèmes éducatifs sont des rationalisations d'inhibitions inconscientes, qu'il importerait à l'éducateur de mieux connaître. En outre, toute éducation se fonde sur l'introjection. prix d'une éducation fondée sur l'amour. . P.107
. Faut-il admettre l'existence d'un surmoi dès la deuxième année ou la fin même de la première ? . le critère du surmoi au sens strict, c'est que cette instance n'existe comme telle que lorsqu'elle est devenue indépendante de l'objet (père, mère, etc.) dont elle procède à l'origine ; or cette indépendance n'est que très progressivement conquise ; à l'adolescence même.. elle est loin d'être complète. Il faut en outre se garder de confondre les phases du développement de l'instinct (libido) et celles du développement du moi. expliquer les psychoses par des régressions à ces stades des deux premières années de la vie (comme on a ramené les névroses à des régressions aux stades suivants). trop belles simplifications.
. à aucun stade, si primitif qu'on le suppose, il n'est tout à fait correct de supposer un être entièrement replié sur lui-même, un être sans relations avec un « objet ». Et ces relations sont seules accessibles à notre observation.
.
FRANZ ALEXANDER.. estime.. que cette psychologie des premières phases se réduit probablement à des attitudes calquées sur la vie végétative, et notamment sur les processus physiologiques d'incorporation, d'élimination, de rétention. . P.109

MELANIE KLEIN et JOAN RIVIERE. Love, Hate and Reparation.
. large part à un instinct de sécurité .. qui paraît être à la base de bien des mécanismes. .la projection (la paille et la poutre). A côté de la situation classique du complexe de Diane (la fillette jalouse de la virilité) on décèle, chez le garçon aussi, le sentiment symétrique : une envie de la féminité. (cf. cas clin. de Patrick V.) La haine obsessionnelle dont certaines ménagères poursuivent la saleté est rattachée (par-delà les mobiles « sadiques » mis en valeur par la théorie classique) aux réactions primitives d'expulsion de l'objet mauvais. L'existence de poussées hostiles à l'égard l'objet aimé est une source importante d'angoisse. . les mécanismes de réparation par lesquels l'enfant aspire à corriger le mal qu'il a fait - ou voulu faire - à l'objet aimé et à se délivrer ainsi du poids de cette angoisse ; mais il faut attendre parfois l'heureux épanouissement de l'amour dans le mariage, pour que le sujet éprouve que la réparation de certaines attitudes infantiles à l'égard de ses parents, ou de ses frères et sours, est enfin acquise. Parallèlement à la réparation, il faut parler de la « réassurance » : le sujet éprouve le besoin de preuves d'amour, pour être assuré qu'il n'est pas devenu « mauvais » - par introjection de l'objet mauvais. Ce besoin, plus nuancé que le « sentiment d'infériorité » adlérien, se fait jour lui aussi dans l'enfance et ne trouve souvent, lui aussi, sa satisfaction et sa résolution que dans l'amour adulte. Ce ne serait pas là le moindre prix de celui-ci que de réconcilier ainsi l'être avec lui-même.
Les attitudes des parents à l'égard de leurs enfants tendent d'une part à répéter des situations du milieu familial infantile . mais aussi d'autre part à les corriger, dans le double sens de la réparation et de la « réassurance ». Cette correction réussit ou échoue plus ou moins selon les forces en présence. Mais la seule existence d'une telle fonction est déjà encourageante. Les auteurs ne partagent pas le pessimisme de Freud quant aux tendances agressives, pour lesquelles on nous laisse entrevoir - et déjà dans l'activité pure et simple - bien des chemins de sublimation -. Instinct combatif de PIERRE BOVET.
Si le besoin de se « rassurer » joue un grand rôle, c'est que l'être humain n'est jamais au clair sur « ce qu'il est » vraiment. En effet, il s'éprouve identique aux divers objets « bons » ou « mauvais » qu'il a successivement introjectés, et par lesquels il a constitué, couche par couche, son moi dès la tendre enfance ; et il ne peut être rassuré que du dehors. (et encore plus valablement du dedans quand lien au soi) D'ailleurs l'importance des échanges entre le « dedans » et le « dehors » nous est présentée comme capitale . le bonheur nous est alors défini comme un juste équilibre des échanges, une balance bien tenue entre « donner » et « prendre ». Mais en psychologie, qui dit échange, dit amour. P.111

QUATRIÈME PARTIE. RELATIONS ET RÉGULATIONS

I. POINTS DE JONCTION ENTRE DIVERS COMPLEXES
. ne jamais perdre de vue que nos tendances forment un réseau continu, et que l'énergie circule des unes aux autres. Elle rencontre seulement, ici ou là, une résistance plus ou moins grande. Nous entendons par complexes des régions où le réseau est plus serré, des nouds de moindre résistance, au travers desquels l'énergie se meut avec une facilité particulière. Un complexe demeure une abstraction ; aucun n'est tout à fait isolé comme « un empire dans un empire ». Les complexes communiquent entre eux.
Lorsqu'on analyse un trouble, un symptôme, il arrive qu'on puisse le rattacher nettement à un complexe donné. Mais il y a toujours « surdétermination », convergence de plusieurs causes, et ces causes peuvent appartenir à plusieurs complexes dont le symptôme représente alors un point de jonction. .
.. la rivalité des frères et sours se présente avec une acuité particulière lorsque la différence d'âge est de 5 ans environ .. expliqué.. par l'intensité du conflit oedipien vers l'âge de 5 ans. A ce moment, où l'enfant fait des efforts déjà difficiles pour renoncer à son amour exclusif et jaloux pour l'un des parents, on conçoit qu'un nouveau rival puisse apporter une perturbation. convergence des complexes de Caïn et d'Odipe. . ( ..tranfert de l'hostilité oedipienne du père sur le frère, de la mère sur la sour ).
.. une autre convergence .. fait ressortir l'action régulatrice qu'un complexe peut exercer sur un autre. Si les frères et sours parviennent à surmonter leur hostilité réciproque originelle, c'est pour une bonne part en vertu de leurs sentiments oedipiens. Les deux forces qui .. agissant dans le même sens, se renforçaient l'une l'autre, peuvent, en effet, agir en sens contraire. Le frère se prend à aimer la sour, parce qu'il retrouve en elle une image de la mère ; de même la sour aime le père dans le frère. Enfin le frère pourra aimer le frère, la sour aimer la sour, parce que le parent aimé l'exige ainsi et qu'il est agréable de lui sacrifier l'ancienne rivalité fraternelle, afin de mieux mériter son amour. .. les sentiments affectueux entre frères et sours sont secondaires plutôt que primaires. .
Il y a des points de jonction entre l'Odipe et la curiosité (spectaculaire). .. fillette de 7 ans ..vive rivalité à l'égard de la mère (dont elle imite.. les maux de tête). .. elle ne peut tolérer que sa mère en sache plus long qu'elle. (sur la naissance).. Karl, tout enfant, voulait être médecin, comme son père ; un peu plus tard, il voulait être tout au monde plutôt que médecin. Les tabous oedipiens étaient intervenus et, entre autres, l'interdiction de faire comme le père, de prendre la place du père. .. en outre le médecin, c'est celui qui sait ce qu'il n'est pas permis de savoir ; la médecine touche, par excellence, aux sciences concrètes de la vie : de sorte que, dans l'interdiction qui frappa ces sciences, on reconnaît la convergence des deux systèmes (Odipe + curiosité). . P.113
.. Jean-Paul.. complexe de sevrage .. et curiosité.
Ailleurs, le complexe le sevrage se complique de rivalité fraternelle. .
.. les rapports entre la curiosité et le système anal (destruction) apparaissent clairement sur la base de la « théorie anale de la naissance », qui paraît si naturelle à l'enfant. .. rattacher le bégaiement tantôt à la répression des tendances anales, tantôt à celle des curiosités interdites sur la sexualité et la naissance. ..il existe entre les deux thèmes un lien naturel, qui est précisément la théorie anale de la naissance. .
Etant donné d'une part ce pont entre les tendances anales et la curiosité, et d'autre part le lien étroit des tendances anales et des poussées sadiques (complexe de destruction), on comprendra sans peine que puisse également survenir une rencontre entre curiosité et cruauté.
Cette rencontre apparaît chez les enfants qui lacèrent leurs poupées, tant pour le plaisir de les lacérer que pour savoir comment elles sont faites : .. curiosité portant sur l'être humain. .
.. cette combinaison définit une attitude typique qui doit se retrouver en bien des circonstances, à des degrés divers de sublimation. .. dans le penchant à la vivisection, à la chirurgie. Sous des formes plus subtiles, elle laisse certainement des traces dans toute attitude analytique de l'esprit, dans tout effort pour comprendre et pénétrer l'objet en le décomposant, bref dans toute l'activité intellectuelle. ..ici la sublimation est très poussée.
En recherchant.. des points de jonction entre ces deux systèmes que nous nommons « complexes » nous avons.. rencontré quelques situations où il faut faire appel à un plus grand nombre de ces systèmes (ainsi rivalité + cruauté + curiosité). .. les complexes ne doivent pas être compris comme des systèmes clos. . P.115

Les chocs les plus divers.. risquent de déterminer le mouvement de recul, de refuge. .. passage de la rivalité à la retraite. . les fantaisies de nouvelle naissance, par leur signification compensatrice, puissent être évoquées par toutes les situations qui, ressenties comme des échecs, appellent spontanément un effort de compensation..
.. « la recherche du refuge » fournit un passage important entre le complexe de naissance et les diverses attitudes de retraite.
Chez .. James, les mouvements régressifs, les diverses tendances de retraite, sont nettement associés à la mutilation. (cf. rêve où) L'attitude active est interprétée comme virile, l'attitude de retraite comme féminine ; .. identité posée par une théorie infantile : féminité = mutilation. (..à propos de cette théorie infantile : identité du motif « un peu trop peu » et du motif « un peu trop ». La petite fille a quelque chose de moins que le garçon, ce qui s'exprime tout aussi bien par l'image de quelque chose de plus (les cheveux longs.) James raconte en outre plusieurs rêves d'accidents, qui comportent des allusions à la mort de sa mère - le grand accident de sa vie. Ces accidents ont ,pour résultat des mutilations typiques : « C'est une rivière en hiver, on casse des blocs de glace, un camarade est emporté à la dérive ( A rapprocher de la chute dans l'eau, dans l'autre rêve. ) un camarade qui eut la tête et les jambes fracturées. » Enfin, l'un des motifs, dans la surdétermination de l'énurésie chez ce garçon (comme dans d'autres cas), paraît bien être l'équivalence inconsciente de ce symptôme avec la castration. Ainsi ce symptôme marquerait.. une convergence des complexes de mutilation et de retraite.
. Gustave.. tendance au refuge, présentait avec force le complexe de mutilation : identification féminine, sentiments d'infériorité dès l'enfance ; plus tard, refus de la vie sexuelle.
Chez Fred .. la retraite est associée à l'Odipe. Dans tel rêve où cet enfant cherche sa mère, il y a entre elle et lui un grand chien effrayant, où l'analyste a pu reconnaître une figuration du père. .. chez le garçon, dont le mouvement de retraite est conditionné par une nostalgie de la mère, le complexe d'Odipe ait assez naturellement un rôle à jouer.
..passage de l'Odipe aux attitudes de retraite et de narcisme, chez le garçon.. les deux grandes composantes de l'Odipe - attachement la mère et hostilité au père- peuvent converger pour déterminer une fuite devant les contraintes du social et du réel. Les contraintes sont assimilées au père, et héritent de l'hostilité qui s'adressait à lui ; en même temps, l'enfant qui les fuit se blottit « dans le sein maternel ». .. Hans.. ne peut écrire qu'au-dessus et au-dessous des lignes. L'analyse montre que la ligne représente pour lui la vie réelle, la règle, ce que le père ordonne et défend ; au-dessous de la ligne c'est « dans la terre » et au-dessus « dans le ciel ». Or, dans la terre et dans le ciel s'est réfugiée, corps et âme, une petite sour morte, qui maintenant est un petit ange et qui « peut faire tout ce qu'elle veut » de sorte que Hans envie son sort, lui à qui « son père défend de faire du feu ». Voilà bien, à l'état de germe, cette fuite du réel qui continue le refus de la règle paternelle ; voilà bien, en contrepartie, ce refuge dans le sein maternel (« la terre »), « le ciel »). On notera d'ailleurs ici des ces de la rivalité fraternelle..
. la jonction de deux ou de plusieurs complexes ne se produit pas au hasard. Elle a lieu par certaines voies privilégiées.. On peut arriver ainsi à situer entre deux complexes principaux, une sorte de complexe intermédiaire qui a sa physionomie propre. . situer certaine recherche du refuge entre les complexes de retraite et de naissance, certaine fuite du social entre l'Odipe et la retraite.
. complexe de Prométhée un système qui participe de l'Odipe et de la mutilation : le fi1s veut mutiler le père, lui ravir sa puissance (feu défendu) ; en vertu du talion, il sera lui-même mutilé par le père ; un équivalent fréquent de cette mutilation, c'est la ligature (Prométhée enchaîné). . système qui entre notamment en jeu chez le garçon qui se livre à l'onanisme (feu défendu), interprète cet acte comme celui de voler la puissance paternelle, et attend en retour les châtiments que nous avons vus (en étudiant le complexe de mutilation). .. le jeune Max.. le « glouton », présente certainement ce complexe : c'est pourquoi il se voit, en rêve, lié dans son lit, tandis qu'un homme vient avec un couteau pour lui couper la jambe.
Les systèmes intermédiaires, tout comme les autres, s'expriment volontiers par des fantaisies propres, par des motifs typiques, plus ou moins apparentés à ceux du mythe. .(ex.) motif de Prométhée. ..facilement passer de là à celui du héros en général ; . ce thème participe d'une part du complexe spectaculaire (le héros illustre, « exposé » aux yeux) et de l'autre du motif de la nouvelle naissance - qui souligne le rôle essentiellement compensateur des fantaisies héroïques, qui apparaissent facilement chez l'enfant, en prolongement du motif : « Je ne suis pas l'enfant de mes parents. » (livre Maman du Ciel)
Que maintenant ces fantaisies du héros viennent à se conjuguer avec des tendances masochistes, des désirs de châtiment, et une nouvelle combinaison apparaît : le thème du héros se mue en celui du martyr. .. la petite Ilona .. se livre à de curieuses rêveries : elle est fée, elle habite un beau château ; elle est vêtue.. de robes transparentes ; elle veut faire du bien aux hommes, mais on ne la comprend pas ; on la regarde comme une sorcière, on la persécute. Pour finir, on l'arrête, on la condamne, on la fait monter sur un bûcher pour la brûler en place publique. « Et une grande foule assistait. » (Le thème du héros (solaire) aboutit facilement à ce dénouement. C'est le bûcher d'Hercule.)

II. DEUX MOTIFS TYPIQUES
« Je suis exclu ». La femme victime
.. motifs typiques dans lesquels se concrétise.. la convergence de plusieurs complexes. .

. « Je suis exclu ». s'ébauche, comme conséquence de la rivalité fraternelle. A la naissance d'un cadet .. l'aîné risque de sentir « laissé de côté ». .. dès ce moment, une surdétermination.. intervient. .. d'abord le complexe d'Odipe.. en outre, la naissance .. active singulièrement chez l'aîné la curiosité relative à la naissance. Que maintenant cette curiosité se heurte, comme il arrive très souvent, à une fin de non-recevoir de la part des parents, à leurs sous-entendus et à leurs mensonges, l'enfant va se sentir doublement exclu : exclu de l'amour que l'on prodigue au nouveau-né, exclu de la connaissance d'une importante vérité ; il est doublement déçu sur ses parents, et perd sa confiance en eux. . P.119
..l'expression la plus directe de l' « exclusion » paraît bien être la revendication de l'amour, accompagnée d'une certaine obstination et de divers traits de mauvais caractère.
.. Audrey, 5 ans.

D'autres sources, fort importantes, où s'alimente le sentiment de l'exclusion, résident dans la région des complexes du moi. Déjà le seul fait de se comparer, de se différencier, de se situer comme un être distinct d'autrui et distinct de l'autre sexe, est tout près d'éveiller le sentiment de l'exclusion. .
Tous les sentiments d'infériorité, qui se rattachent au complexe de mutilation, sont susceptibles de renforcer le sentiment de l'exclusion. Cela apparaît notamment.. lorsqu'il s'agit d'une infériorité organique, d'une infirmité, déterminant une exclusion réelle. .. même les données objectives sont renforcées par les complexes. .
.. le sentiment d'exclusion puisse s'alimenter aussi au motif .. : « Je ne suis pas l'enfant de mes parents », aux diverses fantaisies de naissance héroïque et aux histoires, connexes, de bohémiens et de vols d'enfants. .. ex. fillette d'un an et demi qui fait de l'angoisse et des phobies après avoir entendu une histoire d'enfant vendu à un marchand ; elle se cache dans un angle du divan et répète en son langage : « Maman, ne me donne pas à quelqu'un d'autre ; maman, garde-moi. » Mais il est clair que le motif « je ne suis pas l'enfant de mes parents » risquera d'être particulièrement actif, lorsque cette création de l'inconscient collectif se rencontre avec des faits réels.. C'est le cas chez l'enfant adoptif ou l'enfant d'une mère ou d'un père remarié. .
Chez la petite fille, le complexe de Diane peut venir renforcer considérablement le sentiment de l'exclusion.
Chez notre sujet Cécilia.. très décidée qui hésitait seulement entre la gymnastique, la médecine et l'aviation- le fort complexe de Diane était accompagné d'un non moins fort sentiment d'exclusion ; celui-ci était à la base de l'attitude d'obstination et de révolte .. et qui allait jusqu'aux velléités de suicide. Ici le complexe de Diane se conjuguait avec le thème des curiosités interdites ; Cécilia reprochait amèrement à ses parents de ne lui avoir pas dit la vérité sur des questions essentielles ; comme il arrive, elle s'était, de ce jour, entièrement fermée à leur influence, et cela était pour beaucoup dans son attitude de révolte et d'indépendance. .P.121
.
. des curiosités interdites, nous avons distingué deux questions essentielles, celle de la différence du petit garçon et de la petite fille, et celle de l'origine des enfants. Nous avons vu se greffer respectivement sur ces deux questions les complexes de mutilation et de naissance. Mais.. il est une troisième question, celle des rapports du père et de la mère - de l'homme et de la femme. L'enfant ne saurait la formuler aussi clairement que les deux précédentes.. P.123


XXXX


I. TROUBLES AFFECTIFS ET SYMPTOMES ÉMOTIFS
.
Ainsi naissent.. chez l'enfant bien des goûts, des préférences, des refus : par un parti pris affectif. Dans ces partis pris, on peut parfois reconnaître la manifestation précoce d'une « fiction directrice », d'un (( style de vie ».
Les goûts et les dégoûts de l'enfant.. pourront .. se maintenir toute la vie, sont rarement, même dans le domaine alimentaire, l'expression d'une réaction physiologique spontanée et authentique de l'organisme ; la plupart se rattachent à des motifs affectifs et à des associations tout accidentelles. Ils n'existent souvent que par référence à l'opinion d'autrui : tantôt adhésion et imitation à l'égard d'une personne aimée, tantôt opposition. Que le père affirme que ce plat est bon au moment où l'enfant, qu'il vient de réprimander, a un vif mouvement de haine contre lui : et voilà un enfant qui risque de détester à jamais ce plat. Mais ce qui apparaît surtout dans les dégoûts incoercibles pour certains mets, c'est un transfert dont la signification symbolique est parfois très claire : ces mets se sont trouvés associés, par des analogies d'aspect ou d'odeur, à des organes ou à des produits physiologiques du corps humain et c'est à ceux-ci que s'adresse le dégoût. . P.149
. On peut aire qu'une personne vraiment analysée doit avoir surmonté tous ces dégoûts alimentaires incoercibles, d'origine infantile, et tout en gardant son échelle personnelle de préférences, accepter volontiers tous les mets usuels. Et le principe traditionnel qui veut qu' « un enfant bien élevé mange de tout » est parfaitement justifié ; mais il est souhaitable d'atteindre ce résultat par d'autres voies que la contrainte.

La vie du sentiment peut être l'objet de perturbations, d'inhibitions, de déviations plus ou moins sérieuses.
Tout d'abord le sentiment insatisfait dans la vie réelle peut se chercher des compensations imaginatives. Ex. de Mary et sa mère inventées par un petit garçon.. Ainsi puissance, gourmandise, affection, tous les besoins sont satisfaits par cette fantaisie compensatrice. . par elle, l'enfant se reporte à une époque antérieure où sa mère était tout pour lui. On reconnaît un de ces cas de retraite, où regret, régression et introversion se conjuguent. C'est la voie, dangereuse si elle s'accuse, des « rêveurs éveillés », qui succombent à ce cercle vicieux : les insatisfactions affectives de la vie jettent les sujets dans la rêverie, et l'attrait de celle-ci, jointe au moindre effort qu'elle suppose, leur rend de plus en plus difficiles les tentatives qui leur rouvriraient l'accès au réel.
Le complexe d'Odipe est responsable, pour une large part, de bien des inhibitions du sentiment. cas d'une fillette qui a construit toute sa vie sur un mensonge inconscient : celui de montrer de l'indifférence à l'égard de son père qu'elle adorait. Ces sortes de refoulement peuvent fausser toute une sensibilité, tuer dans leur germe routes les manifestations de l'amour, donner au sujet la conviction pénible qu'il est incapable d'aimer et d'éprouver un sentiment quelconque.
.
Certaines perturbations de la vie affective se ramènent à un conflit de deux sentiments opposés, et cependant liés entre eux en une seule situation qui se transfère comme telle. ex. un garçon éprouve pour sa sour d'abord une forte hostilité (Caïn), puis une tendresse si violente (Odipe). Les deux sentiments demeurent associés entre eux et attachés à un objet unique.
. règles générales de l'ambivalence : si l'amour et la haine, le plaisir et la douleur ont été éprouvés par l'enfant à l'occasion du même objet, l'affectivité reste attachée à cet ensemble associatif et la situation se reproduit ensuite, par transfert, autant qu'on voudra. Si l'enfant a pris l'habitude de désirer dans la crainte, il gardera la tendance de réunir ces deux sentiments, soit en aimant ce qui est dangereux ou honteux, soit en ayant peur ou honte de ce qu'il aime. P.151
. des ambivalences de cette sorte puissent favoriser des régressions sadiques. . des fixations homosexuelles, ou aussi narcistes, peuvent être entretenues chez l'enfant par des parents (ou des maîtres) de caractère infantile qui, insatisfaits dans leur propre sensibilité, se servent de l'enfant pour stimuler en eux-mêmes un sentiment.
. des sentiments de haine, allant parfois jusqu'à ces conduites brutales que nous retrouverons en leur temps, peuvent se développer à partir d'un refoulement de l'amour. Le dépit amoureux n'est pas le rivi1ège de l'adulte.

Les sentiments d'infériorité.. ont en général des racines profondes et touchent notamment au complexe de mutilation, dont nous savons .. le lien avec la culpabilité et le châtiment. . Le sentiment conscient d'infériorité est la traduction d'un sentiment inconscient de culpabilité. Ce dernier .. est fréquemment attaché aux tendances oedipiennes, ainsi qu'à l'onanisme . (cf. violence fondamentale et culpabilité d'exister.). un principe .. primordial en psychanalyse : c'est que des symptômes évidemment pénibles ne subsistent cependant que pour autant qu'ils procèdent d'un désir inconscient. .
Ils marquent souvent un véritable désir de se punir. (ou message du corps) Ils peuvent en outre être entretenus.. par la rivalité.
Au désir de se punir, peut se conjuguer un désir gratuit de se nuire à soi-même (masochisme). Cette situation peut être déterminée par des châtiments effectifs reçus d'une personne aimée, ressentis pour autant comme agréables et parfois plus ou moins mêlés de volupté. ..

.un terme.. passage de la culpabilité à l'infériorité est celui d'indignité. Au-dessous d'un sentiment d'infériorité relative, s'exprimant par la comparaison avec tel ou tel, se dissimule un sentiment d'infériorité absolue, de non-valeur, qui est lié lui-même à un profond sentiment d'insécurité. . cette insécurité foncière de l'enfant en rapport avec une éducation incohérente ou systématiquement humiliante ; .. on passe naturellement des sentiments d'insécurité et de non-valeur à ceux d'isolement et d'abandon. .. rôle des sentiments de dévalorisation et d'insécurité dans la « névrose d'abandon ». l'importance des processus conjugués de « valorisation » et de « sécurisation » .. sont .. (C. Odier) des « fonctions du moi ». Une déficience de ces fonctions pourrait donc trahir une faiblesse du moi, à l'égard des autres instances psychiques. . rien ne valorise et ne rassure le moi, rien ne l'encourage à s'affirmer comme la certitude d'être aimé ; rien ne l'inquiète comme la crainte de ne l'être pas. P.153
. nous rejoignons toute la gamme des sentiments d'exclusion ; .. le sentiment du ridicule, la peur du ridicule se rattachent à ce motif. Etre ridicule, c'est être à part, alors que les autres s'entendent pour rire de vous. Il est mauvais de ridiculiser l'enfant, parce que c'est le plonger dans l'exclusion. Et le sentiment d'exclusion, en s'exaspérant, conduit aux idées de persécution.
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La timidité se présente d'abord comme la manifestation la plus émotive et la plus visible du sentiment d'infériorité. Mais d'autres mobiles complexuels s'y trouvent impliqués. . l'Odipe. sentiments d'infériorité, de jalousie, de culpabilité à l'égard du père, à la fois rival et juge inflexible.
Mais c'est surtout en se conjuguant avec le complexe spectaculaire que les sentiments d'infériorité prennent la forme de la timidité, dont le trac est une manifestation aiguë et particulièrement instructive, La culpabilité qui frappa abord l'acte de montrer sa nudité est, en effet, susceptible des généralisations - par transfert - les plus diverses et les moins légitimes : ainsi sera bloqué, chez l'enfant, l'acte de se lever devant toute la classe et de répondre, mis de la sorte en vedette ; ainsi sera perturbée toute situation où il s'agit de se mettre publiquement en valeur.
. la timidité, la rougeur (qui accuse la mise en vedette), l'éreutophobie ou crainte de rougir (qui renforce encore la timidité) représentent un conflit entre le désir d'attirer l'attention d'autrui et celui de s'y soustraire. (ex. clin. Boving) (.. l'érytrophobie est la phobie de la couleur rouge..) .
. le ridicule comporte aussi des éléments spectaculaires : en se mettant en vedette, mais de manière à paraître ridicule, le sujet réussit cette formation de compromis, de réaliser une exhibition mais en s'en punissant tout à la fois ; il se montre symboliquement dans sa nudité, mais « se couvre de ridicule » comme d'un manteau dérisoire. Cette forme d'exhibition est d'ailleurs souvent localisée à l'origine sur la région anale. ( ? ?)
Les parents et les éducateurs ne s'entendent parfois que trop bien à prêter main-forte aux complexes de l'enfant. . des timidités par un profond sentiment d'insécurité qui s'est développé chez l'enfant par suite de l'instabilité des parents. .. P.155
Frances Wickes .. montre comme une disposition à la peur peut se développer chez un enfant, à partir d'un sentiment fondamental d'insécurité, en quelque sorte justifié du fait que l'enfant savait n'avoir pas été désiré par sa mère. .. autre cas.. l'insécurité développ(ée)er ..comme conséquence des excès de sollicitude d'une mère, dont l'enfant introjecte les peurs à son égard. . cette contamination par les craintes de l'adulte peut intervenir, alors même que ces craintes ne sont pas exprimées en paroles devant l'enfant. L'enfant est très sensible à des attitudes, à des nuances, à une atmosphère. . influencé par l'inconscient même des parents . chez les jeunes enfants on peut aller jusqu'à invoquer une sorte de symbiose psychologique avec la mère (confirme la tradition et le développement des chakras) .
Les colères nerveuses, les « rages » de l'enfant sont .. des expressions d'une agressivité, et peuvent être déterminées par tout ce qui développe celle-ci (rivalité, jalousie, réversion de l'amour en haine). Cependant .. situation moins évidente où la rage agressive camoufle une peur : une peur.. qui affole le sujet et éveille chez lui des gestes défensifs, puis offensifs, incoordonnés et qui peuvent se tromper d'objet : ainsi le petit chat effrayé par un chien, et qui griffe à tout hasard l'enfant intervenu pour le préserver. (importance de conscientiser cette notion de se tromper d'objet pour ne pas rester de la persécution) Bien des enfants se comportent comme ce petit chat. Aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer chez un même sujet des rages diurnes et des terreurs nocturnes, qui sont en rapport entre elles. ex. où cette situation procédait d'un profond sentiment d'insécurité, dû surtout à l'attitude des parents lui imposaient à l'enfant des exigences au-dessus de ses forces.
. terreurs nocturnes de l'enfant. .. en rapport avec la perception, plus ou moins brutale, plus ou moins confuse, des relations intimes des parents. .. le noud ..de sentiments.. impliqué.. dans cette perception : le terrible, le désiré, le mystère, l'exclusion. . décelable derrière certaines peurs de la nuit, de l'ogre, de l'homme noir, du loup, du serpent, de l'écrasement. (souvenirs des pleurs nocturnes de Pierre, de son éclat de rire lors d'une de ses visite pendant la sieste ; d'une peur du noir exprimée par Marie, acceptée. ) .. transfert . d'une peur du tremblement de terre.(cf. pour Pérou peur d'être anéantie, cf. L.V.F.) . Les rêves d'animaux .. l'effroi devant l'aspect animal de la nature humaine. chantage inconscient de certaines peurs nocturnes, la volonté de puissance qu'elles expriment et qu'elles servent : l'enfant se prouve par ce jeu qu'il a bien sa mère, ou telle autre personne, à sa disposition.

Les phobies sont des peurs sélectives, fixées sur un objet déterminé, souvent inoffensif .. la peur incoercible manifestée à son égard est fortement exagérée, et reconnue comme telle par le sujet, au moins dès « l'âge de raison ». (Mais au moment où il est submergé par la phobie, la raison est devenue impuissante. C'est comme un état second, que Charles Odier a cru pouvoir caractériser en parlant d'une « objectivation de l'affect » et d'une « régression de la pensée au stade magique ») .mettre en évidence le mécanisme de transfert. Ex ; les yeux bleus de l'institutrice.
.ramenées par l'analyse de leurs objets de transfert à leurs objets initiaux.. les innombrables phobies d'objets divers se ramènent à un petit nombre de motivations principales. .. :
1) L'une est la peur des parents, communément transférée sur les gros animaux. La peur de la « mère terrible » s'exprime souvent par la phobie de l'araignée. Mais la peur des parents tend à se spécifier en peur de certains actes que les parents sont censés pouvoir commettre.
2)C'est ainsi que de la peur de l'araignée (qui prend, qui retient) nous passons à la peur de l'engloutissement, liée à un symbolisme du gouffre, du sein maternel dévorateur (le loup du Petit Chaperon rouge).
3)La peur de la mutilation, de la castration, est aussi à la base de phobies portant sur certains animaux dont on redoute la morsure ou la piqûre (plus liée à l'empoisonnement, la contamination), comme sur les couteaux et les armes.
4) Ces derniers objets peuvent d'ailleurs dissimuler, surtout chez la fillette grandissante, une peur de la pénétration (sexuelle). Il en va souvent de même de la phobie des divers symboles phalliques (serpent, etc.) et de celle.. des cambrioleurs. (pas que sexuelle ! Lien à l'animus, au Barbe Bleue, à l'intrus) C es diverses phobies de pénétration, lorsqu'elles apparaissent chez le jeune garçon, semblent trahir une phase plus ou moins homosexuelle, une certaine identification féminine.
La claustrophobie ou peur des espaces clos se rattacherait à la seconde catégorie (engloutissement). L'agoraphobie, peur au contraire des espaces ouverts, des places, des rues à traverser, et qui peut s'aggraver jusqu'à interdire au sujet de sortir seul, ou même de sortir, correspond à une situation plus complexe.. comme une névrose particulière. Ce n'est guère une névrose d'enfant ; .. elle apparaît volontiers dès la puberté, surtout chez la fillette, avec un contenu sexuel évident : la peur notamment des tentations de la rue. .. le complexe spectaculaire est en jeu : rencontre d'exhibitionnistes, peur d'être soi-même en vedette au milieu d'un espace vide, etc. . ADLER.. fidèle à son principe de puissance, envisage l'agoraphobie sous cet angle, y décèle une peur d'avoir à « descendre de sa hauteur » et pour ainsi dire de son piédestal. Par là, elle se rapprocherait de certaines angoisses des hauteurs, de certains vertiges. .P.159
. Mais il ne faut jamais se contenter d'une explication négative. Ex. peur d'être enceinte sur un baiser et les bulles de savon et la fantaisie de créer des êtres par la bouche.
.toutes ces peurs et phobies teintées de sexualité.. la crainte, pour réelle qu'elle soit, se développe comme une riposte à un désir instinctif.. réel ; ..la violence de la crainte est.. accentuée.. dans la mesure où le désir pressenti alarme sourdement le moi. . ambivalence.
.. l'angoisse.. est .. une peur, mais développée en sens inverse de la phobie ; tandis que la phobie se fixe sur un objet d'élection, on parle d'angoisse d'autant plus volontiers que la peur enveloppe moins la référence à un objet précis ; à la limite, l'angoisse est une sorte de peur absolue. .. en elle une racine commune de tous les troubles nerveux.
Outre les accidents particuliers qui peuvent la frapper en tel ou tel point.. il convient d'observer.. que la vie affective dans son ensemble (le sentiment en tant que fonction ..) peut succomber à l'inhibition, au refoulement. .. à partir des tabous oedipiens.. des échecs dans l'exercice de la sensibilité. ; il y a des sentiments bafoués, rabroués, maladroitement offerts et mal reçus : à la suite de quoi l'être se replie et se rétracte. Il y a aussi de ces partis pris comme ceux.. à propos de la genèse des goûts et préférences. « Le sentiment », comme tel peut être frappé d'interdit par un de ces partis pris, et taxé de « mauvais goût » soit par adoption des vues d'une personne ou d'un milieu qui juge de la sorte (à la faveur d'une valorisation extrême de la raison, de la tenue aristocratique, stoïcienne ou puritaine), soit au contraire en vertu d'une riposte à l'égard de débordements affectifs qui ont choqué l'enfant. . comme dans le cas des goûts et des préférences, le parti pris qui condamne la vie affective est lui-même d'ordre affectif, et d'autant plus intransigeant dans sa condamnation qu'il est plus chargé d'affect. Autrement dit, nous sommes en présence de cas paradoxaux où la sensibilité se retourne contre elle-même, s'use à se combattre, et où le sujet, pourrait-on dire, met toute sa passion à n'en pas avoir. . P.161


II. TROUBLES INTELLECTUELS ET DIFFICULTÉS SCOLAIRES

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.. rôle perturbateur de la rivalité fraternelle sur les démarches intellectuelles.
.. le sentiment d'infériorité - naturel dans la petite enfance- du cadet à l'égard de l'aîné, se trouve consolidé et maintenu à la faveur d'une inégalité objective qui le ravive sans cesse ; c'est cependant en descendant jusqu'à lui, et aux mouvements de rivalité et de culpabilité qu'il comporte que l'on peut dégager la situation. .
Cette situation du cadet à l'égard d'un aîné supérieur n'est pas si différente de celle, bien connue, d'un fils bloqué par la comparaison avec un père supérieurement doué, apprécié, ou, à plus forte raison, illustre : le drame des fils de grands hommes. Là aussi la comparaison semble fournir une justification objective à l'infériorité ; là aussi, cependant, il faut descendre jusqu'aux régions infantiles, celles de l'Odipe et de la mutilation, pour réduire une situation affective que cette comparaison consciente et raisonnable avait empêchée de se délier normalement, mais n'avait pas créée. Ex. dessins d'enfants.. Un motif insistant se dégageait .. : celui d'un objet de grande taille voisinant avec un objet semblable de petite taille, à peu près homothétique, qu'il semblait écraser de sa puissance : la grande maison et le petit garage, le grand arbre et le petit arbre, etc..P.163
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La mutilation se transfère facilement.. sur l'activité intellectuelle (le « transfert en haut », deminutio capitis, sacrifcium incellectus). (cas clin. Vincent D.M.)
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L'enfant qui « écorche l'orthographe ».. commet souvent par là une mutilation symbolique. Une difficulté générale à assimiler , orthographe marque souvent un refus de la règle. .
Dans la mesure où l'enseignement est imposé - où le maître est un maître - on conçoit que les réactions de l'enfant à l'égard de l'autorité influencent sa vie intellectuelle. .Qui n'a pas observé qu'une branche d'études devient impossible pour un enfant, du jour où elle lui est enseignée par un maître qui s'est fait détester, ou craindre. Tout comme d'ailleurs l'enfant se complaît et réussit dans une branche qui lui a été révélée par un maître aimé. Mais l'analyse.. découvre par exemple dans la résistance à un maître une protestation, transférée, contre un certain aspect du père. . P.165

.. l'attention se fonde sur un substrat affectif, qui s'exprime, en bref, par l'intérêt. Le défaut d'attention, la distraction qui paralyse le travail intellectuel de bien des enfants, est loin de procéder toujours d'une faiblesse réelle de la capacité d'attention ; très souvent, si l'esprit ne peut se fixer sur un travail, c'est parce qu'il est envahi par d'autres courants de pensée, chargés d'affect. L'inattentif poursuit d'ordinaire une rêverie, mais celle-ci est parfois à peine consciente, si bien que le sujet, rappelé à la réalité, peut croire de bonne foi qu'il « ne pensait à rien ». Cette impression peut procéder du brusque passage d'un plan de conscience à un autre (comme lorsque le réveil fait disparaître soudain le souvenir d'un rêve pourtant vif) ; elle peut aussi résulter d'un refoulement qui frappe les éléments dont se nourrit la rêverie. C'est cependant en analysant ces éléments, plutôt qu'en poussant l'enfant à s'arracher brutalement à sa rêverie, qu'on a des chances de l'aider le plus efficacement.
Ex. du petit garçon qui mord sa maman au sein. Le garçon refoule son agressivité, devient doux et craintif, mais nourrit des rêveries guerrières, où il se voit général. Cette rêverie le distrait, le détourne de son travail ; les résultats scolaires deviennent médiocres au point d'alarmer. L'analyse rend à l'enfant l'usage d'une agressivité normale, le délivre du même coup de sa hantise militaire, lui permet enfin de se concentrer sur ses devoirs et de « transmuer, cette fois consciemment, son agressivité en travail et en émulation ».
La distraction peut aussi procéder, non plus d'une rêverie, mais d'une réflexion plus consistante, d'une question lancinante à laquelle l'esprit revient toujours ; mais c'est que cette question, tout comme la rêverie, est chargée d'affect, c'est-à-dire qu'elle est en liaison directe avec les forces instinctives. .
.. des « questions lancinantes ». On conçoit en effet que des poussées chargées d'affect et refoulées livrent des assauts répétés. Ce serait une des origines de la pensée obsédante. L'obsession proprement dite n'est pas un trouble de la mentalité enfantine ; mais on peut fort bien en saisir le germe chez certains enfants, lorsqu'un désir puissant et fortement condamné revient sans cesse à la charge. .
. certains enfants sont contraints, d'une manière obsédante, à se poser certaines questions plus ou moins stériles et à les creuser sans fin, ce qui capte leur intérêt et peut les conduire à oublier le monde extérieur. . ces problèmes vains apparaîtront à l'analyse comme des substituts d'autres questions, importantes et refoulées ; c'est seulement en reprenant conscience de ces dernières, que l'enfant sera délivré de l'obsession naissante. . P.167
. ex. de Jung.. « la sublimation de la peur en activité intellectuelle ». la recherche d'une sécurité, d'une protection, est un des facteurs de la pensée obsessive. (cf. rêve d'Emmanuel B.) .
. certains défauts de mémoire procèdent d'une interdiction de laisser reparaître certaines idées réputées coupables, et, de proche en proche, d'autres idées associées aux premières, selon le même mécanisme de la tache d'huile, ou du transfert envahissant, que nous avons déjà rencontré (.. notamment, le tabou oedipien bloquer de proche en proche la vie du sentiment). Ex. de conseil de la mère à la fillette « d'oublier ces saletés ». Son défaut de mémoire fut le résultat de ce conseil.
Dans les deux cas de pensée obsédante et de perte de mémoire - celui-ci marquant le triomphe du refoulement, celui-là le retour du refoulé - les questions écartées sont souvent de l'ordre des préoccupations sur les mystères du sexe et de la naissance.
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Si l'enfant est très sensible à l'interdiction qui frappe les curiosités sur la génération, il ne transfère pas seulement sa curiosité sur d'autres objets, il transfère aussi l'interdiction : c'est une forme de transfert de situation. Il semblerait parfois que le tabou court après le désir (ici la curiosité) avec par bonheur un certain retard, et le déloge de toutes les positions où il se réfugie successivement, quitte à lui en laisser enfin une dernière où l'on dirait qu'il perd ses traces. . P.169
Ex. analyse d'un garçon de 9ans et son aversions pour la géographie.. ce cheminement répète, en sens inverse, celui du refoulement, et que le tabou frappant ces sortes de questions était à la base de la résistance à la géographie. Celle-ci, peut-on dire, représentait ce qu'on doit pas chercher à connaître ; .
.. certains types d'enfants.. se bloquent plus facilement sur certaines branches. Pourquoi certains enfants transfèrent- ils surtout l'interdiction sur les problèmes, tandis que d'autres la concentrent sur les sciences concrètes ? Nous serions tenté de croire que le dernier cas se présente plutôt chez des enfants extravertis, chez qui le refoulement est lié de préférence à l'observation directe de l'objet interdit, tandis que le premier caractériserait des introvertis, chez qui les questions intérieures, les ruminations mentales sur l'objet, se sont trouvées au premier plan. .
De toute manière, la solution donnée dès l'enfance à ce conflit entre le désir de savoir et l'interdiction contribue largement à déterminer l'orientation de l'intelligence. . Ainsi ce n'est pas seulement l'inhibition ou le développement de l'intelligence qui est fonction du complexe des « curiosités interdites » mais c'est toute l'allure de l'esprit, sa propension aux sciences exactes ou aux sciences concrètes, à la connaissance ou au mystère. .
Au-delà du thème de la curiosité interdite et des divers éléments spectaculaires, il peut être bon de descendre jusqu'à des motifs d'ordre buccal, qui sont en liaison avec eux. EMMANUEL KLEIN.. insiste sur les racines buccales du spectaculaire : pour le jeune enfant, l'acte de voir, c'est-à-dire d'« incorporer l'objet par l'oil » serait une variante de l'incorporation de l'objet par la bouche. .. « manger des yeux », «avoir plus gros yeux que gros ventre », « dévorer un livre ». .. sue les difficultés de l'apprentissage de la lecture chez les jeunes enfants. La lecture, qui comporte vision et articulation, intéresse la bouche autant que l'oil ; ses troubles sont à étudier en fonction du sevrage. L'enfant qui aime qu'on « lui lise » une histoire, et qui refuse de lire lui-même, répète un refus de sevrage. Le même enfant, plus tard, sachant lire, risquera de préférer les lectures cursives et faciles, de délaisser les livres pour les magazines, etc., bref il témoignera volontiers de ces « conduites de facilité » qui se révèlent, en toutes choses, comme ayant des points d'attache dans le stade buccal. P.171
.Bien des retards intellectuels sont dus en effet à un de ces regrets ou régressions, d'origine tout affective, que nous avons signalés en étudiant le complexe de retraite. ..retards.. souvent plus apparents que réels ; on dira qu'une intelligence, intacte en soi, est paralysée par un trouble affectif .
.Le recul, surtout s'il est intervenu à l'un des premiers stades du développement, peut s'être consolidé en une régression réelle de l'intelligence, de même que la supériorité intellectuelle passionnément désirée par un jeune enfant en vertu de ses complexes peut devenir une supériorité réelle : la fonction crée l'organe. .
Ex. du petit Louis.. de Karl.. chez qui la faiblesse scolaire.. trahissait un sentiment d'abandon. ..
.. enquête sur le développement affectif du nourrisson. .. Il s'avère que le jeune enfant supporte mal d'être privé de sa mère, ou d'un « substitut adéquat de la mère » quand bien même il est l'objet de « toute la protection médicale et hygiénique inventée par la science moderne ». C'est entre le sixième et le quinzième mois que cette séparation paraît le plus mal tolérée. Elle provoque des troubles psychiques et organiques, une recrudescence de la mortalité.. une grave perturbation du développement intellectuel.
La relation affective avec les parents peut avoir sur l'activité intellectuelle les effets les plus variés. « Le père, met-il son ambition à ce que son fils soit un bon élève, si celui-ci pour une raison consciente ou surtout inconsciente lui en veut, il est bien probable qu'il accumulera de mauvaises notes à l'école. »(M. RAMBERT) Tel enfant rêve en faisant ses devoirs, ce qui pour finir l'empêche de les bien faire. A quoi rêve-t-il ? A surpasser son père. Et.. en vertu de la culpabilité oedipienne dont elle (la rêverie) est chargée.. se trouve.. entretenue subtilement de manière à se punir elle-même en sabotant le travail qui devrait servir cette ambition défendue.
La substitution de la rêverie au travail effectif de l'esprit peut procéder du mouvement de retraite.. chez l'enfant de disposition introvertie. Certes cette rêverie peut être féconde à sa manière.. c'est dans la même ligne que se développe cette passion de la lecture solitaire.. et qui peut être le point le départ d'une heureuse activité de l'esprit. Mais dans certains cas, ces conduites - rêverie ou lecture - accentuent d'une manière inquiétante leur caractère de retraite et aussi leur caractère de démarche magique. P.173
. la préférence accordée au moyen magique sur l'effort n'est pas sans danger. Ex. de Thora et Hugues se réfugiant sous la table avec un livre.. Thora .. petits délires où elle vécut en imagination de si belles amours qu'elle eut beaucoup de peine à établir des relations normales avec l'autre sexe.. maladresse naïve dans les divers contacts humains, tandis que Hugues.. rencontra de grandes difficultés dans l'adaptation sociale et dans l'affirmation de la virilité.

. cas de troubles intellectuels qui se rattachent surtout.. soit à une comparaison infériorisante, activant la mutilation, soit à une révolte ayant la même conséquence, soit au thème des curiosités interdites, soit enfin au complexe de retraite qui peut être lui-même en rapport avec l'abandon. . ces causes peuvent converger.. des surdéterminations peuvent intervenir.
Chez tel garçon, écrasé par la comparaison avec un père réellement supérieur.. situation aggravée par une culpabilité masturbatoire, avec transfert en haut, selon le thème : la masturbation abêtit, ou rend fou . (La culpabilité masturbatoire a été relevée à la base d'échecs scolaires, comme de tous autre échecs. L'échec est alors éprouvé comme une preuve du dommage commis et comme l'équivalent d'une castration)

Comme.. pour le sentiment en général, de même aussi l'intelligence en général, l'intelligence en tant que fonction, au sens de Jung, peut être bloquée. .. le tabou frappant certaines curiosités, le mouvement de retraite, peuvent conduire, de proche en proche, à ce blocage.
L'inhibition de l'intelligence peut aussi procéder d'une dévalorisation de celle-ci par les parents ou par le milieu..
Si comme Jung - et comme Bergson - on distingue, parmi les fonctions connaissantes, entre l'intelligence rationnelle et l'intuition, on observera que cette dernière, elle aussi, peut être fâcheusement négligée, inhibée, refoulée. Elle l'est même couramment en vertu de l'échelle de valeurs communément et implicitement adoptée dans l'Occident moderne. Elle peut l'être, du fait du primat reconnu aux sens, ou même à l'intelligence rationnelle, dont le développement exclusif peut procéder, affectivement, d'une prudence excessive, de cette hantise de sécurité qui apparaît bien dans la pensée obsessionnelle ou simplement systématique.
. qu'on ne confonde pas deux genres d'inattention et de rêverie fort différents, l'un où le day dream se perd en de veules et vaines rêvasseries, significatives surtout d'une fuite du réel, l'autre où l'imagination active, créatrice, mène ses jeux féconds apparentés à la poésie et qui sont l'expression d'un des types humains définis par Jung : l'intuitif introverti. P.175 La distinction n'est pas toujours facile. .. il y a « de petits signes le long du chemin ». La rêverie valable se reconnaît à l'expression du visage et de la parole, aux yeux qui s'éclairent lors de l'évocation de la belle chose rêvée. Si l'on dénie à cette rêverie sa valeur, on éveille ou bien l'antagonisme de l'enfant, ou bien un sentiment d'infériorité qui s'attache désormais pour lui, très injustement, à un mode d'être qui correspondait peut-être à sa meilleure nature. .

III. TROUBLES MOTEURS

Freud.. l'enfant traverse, à peu près normalement, à un certain moment, une crise assez comparable à une névrose, mais dont les symptômes sont peu fixés, facilement interchangeables, et souvent disparaissent comme ils sont venus. De petits troubles moteurs sont parmi les symptômes les plus visibles de cette névrose passagère. Parfois certains d'entre eux insistent, se fixent.
Les enfants prennent de « mauvaises manières » , sans nombre, qui ont le don d'exaspérer les parents, et qui parfois sont cultivées à cette fin ; on parle aussi, familièrement, de « tics ». exemples de gestes nerveux..en classe. : tel élève balance continuellement une jambe croisée sur l'autre ; le camarade arrache de petits morceaux de peau à ses doigts qui saignent ; un autre se ronge les ongles ; un autre encore fait sans le savoir une grimace impertinente ; un dernier hausse de temps en temps les épaules. Il est un peu trop facile d'expliquer ces gestes par le désoeuvrement, bien qu'un bon nombre d'entre eux expriment en effet un besoin de mouvement, brimé par la vie sédentaire de la classe ; mais leur mode spécifique.. a un sens.. mauvaise humeur et agression contre le maître ou à travers lui, contre les parents ; ..s'arracher la peau.. marque un renversement de l'agression en masochisme. .. certaines grimaces.. déplacement d'une exhibition anale. Dans un tenue , repliée - la tête baissée ou rentrée dans les épaules - on reconnaîtra un mouvement d'introversion, de retraite, de fuite de la vie. Dans nombre de gestes monotones, ou nettement rythmiques, les analystes ont relevé des équivalents de l'onanisme.
. les manies de succion.. comportent en outre une régression au stade buccal. .
La manie de ronger les ongles paraît fixée, de manière ambivalente, à ce passage.. elle serait à cheval sur les deux versants d'avant et d'après le sevrage : c'est encore une succion, c'est déjà un mordillage. La manie d'arracher les peaux P.177

XXX

IV. CONDUITES AGRESSIVES ET CARACTÈRES DIFFICILES

.Nous distinguerons les conduites agressives.. et les conduites élusives. toute action est adaptation des mouvements à un réel, à un objet, qui fait toujours peu ou prou figure d'obstacle.. cette adaptation.. cette appréhension, puisse(peut) être faussée de deux manières contraires : tantôt le sujet, au lieu d'aborder judicieusement l'objet, le brutalise ; tantôt il l'élude, et tourne l'obstacle qu'il devrait affronter.
.. ces deux conduites peuvent paraître s'opposer - de part et d'autre de l'activité normale - comme un plus et un moins. . Substituée à l'action judicieuse, l'agression est en réalité une régression. Conduite agressive et conduite élusive sont toutes deux, par rapport à l'activité saine, des moins.. les conduites élusives procèdent en général .. de régressions plus profondes.
Il existe certes chez le jeune enfant, comme chez l'animal, une agressivité normale et instinctive, de portée précise et restreinte comme tous les gestes de l'instinct. (.. agressivité diffuse du jeune enfant, chez qui le moi n'est pas encore solidement constitué.. ce stade fait place à celui d'une agressivité dirigée, concentrée sur certains objets, au fur et à mesure de la formation au moi..) .cette agressivité normale s'exaspère en conduite systématique, en vertu de sollicitations artificiellement surajoutées : « L'agressivité que l'enfant dirige contre les adultes n'est, en grande partie, que le reflet de l'agressivité dont l'adulte fait preuve à son endroit l'empêchant de vivre à sa guise. A ce jeu-là l'enfant finit pas se révolter. Ce qui, en lui, n'a été jusqu'à présent que gestes agressifs sans coloris affectif devient, dès lors, affectivité vengeresse. Si l'adulte n'a pas su respecter en l'enfant le besoin de liberté, s'il l'a traité en enfant sale et méchant alors qu'il n'est encore qu'un petit être dépourvu d'auto-discipline, l'enfant devient véritablement méchant. L'intention d'irriter s'ajoute à son comportement naturel. C'est l'excès de cette transposition qu'il faut craindre. » (YVONNE ROUSSEAU)
.l'enfant sensible et émotif envers qui la mère éprouve, le sachant ou non, des mouvements hostiles, et qui réagit en devenant cruel envers les autres. . les réactions agressives.. sont, chez enfant, une riposte naturelle au sentiment de frustration. . l'enfant, que l'on interrompt dans une activité, décharge volontiers en agression les forces mobilisées pour cette activité ; cela est encore plus marqué si l'interruption est due à une intervention déjà agressive de l'adulte, mais cette condition n'est pas nécessaire.
Les conduites agressives qui font les enfants « méchants », les caractères « difficiles », « obstinés » et « impossibles », comportent en général.. des régressions au stade « sadique-anal », à la suite notamment de chocs de l'âge oedipien et d'échecs divers dans les conduites affectueuses. C'est pourquoi les tendances agressives et destructives sont si souvent associées aux comportements malpropres, aux propos orduriers, au langage vulgaire ou argotique, à toutes les formes du gâchage et du désordre. P.193
. « à cela se lie un grand besoin de mouvement, d'agitation, d'agressivité motrice.. » . la turbulence.
Dès l'âge même de l'éducation de la propreté.. les progrès de l'enfant dans l'acquisition de celle-ci et de toute autre discipline sont fonction de son attachement pour les personnes qui l'éduquent. . « souvent, quand la personne pour l'amour de laquelle l'enfant est devenu sage part, l'enfant retombe pour un temps dans sa barbarie primitive. » . les enfants plus grands.. la haine ou la brutalité, comme suite d'un refoulement de la vie du sentiment.
.l'analyse de l'agressivité doit parfois remonter jusqu'au stade du « sadisme buccal ». . les instincts agressifs « se développent avec l'apparition des dents ».

La naissance d'un nouvel enfant est une situation clé pour bien des perturbations qui surviennent dans le développement de l'aîné. ..il n'est pas rare que le caractère tout entier s'en trouve bousculé.
. La conduite naïvement sadique à l'égard du petit rival, ou son transfert immédiat sous forme de cruauté envers les animaux n'apparaissent, ou du moins ne se fixent, que chez les plus jeunes enfants, et chez les natures les plus frustes ou dotées d'une plus forte agressivité congénitale. Chez l'enfant plus évolué, la situation est dès l'abord plus complexe. Outre que l'hostilité enveloppe plus ou moins la mère infidèle, ou les deux parents, elle prend des formes plus indirectes, plus raffinées, qui en dissimulent l'origine aux yeux de l'entourage ; elle tend .. à se diffuser sur l'ensemble de la conduite. . « C'est curieux, comme le caractère de cet enfant a changé ! » Mais la composante proprement sadique reparaît dans les rêves et les jeux de l'imagination. P.195

. si l'hostilité fraternelle se développe en mauvais caractère, c'est surtout lorsqu'elle conduit à une attitude de représailles à l'égard des parents, notamment de la mère infidèle. Mais le même système de représailles peut jouer lors d'une séparation ou d'un divorce des parents, lorsque l'enfant, vivant par exemple avec la mère, accuse ce11e-ci de l'avoir privé du père ; il joue à plus forte raison lorsque l'enfant, ayant vécu quelque temps avec un seul de ses parents, voit celui-ci se remarier, ce qu'il peut ressentir comme une infidélité confinant à la trahison. . P.197
.
Nous rencontrons dans la vie réelle de nos sujets des drames qui semblent calqués sur un semblable scénario. ( Cf. Balzac La femme de trente ans)

Dans bien des cas, c'est le sentiment d'exclusion qui se manifeste au premier plan. .éloigné de la maison (=exclu). corde du sevrage (cf.Anne-Catherine M.)
Parfois le sentiment d'exclusion, selon sa logique propre, se développe en un caractère paranoïde. . P. 199
D'autres fois, le sentiment de l'exclusion, de l'injuste privation qui différencie des autres, mène à un durcissement du caractère. . ex. ..réaction relativement saine à ce complexe, celle d'un enfant qui, s'éprouvant exclu, se retranche, ne compte plus que sur ses propres forces, mais y compte. Il reste que la vie affective paraît dangereusement refoulée.
C'est ce qui se passe sans doute dans de nombreuses ambitions, du type adlérien, développées à partir des sentiments d'infériorité et d'exclusion. Elles peuvent ouvrir à l'énergie une belle carrière, lui assurer un brillant retour au réel ; mais il n'est pas dit qu'elles rouvrent pour autant les sources du cour et les héros qu'elles suscitent risquent de dire un jour avec amertume.. qu'ils ont « vécu puissants et solitaires » et de ne plus aspirer qu'au « sommeil de la terre ». . « retourner à la campagne » ; c'est moins grandiose, mais n'est-ce pas de la même veine ?
. Il est des cas où domine le défi, l'attitude provocante. .. un enfant naturellement introverti, à qui les normes du milieu ont imposé une extraversion forcée et qui, comme toute attitude forcée, renchérit. Cette extraversion forcée d'un introverti.. peut conduire aussi au durcissement artificiel du caractère.. ex. Mussolini.
Il n'est pas rare que les attitudes de défi et d'arrogance procèdent d'un sentiment cuisant d'infériorité ; elles réussissent ainsi à donner le change ; elles trompent l'entourage, et pour finir le sujet lui-même, qui réalise de la sorte une manière de compensation .
Le même mouvement de défi anime certain goût du risque, certaines conduites audacieuses et dangereuses. . Le « jeu avec le feu » ne consiste-t-il pas surtout.. à voir jusqu'où l'on peut jouer sans provoquer la catastrophe ?
. cas plus tendus où c'est la cruauté elle-même qui est appelée à compenser un sentiment d'infériorité - comme elle peut être une réplique à la peur. P.201
.
Le mouvement qui détermine la révolte d'un enfant n'est pas toujours infantile ni erroné. Ce qui peut alors importer le plus, c'est de prendre ce mouvement au sérieux, de le discuter avec l'enfant. ex. .. fillette devenue obstinée et difficile ; elle se retranchait par surcroît dans son monde intérieur où elle vivait avec des personnages imaginaires. (L'obstination.. est une forme d'agressivité qui est propre à l'enfant du type introverti.) Il s'avéra .. que sa révolte procédait de préoccupations concernant la mort. .
. On ne saurait.. comprendre à fond nombre de conduites agressives et « méchantes », sans faire un large appel aux sentiments de culpabilité. . part de la culpabilité inconsciente dans la genèse des symptômes nerveux de toute sorte ; quelle que soit la motivation propre de chacun d'eux, ils ont en outre cela de commun d'être, peu ou prou, des autopunitions. Mais nulle part peut-être cette culpabilité ne s'est révélée si puissante qu'à la racine de certaines conduites agressives. . on dirait parfois que le sujet se conduit d'autant plus « mal » qu'il se sent sourdement plus coupable. .
Ce sont des enfants à sentiments de culpabilité excessifs, qui se puniront à chaque occasion :c'est eux qui tomberont malades la veille d'une fête ardemment attendue, déchireront leurs vêtements le jour où leur mère leur recommandera d'y faire attention, casseront les objets auxquels on leur demandera de prendre garde.
Notons d'ailleurs que ces enfants recherchent la punition extérieure qui apaise provisoirement leurs sentiments de culpabilité.
. par quelles transitions l'on passe de l'autopunition à la recherche d'une punition extérieure. .. le moyen le plus sûr pour obtenir celle-ci, c'est bien la conduite agressive, méchante, provocante, celle qui pousse à bout les parents et les maîtres. On conçoit que ce détour par l'instance extérieure puisse apparaître à certains enfants comme une économie ; s'ils tiennent absolument à être punis, il peut leur sembler plus commode de se faire punir en se conduisant mal, plutôt que de se donner la peine de se punir eux-mêmes. C'est en tout cas la manière extravertie d'obtenir la punition.
On peut voir des enfants qui hésitent entre les deux méthode. . ex. clin.. Les jeux élémentaires de la réciprocité sont mis au service d'une recherche de la punition.
Dans cette hésitation.. on saisirait aussi.. le chassé-croisé de l'introjection et de la projection - mouvement alterné qui serait à considérer dans la psychologie du surmoi. Freud a montré, dans le surmoi, une introjection des parents et des premiers éducateurs, de leurs consignes, de leur autorité, de leur sévérité. Mais il faut voir aussi qu'un surmoi déjà constitué par les introjections premières tend à se projeter sans cesse au dehors, sur des personnages réels qui l'incarneront aux yeux du sujet et qui seront pour autant admirés, redoutés, adoptés comme guides incontestés ou comme juges - quitte à être ensuite introjectés à leur tour dans un surmoi élargi. Dans la recherche d'une punition extérieure, nous assistons à une prédominance de la projection sur l'introjection ~ prédominance qui caractériserait le type extraverti. P.203
. la culpabilité touchant les questions interdites : l'insubordination.. comme un moyen de se faire punir. Ce sont des cas où il est clair que la punition ne viendra pas à bout des méfaits contre lesquels l'éducateur la dirige, puisque ceux-ci n'ont pour rôle que de la provoquer, et qu'en la leur accordant, on les encourage.
Le même cercle vicieux peut s'élargir à des proportions tragiques. . les jeunes délinquants . Le sentiment de culpabilité peut porter sur des fautes infantiles vénielles, où même la fantaisie peut avoir plus de part que la réalité ; mais ces fautes se trouvent, de par le jeu des complexes, peser lourdement ; elles suscitent alors un tel besoin de châtiment que le sujet commet des fautes réelles et graves, et jusqu'à des crimes, pour satisfaire ce besoin . Ainsi la psychanalyse nous apprend, une fois de plus, à ne pas nous fier aux apparences. .
Si, dans de tels cas de délinquance ou de criminalité, nous voyons intervenir un surmoi d'une sévérité excessive, névrotique, et jouant à faux, il en est d'autres où l'action du surmoi n'est pas moins visible, mais où son rôle est tout différent. Tantôt il s'agit d'un surmoi incohérent, formé d'identifications disparates ou contradictoires, dont le conflit a rendu simplement impossible la constitution d'une moralité solide : c'est le cas chez des enfants qui ont été ballottés entre plusieurs milieux, tels que la vérité de l'un était erreur dans l'autre. Tantôt encore il s'agit d'un surmoi qui fonctionne normalement, mais qui procède d'une identification à un modèle fâcheux : .. le mauvais exemple. . « Tel père, tel fils. »

. place aux conduites exigeantes, qui ont vraiment un caractère agressif, bien qu'elles se rattachent plutôt aux complexes.. à 1'ouvre dans les conduites élusives.
Ex. clin. . Ses désirs veulent être satisfaits sur-le-champ.. se met « dans un état insensé » quand elle ne peut avoir ce qu'elle veut.. mange trop vite, elle « engloutit ». .
Ces ambitions qui procèdent de l'avidité et du sevrage ont.. une autre allure que celles qui compensent une infériorité adlérienne : elles sont plus « passionnées », plus impatientes, peut-être moins judicieuses. Certes les deux sources peuvent converger dans une ambition donnée.

Pour rendre compte du choix d'une attitude de base agressive, il faut parfois remonter jusqu'à cet important traumatisme.. : la perception nette ou confuse des rapports intimes des parents. fantasme (que) ces rapports consisteraient en une violence exercée par l'homme sur la femme. Les souvenirs d'épisodes ultérieurs, tels que querelles entre les parents, brutalités effectives du père à l'égard de la mère, se révèlent volontiers comme des souvenirs-écrans dissimulant ce choc premier.. la réaction de l'enfant à ces traumatismes est une prise de position. Devant cette équation virilité = brutalité, le garçon très fixé à sa mère, ou déjà doté d'une moralité affinée, se révolte, et refuse plus ou moins la virilité ; ne voulant à aucun prix être bourreau, il s'identifie à la mère ; la fille, impressionnée dans le même sens, (P.205) rejette l'homme de sa vie, ou adopte le rôle de victime. Mais le garçon qui veut à tout prix être viril accepte la brutalité dans le marché ; de même la fille déjà orientée par le complexe de Diane vers une identification virile. .. engagement décisif dans la carrière de l'agressivité. . tenir compte des jeux alternés .. de l'agression et de la peur : l'enfant dont le premier mouvement eût été d'introjecter le rôle de victime peut être pris de panique à cette perspective et se rejeter, par brusque réversion, dans le rôle de bourreau.
. « La méchanceté pourrait en partie s'expliquer par une accumulation de rancunes et de terreurs dans l'inconscient collectif de l'humanité, par le besoin de se débarrasser d'une peur ancienne et oubliée, car l'homme cesse de se représenter victime quand il prend le rôle de bourreau. » En outre le sujet, ainsi orienté, « détruirait, dans la personne d'un autre être, tout ce qu'il a voulu rejeter de lui-même : faiblesse, peur, défaite, soumission ». Nous débouchons en plein sadisme.
C'est lui aussi qu'il faut surtout incriminer chez l'enfant dit «vicieux » ou « pervers » . La plupart des excès que nous observons chez les enfants vicieux proviennent de l'abîme qu'ils ont senti entre la pureté de nos préceptes pédagogiques et la réalité du comportement moyen des hommes.» ALLENDY

IV. CONDUITES ÉLUSIVES ET CARACTÈRES FAIBLES

Les conduites agressives sont celles de la violence ou de l'obstination, les conduites « élusives », sont celles de la facilité ou de la fuite ; l'expression de « moindre effort » les caractérise assez bien. Ainsi deux sortes de conduites paraissent s'opposer à l'extrême. Disons cependant sans plus tarder que, dans le concret, il existe entre les unes et les autres des transitions, des combinaisons, des collusions imprévues. . le vol comme une conduite, surtout, de moindre effort et d'élusion ; mais nous avons. (ex. clin .) parmi les mobiles du vol, surtout du vol d'argent, une composante sadique-anale qui est de l'ordre de l'agression.
La bouderie représente, entre les deux groupes de conduites, une des transitions les plus significatives. .. « Il peut arriver.. que la bouderie suive un accès de colère manifestée, mais dans ce cas.. la colère n'a pas épuisé le sentiment parce que, généralement, l'objet en était déplacé, la vraie revendication restant informulée. La bouderie est une sorte d'inhibition. Un sujet sûr de lui-même peut masquer cette tension sous une compensation ou une feinte ; le boudeur ne le peut pas ; il n'en a pas la force. Incapable de faire machine arrière ou de débrayer le moteur, il conserve ses freins bloqués et ne peut plus bouger. » . « bouder, c'est, par des moyens détournés et insidieux, essayer d'ennuyer l'adversaire en gagnant, par la durée ou la répétition, ce qu'on ne peut exprimer dans l'intensité » (ALLENDY) Ce qui correspond bien à un recours au moindre effort, et les « moyens détournés et insidieux » marquent l'apparition de l'attitude élusive, alors que l'histoire commençait dans le climat de la colère, c'est-à-dire de l'agression.
. la dissipation. . d'une part une « révolte embryonnaire », mais d'autre part une fuite, une conduite de facilité. D'un côté, en effet, l'enfant dissipé « se moque de son professeur et lui déclare la guerre avec les petits moyens dont il dispose » ; mais de l'autre côté, « incapable de briller dans les interrogations ou les compositions, il ne lui reste plus qu'à se singulariser dans l'attitude inverse et à se faire remarquer par ses mauvais tours. Ce n'est pas parce qu'il est dissipé que le mauvais élève éprouve des difficultés dans ses études, c'est parce qu'il ne réussit pas qu'il éprouve des sentiments d'infériorité et. veut s'imposer à l'attention par les moyens enfantins dont il dispose. P. 207 (Des pitreries plus ou moins agressives, on passe d'ailleurs, par transitions, à celles qui sont surtout spectaculaires, qui veulent être drôles, avec même une manière de gentillesse, qui mimées de cet « optimisme buccal » de l'enfant gâté, sûr de plaire et de désarmer par ses drôleries ou ses chatteries.) . la substitution, à une conduite normale, d'une conduite de moindre tension. .. Cette baisse de la tension psychologique, cette régression aux « moyens enfantins », nous seront souvent sensibles au long de notre exploration des conduites élusives.

. les conduites normales, les conduites agressives, les conduites élusives .. paraissent se ranger en ordre de tension décroissante. . des conduites agressives aux conduites élusives, nous passons d'une régression moindre à une régression plus accusée. .. si les premières s'enracinent surtout dans le sadique-anal, les secondes nous amènent sans cesse à considérer des références au sevrage et des régressions au stade buccal, auquel se rapporte.. « la formation de caractères égoïstes à type captatif », pour lesquels l'objet d'amour devra toujours « jouer le rôle de mère nourricière ». (DOLTO)
Dans les conditions actuelles de la vie, nous voyons fréquemment se développer, chez de jeunes adolescents, un type plutôt longiligne et souple, un peu mou, et chez qui la fatigue d'une croissance trop rapide a sans doute favorisé des attitudes négligentes et paresseuses, préformées d'autre part dans les fixations buccales de la petite enfance et du sevrage. . rêvent.. d'un héritage ou d'un mécène (substitut de la mère nourricière) lui leur rendrait la vie aisée ; ils sont férus de bicyclette et de ski (veulent être portés), attendent avec impatience l'âge légal du permis de conduire.. leur sens de la responsabilité est faible..; ils sont.. en vertu de leurs fixations buccales, portés à boire réellement, tout comme symboliquement ils « boivent l'obstacle ». ils se traînent dans la vie avec une nonchalance non toujours dépourvue d'une sorte d'élégance, d'une séduction gentille d'enfants gâtés ; ils affectent un langage pauvre, lâché, aussi mou et négligent que leurs attitudes. Leur paresse s'accommode de bien des à-peu-près, de petits mensonges, de menus larcins. . une conduite de facilité et donnent, en gros et en détail, l'impression d'éluder la vie et ses tâches.
.
Qu'il s'agisse de vol intéressé, délibéré et calculé, ou de cette cleptomanie qui est un vol impulsif, une sorte d'art pour l'art, un vol dont le sujet s'arrange souvent à ne pas profiter, les diverses conduites du larcin se présentent en général à notre investigation comme des mouvements revendicateurs ; sous leur forme la plus spontanée, la plus naïve, ils n'éveillent guère de culpabilité (« je n'appelle pas ça un vol »). Cela peut s'expliquer sans doute selon les cas : 1) par une fixation à un stade antérieur à la formation du surmoi ( . la « conscience élastique » .. dans ces cas de « sevrage », la conscience élastique peut être préférée à la solidité morale, comme le langage mou au lange ferme, et l'aliment liquide ou mou à l'aliment dur. Et les attitudes du corps sont du même style); 2) par le caractère impulsif de l'acte, qui suppose une certaine dissociation et n'est alors pas confronté avec l'ensemble de la personnalité ni jugé par elle ; 3) enfin par le fait que le sujet estime confusément que c'est lui qui a été frustré ; P.209 en prenant, il a l'impression de reprendre son dû (la « reprise » de certains anarchistes). Cette frustration est plus ou moins directement liée au sevrage.

VII. L'ANGOISSE, L'AMBIVALENCE ET L'OMBRE

. diverses sortes de déviations dans la ligne des arcs réactifs. Mais pourquoi, à un moment donné, la déviation se produit-elle ? Nous avons bien vu certaines raisons d'être des conduites déviées : elles ont un sens, un but. Cependant il reste vrai que ce sont des conduites peu ou prou désadaptées ; pourquoi sont-elles choisies ? Pourquoi sont-elles maintenues ? . P.239
. invoquer, comme moment premier des troubles psychologiques et nerveux, l'angoisse. Toutes ..névroses. seraient des défenses contre l'angoisse, qu'elles réussissent en effet plus ou moins à masquer, à user, à remplacer. Si nous poussons jusqu'au bout l'image de la « voie », que comporte le terme de « déviation ».. si l'enfant, à un moment donné, a quitté le juste chemin des droites réponses, pour se jeter dans des sentiers aventureux, ce serait parce qu'il a rencontré le loup. Sa déviation n'est pas une conduite folle, mais serait une conduite affolée. (cf. Processus Hofman, névrose et manque d'amour ; cf. rêves d'enfance récurrents du loup et du cocodile)
. Cette fréquence, cette évidence de l'angoisse enfantine nous invite à l'étudier pour elle-même .. jeter quelque lumière sur les délicats problèmes posés.. par l'angoisse humaine.
Ex. clin. Myrrha.. elle avait commencé par avoir peur d'une sorte de présence, d'on ne sait quoi, puis qu'elle avait « décidé » d'avoir peur du chat noir, « parce qu'il est moins terrible d'avoir peur de quelque chose que d'avoir peur d'on ne sait pas quoi ». Les phobies sont les symptômes nerveux les plus proches de l'angoisse ; dans les autres symptômes, elle est plus masquée, le passage est moins direct, bien qu'on le saisisse parfois assez facilement.
. l'angoisse se signale par une orchestration physiologique propre où dominent les sensations de constriction, d'oppression, d'étouffement.
. en passant de l'angoisse à la peur commune, on passe du plus diffus au plus précis, du plus instinctif au plus conscient, étant bien entendu d'autre part que c'est du côté diffus et instinctif, du côté de l'angoisse, que l'affect atteint la violence la plus élémentaire et paroxystique. L'angoisse serait comme la nébuleuse brûlante qui engendre, par condensation, les mondes de la peur, et par condensation plus poussée, les symptômes solidifiés de la névrose. (Cf. Violence fond.)
On a cru pouvoir caractériser l'angoisse, en opposition avec la peur et les phobies, par l'absence d'objet, l'absence d'image ; mais cela .. est très relatif. .
.. « l'enfant vérifie mieux que l'adulte .. que l'angoisse est toujours angoisse de quelque chose ». Les objets que l'enfant invoque ne sont d'ailleurs pas très variés : ce sont certains animaux, toujours les mêmes ; ce sont des voleurs ou des bandits ; c'est l'obscurité, c'est la mort avec ce qui la rappelle ; ce sont enfin des personnages fantastiques, ogres ou sorcières. . les terreurs nocturnes. l'enfant ne sait pas toujours dire les images qui les accompagnent, ou ne s'en souvient pas ensuite ; mais on constate, dans bien des cas, la présence de « visions terrifiantes voisines des hallucinations, et plus proches encore des images du rêve ».
. étroite parenté de l'angoisse et du cauchemar, parenté qui s'exprime notamment par la « pensée magique » qui caractériserait l'une comme l'autre. .
Si l'angoisse est « angoisse de quelque chose », nous avons à nous demander plus précisément de quelle chose. Dès surtout que nous voyons l'objet de l'angoisse se présenter sous les couleurs du fantastique et de l'imaginaire, nous ne pouvons manquer de penser que ce contenu manifeste symbolise un contenu latent.
FREUD, avec raison, commence par mettre à part une.. « angoisse réelle » c'est-à-dire provoquée par un danger réel, extérieur. C'est, par contre, à l' « angoisse névrotique » que s'appliquent les remarques précédentes ; c'est elle qui, éveillée par l'imaginaire, nécessite une interprétation psychanalytique. Il serait très insuffisant de dire que l'angoisse réelle est justifiée, tandis que l'angoisse névrotique ne l'est pas ; l'angoisse réelle peut, elle aussi, se tromper, en surestimant un danger extérieur, et Freud sait mieux que personne que l'imaginaire est réel à sa manière ; ici encore, pense-t-il, il s'agit de l'appréhension d'un danger, mais de ce danger intérieur que représente la montée des instincts, des éléments ignorés ou refoulés dont l'irruption constitue bel et bien pour l'être le situation critique et peut le conduire, pour finir, à un vrai danger extérieur.
Il semble qu'il y ait proprement angoisse quand l'être, clairement ou confusément, à tort ou à raison, se sent menacé dans les conditions essentielles de son existence même. La « réaction de catastrophe » .. paraît cadrer avec bien des situations anxieuses. L'une des angoisses les plus typiques.. celle du tremblement de terre, où les bases matérielles sur lesquelles sont édifiées nos vies se dérobent soudain ? . P.243
Il- oisse q u'éprouve l'enfant lorsqu'il voit les adultes eux-mêmes, sur l'appui squels il cro)'ait pouvoir compter sans réserve dans le danger, être pris de peur leur tour : al est li~ré sans déFense à sa propre peur, compliquée de 'angoisse que fait naître en lui l'écroulement de ses dieux )) 3. 1 'angoisse est une « réaction de défense dans laquelle l'être tout entier est intéressé, lns sa personnalité physique et moraleàà &. Nous voyons poindre ici cette idée le totglité que nous ne devons plus perdre de vue dans nos interprétations de 'angoisse. Ns une chambre sans lumière, moment que quelqu'un parle, il fait tir.à, L'enfant n'avait donc pas peur de l'obscurité, mais il était angoissé par 'absence d'une personne aimée, et il pollvait promettre d'être tranqllille dès le noment où cette personne faisait sentir sa présence. 4 ), Qu ud apporte alors ette observation à l'appui de sa théorie selon laquelle « l'angoisse névropathique ait de la Iihido, . est une transformation de cette dernière comme le vinaigre l'est du vin))
.'angoisse, l met alors au service du désir qu'a enFant de rappeler sur lui l'attention de la personne aimée, les caresses dont il est :evré ~, et s'exaspère en Fonction de ce désir. ] ornent de révolte, où s'exprime la revendication d'une volonté de puissance. Emière crise d'an~ois5c- Il faut regarder celle-cj, pense ldler, comme l'effet d'une violente révolte ; car ainsi, le père était obligé de porter :ncore plus d'attention à l'enfant et la mère ne pouvait plus protester 1. No
[acer les diverses eurs nocturnes dont nous avons parlé sous le titre des troubles affectD. Nous ta)nes msommes et énurésies se déve- ,'u~~~ ~U4~~~t~uanr, a autre part, ç tels symptômes sont parmi pmduits de substimtion les pJus immédiats d'une angoisse nocturne origi- elle, ( nombreux cas intermé- iaires où la substitution est incomplète, où l'insomnie ou l'énurésie est accompagnée d'une angoisse plus ou moins prononcée. .

.. certaines situations typiques, certains nouds complexuels définis.. qui apparaissent successivement au cours des six premières années de la vie.. :
1) l'angoisse de naissance..
2)l'angoisse du sevrage, qui est le noyau de tout le complexe du même nom ; P.245
3)l'angoisse de mutilation, celle-ci devant être entendue.. selon toute la gamme qui va de la castration brutale à l'infériorité abstraite ;
4)l'angoisse de perdre l'amour d'autrui, et au premier chef de ces êtres proches - les parents - dont l'existence même dépend ;
5)l'angoisse de conscience, ou de culpabilité, qui suppose l'intervention du surmoi, l'apparition de la vie morale.
. les angoisses du 3e et du 4e genre.. définies comme « équivalentes ».. dans des situations analogues. . là où le garçon réagit plutôt par une angoisse de castration, la petite fille montrera souvent une peur anxieuse de ne plus être aimée.
. des analogies profondes.. : Les angoisses de naissance (I) et de sevrage (2) sont en effet celles d'une séparation, d'une coupure. Or nous retrouvons la coupure encore dans la castration (3), la séparation ou l'exclusion dans la perte de l'amour. Quant à l'angoisse de culpabilité (5) elle apparaît bien comme une élaboration de l'une ou l'autre des deux précédentes, le résultat de la faute étant conçu par l'enfant.. tantôt comme un châtiment inconsciemment assimilé à la castration (3), tantôt comme une menace de ne plus être aimé (4). Donc coupure et séparation toujours, amputation dans la chair la plus vive de l'être. l'angoisse.. rattachée .. au sentiment de la totalité ; disons de la totalité blessée. . Lorsqu'il s'agit de castration, c'est que l'enfant, se sentant former un tout en lui-même, craint de perdre une partie essentielle de soi ; lorsqu'il s'agir de perte d'amour, c'est que l'enfant, se sentant former un tout avec l'être aimé et vivant avec lui dans une sorte de symbiose indiscernable, ne conçoit pas de pire brisure que celle de cette symbiose même : en quoi cette forme se rapproche beaucoup des deux premières : sevrage et naissance.
Cf. schéma .. brisure d'une Totalité.. dont se détache ou menace de se détacher une Partie. .. dans le cas 3, le sujet identifie son Moi à la Totalité et se voit perdre une partie de lui-même.. dans la situation 4, le sujet ( Moi) s'identifie à la Partie, et se voit arraché avec elle de la Totalité perdue.(C'est ici que se noue le rapport, dans.. la névrose d'abandon entre l'angoisse et le besoin d'absolu. « Le rapport entre cet affect et ce concept est important et étroit. Tout port à croire que son établissement remonte à l'enfance. » Ch. Odier)
. des situations bien connues qui constituent des passages et couvrent, entre les postes principaux.. les espaces intermédiaires : privation, abandon, infériorité, exclusion. . la colonne de gauche et la colonne de droite concernent respectivement deux types d'individus, le premier plus indépendant, le second plus consonant à 1'ambiance, le premier qui souffre surtout à l'idée d'être lésé dans son intégrité, le second qui redoute plutôt la perte de l'appui assuré par autrui. P.247

.(GRABER).. le traumatisme de la naissance comme la racine par excellence de l'angoisse, mais aussi de l'ambivalence. Il y aurait, alors déjà, deux moments, en bref la poussée qui projette l'enfant au dehors et la résistance qui le retient au sein maternel, et ces deux moments se retrouveraient ensuite, transposés, dans tous les arrachements, dans tous les passages cruciaux qui se présentent au cours du développement et au long de la vie. . l'angoisse résulte de cette opposition même, mais elle se nuance différemment selon que l'un des deux moments est accentué. D'un coté, ce serait la peur de la progression risquée, du passage difficile, de la « porte étroite », de l'autre la peur d'être repris par le gouffre originel, d'être dévoré par ce monstre maternel que représente excellemment dans le registre enfantin la grand-mère-loup du Petit Chaperon rouge. (Ct. Rêve en début d'analyse de la porte étroite, rêves de récurrents du loup et du croco.)
Que l'on se réfère à un traumatisme effectif de la naissance, ou que l'on se contente de décrire la structure, donnée dans l'expérience, d'un complexe de la naissance ultérieurement formé.. termes presque analogues, là un sens plus littéral, ici dans un sens plus symbolique et plus large. . une situation aussi typique que familière d'angoisse par excellence, et du même coup d'ambivalente par excellence. du sujet pris de vertige, et partagé entre le mouvement d'avancer sur l'étroit sentier et la tentation fascinante de se précipiter dans le gouffre. .. il ne s'agit pas d'une simple alternative, d'un simple conflit. Ambivalence dit quelque chose de plus. « Car l'idée d'avancer sur le sentier est aussi angoissante que celle de tomber. A vrai dire l'angoisse est justement faite de cette impossibilité de séparer les deux choses, de cette unité écartelée, et l'on ne peut même plus parler d'alternative, mais d'ambivalence. » (ex. de Stéphanie V.E.) .
.. l'angoisse comme une réaction anticipée d'échec. .. un véritable désir inconscient d'échec se heurte au désir conscient du succès. . le « désir d'invariance » opposé aux « forces progressives ». .
. en régime d'ambivalence, l'angoisse tend à se porter du même côté que le choix. Celui qui choisit le risque accepte dans le marché le frisson du risque », et celui qui aspire à l' « absolu » du sein maternel, éprouve inséparablement ce mouvement même comme un danger, qui s'exprime dans les phantasmes de la « mère terrible » et dévoratrice. (.dans certaines phobies l'objet manifestement redouté est sourdement lié, d'autre part, à l'expression d'un désir. . deux phobies opposées.. coexistent souvent.)
Mais la peur d'être dévoré, voisine de la peur d'être mordu bascule à son tour selon des mécanismes de réversion, avec le désir - et l'angoisse - de mordre.

.. étude des pulsions sexuelles.. attention croissante aux pulsions agressives. P.249 (même chakra ; indifférenciation)
. l'angoisse de l'enfant s'apparente en général à l'angoisse névrotique, en ce qu'elle est le signal d'une montée de pulsions dangereuses. les pulsions agressives soient assez naturellement ressenties comme les plus directement dangereuses, surtout lorsqu'elles sont dirigées contre les personnes aimées, contre les parents : en quoi 1'ambivalence ne perd pas ses droits ; et le danger, c'est alors celui de s'aliéner, par une attitude agressive à leur égard, l'amour de ces personnes si importantes.
. importance première à l'insécurité de l'enfant, dans la genèse de ses angoisses et de ses conduites névrotiques.. rôle de l'agressivité dans ces manifestations, et dans l'accentuation de l'insécurité même. . « l'hostilité refoulée peut créer l'angoisse ». Ce refoulement de l'hostilité envers les parents se produit en vertu de différents mobiles, qui peuvent se combiner diversement.. l'insécurité du jeune enfant, son sentiment de dépendance absolue à l'égard des parents.. la simple peur provoquée par des menaces directes, il y a l'amour, il y a le sentiment de culpabilité qui frappe les pulsions agressives, de sorte que l'enfant qui les éprouve commence à se sentir indigne de l'amour des parents. (Processus)
La situation.. se complique en outre du fait des jeux de la projection. L'enfant qui, refoulant son hostilité et ses critiques mêmes à l'égard des parents, adopte pleinement, dans sa conscience, l'échelle des valeurs qui règne dans la famille, tend à projeter au dehors du cercle familial, sur le vaste monde inconnu et inquiétant, l'agressivité qu'il refuse, et la perçoit alors comme par réflexion, sous forme d'une menace angoissante émanant de ce monde dangereux. .. véritable cercle vicieux : le sentiment d'une menace intérieure déclenche normalement une riposte agressive ; si cette agressivité est à son tour refoulée, elle peut de nouveau, par projection, déterminer un surcroit d'angoisse : et le jeu continue.
Ex. Gisèle.. pourquoi nous ne la voyons représentée que par le côté « être menacée » et non par l'aspect « menacer », ne fût ce que pour se défendre. (ex rêves des analysants) Or nous croyons pouvoir répondre que, dans ses rêves, Gisèle se menace elle-même, puisque c'est dans l'étoffe de sa personnalité que sont taillés les fantômes qui hantent son sommeil.. et que ses instincts agressifs se révèlent au travers de ces manifestations morbides, faute de trouver un chemin dans des réactions normales » (ex. Catherine D.)
. A la projection.. on voit répondre ici, comme symétriquement, une sorte d'introjection. .. des torsions plus ou moins compliquées d'un mouvement premier d'agressivité, qu'il faut savoir retrouver sous divers avatars.

. rattaché l'angoisse à 1'ambivalence d'une part, à l'agressivité d'autre part. . l'ambivalence, déterminée par le fait même de la naissance, se manifeste.. par l'opposition des deux tendances à la régression (tendance de retour au statu-quo-ante, au « sein maternel ») et à l'agression (refus du nouveau milieu, du « monde » inhospitalier). Ainsi se définirait dès l'origine une agressivité fondamentale, elle-même liée à 1'ambivalence première. . l'ambivalence n'est plus tant alors entre régression et progression, entre le refus et l'acceptation de « naître » ; mais entre régression et agression, et .. ces deux termes procèdent un et l'autre d'un refus, d'abord. . opposition offensive et une retraite défensive. P.251
.C'est en ce point de la vie des instincts, croyons-nous, que 1'ambivalence - si gênante et absurde qu'elle puisse être ailleurs - se comprend le mieux, se révèle comme ayant une fonction. . c'est là qu'elle se forme, qu'elle se noue, tandis que ses autres manifestations ne seraient que dérivées.
. deux émotions les plus typiques.. la colère et la peur, sont liées respectivement aux deux moments d'agression et de fuite que constitue ce couple d'instincts réversibles. . agression et fuite, et leurs signaux émotifs, colère et peur, ne sont que les deux faces d'un Janus bifrons.
. dans les situations qui conditionnent l'angoisse, et où l'être se sent menacé dans l'essentiel de lui-même, le désarroi puisse se traduire par un affolement de ce dispositif protecteur après tout délicat. Il y aurait angoisse.. quand l'être, devant une menace qu'il éprouve extrême, ne sait plus s'il faut attaquer ou fuir, ou mieux ne peut plus ni attaquer ni fuir. .

. rapports de l'angoisse avec 1'ombre .. définie par Jung.. relations étroites avec 1'ambivalence : le personnage de 1'ombre est un mythe de l'ambivalence.

L'une des angoisses les plus primitives et les plus répandues est celle de obscurité, de la nuit, du noir ou de ce qui se passe dans le noir. Mais il faut bien voir qu'un jeu incessant d'échange se produit entre cette obscurité extérieure et l' « ombre » intérieure définie par Jung. P.253 Celle-ci prend forme, est mise en images à l'aide d'une introjection de celle-là ; celle-là est animée et peuplée par les projections de celle-ci. Ces deux mouvements sont d'ailleurs à peine distincts, au stade de « participation » des primitifs et des jeunes enfants : la nuit du dehors et celle du dedans sont une seule et même nuit, unanimement effrayante, soit par sa présence diffuse, soit par les figures plus précises -fantômes ou hommes noirs - qui s'en détachent. .. les ténèbres réelles, par la suppression des perceptions, favorise la montée des visions imaginaires, expressives des instincts redoutables. Ici 1' « angoisse réelle » et 1' « angoisse névrotique » .. sont indiscernables. L'enfant qui a peur de 1'ombre a peur aussi de « son ombre ». (Et Peter Pan ?)
Et qu'en est il de l'angoisse de la mort ? .

CONCLUSION AU LIVRE II

GÉNÉTIQUE ET COMPLEXES
Les séries et les situations
. une allure commune à toutes ces conduites, pour autant qu'elles sont désadaptées et peuvent être tenues pour des « troubles », c'est la régression. Tout se passe comme si l' « affolement ».. empêchait le sujet d'inaugurer, devant la circonstance nouvelle qui le dérange, l'attitude nouvelle qui conviendrait ; on dirait que la conduite manque soudain d'imagination et ne sait plus que compulser des précédents pour les faire servir tant bien que mal une fois de plus. P.255
. la sensibilité que dominent les colères, les « rages » est agressive, celle que perturbe la peur est élusive (cf. ma peur de l'abandon); l'intelligence qui s'exaspère en curiosité morbide est protestataire et agressive ; celle qui s'obnubile est élusive. . Lorsque l'arc réactif.. se brise en un point, l'énergie ne sait rien de mieux que de continuer son trajet en empruntant la voie d'un arc ancien ; ainsi, lors d'un accident qui obstrue la route, la circulation sera détournée r une ancienne route désaffectée.
. tout complexe est un faisceau de tendances qui ont leur point d'insertion dans divers stades, ce qui interdit toute référence exclusive à la chronologie.
.. deux notions dans Mobilisation de l'énergie.. l'une est celle de série, l'autre celle de situation.
1)Par série, nous entendons, le long de la ligne du temps, une succession d'événements analogues qui éveillent chez l'être des réponses analogues, des tendances apparentées. Or le curieux est que les événements ultérieurs d'une série réactivent les précédents et que la réaction concrète qu'ils provoquent est en réalité une somme de réactions. Faute de prendre garde à ce mécanisme, on court le risque d'exagérer l'importance effective des derniers chaînons de la chaîne. ou l'importance des premiers chaînons et par suite de la référence aux stades infantiles où ils s'accrochent. P.257
. un enfant chez qui le sevrage est passé sans traumatisme apparent, mais qui a subi, au cours d'une enfance ultérieure, des chocs massifs de séparation, de frustration, d'abandon.. réagit par un complexe de même allure que l'enfant traumatisé au sevrage.
. Ainsi la découverte de l'intimité nocturne des parents par le jeune enfant, et l'interprétation « sadique » qu'il se donne de celle-ci, forme série avec le spectacle de brutalités réelles exercées dans la vie courante par le père sur la mère, et chez l'enfant qui est par malheur le témoin de telles scènes violence, on voit se réactiver avec force les réactions suscitées par la découverte première.
La notion de série décrit donc une structure, la ligne d'un jalonnement le long duquel se passent certains phénomènes, et elle nous aide à voir ceux-ci plus clairement. Elle conduit à constater notamment un rapport imprévu entre deux mécanismes qui ont été décrits séparément : le transfert et la régression. . Lorsqu'on voit une réaction produite à l'occasion d'un des premiers jalons (sevrage) se répéter à l'occasion d'un jalon ultérieur (abandon), il est correct de parler de transfert ; mais dans la mesure où l'on est frappé, en considérant ce mécanisme, par la réactivation du passé, on pourra trouver aussi naturel de parler régression. On préférera toutefois le premier terme quand la reproduction ne concerne pas un stade dépassé, ou quand il s'agit d'une réaction très localisée, le second quand toute une tranche de comportement ancien s'étale sous nos yeux comme un outrageux anachronisme. Ce sera le cas lorsque la réactivation ne porte pas sur un événement, sur un « jalon » isolé, mais sur un ensemble de faits associés ; et c'est ici précisément qu'intervient la notion de situation.
2)Par situation nous entendons.. un ensemble de circonstances liées entre elles, dans la simultanéité cette fois, et auquel répond, de la part de l'être, un ensemble de réactions également liées entre elles, Une situation illustre est la situation « triangulaire » oedipienne, formée par une relation typique de l'enfant avec ses deux parents, et caractérisée par la réaction solidaire d'amour pour l'un et de rivalité envers l'autre, ainsi que les mouvements d'identification, les craintes de mutilation, les sentiments de culpabilité, que cette constellation entraîne. Toute une situation peut se transférer pour ainsi dire en bloc. « transferts de situation » qui donnent le ton à une destinée, à un « style de vie ».
. un certain nombre de situations traumatisantes. :
a) la situation provoquée par la rivalité fraternelle. en éveillant un sentiment cuisant de frustration..
b) la situation où l'enfant est placé, par l'existence de ses curiosités interdites, portant sur des objets essentiels à ses yeux, et auxquelles les parents opposent, ouvertement ou non, une fin de non-recevoir, qui lui inspire des sentiments de frustration encore, d'exclusion, de revendication, de culpabilité ; cette situation retentit directement sur l'intelligence, mais aussi sur les relations avec les parents, à l'égard desquels la confiance se trouve compromise, ce qui provoque des troubles de la conduite (agressivité, mensonge) ;
c) toutes sortes d'autres situations où domine également, et d'une manière plus apparente encore, le sentiment d'exclusion ; c'est ici qu'on peut placer .. la situation eodipienne.
d) cette situation particulière d'exclusion que constitue la découverte des rapports intimes des parents . P.259
e) les situations d'infériorité. se résolvent. en situations de culpabilité, d'indignité, d'insécurité ;
f) enfin toutes les situations de désarroi, et précisément d'insécurité profonde soit qu'elles s'expriment sous la forme aiguë et brutale d'un univers qui s'écroule (destruction du foyer (cf. depuis divorce), écroulement des idoles parentales) ou sous la forme insinuante et chronique d'un état d'abandon. Ces situations de désarroi et d'insécurité, génératrices par excellence d'angoisse.
.. description des situations traumatisantes. termes d'exclusion, de frustration, d'abandon, d'infériorité, de culpabilité, d'indignité, qui figurent également en bonne place dans notre tableau des occasions fondamentales d'angoisse : ..parenté profonde entre l'angoisse et les divers symptômes psycho-nerveux. Dans les cas où le désarroi est le plus complet, se manifesterait l'angoisse à l'état « pur », avec le minimum de références aux circonstances et l'incapacité de mettre en ouvre - sinon plus tard - des moyens de défense ; dans les cas où le désarroi, moins profond, laisse à l'être la marge d'équilibre nécessaire pour organiser la défense, pour parer le choc, pour compenser la perturbation, les symptômes apparaîtraient, se développant selon les lignes naturelles de l'anatomie des complexes.

. la notion de régression, qui est utile, mais qui pourrait devenir dangereuse, à la considérer comme un absolu.
. « il peut arriver que tout ou partie de l'affectivité reste fixée » à tel stade, et il est.. très important de distinguer s'il s'agit du tout ou de la partie. Du fait nous constatons chez un sujet qu'un symptôme, qu'une conduite, représente une régression « anale » ou « buccale », il serait erroné d'en conclure .. que le sujet lui-même a « régressé » à ce stade. .. Il faut tenir compte de la place de la conduite donnée dans la personnalité totale, des formations de compromis et des sublimations par lesquelles elle se prolonge, se compense ou s'intègre. . les conduites élusives n'aboutissent qu'à la délinquance (fugue, vol) tandis que les conduites agressives débouchent dans le crime, et se révèlent alors comme les plus désadaptées. L'agression témoigne de plus d'énergie certes que l'élusion, mais cette énergie peut se briser sur l'obstacle, tandis que l'élusion, en le contournant, peut se ménager des circuits par où il lui sera donné de regagner le réel. .
. dès que l'on approfondit l'analyse d'un symptôme quelconque, on rencontre des éléments appartenant à divers complexes. On s'aperçoit que .. le réseau a vibré sur une grande étendue, autour du centre plus visiblement ébranlé, qu'on avait tout d'abord identifié. Bref ni le stade, ni le complexe, ni d'ailleurs la situation traumatisante, pris isolément, ne caractérisent un trouble ; mais il faut, chaque fois, étudier celui-ci en fonction de toutes ces données, de toutes ces dimensions. P.261