Il était une fois un Tsar et sa femme. Ils avaient trois fils, de beaux jeunes gens, semblables à des faucons. Un jour le Tsar appela ses fils et s'adressa à eux en ces mots : « Mes fils, mes faucons, le temps est venu que vous preniez femme. » Il leur ordonna de saisir leurs arcs d'argent et leurs flèches de cuivre et de les tirer en direction de pays étrangers : « Quelle que soit la porte, leur dit-il, devant laquelle la flèche tombera, chacun y trouvera son épouse. » Deux f1èches atterrirent à la cour d'autres Tsars, et ces deux princes y découvrirent d'assez jolies femmes. Mais la flèche du Tsarévitch Ivan tomba dans une mare avoisinante où une grenouille avait saisi sa flèche. Il lui demanda : « Rends-moi ma flèche. » La grenouille répliqua : « Je ne te la rendrai qu'à la condition que tu m'épouses. » Le Tsarévitch Ivan retourna donc à la cour en pleurant, et rapporta ce qui était arrivé. Le Tsar dit : « Que veux-tu, c'est ta malchance, mais tu ne peux y échapper : il te faut épouser la grenouille. » C'est ainsi que l'aîné épousa une fille de Tsar, le cadet une fille de prince et le plus jeune une grenouille verte de l'étang.
Bien entendu, Ivan est très malheureux. Un jour le Tsar désire savoir laquelle de ses belles-filles saura tisser la plus belle nappe. Ivan rentre chez lui et se désole. Alors la grenouille sautille derrière lui et lui dit de ne pas pleurer, mais de se coucher, de dormir, et que tout ira bien. Dès qu'il est plongé dans le sommeil, elle rejette sa peau de grenouille et, sortant dans la cour, appelle et siffle ses trois servantes à qui elle ordonne de tisser les nappes. Quand Ivan se réveille, son épouse grenouille qui a réintégré sa peau animale, les lui remet. Ivan n'a jamais vu d'aussi belles nappes de sa vie et il les apporte à la cour où tout le monde est très impressionné. Alors le Tsar propose un autre test pour savoir laquelle fera le meilleur gâteau, et celui-ci est également cuisiné dans la nuit, pendant le sommeil d'Ivan. Le Tsar dit alors à ses fils de venir un certain jour avec leurs femmes pour une réception à dîner. Ivan, encore une fois, rentre chez lui en pleurant, mais sa femme-grenouille lui dit de ne pas se faire de soucis et de s'y rendre. Quand il verra la pluie commencer à tomber, il saura que sa femme se lave. Quand il y aura des éclairs, il saura qu'elle revêt sa robe de cour. Quand il entendra le tonnerre, il saura qu'elle est en route. Le festin commence et les deux autres épouses sont là dans leurs magnifiques atours. Ivan est très inquiet. Alors éclate un orage terrible. Tous se moquent de lui en lui demandant où est sa femme. Quand il commence à pleuvoir, il dit : « Elle est en train de se laver. » Quand on voit les éclairs, il répond : « A présent elle revêt sa robe de cour. » Cependant il n'y croit pas vraiment et il est au désespoir. Quand le tonnerre gronde, il ajoute pourtant : « A présent elle vient. » Et à ce moment un magnifique carrosse attelé de six chevaux paraît, et il en descend une très belle jeune femme, si belle que tous les convives se taisent, par timidité.
A la table du festin les deux autres femmes remarquent quelque chose de très étrange : la jeune épouse, en effet, met une partie de sa nourriture dans ses manches. Les deux autres trouvent cela très bizarre, mais se disent que ce sont peut-être de bonnes manières et font de même. Après le repas, il y a de la musique et le bal commence. Celle qui fut grenouille danse avec le Tsarévitch Ivan ; elle est si légère et évolue de façon si merveilleuse qu'elle paraît à peine toucher le sol. Tout en dansant, elle secoue son bras droit et de sa manche tombe un morceau de nourriture qui se transforme en jardin. Un pilier est au centre, autour duquel tourne un chat, qui ensuite y grimpe et chante des chansons populaires ; quand il en redescend, il raconte des contes de fées. La jeune femme continue à danser et fait un geste de la main gauche. Et voilà qu'apparaît un merveilleux parc traversé d'une petite rivière où nagent des cygnes. Tous les assistants s'émerveillent du miracle comme de petits enfants. Les deux autres femmes se mettent à danser, mais lorsqu'elles secouent leur bras droit un os en tombe qui frappe le Tsar au front, et quand elles secouent leur bras gauche, de l'eau jaillit dans ses yeux.
Ivan regarde sa femme avec émerveillement, en se demandant comment, d'une grenouille verte, a pu émerger une si ravissante femme. Il se rend dans la chambre où elle a dormi et y voit la peau de grenouille. Il la prend et la jette dans le feu. Il retourne ensuite à la cour où ils continuent à s'amuser jusqu'au matin, après quoi Ivan rentre chez lui avec sa femme.
Quand ils sont chez eux, sa femme se rend dans sa chambre et n'y trouve plus sa peau de grenouille. Elle finit par demander à Ivan s'il l'a vue. « Je l'ai brûlée. » répond Ivan. « Oh, Ivan », dit-elle, « qu'as-tu fait ? Si tu n'y avais pas touché, j'aurais été tienne pour toujours, mais à présent il nous faut nous séparer, peut-être à jamais. » Après avoir pleuré avec désespoir, elle lui dit : « Adieu ! Cherche-moi dans le Treizième Royaume du Tsar, le Treizième Royaume Etrange, où habitent BabaYaga la sorcière et ses os. » Puis elle frappe dans ses mains, se change en coucou et s'envole par la fenêtre.
Ivan tombe dans un amer chagrin. Puis il prend son arc en argent et ses flèches, remplit un sac de pain, suspend des gourdes à ses épaules et entreprend sa longue quête. Il marchera pendant plusieurs années.
Ivan rencontre enfin une vieille femme qui lui donne une bobine de fil en lui disant de la suivre jusque chez Baba-Yaga. Puis le héros épargne la vie d'un ours, d'un poisson et d'un faucon qui implorent sa pitié. Il traverse toutes sortes de pays et de difficultés, mais le poisson, le faucon et l'ours l'aident et finalement, au bout du monde, dans le Treizième Royaume, il parvient à une île sur laquelle est une forêt et dans cette forêt se trouve un palais de cristal. Il entre dans le palais, ouvre une porte de fer, mais il n'y a personne à l'intérieur ; il ouvre ensuite une porte d'argent, mais là non plus il ne trouve personne : alors il ouvre une troisième porte en or. Et là se tient sa femme, filant le lin. Elle est tellement écrasée par le chagrin et usée par les travaux qu'elle est désolante à voir. Mais quand elle aperçoit Ivan, elle tombe dans ses bras en s'écriant : « Oh, mon bien-aimé, comme je t'ai attendu! Tu es arrivé juste à temps, un peu plus tard tu ne m'aurais peut-être jamais revue ! » et elle pleure de joie. Bien qu'Ivan ignore s'il est en ce monde ou dans un autre, ils s'enlacent et s'embrassent. Puis elle se transforme à nouveau en coucou, prend Ivan sous son aile, et s'envole jusque chez eux. Lorsqu'ils sont arrivés, elle reprend sa forme humaine et lui explique : « C'est mon père qui m'avait maudite et m'avait donnée comme servante à un dragon pour le servir pendant trois ans, mais à présent la dette est payée. » Ils vécurent donc heureux ensemble et rendirent grâces à Dieu de les avoir secourus.