Présentation
. on peut se confier dans le flot des images, le sens caché des symboles, la profonde étrangeté des matériaux alchimiques, spirituels ou mythiques.. tenter d'en recevoir le sens interne « comme d'ailleurs », pour en amplifier à la suite les suggestions et les rêves dans une méditation personnelle.
Il faut pourtant se méfier de ce genre de lecture : c'est souvent la fascination qui y gagne, et à céder devant elle, on passe très exactement à côté de ce que Jung recherchait, c'est-à-dire la différenciation, le gain de conscience, le retrait des projections qui nous permet de comprendre au lieu de nous laisser subjuguer par la charge numineuse des contenus de l'inconscient. .
. si la caractéristique de toute l'ouvre de Jung n'était pas, justement, d'échapper à toute totalisation et de maintenir béante cette ouverture sur l'inconnu par laquelle sa propre systématique ne peut jamais s'épuiser comme telle.
. (et du développement de l'âme sur son socle inconscient) . l'exposition d'une épistémologie nouvelle où s'ébauche le statut de l'âme comme médiatrice entre l'esprit et la matière, cependant que des limites sont posées au phénomène de connaissance, au profit d'un inconnu ou plutôt d'un inconnaissable premier...
. On ne s'étonnera pas.. entre Jung et Lacan, de la proximité de certains thèmes (inconscient collectif et réel, archétype et signifiant, le moi comme instance imaginaire par exemple), sans qu'on puisse pourtant jamais les confondre. Lorsque Lacan écrit de Jung qu'il « croit à l'âme du monde », il a certainement raison, et c'est bien là que se produit la fracture irréparable. .
-pourquoi cette « âme du monde » chez Jung. il s'est donc constamment réclamé d'une attitude phénoménologique où on ne tente pas tant de réduire ce qui apparaît à la conscience que, en le posant comme horizon de cette P.9 conscience, d'en dégager le sens - c'est-à-dire, aussi bien, d'en faire venir les structures à jour, d'en expliciter ignifications et intentions, en un mot, de le comprendre comme il se présente et non point comme il déroberait une vérité qui lui serait, de quelque façon, extérieure.
Bref, devant un rêve, une image, et a fortiori un symbole, le travail de Jung consiste bien à les interpréter  mais non pas en cherchant ce qui se trouverait derrière et qu'ils auraient pour fonction de dérober en le travestissant, mais en tentant d'en extraire ce qui se trouve dedans, et qui y demeure caché tant que n'est pas conduite la tentative explicatrice.
(. Jung.. relativise la découverte de Freud en la renvoyant au fonctionnement de l'appareil psychique dans le même pas qu'il veut la dépasser en comprenant pour lui-même quel est le mouvement de l'âme. .
Jung nee prétend pas que la théorie freudienne est fausse : il pense seulement qu'elle est incomplète et que certains de ses résultats finissent par être faussés de ceci qu'ils ignorent le mode propre de réalité qui est celui de l'âme.)
. c'est le refus de la psychologisation par laquelle on essaie de réduire les phénomènes psychiques. .
Jung écrit : « le psychologue moderne a conscience qu'il ne peut réaliser rien de plus qu'une description, formulée à 'aide de symboles scientifiques, d'un phénomène psychique, dont la nature véritable est aussi transcendante par apport à la conscience que le mystère de la vie ou de la matière. » L'expression de phénomène psychique= ce qui fait apparition dans la psyché. pour Jung.. devant un symbole religieux, la vision d'un mystique ou l'opération d'un alchimiste.. il ne s'agit pas tant d'en conclure par un « ce n'est que psychologique » (au sens d'une production de notre appareil psychique), que de reconduire ce symbole,
cette vision ou cette opération aux processus d'une imagination créatrice qui est l'organe de l'âme en même temps qu'elle en est organisatrice - autrement dit, de poser qu'il existe un monde de l'âme dont la réalité est tout aussi irrévocable que celle de la matière et de l'esprit.
La psychologie, de ce fait, ce n'est pas de tenter de définir la nature de cette âme (l'âme est pour la psychologie une donnée et se constitue en dehors de son champ), mais d'en explorer les figures dans la mesure où cette âme se manifeste sans cesse. ainsi, lorsque Jung délimite soigneusement les imagines à des parents de nos parents réels.. il ne distingue pas en fait, comme on le fait d'habitude, les fantasmes que nous avons à propos de nos parents de nos parents comme ils sont, mais l'archétype des parents, c'est-à-dire la forme imaginante qui donne lieu à leur figur.., de l'ensemble à strictement parler psychologique au sens traditionnel tel que le forment conjointement nos parents et les productions imaginaires que nous ne cessons de fournir à leur propos. Dès lors, le travail de désintrication à mener n'est pas double mais triple : comprendre comment, à propos de nos parents de chair, et selon les aléas de notre histoire, nous avons constitué des noyaux imaginaires, puis P.11comprendre comment ces noyaux, à leur tour, ont annexé les archétypes des parents, de sorte que ces archétypes y paraissent indiscernables dans le même temps qu'ils « informaient » ces noyaux et leur donnaient leur orientation particulière.
Autrement dit, dans l'explication de l'imaginaire, il s'agit de rendre à la réalité immédiate ce qui lui revient (parvenir à voir ses parents « de ce monde » simplement, comme ils sont, et à l'âme ce qui relève d'elle en ayant posé la distinction claire et nette de l'imaginaire et de l'imagination (à savoir que les imagines des parents sont des formes de cette âme, qu'elles n'ont de sens qu'en elle et que c'est dans ce seul lieu qu'elles ont réellement lieu).
. la différence entre l'imaginatio vera et l'imaginatio fantastica : c'est à cette différence que nous sommes ici très précisément confrontés, à peine de verser dans l'iIIusion et de nous laisser submerger par la puissance de l'imaginaire. Ou, pour en revenir à notre exemple, de ne plus savoir distinguer notre père de Notre Père et de devenir, de ce dernier, l'otage, en l'expatriant de son lieu dans le seul et même mouvement où nous nous exilons de nous-même.
. comment Jung aborde l'alchimie dans ce livre. En optant d'emblée, et conjointement, pour un statut symbolique, et donc non-scientifiquement opératoire de l'alchimie, Jung la rend du même pas à sa visée essentielle qui est de rédimer l'âme par l'éclosion du puer aeternus, du fils de la Sagesse, et de sauver le monde en général de sa chute ontologique. Il ne s'agit plus ainsi, au cour même de l'alchimie, de transformer du plomb en or, mais de conduire les métamorphoses intérieures par lesquelles, hors de l'abîme de l'inconscience, l'âme peut se détacher du chaos de la massa confusa où elle se trouve engluée, et découvrir l'or spirituel qui lui révèle sa vraie nature, cet espace qu'elle devient du déploiement dans l'homme de l'imago Dei.
. ce moment dramatique du XVII ème siècle où divorce se produit entre la nature et l'esprit, et où s'installe le dualisme antagoniste d'un matérialisme conquérant et d'un spiritualisme de plus en plus illusoire, sans qu'un tiers médiateur en assure la cohérence. . le sens interne du symbole commence à s'étioler, la conception de l'âme du monde s'effondre. l'âme disparaît en tant que telle de l'horizon philosophique pour n'être plus qu'un appareillage dont on tentera désormais de décrire la physique cependant que, n'ayant plus de lieu où se manifester, les « imaginations vraies » se retireront de ce monde, ou, si elles se manifestent pourtant, ne seront plus tenues pour des visions, mais pour des hallucinations - et seront rabattues de ce fait, par une tragique méprise dont nous ne nous sommes pas encore tout à fait relevés, dans le domaine de la psychopathologie. P.13
. (Jung) qui pointe au contraire comme un phénomène d'aliénation la confusion entretenue entre l'imaginaire et l'imagination, et qui rende cette dernière à son monde, c'est-à-dire à l'espace où s'expriment authentiquement des représentations qui ne soient pas seulement des simulacres, des productions mimétiques du sensible, mais des réalités suo modo qui symbolisent à leur tour avec le monde de l'esprit.
. Dans un schéma très proche de l'un des mythes fondateurs du manichéisme originel, celui du Dieu déchiqueté dont les parcelles de lumière scintillent encore faiblement dans les ténèbres du monde, Jung propose le thème très mystérieux de l'inconscient comme conscience multiple - autrement dit, de la présence en l'homme d'une lumen naturae qui renvoie derechef au thème de l'âme du monde. . méditer sur un engendrement de la conscience à partir d'un fonds de l'inconscient. se demander en même temps quelle est la vraie nature de cet inconscient où brûlent autant d'étincelles de lumière, de cet inconscient qui ne demande d'une certaine façon qu'à se révéler pour se laisser inonder par le flot de l'esprit ?
Jung y voit quant à lui l'attraction de l'archétype majeur du Soi, c'est-à-dire de la forme imaginatrice par laquelle se donne à la conscience le vrai moi du sujet, ou encore en d'autres termes, le « moi-autre » qui fonde le je de l'homme dans son authenticité la plus profonde - dans et par l'espace de l'âme, ou plutôt d'un monde de l'âme grâce auquel peuvent surgir toutes les âmes singulières.
De fait, nous sommes ici, on le voit, aux frontières mêmes de la philosophie - et il est remarquable à ce point de vue que Jung n'ait jamais tenté de bâtir une métapsychologie. mais de savoir sur quels éléments ou plutôt quelles intuitions d'une imagination transcendantale celle-ci se bâtissait, et quels étaient de ce fait les requisits de l'âme qu'elle convoquait pour se constituer. .
 
Avant-propos
. La doctrine des archétypes.. Pour les uns, elle va de soi et constitue un précieux auxiliaire en vue de l'intelligence de la formation des symboles individuels aussi bien que collectifs et historiques.
 
LIVRE PREMIER : Des archétypes de l'inconscient collectif
 
. Tout d'abord le concept d'inconscient désigna seulement l'état des contenus refoulés ou oubliés. Chez Freud, bien que l'inconscient apparaisse déjà - au moins métaphoriquement - comme sujet agissant, il n'est essentiellement que le réceptacle de contenus oubliés et refoulés et n'a de valeur pratique qu'en fonction d'eux. II est, par suite, selon cette manière de voir, de caractère exclusivement personnel (Freud a différencié
dans ses travaux ultérieurs son idée fondamentale indiquée ici. Il a donné à la psyché instinctive le nom de « ça » tandis que son «Surmoi » désigne la conscience collective dont l'individu est en partie conscient et en partie inconscient (refoulement).) bien que Freud ait, par ailleurs, déjà clairement discerné le mode de pensée archaïque et mythologique de l'inconscient.
Une couche pour ainsi dire superficielle de l'inconscient est sans aucun doute personnelle. Nous l'appelIons inconscient personnel. Mais celui-ci repose sur une autre couche plus profonde qui ne provient pas d'expériences ou d'acquisitions personnelles, mais qui est innée. Cette couche plus profonde est celle que
l'on a désignée du nom d'inconscient collectif. J'ai choisi le terme « collectif » parce que cet inconscient
n'est pas de nature individuelle mais universelle : par opposition à la psyché personnelle, il a des contenus
et des modes de comportement qui sont - cum grano salis - les mêmes partout et chez tous les individus.
En d'autres termes, il est identique à lui-même dans tous les hommes et constitue ainsi un fondement psychique universel de nature supra personnelle présent en chacun.
On ne reconnaît l'existence psychique que par la présence de contenus susceptibles de devenir conscients.
Par conséquent, nous ne pouvons parler d'un inconscient que si nous pouvons prouver l'existence de ses contenus. Les contenus de l'inconscient personnel surtout ce que l'on appelle les complexes à tonalité
affective, qui constituent l'intimité personnelle de la vie psychique. Par contre, les contenus de l'inconscient collectif sont les « archétypes ».
.
« Archetypus » est une périphrase explicative pour l'eî§ôç platonicien. Cette désignation est pertinente et
utile pour le but que nous poursuivons, car elle nous dit que nous avons affaire, dans les contenus
inconscients collectifs, à des types anciens ou, mieux encore, originels, c'est-à-dire à des images
universelles présentes depuis toujours. L'expression « représentations collectives » que Lévy- Bruhl
emploie pour désigner les figures symboliques des conceptions du monde primitives peut être appliquée
sans difficulté aux contenus inconscients . Les enseignements de la tribu primitive traitent en effet d'archétypes infléchis dans un sens spécial. Toutefois ce ne sont plus ici des contenus de l'inconscient,
mais les archétypes se sont déjà transformés en des formules conscientes enseignées traditionnellement,
la plupart du temps sous la forme de doctrine secrète qui constitue en général un mode de transmission typique de contenus collectifs 1 provenant, à l'origine, de l'inconscient.
Un autre mode d'expression, bien connu, de l'archétype se rencontre dans le mythe et le conte. Mais, ici
encore, il s'agit de formes ayant reçu une empreinte spécifique, transmise à travers de longues périodes
de temps. La notion d'archétype ne convient donc qu'indirectement aux représentations collectives, car elle
ne désigne que les contenus psychiques qui n'ont pas encore été soumis à une élaboration consciente,
donc une donnée psychique encore immédiate. En P.25 conséquence, l'archétype diffère sensiblement de
a formule qui a subi une évolution ou une élaboration historique. A des degrés supérieurs, des doctrines secrètes notamment, les archétypes apparaissent en une formulation qui révèle en général de façon indiscutable l'action de jugement et d'appréciation exercée par l'élaboration consciente. Par contre, leur apparition immédiate telle qu'elle se manifeste à nous dans les rêves et les visions est beaucoup plus individuelle, plus incompréhensible ou plus naïve que, par exemple, dans le mythe. L'archétype représente essentiellement un contenu inconscient modifié en devenant conscient et perçu, et cela dans le sens de la conscience individuelle où il émerge. (On doit, pour être exact, distinguer entre « archétype » et représentation archétypique » L'archétype en soi est un modèle hypothétique, non manifeste, comme le "patern of behaviour" des biologistes.)
Ce que l'on entend par « archétype » est sans doute clairement énoncé dans ce qui vient d'être dit de ses rapports avec le mythe, la doctrine secrète et le conte. Si, par contre, nous tentons d'approfondir la nature psychologique de l'archétype, l'affaire se complique. . Mais que les mythes soient avant tout des manifestations psychiques représentant Ia nature de l'âme, c'est là un fait que pour l'instant on n'a pratiquement pas voulu admettre. Le primitif .. ou plutôt son âme inconsciente éprouve une impulsion
invincible à assimiler toute expérience sensible extérieure à un événement psychique. Il ne suffit pas au
primitif de voir le soleil se lever et se coucher, cette observation extérieure doit être à la fois aussi un événement psychique, c'est-à-dire que le soleil doit représenter dans sa métamorphose le destin d'un dieu lU d'un héros qui n'habite, en définitive, nulle part ailleurs que dans l'âme de l'homme. Tous les phénomènes « mythisés » de la nature, comme l'été et l'hiver, les phases de la lune, les saisons des pluies, etc., ne sont
rien moins que des alIégories (L'allégorie est une paraphrase d'un contenu conscient. Le symbole par contre, est la meilleure expression possible d'un contenu inconscient seulement pressenti, mais non encore reconnu.) représentant ces expériences objectives ; ce sont bien plutôt des expressions symboliques de ce drame intérieur et inconscient de l'âme,
qui devient connaissable à la conscience humaine par la voie de la projection, c'est-à-dire en se reflétant
dans les phénomènes naturels. La projection est si profondément ancrée dans l'homme qu'il a fallu des millénaires de civilisation pour la séparer, et seulement jusqu'à un certain point, de l'objet extérieur. .
L'homme primitif est d'une subjectivité si impressionnante que la toute première conjecture aurait dû être
de rapporter les mythes à la vie psychique. Sa connaissance de la nature est essentiellement langage et revêtement extérieur de l'événement psychique inconscient. C'est dans la nature inconsciente de ce
dernier que se trouve la raison pour laquelle on a pensé à tout plutôt qu'à l'âme pour expliquer le P.27
mythe. On a tout simplement ignoré que l'âme contient toutes les images dont les mythes sont issus et
que notre inconscient est un sujet qui agit et qui pâtit, dont l'homme primitif retrouve de façon analogique
le drame dans tous les phénomènes naturels, grands et petits.
.
La doctrine de la tribu est périlleuse et sacrée. Tous les enseignements secrets cherchent à saisir les événements invisibles de l'âme et tous revendiquent pour eux-mêmes la plus haute autorité. Ce qui est
vrai de ces doctrines primitives l'est encore à un degré plus élevé des religions mondiales régnantes. Elles contiennent, à l'origine, un savoir révélé secret et ont exprimé en des images splendides les mystères de
l'âme. Leurs temples et leurs saintes écritures proclament par l'image et par la parole les enseignements antiques et sacrés accessibles à tout cour croyant, à toute intuition délicate, à toute pénétration de pensée. Oui, on doit même dire que plus l'image modelée et transmise est belle, majestueuse et ample, plus elle
est éloignée de l'expérience individuelle. Nous pouvons encore la pénétrer intuitivement et la ressentir,
mais l'expérience primitive est perdue. . Pourquoi n'a-t-on pas depuis longtemps découvert l'inconscient
et ramené au jour son trésor d'images éternelles ? Tout simplement parce que nous avions pour toutes
les choses de l'âme une formuIation bien plus belle et bien plus ample que l'expérience immédiate. . Le mystère de la naissance virginale ou l'homoousie (consubstantialité) du Fils avec le Père, la Trinité qui n'est pas une triade ne donnent plus d'ailes à aucune imagination philosophique. Ce ne sont plus que de simples objets de foi. Ce n'est donc pas étonnant que le besoin religieux, le sens religieux.. se sentent attirés par les symboles de l'Orient. Il en est beaucoup qui se sont abandonnés à l'action du symbole chrétien jusqu'au moment où ils se sont trouvés pris dans les fils de la névrose kierkegaardienne, ou bien que leur rapport
avec Dieu, par suite de l'appauvrissement croissant du symbolisme, a évolué en une relation moi-toi poussée
à un paroxysme insupportable, pour succomber ensuite à la fraîche étrangeté des symboles orientaux. .
Celui qui succombe ainsi ne subit pas nécessairement une défaite mais peut démontrer, par là, la capacité d'ouverture et la vitalité du sentiment religieux en lui. . Que l'on s'abandonne au pouvoir de ces images éternelles, c'est là en soi chose P.29 normale.
 
 
"Si l'explication avec l'ombre est l'ouvre de l'apprenti et du compagnon, l'explication avec l'anima est l'ouvre du maître.
La relation avec l'anima est en effet une épreuve du courage et une ordalie du feu pour les forces spirituelles
et morales de l'homme.
La sphère de l'anima est composée précisément de faits psychiques qui ne furent pour ainsi dire jamais auparavant le bien de l'homme puisqu'ils étaient retenus, en raison de la projection, hors du domaine psychique.
Pour le fils, la suprématie de la mère recèle l'ANIMA, qui souvent laisse subsister un lien sentimental toute la vie durant et entrave le destin de l'homme, à moins qu'elle ne donne des ailes à son courage pour accomplir les actes les plus audacieux..
À l'homme de l'antiquité, l'ANIMA apparaît sous les traits d'une déesse ou d'une sorcière ; l'homme du moyen âge a remplacé la déesse par la mère du ciel et la mère de l'église.
L'ANIMA se trouve de préférence dans la projection sur l'autre sexe, ce qui entraîne des rapports magiques compliqués. p.57
L'ombre et l'anima sont des réalités à propos desquels il ne suffit pas d'avoir une connaissance conceptuelle
ou d'exercer sa réflexion. On peut aussi ne jamais faire l'expérience de leur contenu par pénétration active ou avec sa sensibilité. Il ne sert à rien d'apprendre par cour une liste des archétypes. Les archétypes sont des complexes que l'on vit ...
L'anima ne vient plus vers nous sous les traits d'une déesse, mais dans certains cas comme notre méprise la plus personnelle ou comme notre aventure la plus sensée et la meilleure. C'est ainsi que se manifestent parmi nous une redoutable puissance démoniaque ... Page 58
L'anima, est certes une poussée vitale cahotique, mais il s'attache à elle une signification étrange, quelque chose comme un savoir secret ou une sagesse cachée, qui forme un contraste singulier avec sa nature irrationnelle d'elfe. Mais la première rencontre avec elle amène d'ordinaire à conclure à son sujet à tout autre chose qu'à la sagesse. Page 59
Cet aspect n'apparaît qu'à celui qui est confronté avec l'anima. Seul le travail de la confrontation à l'inconscient en général permet de reconnaître à un degré croissant que derrière tout ce jeux cruel avec la destinée humaine il y a une intention secrète qui semble correspondre à une connaissance supérieure des lois de la vie.
C'est justement ce qu'il y a d'inattendu d'abord, le chaos angoissant, qui dévoile un sens profond. Et plus on reconnaît ce sens plus l'anima perd son caractère pressant et contraignant. Peu à peu des digues s'élèvent contre le raz de marée du chaos; car ce qui est plein de sens se sépare de ce qui en est dépourvu et, du fait que le sens et le non sens ne sont plus identiques, la puissance du chaos se trouve affaiblie par la dissociation du sens et du non sens. C'est ainsi que naît un nouveau cosmos. De la plénitude des expériences vitales sort un enseignement que le père transmet à son fils.
Non seulement sagesse et bouffonnerie apparaissent dans l'être à la nature d'elfe comme une seule et même chose, mais elles sont une seule et même chose tant qu'elles sont représentées par l'anima. La vie est bouffone et signifiante. Et si l'on ne rit pas de l'un de ses aspects et l'on ne spécule pas sur l'autre, alors la vie est banale, tout est de dimension minuscule. Il n'y a alors qu'un sens réduit et un non-sens réduit. Page 60
Ainsi l'ANIMA, et par conséquent la vie, sont sans signification en tant qu'elles n'offrent pas d'interprétation. Mais elles possèdent une nature susceptible d'être interprétée, car dans tout chaos est un cosmos, et dans tout désordre un ordre secret, dans tout arbitraire une loi constante, car tout ce qui agit procède d'une polarité. Pour le reconnaître, il faut la raison discriminante de l'homme, qui décompose toutes choses en jugements antinomiques. Si l'homme se confronte avec l'ANIMA, l'arbitraire cahotique de cette dernière lui donne l'occasion de pressentir un ordre secret...
On se trouve empêtré dans des événements sans but, et le jugement avec toutes ses catégories se révèle impuissant. L'interprétation humaine est défaillante, car est apparu une situation vitale turbulente à laquelle aucune interprétation reçue ne convient. C'est là un facteur décisif de l'effondrement. Ce n'est pas une renonciation artificiellement voulue à nos propres capacités, mais une renonciation provoquée par une contrainte naturelle ; ce n'est pas une soumission ou une humiliation volontaire et parée de raisons morales, mais une défaite complète sans équivoque, couronnée de l'angoisse panique de la démoralisation. Quand tous les soutiens et toutes les béquilles sont brisés et que n'existe même pas la moindre réassurance promettant encore un abri quelque part, alors seulement se présente la possibilité de faire l'expérience d'un archétype qui jusque là s'était tenu caché dans l'absurdité lourde de signification de l'ANIMA. C'est l'archétype du sens, comme l'ANIMA représente purement et simplement l'archétype de la vie. Page 62
 
Le sens, nous semble toujours le dernier-né des événements, parce que nous admettons avec une certaine raison que c'est nous même qui le donnons, et parce que nous croyons également que le grand univers peut exister sans être interprété.
Comment donnons nous un sens ? Où prenons nous le sens ? Les formes que nous utilisons pour cela sont des catégories historiques remontant à une antiquité nébuleuse ... Pour donner le sens, on se sert de certaines matrices linguistiques qui proviennent à leur tour d'images originelles.
Il n'y a pas une seule idée ou représentation qui ne possède des antécédents historiques. Tous ont à leur base des formes primordiales archétypiques dont la perceptibilité est apparue en un temps où la conscience ne pensait pas encore mais percevait. La pensée était objet de perceptions intérieures, non véritablement pensée, mais ressentie comme apparition, et pour ainsi dire vue ou entendue. La pensée était essentiellement révélation, rien d'inventé, mais quelque chose qui s'imposait ou emportait la conviction par sa réalité immédiate. La pensée précède la conscience primitive du moi, et celle-ci est plutôt son objet que son sujet. Nous avons également une pensée préexistante dont, nous ne nous rendons pas compte tant que nous nous appuyons sur des symboles traditionnels, ou, pour s'exprimer dans le langage du rêve: tant que le père ou le roi n'est pas mort. L'inconscient "pense" ou prépare les solutions. cf. Rêve du mage blanc et noir. Page 63
 
La libération des opposés qui représentée dans l'inconscient comme une possibilité de solution réconciliant les éléments en conflit. Elle présuppose un équilibre fonctionnel qui est contraire à notre sentiment chrétien mais la collaboration ordonnée des opposés moraux n'en demeure pas moins une vérité naturelle ...
La tendance à prendre les contraires relatifs est une propriété bien affirmée de l'inconscient. Dans d'autres cas, l'inconscient peut aissi montrer impitoyablement l'incompatibilité des contraires . En général il adopte une position relative par rapport à l'attitude consciente. Même en réduisant sa portée, le rêve démontre la supériorité de son point de vue. Son sens s'exprime de façon adéquate ( ici, comme l'opinion et la voie d'un mage blanc) est supérieure à la conscience du rêveur. Page 67
 
Tous les archétypes possèdent un aspect positif et un aspect négatif. Les trois archétypes étudié, l'ombre, l'anima et le vieux sage sont de ceux qui apparaissent personifiés dans l'expérience immédiate. Au cours du processus, les archétypes apparaissent dans les rêves et les fantasmes comme des personnalités actives.
Le processus se représente dans une autre sorte d'archétypes que l'on pourrait désigner comme archétypes de la transformation. Ce ne sont pas des personnalités mais plutôt des situations, des lieux, des moyens, des voies typiques ... qui symbolisent chaque fois le genre de la transformation. Comme les personnalités, ces archétypes sont aussi de purs symboles qui ne peuvent être interprétés de manière exhaustive ... Ce sont de vrais symboles dans la mesure où ils sont dotés de sens multiples, pleins de pressentiments et finalement inépuisables.
Le jugement intellectuel cherche naturellement toujours à établir leur univocité et passe ainsi à côté de l'essentiel, car la seule chose que l'on puisse établir comme caractéristique de leur nature, c'est leur multiplicité de sens, l'abondance presque infinie de leurs rapports rendant impossible toute formulation univoque. Ils sont paradoxaux dans leur principe : ainsi que l'esprits est présenté, chez les alchimistes comme de senex et juvenis simul. L'alchimie fournit (comme les contes, lesmythes et les religions) des images symbolisant le processus symbolique.Les images du tarot serait également des rejetons des archétypes de la transformation. Page 69
 
Le processus symbolique consiste à vivre dans l'image et à vivre l'image. Son déroulement montre en général une structure énantiodrômique, et représente par suite un mouvement de négation et d'affirmation, de pertes et de gains, de clarté et d'obscurité. Son commencement est presque toujours caractérisé par une impasse ou tout autre situation impossible ; son but est une "illumination" ou une "conscience supérieure" grâce à laquelle la situation initiale se trouve surmontée à un niveau plus élevé. Il peut se représenter en un seul rêve ou bien sur des mois et des années, selon la nature de la situation initiale de l'individu compris dans le processus et du but à atteindre.
Quoi que tout soit d'abord vécu en images, c'est-à-dire symboliquement, il ne s'agit nullement de dangers en carton mais de risques très réels auxquels, dans certains cas, un destin peut être suspendu. Le danger principal consiste à succomber à l'influence fascinante des archétypes, ce qui peut se produire lorsqu'on ne prend pas conscience des images archétypiques. Dans certaines circonstances les figures archétypiques, qui de toute manière, jouissent d'une certaine autonomie, en vertu de leur numinosité naturelle, se libèrent totalement du contrôle de la conscience et accède à une indépendance complète, autrement dit, ils engendrent des phénomènes de possession (cf. psychose).
Lorsque l'analyse pénètre à l'arrière-plan des phénomènes conscients, elle découvre ces mêmes archétypes qui animent les délires des psychotiques. Ces archétypes sont des types normaux de l'imagination et se présentent partout; ils ne sont nullement des élucubrations de la maladie mentale. L'élément pathologique ne se trouve pas dans l'existence de ces représentation, mais dans la dissocation de la conscience, désormais incapable de dominer l'inconscient.
Dans tous les cas de dissociations se manifeste par suite la nécessité de l'intégration de l'inconscient dans le conscient. Il s'agit d'une opération synthétique que j'ai nommée "processus d'individuation". Ce processus correspond au déroulement naturel d'une vie dans laquelle l'individu devient ce qu'il était déjà depuis toujours.
Parce que l'homme a un conscient, un tel développement ne se déroule pas sans accroc; car le conscient ne cesse de s'écarter du fondement instinctif archétypique et d'entrer en opposition avec lui. Il en résulte alors la nécessité d'une synthèse des deux positions. Page 71
 
La méthode thérapeutique consiste d'une part en un effort pour rendre conscient aussi complètement possible les contenus inconscients constellés et d'autre part dans la synthèse de ces derniers avec la conscience au moyen de l'acte de connaissance. Comme l'homme civilisé possède une très grande tendance à la dissociation et qu'il en fait un usage continuel, il n'est pas certain qu' une connaissance sera suivie de l'action correspondante. Au contraire ... D'ordinaire la connaissance à elle seule n'a pas une telle action ...
Comme les archétypes sont relativement autonomes, ils ne peuvent pas être purement et simplement intégrés sous une forme rationnelle. Ils exigent un traitement dialectique, c'est-à-dire une véritable confrontation que le patient réalise fréquemment sous forme de dialogue, vérifiant ainsi la définition alchimique de la méditation : "colloquium cum angelo bono" , dialogue intérieur avec l'ange gardien.
Le déroulement de ce processus est d'ordinaire dramatique et offre de nombreuses péripéties. Il s'exprime où est accompagné par des symbôles oniriques apparentés à ces "représentations collectives" qui ont depuis toujours représenté les phénomènes de la transformation psychique sous forme des thèmes mythologiques. Page 73.
 
LIVRE II : De l'archétype et en particulier de l'idée d'anima
 
Qui ne connaît l'importance universelle du thème de la syzygie (thème du couple, de l'union, de la conjonction) dans la psychologie des primitifs, la mythologie, les religions et l'histoire de la littérature n'aura guère voix au chapitre quant il sera question de l'idée d'ANIMA.
Un préjugé général veut que le fondement essentiel de notre connaissance soit exclusivement donné de l'extérieur, et que nihil esse in intellectu quod non antea fuerit in sensu (il n'y a rien dans l'intellect qui n'ait été auparavant dans le sens). Et pourtant la doctrine des atomes de Démocrite ne reposait pas pas sur l'observation d'éclatements en atomes mais sur une représentation mythologique ... Tous ceux qui connaissent l'ancienne science ou philosophie de la nature savent quelle part de données psychiques se trouve projetée dans l'inconnu du phénomène extérieur.
Où Démocrite a-t-il entendu parler d'atomes ? Cette idée a pris son origine dans les représentations dites archétypiques, c'est-à-dire dans des images primordiales qui ne sont jamais des copies d'événements physiques, mais constituent des productions originales du facteur psychique.
Nous pouvons établir avec certitude dans l'état actuel de notre savoir notre ignorance de la nature du psychisme. Mais il existe des motifs suffisants pour la concevoir -au moins d'une manière hypothétique-comme un facteur sui generis ... Si nous considérons le psychisme comme un facteur autonome il en résulte qu' il y a une existence psychique échappant à l'arbitraire de l'invention et de la manipulation consciente. L'inconscient représente une condition a priori de la conscience et de ses contenus. Il émane de l'inconscient des effets déterminants qui, indépendamment de leur transmission, assurent dans chaque individu isolé la similitude et même l'identité de l'expérience ainsi que de la formulation par l'imagination. L'une des preuves principales en est le parallélisme universel des thèmes mythologiques que j'ai appelé archétypes en raison de leur nature d'image primordiale.
L'un de ces archétype qui est d'une importance particulière pour le psychothérapeute a été désigné par moi du nom d'ANIMA.
L'ANIMA est conçue comme une partie féminine et chtonienne de l'âme. Page 83
Une psychologie scientifique doit, considérer ces représentations transcendantes nées de tout temps dans l'esprit humain, comme des projections, c'est-à-dire des contenus psychiques transporsés et hypostasiés dans le domaine métaphysique.
L'ANIMA se présente à nous dans l'histoire tout d'abord dans les syzygies divines, les couples divins composés du mâle et de la femelle. D'une part ces syzygies plongent dans les ténèbres des mythologies primitives et d'autre part elles s'élèvent dans les spéculations du gnosticisme et de la philosophie chinoise classique où le couple cosmogonique d'idées est appelé Yang (masculin) et Yin(féminin).
Ces syzygies sont tout aussi universelles que la présence de l'homme et de la femme. L'imagination est liée par ce thème de telle sorte qu'elle est amenée dans une large mesure à le projeter sans cesse à nouveau en tout lieu et en tout temps.
La projection est un phénomène inconscient, automatique, par lequel un contenu dont le sujet n'est pas conscient est transférer sur un objet, de sorte qu'il parait appartenir à cet objet. La projection cesse au moment où elle devient consciente c'est-à-dire quand le contenu est perçu comme appartenant au sujet.
Il est aisé d'expliquer que le couple divin n'est que le couple idéalisé des parents, ou un couple humain (d'amants) qui aurait pris place dans le ciel pour une raison quelconque.
Mais l'on peut hausser l'hypothèse que nos parents sont les individus les plus connus de nous, c'est-à-dire ce dont le sujet est le plus conscient. C'est pour cette raison qu'ils ne pourraient pas être projetés, car la projection affecte un contenu dont le sujet est inconscient, c'est-à-dire dont il croit qu'il ne lui appartient pas. En réalité, ce sont précisément les imagines des parents qui sont le plus souvent projetées.. Page 85
( Il y a des cas où en dépit d'une intelligence suffisante de la situation, l'action en retour de la projection sur le sujet ne cesse pas, c'est-à-dire que la libération escomptée n'a pas lieu. Dans ce cas il est encore des contenus pleins de signification, mais inconscients, qui demeure liés au porteur de la projection. Ce sont eux qui entretiennent les effets de cette dernière, alors qu'elle paraissait avoir été comprise.)
 
L'expérience pratique nous dit qu'à coté des fantasmes incesteux, des représentations religieuses sont également associées aux imagines des parents.
L'on fait trop de cas de la "résistance"... on peut en effet tout aussi bien expliquer les phénomènes en question par un manque d'imagination et de réflexion qui rend l'acte de prise de conscience si difficile pour le malade. Quand on est soi même dogmatiste il est aisé de prendre l'autre pour un prophète ...
Les représentations religieuses sont dotées d'une extrême puissance de suggestion et d'émotion. Parmi elles je range toutes les représentations collectives et tout ce qui rime en -isme. Nul ne peut tomber hors de l'humanité au point de ne plus avoir de représentation collective dominante. Il est quelque part, d'une manière ou d'une autre, peu ou prou, possédé par une idée qui le domine. Les idées religieuses seront liées aux imagines des parents. Page 87
 
L'expérience religieuse est un cas sui generis.  
Quand l'intelligence ne suffit pas à réduire les projections correspondantes, nous avons tout motif de penser à la présence de contenu émotionnel de nature religieuse, sans nous soucier de la résistance rationaliste du patient. Nous savons qu'il est toujours et partout placé sous l'influence de représentation dominante. Un homme sans représentation collective serait un phénomène tout à fait anormal.
L'archétype des représentations religieuses a, comme tout instinct, son énergie spécifique qui ne se perd pas, même si la conscience l'ignore. Comme on peut supposer que tout homme possède toutes les fonctions et les qualités humaines courantes on doit s'attendre à la présence des facteurs religieux normaux, des archétypes ... Si quelqu'un réussit à se débarrasser d'une enveloppe de croyance il ne peut le faire que parce qu'il en a une autre sous la main ...
Les représentations collectives ont un pouvoir dominant et il n'est pas étonnant qu'il soit réprimé au moyen de la résistance la plus forte. Dans l'état refoulé elles se dissimulent derrière ces représentations et ces figures qui posent déjà des problèmes pour d'autres raisons et qui augmentent et accentuent leur complexité. Par exemple tout ce que que de manière infantile on attribue ou voudrait attribuer aux parents se trouve exagéré et rendu fantastique par cet apport supplémentaire ...
Derrière le couple parental ou amoureux se trouvent des contenus de la plus haute charge émotionnelle qui ne sont pas perçus dans la conscience et par suite, ne se rendent perceptibles que par l'intermédiaire de la projection. Page 89
 
Dans les visions de Nicolas de Flue la divinité apparait sous une forme double, la première fois comme un père royal et la seconde comme mère royale. L'interprétation gnostique du Saint-Esprit est la Sophia féminine et maternelle. Sa représentation consciente (de Dieu) s'accordait si peut avec le contenu inconscient que ce dernier apparaît sous la forme d'une expérience étrangère à la conscience. C'est une image "hérétique" qui se manifesta par une vision, c'est-à-dire par une interprétation de nature archétypique qui se réveilla spontanément sans intermédiaire. C'est l'archétype du couple divin, de la syzygie. Page 91
 
La projection a une nature d'expérience vécue et indépendante de la tradition.
Émettons l'hypothèse qu'il y a dans l'inconscient un élément de tension émotionnelle tout prêt, qui, à un certain moment, parvient à l'état de projection.
Le thème de la syzygie exprime le fait qu'un facteur masculin est toujours accompagné d'un facteur féminin correspondant.
L'extension et le caractère émotionnel et extraordinaire du thème montre qu'il s'agit d'un thème fondamental et par conséquent d'une grande importance pratique ...
Voyant le couple des parents dans les syzygies, la fraction féminine, donc la mère, correspond à l'ANIMA.. Comme la conscience de l'objet empêche sa projection, il nous faut admettre que les parents sont en même temps les plus inconnus de tous les êtres humains. Il existerait par suite un reflet inconscient du couple parental qui ne ressemble pas à ce dernier et lui est même complètement étranger, comme un homme comparé à un dieu. On peut penser que le reflet inconscient n' est autre que l'image du père et de la mère acquise dans la première enfance, surestimée et plus tard refoulée à cause de l'imagination incestueuse associée.
Cette manière de voir présuppose que cette image a été à un moment donné consciente, sinon elle ne pourrait être refoulée ... L'image des parents se forme non à l'époque de la pré-puberté, ou à un autre moment où la conscience est plus ou moins développée, mais plutôt dans les stades initiaux de la conscience, entre la première et la quatrième année, c'est-à-dire à une époque où la conscience n'a encore aucune véritable continuité et manifeste en conséquence une discontinuité insulaire. La relation au moi indispensable à la continuité de la conscience n'existe encore que partiellement ... Ces états sont toujours caractérisés par une aperception de la réalité remplie de fantasmes. Ces fantasmes l'emporte sur l'influence des impressions sensibles et les modèlent dans le sens d'une image psychique préformée. Page 93
 
Ce sont les archétype qui assignent leurs voies déterminées à toute activité de l'imagination et produisent ainsi d'étonnants parallèles mythologiques dans les fantasmes des rêves d'enfant ... dans les rêves des sujets normaux... névrosés ...les hallucinations schyzophréniques.
Il ne s'agit don pas de représentations héritées, mais de possibilités héritées de représentation.
Ce ne sont donc pas des héritages individuels mais pour l'essentiel des héritages universels ...
Les archétypes apparaissent sous forme de mythes dans l'histoire des peuples, ils se rencontrent aussi dans chaque individu et exercent toujours en lui une action des plus puissantes, c'est-à-dire qu'il donne à la réalité une figure anthropomorphique, surtout là où la conscience est la plus réduite ou la plus faible et où les données du monde extérieur peuvent être étouffées par les fantasmes.
Cette condition est sans aucun doute réalisée chez l'enfants dans les premières années de sa vie.
Aussi cette forme archétypique du couple divin revêt et assimile d'abord l'image des véritables parents jusqu'à ce que ce finalement, la conscience venant à grandir, l'enfant perçoit la vraie figure des parents et cela, plus d'une fois, à sa déception.
La transfiguration mythologique des parents continue souvent bien avant l'âge adulte et l'on y renonce pas sans une très grande résistance.
Exemple d'un malade se présentant comme la victime d'un complexe maternel et d'un complexe de castration ... La mère apparait d'abord comme un hermaphrodite... comme parfaite et surhumaine.
Cette dernière propriété s'attâche en effet toujours à l'archétype et constitue la raison pour laquelle il apparait constamment comme étranger à la psyché; c'est aussi pourquoi dans le cas où le sujet s'identifie avec lui, l'archétype opère sur lui une transformation de la personnalité souvent dévastatrice, la plupart du temps sous forme de folie des grandeurs ou délire d'indignité.
La déception fait subir une castration à la mère hermaphrodite ... Page 95
 
Le malade est tombé de l'Olympe de l'enfance et n'est plus le fils-héros d'une mère divine. Sa peur de la castration est la peur de la vie réelle qui ne correspond en aucune manière aux attentes de la première enfance ... Son existence est "privée de dimensions divines" ... Cela signifie une lourde perte d'espérance vitale et d'énergie ...
Comme la crainte est générale de perdre, au cours de la vie, la relation avec le prélude instinctif archétypique de la conscience, on adjoint au nouveau-né un parrain et une marraine ... Auquels incombe principalement le bien-être spirituel du baptisé. Ils représentent le couple divin qui apparaît à la naissance, indiquant le thème de la "double naissance" (la double naissance traduit le thème du héros qui fait descendre ce dernier de parents divins et humains. Le thème de l'inceste est fréquemment rencontré dans le mythe du héros. Il dérive du type originel de l'hermaphrodite ... On ne peut expliquer un archétype par un autre ...)
L'image de l'ANIMA qui conférait à la mère, aux yeux du fils, un éclat surhumain, se trouve peu à peu effacé par la banalité quotidienne et tombe ainsi dans l'inconscient, sans avoir pour cela aucunement perdu de la charge émotionnelle et de la plénitude instinctive qu'elle avait à l'origine. Dès lors elle est prête à jaillir et se projette à la première occasion, dès qu'un ètre féminin produit une impression qui fait brèche dans la vie de tout les.jours
Dans les expériences de la vie amoureuse de l'homme, la psychologie de cet archétype se manifeste sous la forme d'une fascination, d'une surestimation et d'un aveuglement sans bornes, celle de la misogynie à tous les degrés et sous tous ses aspects : tout cela ne se laisse absolument pas expliquer par la nature réelle de "l'objet" rencontré chaque fois, mais seulement par le transfert du complexe maternel. Page 97
 
Celui-ci nait de l'assimilation, normale en soi et partout présente, de la mère à la partie préexistante, féminine, de l'archétype d'un couple d'opposé "homme-femme", puis dans un ajournement anormal de la séparation de l'image primitive de la mère.
Les hommes ne peuvent en réalité supporter la perte totale de l'archétype. Il en découle un immense malaise de la civilisation dans lequel l'homme ne se sent plus chez lui parce qu'il lui manque un "père" et une "mère". Chacun sait les précautions que la religion a toujours prises dans ce domaine.. -ne pas poser la question de la vérité la où il s'agit d'un problème de besoin psychologique.
Dans la projection, l'ANIMA revêt toujours la forme féminine avec des qualités déterminées. Cette constatation ne veut en aucune manière signifier que l'archétype en lui-même soit ainsi constitué.
La syzygie homme-femme est seulement l'un des couples d'opposés possibles, l'un des plus importants dans la pratique ...
Il paraît vraisemblable qu'un archétype à l'état de repos, et non de projection, n'a aucune forme exactement déterminable, mais est une production formellement indéterminable qui possède la faculté d'apparaître sous une forme déterminée grâce à la projection.
L'ANIMA est un facteur de la plus haute importance dans la psychologie masculine partout où les émotions et les affects sont à l'oeuvre.
Ce facteur renforce, exagère, falscifie et colore d'une teinte mythologique toutes les relations émotionnelles avec la profession et les humains des deux sexes.
Lorsque l' ANIMA est constellée dans une proportion assez grande, elle amollit le caractère de l'homme, qu'elle rend susceptible, excitable, sujet à des sautes d'humeur, jaloux, vaniteux et inadapté. Il est dans un état de malaise et diffuses ce malaise ...Parfois la relation de l'anima à une femme qui lui correspond explique l'existence du complexe symptomatique.
Des hommes jeunes, non encore parvenu au milieu de la vie, qui se situe aux environs de 35 ans, peuvent supporter sans dommage la perte apparemment complète de l'ANIMA. Dans tous les cas, un homme devrait réussir à devenir un homme. Le jeune homme qui grandit doit pouvoir se libérer de la fascination de l'ANIMA exercée par la mère. Chez les artistes le problème se pose d'une façon très différente et l'homosexualité est d'ordinaire caractérisée par une identité avec l'anima; elle est plutôt un détachement incomplet de l'archétype hermaphrodite, lié à une résistance marquée à s'identifier au rôle d'un être sexuel unilatéral.
Par contre, une fois passé le midi de l'existence, la perte durable de l'anima marque une perte croissante de vitalité, de flexibilité et d'humanité. Elle consiste d'ordinaire en un engourdissement précoce, quand ce n'est pas une sclérose, une stéréotypie, une unilatéralité fanatique, un entêtement, une tendance à enfourcher les principes, ou l'inverse : résignation, fatigue, laisser-aller, irresponsabilité, et finalement un ramollissement infantile avec penchant à l'alcoolisme.
Aussi quand on franchit le milieu de la vie il faudrait rétablir le plus possible la liaison avec la sphère des expériences archétypiques. Page 101
 
LIVRE III LES ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DE L'ARCHETYPE DE LA MERE
 
1) De la notion d'archétype:
L'archétype est synonyme "d'idée" au sens platonicien. Il est "l'image primordiale". Il existe quelque part une image primordiale de la mère préexistant au phénomène "maternel" et placé au-dessus de lui.
Il existe un tempérament pour lequel les idées sont des essences et non pas seulement de simples noms ...
La philosophie grecque orientée vers la matérialité, en liaison avec l'intellect aristotélicien, a remporté sur Platon une victoire tardive mais capitale ... Cependant toute victoire porte en germe une défaite à venir ...
La pensée, la raison, l'entendement ... ne sont pas en eux-même des phénomènes affranchis de toutes conditions subjectives et soumis seulement aux lois éternelle de la logique ...
La question n'est plus: a-t-on vu, entendu, toucher ... ? Mais : qui voit ? qui entend? qui a pensé ?
Cest l'équation personnelle dans l'observation ..Page 107
 
Un homme ne pense, ne dit et ne fait que ce qu'il est ...
À toutes les activités humaines il y a un a priori, la structure individuelle innée et par suite, préconsciente et inconsciente de la psyché. La psychique préconsciente, par exemple celle du nouveau-né, n'est nullement un néant vide auquel il faudrait tout apporter, mais un présupposé extrêmement complexe et individuellement déterminé de la façon la plus rigoureuse, qui n'apparaît comme un néant obscur que parce que nous ne pouvons le voir directement.
L'homme, comme tout animal, possède une psyché préformée correspondant à son espèce ...
Il est impossible de connaître la nature des dispositions psychiques inconscientes grâce auquelles l'homme est en mesure de réagir d'une manière humaine. Il doit s'agir de formes fonctionnelles auxquelles j'ai donné le nom "d'images".
Ce terme exprime la forme de l'activité à exercer et en même temps la situation typique dans laquelle l'activité se déclenche. Ces images sont des images primordiales, en ce sens qu'elles sont entièrement propres à l'espèce, et si elles ont un jour pris forme, leur apparition se confond avec le commencement de l'espèce. Elles déterminent la nature humaine de l'homme, la forme spécifiquement humaine de son activité. La manière d'être spécifique se trouvent déjà dans le germe.
Ainsi imagination créatrice est elle-même préformée. C'est dans les productions de l'imagination que les "images primordiales" deviennent visibles et cest là que la notion d'archétype trouve son application spécifique.
La propagation universelle des archétype ne s'opère pas simplement par la tradition, par le langage et par les migrations mais ils peuvent à tout moment et partout réapparaître spontanément et cela sous une forme qui n'est nullement influencée par une transmission venue de l'extérieur.
Cette constatation signifie que des dispositions, des formes, des idées au sens platonicien, inconscientes, mais néanmoins actives, c'est-à-dire vivantes, sont présentes dans chaque psyché dont elles préforment et influencent instinctivement les pensées, les sentiments et les actions.
Les archétype ne sont pas déterminés quant à leur contenu ; ils ne le sont que formellement, et encore uniquement d'une manière très conditionnée. On ne peut prouver qu'une image primordiale est déterminée quant à son contenu que si elle est consciente donc remplie de matériaux de l'expérience consciente.
Sa forme est assez comparable au système axial d'un cristal ...
L'archétype est en lui-même un élément vide, formel, ce n'est rien d'autre qu'une facultas praeformandi, (une faculté de préformer) une possibilité donnée a priori de la forme de représentation.
Les formes correspondent rigoureusement aux instincts, également déterminés de façon formelle.
Pas plus que l'existence de l'archétype en soit, celle des instincts ne peut-être prouvée tant qu'elle n'est pas visualisée in concreto.
Le système axial détermine seulement la structure géométrique mais non la forme concrète du cristal individuel. Celui-ci peut être grand ou petit, varié suivant les formes ... Ceci vaut également pour l'archétype : il peut en principe recevoir un nom et possède un noyau invariable de signification, par lequel son mode de manifestation est toujours déterminé en principe mais jamais concrètement.
La manière dont l'archétype de la mère apparaît chaque fois empiriquement ne peut jamais être déduite de lui-même, mais repose sur d'autres facteurs. Page 112
 
2) L'archétype de la mère:
Comme tout archétype, celui de la mère revêt une quantité infinie d'aspects. Voici quelques formes les plus typiques: la mère et la grand-mère personnelle ; la belle-mère ; l'épouse du père remarié, et la belle-mère du gendre ; une femme quelconque avec laquelle on est en relation et aussi la nourrice ou la bonne d'enfants, l'aïeule ou la femme vêtue de blanc, et dans un sens plus élevé, la déesse et en particulier la Mère de Dieu, la Vierge (mère rajeunie, Déméter et Coré), Sophia (mère-amante, type Cybèle-Attis ...); le terme de l'aspiration à la rédemption (paradis, royaume de Dieu, Jérusalem céleste); dans un sens plus large l'Eglise, l'université, la ville, le pays, le ciel, la terre, la forêt, la mer et l'eau tranquille ; la matière, les enfers et la lune ; dans un sens plus étroit, en tant que lieu de naissance ou de procréation, le champ, le jardin, le rocher, la grotte, l'arbre, la source, le puit profond, les fonds baptismaux, la fleur considérée comme vase (rose et Lotus), en tant que cercle magique ou en tant que corne d'abondance ; au sens le plus restreint, l'utérus, toute forme creuse, le four, la marmite ; sous la forme animale, la vache, le lièvre et, en général, tout animal secourable.
Tous ces symboles peuvent avoir un sens positif, favorable ou par contre négatif et néfaste. Un aspect ambivalent est représenté par la déesse du destin (Parques ...) et un aspect néfaste par la sorcière et le dragon (tout animal qui engloutit et enlace, comme le grand poisson et le serpent) ; la tombe, le sarcophage la profondeur des eaux, la mort, le cauchemar et l'épouvante des enfants.
 
Les propriétés de l'archétype de la mère sont "l'élément maternel", l'autorité magique du féminin, la sagesse et l'élévation spirituelle au-delà de l'intellect ; ce qui est bon protecteur, patient, ce qui soutient, ce qui favorise la croissance, la fécondation, l'alimentation ; le lieu de la transformation magique, de la renaissance ; l'instinct ou l'impulsion secourable ; ce qu'il a secret, de caché, d'obscur ; l'abîme ou le monde des morts, ce qui dévore, ce qui séduit, ce qui empoisonne, ce qui provoque l'angoisse, l'inéluctable.
J'ai caractérisé l'opposition des propriétés sous le nom de "mère aimante " et de "mère terrible".
La bonté, la passion et l'obscurité (sattva, rajas et tamas) sont bien trois aspects essentiels de la mère : sa bonté tutélaire et nourrissante, sa capacité orgiastique d'émotions et son obscurité d'enfer.
Ce n'est pas que seulement la mère personnelle qui constitue la source de toutes ces influence sur la psyché enfantine, mais c'est bien plus tôt l'archétype projeté sur la mère qui donne à celle-ci un arrière-plan mythologique et lui prête ainsi autorité et même numinosité.
Les influences étiologiques et traumatiques de la mère doivent être divisées en deux groupes: celles qui correspondent aux traits de caractère ou aux attitudes réellement existantes de la mère personnelle et celles qu'elle ne possède qu'en apparence, parce qu'elles constituent des projections imaginaires (c'est-à-dire mythique) de l'enfant. Page 115
 
Un enfant a beaucoup plus de chances de se développer normalement que névrotiquement et dans la majorité des cas, des causes définitives de troubles doivent être recherchées du côté des parents et en particulier chez la mère.
Mais les contenus des fantasmes anormaux ne doivent être rapportés que partiellement à la mère personnelle, car ils renferment des productions nettement mythologiques.
Il ne suffit pas de les reconnaître et de les écarter comme ridicules, car les archétypes entrent dans la composition de toute psyché et ils constituent ce "trésor dans le champ de représentations obscures".
Dans son essence, un archétype n'est nullement un simple préjugé irritant. Il n'est cela que lorsqu'il n'est pas à sa place. En lui-même, il fait partie des valeurs les plus hautes de l'âme humaine et il a pour cette raison peuplé tous les Olympes de toutes les religions. Le rejeter comme sans valeur représente positivement une perte. Il s'agit donc bien plutôt de détacher ces projections pour rendre leur contenu à celui qui les a perdues lors de leur extériorisation spontanée. Page 117
 
3) Le complexe maternel:
L'archétype de la mère constitue le fondement du complexe maternel. La mère joue toujours un rôle actif dans la production du trouble ... Mais, dans tous les cas, la sphère instinctive de l'enfant est troublée et ainsi constelle des archétypes qui se placent comme un élément étranger et générateur d'angoisse entre l'enfant et la mère.
-Le complexe maternel de fils:
 L'homosexualité, le donjuanisme, l'impuissance occasionnellement (le complexe du père joue ici un rôle considérable) sont des effets typiques du complexe maternel.
Dans l'homosexualité, la composante hétérosexuelle s'attache sous une forme inconsciente à la mère. Dans le donjuanisme la mère est inconsciemment recherchée dans chaque femme.
Les effets du complexe maternel sur le fils sont exprimés par des représentations formées autour du type Cybèle-Attis: autocastration, folie et mort prématurée.
Chez le fils le complexe maternel n'est pas pur parce que l'on se trouve en présence d'une dissimulitude de sexe; raison pour laquelle l'archétype de la partenaire sexuelle, c'est-à-dire de l'ANIMA, joue un rôle important à côté de celui de la mère.
La mère est le premier être féminin que le futur homme trouve sur son chemin ... Elle ne peut s'empêcher de faire allusion à la virilité du fils ; et de son coté le fils remarque de plus en plus la féminité de la mère ... Ainsi chez le fils, les relations simples d'identité ou de résistance, tendant à la différenciation d'avec la mère, sont constamment traversées par les facteurs d'attrait ou de répulsion érotique.
Chez les fils, le complexe maternel blesse l'instinct viril par une sexualisation qui n'est pas naturelle.
Dans son action positive : à côté ou à la place de l'homosexualité naît une différenciation de l'éros, ou bien un développement du goût et du sens esthétique, des qualités d'éducateur, un esprit historique conservateur, un sens de l'amitié, une richesse de sentiment religieux, une réceptivité spirituelle.
Le donjuanisme peut, sous son aspect positif, signifier une virilité audacieuse, voire brutale, une ambition tournée vers les buts les plus élevés, une opposition violente à l'égard de tout ce qui est bêtise, entêtement, injustice, paresse, un esprit de sacrifice touchant à l'héroïsme pour ce qui était reconnu juste, l'endurance, l' inflexibilité et la ténacité de la volonté, une curiosité, un esprit de révolutionnaire .... Page 120
-Le complexe maternel de la fille:
Chez la fille, le complexe maternel offre un cas pur. Il s'agit d'une part d'un renforcement des instincts féminins qui émanent de la mère, et d'autre part d'un affaiblissement de ses instincts allant jusqu'à l'extinction. La prédominance des instincts donne naissance à une inconscience de la personnalité propre, l'affaiblissement ou l'extinction des instincts développe une projection des instincts sur la mère.
a)Hypertrophie de l'élément maternel:
L'exagération de l'élément féminin signifie un renforcement de tous les instincts féminins et en premier lieu de l'instinct maternel. Son aspect négatif est représenté par une femme dont l'unique but est d'avoir des enfants. L'homme est un accessoire ... La personnalité propre d'une telle femme est également accessoire... plus ou moins inconsciente, car la vie est vécue dans les autres et à travers les autres, puisque en raison de l'inconscience de la personnalité propre on leur est identique. Elle porte les enfants et s'accroche à eux, car sans eux elle n'a aucune raison d'être.
Comme Déméter, elle arrache aux dieux un droit de possession sur sa fille.
L'éros chez elle n'est développé que comme relation maternelle et en tant que rapport personnel, il demeure inconscient.
Un éros inconscient s'exprime toujours sous forme depuis puissance (là où l'amour est absent la puissance s'installe à la place du vide). C'est pourquoi ce type, en dépit de tout ce qu'il peut comporter d'esprit de sacrifice féminin, est incapable d'offrir un sacrifice véritable, mais projette son instinct maternel avec une volonté de puissance souvent brutale, jusqu'à la destruction de sa personnalité propre et de la vie personnelle des enfants. Plus une telle mère est inconsciente de sa personnalité propre plus sa volonté de puissance inconsciente est grande et violante.
b)Débordement de l'éros:
Si l'instinct maternel est éteint, on voit apparaître comme succédané un débordement de l'éros qui conduit presque toujours au à une attitude inconsciente d'inceste à l'égard du père. L'éros débordant provoque une accentuation anormale la personnalité de l'autre. La jalousie envers la mère et le désir de la supplanter devienne des leitmotivs ... Une femme de ce genre adore les relations exaltantes et passionnées.
Ce type est caractérisé par un remarquable inconscience (à l'égard de la signification de leurs propres agissements)... Pour des sommes dont l'éros est faible, ce type offre une excellente occasion d'opérer une projection de l'ANIMA.
c) Identité avec la mère:
Si le complexe maternel ne provoque pas une accentuation de l'éros, il en résulte chez la fille une identité avec la mère et une paralysie de ses propres entreprises féminines. Il sera produit une projection de la personnalité propre de la fille sur la mère, grâce à l'inconscience de son univers personnel d'instinct, de l'instinct maternel aussi bien que de l'éros. Tout ce qui rappelle, la maternité, la responsabilité, les liens personnels et la revendication érotique fait naître en ces femmes un sentiment d'infériorté ...
La mère incarne une "super-personnalité"; et vie toute chose avant et à la place de sa fille. Celle-ci mène une existence d'ombre ... en prolongemment de la mère . Caractérisée par l'indifférence et l'évanescence, elles sont si vides qu'un homme peut supposer en elles absolument tout ; elles sont si inconscientes que l'inconscient suce toutes les projections masculines, ce qui plaît aux hommes ... Une si grande indétermination féminine est en effet la contrepartie désirée de la détermination et du caractère univoque de l'homme ... Cette indifférence intérieure et ces sentiments d'infériorité simulent toujours l'innocence blessée et c'est à l'homme que revient le role avantageux ... Son état d'abandon, son tel besoin d'aide.
d)Défense contre la mère:
Dans ce type moyen, il s'agit d'une défense contre la puissance écrasante de la mère, défense qui éclipse tout le reste.
C'est le complexe maternel négatif. Son leitmotif : tout pourvu que ce ne soit pas comme la mère. Il s'agit d'une fascination qui n'est cependant jamais une identité et d'une accentuation de l'éros qui toutefois s'épuise dans une certaine résistance jalouse contre la mère. Cette fille sait tout ce qu'elle ne veut pas, mais est incapable de discerner clairement ce qu'elle entend par son propre destin. Ces instincts sont entièrement concentrés sur la mère sous une forme défensive et incapables de bâtir une vie personnelle.
Le mariage ne lui servira qu'à se débarrasser de sa mère, ou le mari portera les mêmes traits que sa mère ... Tous les processus et les besoins instincts rencontrent des difficultés inattendues: ou la sexualité ne fonctionne pas, ou les enfants sont mal accueillis, ou les devoirs maternels paraissent insupportables, ou les exigences de la vie commune du couple provoquent de l'impatience et des irritations. Car c'est uniquement la défense incessante contre la mère sous toutes ces formes qui constitue le but suprême de l'existence. Dans de tel cas on est souvent donné de voir les propriétés de l'archétype maternelle: la mère-famille ou la mère clan provoque de violentes résistances ou un manque total d'intérêt à l'égard de tout ce qui à nom famille, communauté, société, convention ... La résistance contre la mère-utérus se manifeste par des troubles menstruels, des difficultés dans la conception, l'horreur de la grossesse, des hémorragies, des accouchements prématurés, des grossesses interrompues ... La mère-matière fait naître l'impatience à l'égard des objets, la maladresse dans le maniement des instruments, des erreurs dans l'habillement.
La défense contre la mère suscite à l'occasion un développement spontané de l'intellitgence en vue d'instaurer une sphère où la mère ne figure pas. Il doit servir à briser la puissance de la mère par une critique intellectuelle et un savoir supérieur, ou à permettre de lui imputer toute les sottises, les manques de logique et les lacunes de l'instruction.
Une manifestation des qualités plus masculines va de pair avec le développement de l'intellligence. Page 127
 
4) Aspects positifs du complexe maternel:
a)La mère:
L'aspect positif de l'hypertrophie de l'instinct maternel est cette image de la mère chantée et célébrée dans tous les temps. C'est cet amour maternel faisant partie des souvenirs les plus touchants et les plus inoubliables de l'âge adulte et qui signifie la secrète racine de tout devenir, de toute transformation, le retour au foyer et le recueillement, le fonds primordial silencieux de tout commencement et de toute fin...
La mère est porteuse de cette image innée en nous qui est la mater natura et la mater spiritualis, la sphère de la vie toute entière, à laquelle, enfants, nous avons été confiés, et en même temps abandonnés. C'est ce poids de signification qui nous enchaîne à la mère et qui l'enchaîne à son enfant, pour la perte spirituelle et physique de l'une et de l'autre.
On ne dénoue pas un complexe maternel en réduisant unilatéralement la mère à une mesure humaine ... sinon on cout le danger de dissoudre l'expérience "mère", de détruire une valeur suprême ... Page 129
Le monde des archétypes doit demeurer conscient, car c'est en lui que l'homme est encore nature et relié à ses racines.
Si ces images primordiales demeurent conscientes sous une forme quelconque, l'énergie correspondante peut alimenter l'homme. Mais si on ne parvient plus à maintenir le contact avec elles, l'énergie qui s'exprime dans ses images et cause le pouvoir de fascination inhérent au complexe parental infantile retombe dans l'inconscient. Celui-ci acquiert ainsi une charge qui se prêt, comme une espèce de vis a tergo irrésistible, à toutes vues, idées ou tendances que l'intellect offre à la "concupiscence" comme but attirant. De cette manière, l'homme devient désespérément la proie de son conscient et de ses idées rationnelles de juste et de faux.
L'homme devrait être prêter attention au sage conseil de la mère et à sa loi inexorable de la limitation naturelle. Il ne devrait jamais oublier que si le monde subsiste, c'est parce que les contraires s'équilibrent. Ainsi le rationnel est compensé par l'irrationnel et ce qui est intentionnel parce qui est donné.
La mère est le premier monde de l'enfant et les dernier monde de l'adulte.
Chez l'homme le complexe maternel se mêle à l'archétype de l'ANIMA dont il résulte que les informations de l'homme sur la mère sont la plupart du temps de nature émotionnelle, donc teintée d'animosité. Ce qui n'est pas chez la femme si elle n'a pas encore développé un animus compensateur. Page 131
b)L'éros débordant:
 
 
5) Récapitulation
 
LIVRE IV : Les visions de Zosime
 
Première partie : Les textes
 
. Zosime de Panopolis, alchimiste et gnostique notable du IIIème siècle.
Zosime ouvre le traité par des considérations générales sur les processus naturels et spécialement sur la .. composition des eaux.. « Et sur ce système simple et multicolore repose l'exploration multiple et infiniment variée du Tout. » . :
 
III,1, 2. « . Je vis un prêtre (.. le sacrificateur qui préside aux cérémonies. ..Le texte ne fait pas de différence entre les deux. (Avec le hiérophante, le prophète, le directeur des mystères.) qui se tenait debout devant moi, en haut d'un autel en forme de coupe. Là, cet autel avait quinze degrés à monter. Le prêtre s'y tenait debout, et j'entendis une voix qui me disait : «  J'ai accompli l'action de descendre les quinze degrés de l'obscurité et celle de monter les quinze degrés de la lumière. Et c'est le sacrificateur qui me renouvelle en ôtant l'épaisseur du corps, et, suivant une nécessité, ayant été consacré comme prêtre, je suis accompli comme esprit. » ... « Je suis Ion, le prêtre des sanctuaires les plus intérieurs et les plus secrets et j'endure un châtiment intolérable. (..châtiment, appartient à la même famille que les « supplices» auxquels la prima materia doit être soumise pour être transmuée. Cette procédure est désignée du nom de mortificatio). Car quelqu'un est venu de grand matin en toute hâte, et il m'a démembré en suivant la composition de l'harmonie. (.. Il s'agit du partage en quatre corps, natures ou éléments.) Et il a arraché la peau de ma tête à l'aide du glaive qu'il tenait avec force, et il a joint ensemble mes os et ma chair et les a brûlés au feu suivant l'art, jusqu'à ce que j'aie appris comment mon corps se transformait et comment je devenais esprit. Et c'est là mon supplice intolérable. » . ses yeux devinrent comme du sang. Et il vomit toutes ses chairs. Et je le vis changé en un homunculus contrefait, en son inverse. Et il se déchira lui-même avec ses propres dents, et il s'affaissa en lui-même.
 
3. « Rempli de frayeur, je m'éveillai et je songeai : « Ne serait ce pas là la composition des eaux ? »  .. Et je me rendormis. Et je vis le même autel en forme de coupe, et à la partie supérieure, de l'eau bouillonnante, et, autour, des gens en grand nombre.. Et il n'y avait personne que je puisse interroger en dehors de l'autel. Je monte alors vers l'autel pour contempler le spectacle. Et j'aperçois un barbier, un homunculus aux cheveux blancs (.. l'homunculus a les cheveux blancs car il représente le plomb.) qui me dit : « Que regardes-tu ? »  Et je lui réponds : « Je suis dans l'étonnement devant l'ébullition des eaux et celles des hommes qui brûlent avec, et pourtant vivent. » . «  Ce spectacle que tu vois est l'entrée et la sortie et la transformation. » . «  Quelle transformation ? » .« Le lieu de l'exercice de ce que l'on appelle ''embaumement'' ». (.. ''Macération'' .. a une résonnance plus alchimique) En fait les hommes qui veulent devenir participants de l'art ( .. « l'art » ou « la perfection morale). entrent ici et deviennent des esprits, ayant fui le corps. ». « Toi aussi, tu es un esprit ? » .. « Un esprit et un gardien d'esprits. » Pendant que nous nous entretenions ainsi, que l'ébullition allait croissant et que les gens poussaient des gémissements, je vis un homme P.159 d'airain tenant à la main une tablette de plomb. ... « A tous ceux qui sont plongés dans ces châtiments, j'ordonne de dormir et de prendre chacun à la main une tablette de plomb et d'écrire de leur propre main, de tenir les yeux levés, et il faut que vous gardiez la bouche ouverte jusqu'à ce que votre luette soit gonflée. ( Cela doit signifier une ouverture de la bouche particulièrement spasmodique liée à une violente contraction du pharynx. .. sens d'un mouvement d'étouffement qui pourrait représenter le vomissement des contenus. Ces derniers doivent être inscrits sur les tablettes. Ce sont des inspirations venues d'en haut qui sont amenées en quelque sorte par les yeux levés. . procédé que l'on peut comparer à l'imagination active.) . « Tu as contemplé, tu as allongé le cou vers le haut et tu as vu ce qui s'est fait. ». « Cet homme d'airain que tu as vu est le chef des sacrificateurs, et le sacrifié, celui qui vomit ses propres chairs. L'autorité lui a été donnée sur cette eau et sur les gens châtiés. »
 
4. . Je m'éveillai de nouveau. Et je me dis : «  Quelle est la cause de cette vision ? N'est-ce donc pas là l'eau blanche et jaune et bouillonnante, l'eau divine ? » Et je trouvai que j'avais très bien compris. Et je dis : « Il est beau de parler et il est beau d'écouter ; il est beau de donner et il est beau de recevoir ; il est beau d'être pauvre et il est beau d'être riche. Et comment la nature enseigne-t-elle à donner et à recevoir ? L'homme d'airain donne et la pierre liquide reçoit ; le métal donne et la plante reçoit ; les astres donnent et les fleurs reçoivent ; le ciel donne et la terre reçoit ; les tonnerres du feu qui s'élance donnent et toutes choses s'entrelacent. Et de nouveau toutes choses se désenlacent ; toutes choses s'unissent, toutes se combinent ; toutes choses s'entremêlent et toutes se démêlent ; toutes choses se mouillent et toutes se sèchent ; toutes choses fleurissent et toutes se fanent dans l'autel en forme de coupe. Car toutes choses se produisent grâce à la méthode, la mesure et la pesée (exacte) des quatre éléments. L'entrelacement et le désenlacement de toutes choses, ainsi que toute liaison, ne se font pas sans méthode. La méthode est naturelle ; elle comporte inspiration et expiration ; elle conserve les arrangements réguliers ; elle apporte augmentation et diminution. Et toutes choses, en résumé, concordent grâce à la division et à l'union, sans que la méthode soit négligée en rien ; ainsi la nature apparaît. Car la nature retournée sur elle-même se transforme. Ce sont là la nature et le lien pleins d'art de l'univers entier. »
 
5. « . batis un temple d'une seule pierre, semblable à de la céruse, à de l'albâtre, un temple de Proconnèse, n'ayant ni commencement ni fin dans sa construction ; qu'il ait à l'intérieur une source d'eau très pure et une lumière éclatante, solaire. Observe avec soin de quel côté est l'entrée du temple et prends en main une épée et, ainsi, cherche l'entrée. Etroit est en effet le lieu où se trouve l'ouverture. Et un dragon est couché à l'entrée, gardant le temple. Après l'avoir maîtrisé, tue-le pour commencer. Ecorche-le et, prenant ses chairs avec ses os, sépare ses membres ; puis, réunissant (la chair) des membres un à un avec les os devant l'entrée du temple, fais-toi un marchepied ; monte et entre, et là tu trouveras la chose recherchée. Le prêtre, cet homme d'airain.. ne le regarde pas comme un homme d'airain, car il a changé la couleur de sa nature et il est P.161 devenu un homme d'argent ; si tu le veux, il deviendra en peu de temps un homme d'or. »
 
6. « Ce préambule est une entrée destinée à t'ouvrir les fleurs des discours qui suivent, la recherche des arts, de la connaissance, des doctrines de l'intelligence, des méthodes efficaces et des révélations des paroles secrètes mises en lumière. »
 
III, V, 1. « Avec peine, je fus pris du désir de gravir les sept degrés et de contempler les sept châtiments ; et, comme il convient, en un seul des jours, je parcourus le chemin de l'ascension. En m'y reprenant à plusieurs fois, je me trouvai enfin sur la route. Au retour, je perdis complètement mon chemin et, plongé dans un grand découragement, ne voyant pas par où sortir, je tombai dans le sommeil. Et j'aperçus en dormant un barbier, un homunculus, revêtu d'un manteau rouge et d'un habit royal, qui se tenait debout à l'extérieur du lieu des châtiments et qui me dit : « Que fais-tu, homme ? »  Et moi je répondis :  « Je suis arrêté ici parce que, m'étant écarté de tout chemin, je me trouve égaré. » .. «  Suis-moi. » Et moi je sortis et le suivis. Lorsque nous fûmes arrivés auprès du lieu des châtiments. J'aperçus cet homme qui me conduisait, ce barbier, cet homunculus. Et voici qu'il s'élança dans le lieu des châtiments, et tout son corps fut consumé par le feu.
 
2. « A cette vue, je fus hors (de moi) et je tremblai de peur ; je me réveillai et me dis en moi-même : «  Qu'est-ce donc que ce spectacle ? » Et de nouveau je tirai mon raisonnement au clair ; je compris que ce barbier était l'homme d'airain revêtu d'un vêtement rouge, et je dis ; « J'ai bien compris, c'est l'homme d'airain. Il faut d'abord qu'il se jette dans les châtiments. »
 
3. « De nouveau, mon âme désira monter aussi le troisième degré. Et de nouveau je suivis seul le chemin, et, comme j'arrivais près du lieu des châtiments, je m'égarai encore, ne sachant pas ma route, et je m'arrêtai, désespéré. Et, une nouvelle fois, j'aperçus pareillement un vieillard blanchi par les années, devenu entièrement blanc, si bien que les gens étaient éblouis par sa blancheur. II s'appelait Agathodaïmon. Se retournant, ce vieillard tout blanchi me considéra pendant un très long moment. Et moi, je lui demandai : « Montre-moi le droit chemin. «  Il ne se retourna pas vers moi, mais s'empressa de poursuivre sa propre route. Allant et venant de-ci de-là, je gagnai en hâte l'autel. Quand je fus arrivé en haut sur l'autel, j'aperçus le vieillard aux cheveux blancs, et il s'élança dans le lieu du châtiment. O créateurs des natures célestes ! O frères, quel récit effroyable ! Car, par la grande violence du châtiment, ses yeux se remplirent de sang. Je lui adressai la parole et lui dis : « Pourquoi es-tu étendu là ? »  Et lui, ouvrant à grand-peine la bouche, me dit : «  Je suis l'homme de plomb et j'endure une violence intolérable. »  Là-dessus, saisi d'une grande crainte, je m'éveillai et recherchai en moi la cause du fait. De nouveau, je réfléchis en moi-même et dis : «  J'ai bien compris qu'il faut rejeter ainsi le plomb ; la vision se rapporte véritablelent à la composition des liquides. »
 
III, v, bis. « Et de nouveau je remarquai le divin et saint autel en forme de coupe, et je vis un vénérable prêtre revêtu d'une robe blanche tombant jusqu'à ses pieds, qui accomplissait ces effrayants mystères, .. : «  Qui est donc celui-ci ? »  Et il me répondit : C'est le prêtre des sanctuaires interdits. C'est lui qui veut ensanglanter les corps, rendre les yeux clairvoyants et ressusciter les morts. » Et, retombant, je m'endormis encore un peu de temps, et, comme je remontais au quatrième degré, je vis venir du côté de l'Orient quelqu'un tenant à la main un glaive. Et un autre (venait) derrière lui ; il portait quelqu'un paré d'images tout autour, vêtu de blanc et beau d'aspect, dont le nom était : station du soleil à P.163 midi. Comme ils approchaient du lieu des châtiments (j'entendis) que celui qui avait un glaive à la main (avait déclaré): «  Coupe-lui la tête et mets ses chairs en morceaux, afin que ses chairs soient mises à cuire selon la méthode et qu'elles soient soumises au châtiment. « J'ai bien compris : il s'agit des liquides de (l'art) des métaux. » Et celui qui tenait à la main le glaive dit encore : « Vous avez accompli la descente des sept degrés. » Et l'autre dit, tandis qu'il faisait jaillir toutes les sources à partir des endroits humides : «  L'art est accompli. » »
 
IIl, VI, 1. « Et voici ; qu'il y avait un autel en forme de coupe, et un esprit igné se tenait debout sur l'autel. Et ils ( ?) s'occupaient du feu nécessaire pour faire bouillir, et de l'effervescence et de la calcination des hommes qui s'élevaient. Je m'informai au sujet des gens qui se tenaient là et je dis : «  Je vois avec étonnement l'effervescence de l'eau et le bouillonnement, et comment des hommes qui sont calcinés peuvent encore vivre. » Et il me répondit : « Cette effervescence que tu vois est le lieu de l'exercice appelé embaumement ; car les hommes qui veulent participer à l'art entrent ici, rejettent leur corps et deviennent esprit. L'exercice s'explique en effet ainsi, à partir du mot « s' exercer » (.. sens de méthode ou d'expérience.). Car ce qui rejette l'épaisseur du corps devient esprit.» »
 
En III,I,5 . un résumé .. une amplification, qui est en même temps une interprétation symbolique de la série de visions :
« Bref, mon ami très cher, bâtis un temple monoIithe (blanc) comme de la céruse, comme de l'albâtre, comme du marbre de Proconnèse, n'ayant ni commencement ni fin dans sa construction (c'est-à-dire rond) : qu'il ait à l'intérieur une fontaine d'eau très pure et une lumière solaire clatante comme l'éclair. Observe avec soin de quel côté est l'entrée du temple, et prends en main une épée, et, ainsi, cherche l'entrée. Etroit est en effet le lieu où se trouve l'ouverture. Et un dragon est caché à l'entrée, gardant le temple. Après l'avoir maîtrisé, commence par le tuer. Ecorche-le et, prenant ses chairs avec ses os, démembre-le et mets les membres avec les os à l'entrée du temple. Fais en un marchepied ; monte et entre, et là tu trouveras la chose recherchée (La res quaesita (chose recherchée) ou quaerenda (à rechercher)..), à savoir, le prêtre, P.165 l'homme d'airain que tu vois assis dans la source et rassemblant la chose. Mais bientôt tu ne le vois plus comme homme d'airain : il a changé la couleur de sa nature, et il est devenu homme d'argent ; si tu le veux, tu l'auras en peu de temps sous l'aspect d'un homme d'or »
 
Deuxième partie Le commentaire
 
CHAPITRE PREMIER : Généralités sur l'interprétation 
 
. possibilité qu'il s'agisse, au fond, d'une vision essentiellement . Zosime considère la vision comme une expérience significative qu'il doit publier. . l'auteur l'interprète lui-même dans le sens de ses préoccupations : « Ceci ne serait-il pas la composition des liquides ? » Cette interprétation paraît .. négliger les images les plus impressionnantes de la vision et ainsi réduire à un trop petit dénominateur commun un état de fait bien plus vaste et plus significatif. Si la vision était une allégorie, les images qui ressortent le plus seraient sans doute aussi les plus importantes. Mais les interprétations subjectives des rêves offrent le trait caractéristique de se satisfaire d'une indication superficielle d'associations en négligeant l'essentiel. .. on doit P.169 tenir compte du fait que diverses déclarations des alchimistes attestent l'existence de visions, de rêves pouvant survenir au cours de l'opus. . les visions de Zosime est de ces événements qui se produisent durant l'opération et dévoilent la nature du processus psychique qui l'accompagne à l'arrière-plan. Ces visions font apparaître au jour les contenus qui demeurant inconscients chez l'alchimiste, se projettent dans les processus chimiques et sont alors perçus en eux comme s'ils étaient des propriétés de la matière. A quel point le processus de projection est également sous-tendu par l'attitude consciente, nous le voyons par l'interprétation apparemment quelque peu hâtive que Zosime donne lui-même de son rêve.
. interprétation.. peu éclairante.. recherchée et arbitraire . l'idée des  « eaux » est pour nous un facteur insolite, elle pourrait avoir pour Zosime, et pour les alchimistes en général, une signification insoupçonnée. Il se pourrait aussi que la mention de l' « eau » ouvre aux alchimistes tout un contexte dans lequel entreraient également des idées de dilacération, de meurtre, de torture et de transmutation. .. l'alchimie .. traite .. de l'eau merveilleuse, l'aqua divina ou permanens extraite de la « pierre », c'est-à-dire de la prima materia, moyennant le supplice du feu. L'eau est cet « humide radical » qui représente l'anima media natura ou anima mundi (Dans notre texte, c'est Agathodémon lui-même qui subit la transformation.) retenue captive dans la matière ; elle est encore appelée âme de pierre ou métallique, anima aquina. Cette « âme » est libérée de « l'ouf », non seulement par la « cuisson », mais aussi par l'épée, ou bien restaurée au moyen de la separatio, qui est la dissolution en les quatre « racines » ou éléments. (Partage en les quatre éléments suivant la mortificatio .) La séparation, de son côté, est souvent représentée comme le démembrement d'un corps humain. Il est également dit de l'aqua permanens qu'elle dissout les corps en les (quatre) éléments. L'eau divine a, d'une façon généraIe une vertu de transformation. Elle change, par une ablution merveilleuse, la nigredo en albedo (la noirceur en blancheur) ; elle vivifie ce qui est mort, P.171 ressuscite les morts ( « Aqua est, quae occidit et vivificat.» (C'est l'eau qui tue et vivifie.) et possède en conséquence la vertu de l'eau baptismale dans le rituel de l'Eglise chrétienne. De même que dans la Benedictio Fontis, l'eau est partagée en quatre parties, en forme de croix, par la main du prêtre (.. Le prêtre, de la main divise l'eau en forme de croix.), le « serpent mercuriel » qui représente aussi l' « eau permanente » subit le dépècement, lequel est à son tour un homologue du démembrement du cadavre. (.. divisio et separatio..)
. l'idée de l' « eau » et des opérations qui lui sont liées est suffisante pour déclencher dans l'esprit de l'alchimiste des connexions où apparaissent finalement tous les thèmes des visions. . Un proverbe latin dit : « Canis canem somniat, piscator pisces. » .. L'alchimiste, lui aussi, rêve dans le langage qui lui est propre. Cette circonstance nous contraint à une extrême prudence, d'autant plus que ce langage est parfaitement obscur. Pour le comprendre pIeinement, il faudrait connaître le secret psychologique de l'alchimie. Il est en effet probable .. que seul celui qui connaît le secret de la pierre comprend « de quoi ils parlent ». . le symbolisme alchimique est relié dans une large mesure à la structure de l'inconscient . quiconque cherche à comprendre le symbolisme des rêves ne peut fermer les yeux sur le fait que des songes d'hommes modernes contiennent à l'occasion les images et les P.173 métaphores que nous rencontrons dans les traités .. du M-A. (. Une constellation déterminée de l'inconscient est nécessaire pour engendrer de tels rêves. Il s'agit de rêves « archérypiques », c'est-à-dire de rêves qui contiennent d'évidents mythologèmes. .) Comme l'intelligence de la compensation biologique opérée dans les rêves est d'une certaine importance pour le traitement des névroses, ainsi que pour le développement de la conscience en général, la connaissance de tels faits présente aussi un intérêt pratique qu'il ne faut pas sous-estimer.
 
CHAPITRE II L'acte sacrificiel
 
L'image essentielle de notre vision onirique est une sorte d'acte sacrificiel entrepris en vue de la transmutation alchimique. Ce rite sacrificiel est caractérisé par le fait que le prêtre est à la fois sacrificateur et victime. Cette importante idée du sacrifice de soi-même s'était .. présenté à Zosime sous la forme de la doctrine des « Hébreux » .. Le Christ était un Dieu qui s'était offert lui-même en sacrifice. Une partie essentielle de l'acte sacrificiel est le démembrement. Zosime doit avoir bien connu ce thème à partir de la tradition dionysiaque des mystères. Là aussi c'est le dieu lui-même qui est la victime jetée dans le chaudron après avoir été démembré par les Titans, et dont le cour a été sauvé par Héra au dernier moment. Notre texte montre que l'autel en forme de coupe est lui-même un chaudron dans lequel un grand nombre d'hommes sont mis à bouillir et à brûler. .. au cours de l'orgiasme dionysiaque on assiste à l'explosion de la voracité animale, et que des animaux vivants y sont lacérés à belles dents. (.. Le démembrement est un thème quasi universel de la psychologie chamane qui remonte haut dans la mentalité primitive. Il constitue un élément essentiel de l'initiation vécue des chamans. ..) P.175 Dionysos est précisément désigné comme .. (l'esprit non partagé et partagé).
Le thème de l'écorchement doit également avoir été familier à Zosime. Le dieu Attis mourant et ressuscitant (Attis est une figure proche du Christ, car, suivant une tradition ancienne, la grotte de la Nativité à Bethléem aurait été un sanctuaire d'Attis. ..) a en effet un homologue bien connu dans la figure de Marsyas écorché et pendu. La légende a égaIement réservé l'écorchement à Mani . Le rembourrage ultérieur de la peau avec de la paille est une allusion aux coutumes attiques relatives à la fécondité et à la renaissance. .
Dans la vision, l'écorchement est limité à la tête. C'est un scalp, par opposition à l'écorchement total décrit dans le « résumé » .. .On a là une des spécifications originales qui distinguent le rêve de la description du processus dans le résumé. De même que le fait de découper et de dévorer le cour ou le cerveau d'un ennemi doit opérer l'incorporation de ses forces ou de ses vertus vitales, le scalp doit sans doute représenter, en tant que pars pro toto, la prise de possession du principe vital ou de l'âme. L'écorchement représente un symbole de la transformation, que j'ai soumis à un examen plus approfondi dans mon étude sur la messe . le thème particulier du supplice (.. chatiment) qui s'impose spécialement dans la description du démembrement et du scalp. . Il est dit dans la vision, à propos de l'homunculus de plomb sur lequel s'accomplit la torture : « Ses yeux se remplirent de sang » à la suite du supplice. L'Apocalypse (d'Elie) déclare de ceux qui sont jetés dans « le châtiment éternel » : « . leurs yeux sont mêlés de sang » .. Et des saints persécutés par l'anti-messie, il est dit « . il leur arrachera la peau de la tête. »
.. pas seulement un châtiment ou une punition, mais une peine infernale. .. rendu en latin par poena, ce terme n'apparaît absolument pas dans la Vulgate, et, dans tous les endroits où il est question du supplice infernal, les mots employés sont cruciare (supplicier, tourmenter) et cruciatus (supplice, torture).. « il sera tourmenté par le feu et le soufre » ou .. « comme le tourment infligé par le scorpion ». . Le mot grec a un double sens pour les alchimistes : .. (il) signifie aussi mettre à l'épreuve par la pierre de touche, opération qui joue un rôle important en alchimie. Lapis Lydnis (pierre de touche) est synonyme de lapis philosophorum. Le supplice du feu permet non seulement d'éprouver la P.177 pureté, l'« incorruptibilité », mais aussi de les obtenir. .
.. l'écorchement se rapporte spécialement à la tête, ce qui indiquerait en quelque sorte une extractio animae, si l'équation primitive peau = âme s'applique encore ici. . Zosime appelle ses philosophes .. (enfants de la tête d'or). . La tête a, chez Zosime et les alchimistes ultérieurs, la signification de « corps rond » .. d'« élément oméga », .. termes sous lesquels il faut entendre la substance mystérieuse (l'arcane), la substance de transformation. La décapitation signifie donc l'acquisition de la substance mystérieuse. D'après le texte, c'est celui qui marche derrière le sacrificateur qui est appelé, .. (station du soleil au milieu du ciel) et à qui on doit couper la tête. Cette décollation de la tête d'or se trouve aussi dans les manuscrits du .. Splendor solis .. Dans la vision, le sacrifice concerne un myste qui vit son accomplissement comme Hélios. Le soleil est en alchimie synonyme de l'or. L'or est, comme le dit Michel Maier, le « circulatorium opus solis » (l' ouvre circulatoire du soleil), .. (la boue splendide qui a pris la forme d'une substance très belle dans laquelle les rayons du soleil se rassemblent et brillent). Mylius dit que « l'eau » vient « des rayons du soleil et de la lune ». Selon l'Aurelia occulta, les rayons du soleil doivent être rassemblés dans «l'eau d'argent» . le myste lui-même représente la substance mystérieuse. .
. l'autel en forme de coupe. Il est, .. en relation avec le cratère de Poimandrès. Ce vase fut envoyé sur la terre par le démiurge, rempli de .. (esprit) afin que ceux qui s'efforçaient d'atteindre une plus haute conscience pussent s'y plonger. . « Descendant en courant vers le Pasteur, et t'étant plongée dans le vase (.. cratère, vase où l'on fait le mélange ), monte en courant vers la race qui est la tienne.»
Le cratère est manifestement un vase merveilleux, une cuve baptismale ou une piscine dans laquelle s'accomplissait le baptismos, l'immersion, le baptême. Ainsi se produisait la transformation en un être spirituel. . relation très étroite avec celui du Poimandrès du Corpus Hermeticum. Ce dernier vase est le bain baptismal, dans lequel les hommes inconscients et privés de connaissance qui aspirent à l'ennoia peuvent parvenir à la conscience. Le vase P.179 d'Hermès est un utérus du renouvellement ou de la renaissance spirituelle. . Dans le récit intitulé Isis à Horus, l'ange qui apparaît apporte un petit vase rempli d'eau transparente ou mieux, .., « brillante ». Il faut concevoir .. cette eau comme l'eau divine de l' art ; celle-ci représente en effet, outre la prima materia, l' « arcane » proprement dit. L'eau (du Nil) possède dans l'ancienne Egypte une signification singulière : elle est Osiris, le dieu démembré par excellences. ... Conformément à cette ancienne tradition, l'eau possède la faculté de permettre la résurrection, car elle est Osiris qui est ressuscité des morts. Dans le lexique de la chrysopée ou fabrication de l'or, Osiris est le nom du plomb et du soufre, deux synonymes de la substance mystérieuse. Le plomb, qui, depuis longtemps, constituait la désignation principale de la substance de transformation .
Cette pensée fait allusion au fait que l'esprit qui est une eau, ou l'eau qui est un esprit, représente au fond un paradoxe, un couple d'opposés assez analogue à celui du feu et de l'eau. Dans l'aqua nostra des alchimistes, les idées d'eau, de feu et d'esprit confluent, comme ils le font dans le langage religieux.
Outre le thème de l'eau, le récit-cadre du traité d'Isis contient aussi celui de l'acte de violence. . P.181
.L'ange, essence ailée ou spirituelle, représente, de même que Mercur, la substance volatile, le pneuma, .. l'incorporel. L'esprit a presque toujours dans l'alchimie une relation avec l'eau ou avec « l'humide » (radical), ce qui doit sans doute s'expliquer simplement par la réalité empirique .. : l'art culinaire. L'eau qui s'évapore en bouillant transmet les premières impressions de metasomatosis, c'est-à-dire de la transformation de ce qui est corporel en l'incorporel, le spiritus ou le pneuma. La relation de l' « esprit » à l'eau consiste en ce qu'il est caché dans l'eau, comme un poisson. . ce poisson est désigné comme « rond » et doté de « vertu vivifiante ». Il représente, .. , la substance de transformation. . « J'indique à la posérité la chose ronde qui transforme l'airain en quate.» Ainsi .., la « chose ronde » est identique à « l'eau » (aqua permanens). Nous rencontrons chez Zosime un enchaînement de P.183 de pensées semblables .
 
LIVRE V Le symbole de la transsubstantiation dans la messe.
 
REMARQUE PRÉLIMINAIRE
 
INTRODUCTION
 
CHAPITRE PREMIER Les différentes parties du rite de la transsubstantiation
 
  1. L'oblatio panis (l'oblation du pain)
  2. La préparation du calice
  3. L'élévation du calice au cours de l'offertoire .
  4. L'encensement des offrandes et de l'autel
  5. L'épiclèse
  6. La consécration
  7. La grande élévation
  8. La postconsécration
 
CHAPITRE II Les homologues du mystère de la transsubstantiation
 
  1. Le teoqualo aztèque
Bien que la messe constitue en elle-même unphénomène unique dans l'histoire comparée des religions, son contenu symbolique demeurerait étranger et extérieur à l'homme s'il ne prenait pas ses racines dans son âme. . découvrir des ensembles symboliques analogues . le texte de la messe lui-même se réfère .. de façon indirecte, au symbolisme antique du sacrifice en général. Il devient ainsi manifeste qu'avec le sacrifice du Christ et la communion on touche l'une des cordes les plus profondes de l'âme humaine, celle du sacrifice humain primitif et de l'anthropophagie rituelle. . le sacrifice du roi, c'est-à-dire le meurtre rituel du souverain en vue d'assurer la fécondité et la prospérité de sa terre et de son peupIe. Et un second rite correspondant au premier. Le renouvellement et la vivification des dieux par le sacrifice humain, ainsi que le repas totémique, qui a pour but de réunir ses participants aux âmes des ancêtres. Ces mentions peuvent indiquer à quelle profondeur de l'âme et de son histoire notre symbole atteint. . Il existe à l'égard de telles conceptions .. P.261 un préjugé fréquent selon lequel des vues et des coutumes de ce genre auraient été inventées .. et auraient été ensuite reproduites, imitées . L'expérience montre .. que la conscience primitive se distingue en des points très importants de celle de l'homme blanc d'aujourd 'hui. Ainsi « l'invention » est, dans les sociétés primitives, une chose essentiellement différente de ce qu'elle est chez nous, où une nouveauté chasse l'autre. Chez le primitif, rien, absolument rien, ne change à la longue, sauf .. le langage . les rites et leur contenu symbolique se sont développés à partir des débuts inconnaissables, et cela non pas simplement en un endroit, mais en plusieurs à la fois et aussi à des époques différentes. Ils sont issus spontanément des présupposés propres à la nature humaine, qui n'ont jamais été inventés, mais qui existent partout.
. le rite aztèque du Teoqualo, « la manducation du dieu » . On faisait une pâte avec des graines de coquelicots épineux ( argemone mexicana) broyées et moulues, et on en façonnait le corps du dieu Uitzilopotchli. . texte p.263
L'image du corps du dieu, son sacrifice en présence du grand prêtre auquel le dieu apparaît et avec qui il parle, la lance dont il est transpercé, la mort du dieu, le démembrement rituel .. et la manducation (communio) d'un petit morceau de son corps, ce sont là des analogies .
.. le culte de Mithra avait développé un symbolisme sacrificiel singulier et .. un rituel correspondant . traduit un sacrifice de soi .
 
2.La vision de Zosime . P.265
. une parabole constitue un ensemble clos sur lui-même, tandis que notre vision, comme un rêve authentique, opère des variations multiples sur un seul et même thème, et complète au moyen d'amplifications en vue d'une clarté plus grande. . la méditation.. une conversation intérieure avec quelqu'un d'autre que cependant l'on ne voit pas, à savoir « avec Dieu, avec soi-même ou avec son ange gardien ». Celui-ci est souvent un esprit planétaire, que l'on évoque par des moyens magiques. . La vision n'est.. rien d'autre qu'un rêve qui fait irruption à l'état de veille. . texte de la première vision.
Au cours de cette vision, le hiéreus différentes formes. Il est d'abord divisé en hiéreus et en hiérourgos (celui à qui est confiée l'exécution du sacrifice). Toutefois ces formes se confondent puisque l'un et l'autre subissent le même destin. Le prêtre se soumet volontairement au supplice et se dévoue lui-même à la transformation. Mais il offert en sacrifice par le sacrificateur, transpercé ou décapité par le glaive. II est démembré sous une forme rituelle. (Le thème du démembrement appartient. Dans un contexte plus vaste, au symbolisme de la nouvelle naissance. .) Le deipnon consiste en ce qu'il déchire avec ses propres dents et qu'il se dévore. La Thysia consiste en ce qu'il est lui-même consumé sur l'autel comme chair sacrificielle.
Il est le hiéreus en tant qu'il a pouvoir sur l'ensemble du rite sacrificiel ainsi que sur les hommes qui sa également transformés dans la thysia. Il se donne nom de gardien des esprits. Il est désigné comme « homme d'airain » et barbier. La désignation d'homme « d'airain » ou de « plomb » est une allusion aux esprits des métaux, c'est-à-dire des planètes, comme figures agissantes du drame sacrificiel. . Les esprits planétaires ne sont rien d'autre que les anciens dieux de l'Olympe.
Bien plus singulière est l'appellation de « barbier », car il n'est nulle part question de barbe ou de cheveux coupés, mais sans doute de scalp, ce qui.. pourrait être en rapport très étroit avec le rite d'écorchement et avec sa signification magique. . Marsyas écorché.. homologue du fils-amant de Cybèle, Attis, le dieu qui meurt et ressuscite. Un ancien rite attique de fécondité consiste à écorcher, à empailler et à ériger un bouf. . Les rites d'écorchement ont en général la signification d'une métamorphose, d'un passage d'un état défectueux à un autre plus parfait, donc d'un renouvellement et d'une nouvelle naissance. . ancienne religion mexicaine. Ainsi, pour réaliser le renouvellement de la déesse lunaire, on décapitait une femme, on lui arrachait la peau, puis un homme s'enveloppait de cette peau et représentait ainsi la déesse ressuscitée. P.269 Ce renouvellement a sans doute pour modèle la mue annuelle du serpent. Le fait que l'écorchement ait été limité à la tête, peut très vraisemblablement s'expliquer par l'idée de la vision, celle d'une transformation spirituelle. Depuis une époque reculée, les cheveux rasés sont en relation avec la consécration, c'est-à-dire la transformation spirituelle ou initiation. Ce symptôme de la transformation peut s'expliquer par l'idée antique que le sujet de la métamorphose est un enfant nouveau-né .. à la tête chauve. Dans le rite primitif du héros, celui-ci perd la totalité de sa chevelure pendant l'incubation, c'est-à-dire pendant son séjour dans le ventre du monstre, par suite de la chaleur qui y règne. Cet usage de la tonsure, présuppose naturellement la présence du barbier rituel.. Nous rencontrons encore le barbier dans cet autre « mysterium » alchimique que sont Les Noces chymiques de 1616. A peine entré dans le château mystérieux, le héros est assailli par des barbiers invisibles qui lui pratiquent un espèce de tonsure. Ici encore les cheveux rasé accompagnent de façon significative l'initiation et le processus de transformation en général. (C'est à cela que se rattache l'opération consistant à «raser un homme », ou à « plumer un oiseau», que l'on rencontre dans les recettes magiques. Le « changement de perruque » lors du jugement des défunts pourrait également faire allusion à un thème analogue. .. Quand le défunt est amené devant Osiris, sa perruque est noire. Immédiatement après (lors du sacrifice, dans le papyrus d'Ani) elle est blanche.)
Dans le cours des visions on trouve encore .. un dragon, qui est tué et sacrifié de la même manière que le prêtre. Le premier est.. sans doute l'équivalent du second. . réprésentations médiévales où le serpent est suspendu à la croix à la place du Christ.
. homunculus de plomb.. n'est autre que l'esprit du plomb, c'est-à-dire l'esprit planétaire Saturne. .. à l'époque de Zosime.. regardé comme le Dieu des Juifs.. sanctification du sabbat. Balla, Kronos et Saturne. (Le dragon et Kronos sont souvent confondus.) . P.271
Le parallèle Dieu des Juifs-Saturne est de la plus haute importance pour la conception alchimique de la transformation du Dieu de l'Ancien Testament en celui du Nouveau. Saturne, en tant que planète la plus éloignée, archonte suprême.. démiurge Jaldabaoth, possède une grande signification puisqu'il est précisément ce spiritus niger qui gît captif dans l'obscurité de la matière. II est ce Dieu ou cette partie de Dieu qui a été englouti par sa création. Il est le Dieu sombre qui, au cours du mystère de la transmutation alchimique, recouvre son état primitif, lumineux. (Il est aussi la pulsion qui engloutit sa création ; celle ci peut donc aussi se transmuter)
 L'alchimie postérieure connaît également, à côté du meurtre du dragon, celui du lion, au moins sous la forme du lion auquel on coupe les pattes. En outre le lion se dévore lui-même, comme le dragon. (Les représentations montrent la plupart du temps deux lions qui s'entre-dévorent. Mais l'ouroboros est également figuré souvent sous forme de deux dragons qui se dévorent mutuellement.) Il n'est donc évidemment qu'une variante du dragon.
L'intention générale du processus de transformation, telle qu'elle est annoncée dans les visions, est la spiritualisation du sacrificateur : il doit devenir pneuma. Il est dit aussi qu'il veut « transformer les corps en sang, faire que les yeux voient et que les morts ressuscitent ». Dans une sorte de scène de glorification, il apparaît d'une blancheur éclatante et brillant comme le soleil à midi.
. le sacrificateur et la victime sont un seul et même être. Cette idée de l'unité de la prima et de l'ultima materia, du solvant et de la matière à dissoudre, pénètre l'alchimie du commencement à la fin. « Une est la pierre, une la médecine, un le vase, un le régime et une la disposition » est la formule clé du langage énigmatique des alchimistes. .. « Un est le tout ». Le symbole en est l'ouroboros qui se dévore lui-même. Dans notre vision, c'est le prêtre qui, comme sacrificateur, se dévore lui-même comme victime. Cette automanducation se retrouve dans .. l'Eucharistie le Christ a bu son propre sang ; .. mangé sa propre chair. L'aspect horrible de la manducation dans le rêve de Zosime rappelle les repas orgiaques, les victimes animales dilacérées dans le culte de Dionysos. Ces animaux représentent Dionysos-Zagreus lui-même, dont le démembrement prépare, comme on le sait, l'apparition du .. nouveau Dionysos.
Zosime nous apprend que la vision représente ou explique « la production des eaux ». Les visions elles-mêmes ne montrent qu'une transformation en pneuma. Toutefois pneuma et eau sont synonymes dans le langage des alchimistes.. des premiers chrétiens, chez qui l'eau signifie le spiritus veritatis. .P. 273
. L'eau et le sang sont identiques chez les alchimistes. La transmutation signifie la solutio ou liquefactio, qui est un synonyme de la sublimatio car « l'eau » est également « feu ». . L'aqua permanens signifie aussi « spiritualis sanguis » et est identifiée avec l'eau jaillie du côté transpercé du Christ. H Khunrath dit de l'eau : « Ainsi s'ouvrira pour toi un flux salutaire qui naît du cour du fils du grand monde. » .. « que le fils du grand monde fait couler vers nous de son corps et de son cour en une aqua vitae véritable et natureIle ».
De même qu'une eau de grâce et de vérité s'écoule du sacrifice du Christ, une « eau divine » naît de l'action sacrificielle dans la vision de Zosime. .
.. noûs et pneuma étaient employés côte à côte, si bien qu'ils pouvaient facilement être substitués l'un à l'autre. .. relation du mercure à l'esprit . P.275
Il est en outre « l'âme des corps» .. « un esprit devenu terre ». Le Mercure est un esprit qui pénètre dans la profondeur du monde corporel avec une action transformante. De même que le noûs, le Mercure est symbolisé par le serpent. Chez Maier, il indique le chemin du paradis terrestre. Il est identifié à Hermès Trismegiste. Il est également désigné Comme « médiateur », « homme primordial » « l'Adam hermaphrodite ». . le Mercure est aussi bien une eau qu'un feu, lesquels caractérisent à leur tour la nature de l'esprit.
Le meurtre par le glaive est un thème qui revient souvent dans les traités alchimiques. L ' « ouf philosophique » est ouvert à l'aide de l'épée et le « roi » est transpercé pareillement. C'est également par l'épée qu'est mis en pièces le dragon, ou le « corpus » qui était représenté comme le corps d'un homme auquel on a tranché les membres et la tête. Au lion aussi .. on coupe les pattes avec l'épée. L'épée alchimique opère en effet la solutio ou separatio elementorum grâce à laquelle est reproduit l'état initial de chaos, si bien qu'une nouvelle impressio formae (impression de forme) ou imaginatio permet alors de créer un corps nouveau et plus parfait. .. l'épée est désignée comme étant ce qui « tue et vivifie » .. expression également employée à propos de l' aqua permanens ou mercurialis. Le Mercure est un donneur de vie aussi bien qu'un destructeur de la forme ancienne. L'épée qui, dans le symbolisme de l'Eglise, sort de la bouche du Fils de l'Homme apocalyptique, est.. le Logos, le Verbum Dei, donc le Christ lui-même. . Le Mercure était bien leur mediator et salvator, leur Filius macrocosmi ( par oppositions au Christ, Filius microcosmi), celui qui dissout et sépare. Le Mercure est aussi l'épée parce qu'il est un esprit pénétrant (.. plus pénétrant qu'un glaive à deux tranchants). . Gérard Dorn, déclare que, dans notre monde l'épée s'est transformée dans le Christ.. « Longtemps après (la chute d'Adam) Dieu est entré au plus intime de ses secrets et là, comme son amour avait pitié tandis que sa justice était accusatrice, il décida d'ôter des mains de l'ange le glaive de sa colère et il lui substitua un hameçon d'or à trois dents, tandis que le glaive était suspendu à l'arbre ; ainsi la colère de Dieu se changea en amour. enfin lorsque la paix et la justice se furent embrassées, une eau de grâce s'écoulant d'en haut descendit en plus grande abondance, arrosant désormais le monde entier. » P.277
. révèle la doctrine secrète des alchimistes : une conversation entre animus, anima, et corpus. La fontaine d'où jaillissent les eaux.. c'est la sophia, c'est-à-dire la sapientia, la scientia ou philosophia de l'alchimiste. Cette sagesse est le noûs lié et caché dans la matière, le « serpens mercurialis » qui apparaît au jour sous la forme du « .. fleuve d'eau vivante [sorti] du sommet de la montagne ». C'est l'eau de la grâce. La transformation de Dieu .. de l'Ancien Testament dans celui du Nouveau est en réalité celle du Deus absconditus (le dieu caché), c'est-à-dire de la « Natura-abscondita », dans la « medicina catholica » de la sagesse alchimique.
La fonction séparatrice de l'épée.. est préfigurée dans l'épée enflammée de l'ange qui sépare les premiers parents du paradis . la gnose des Ophites : le cosmos terrestre est entouré d'un cercle de feu qui contient en même temps le paradis. Toutefois le paradis et le cercle de feu sont séparés par « l'épée flamboyante ». (version de la serpe castrant Ouranos) P.279
. Le feu est en rapport avec le sang qui « possède une forme chaude et rouge comme le feu ». le sang se change en sperme chez l'homme, en lait chez la femme. Cette métamorphose est « l'épée flamboyante qui subit des changements (.. « substance transformante » et « substance à transformer ». .. traduit par « substance de transformation», expression qui conserve l'ambiguïté de l'original.) afin de garder le chemin de l'arbre de vie ».
P.291
Dans les visions de Zosime, le hiéreus qui devient pneuma représente le processus de transformation de la nature et le jeu concourant des forces naturelles opposées. La philosophie chinoise .. a exprimé ce phénomène par l'action énantiodromique conjointe du yang et du yin. Toutefois les personnifications et les symboles singuliers .. montrent .. qu'il s'agit en l'occurrence d'un processus psychique qui se déroule surtout dans l'inconscient et, par suite, ne peut devenir conscient que par l'intermédiaire du rêve ou de la vision. P.291
. pour de nombreux siècles .. il n'existait aucune intuition, aucun concept de l'inconscient. Des contenus qui auraient pu êtrz éprouvés comme inconscients étaient projetés dans l'objet, ou plus précisément se manifestaient comme des objets apparents ou des propriétés visibles de la nature, et n'étaient pas reconnus comme étant des expériences intérieure. .. Zosime.. était parfaitement conscient de l'aspect spirituel ou mystique de son art philosophique. Toutefois ce qu'il saisissait n'était pas pour lui de nature psychique, mais un esprit qui avait ses racines dans les choses naturelles et non au fond de l'âme humaine. Il était réservé à la science naturelle moderne avec sa connaissance « objective » de matière de « déspiritualiser » la nature. Toutes les projections anthropomorphiques furent retirées de l'objet l'une après l'autre, ce qui entraîna un double effet : d'une part l'identité mystique de l'homme avec la nature se trouva limitée à un degré .. inouï, (L'identité «mystique» c'est-à-dire inconsciente se rencontre dans le cas de projection où le contenu, projeté dans un objet étranger en soi, engendre un lien apparent entre lui et le sujet.) mais d'autre part le retrait des projection dans l'âme provoqua une telle animation de l'inconscient. Le cours dramatique de la messe représente la mort, le sacrifice et la résurrection d'un Dieu ainsi que l'inclusion et la participation du prêtre et la communauté des fidèles. l'« effroi sacré » des hommes civilisés ne diffère pas essentiellement de celui des primitifs, et que le Dieu présent et agissant dans l'action mystérieuse est pour l'un et l'autre un mystère caché. . P.293
 
CHAPITRE III Sur la psychologie de la messe.
 
1.Généralités sur le sacrifice de la messe
XXXXX
 
2. Sur la signification psychologique du sacrifice
 
a) Les offrandes
. les substances qui symbolisent le sacrifice : « Non seulement le pain et le vin sont la nourriture habituelle d'une grande partie de l'humanité, mais ils peuvent en outre être obtenus sur toute la surface de la terre ( ce qui est d'une grande importance pour l'extension du christianisme au monde entier). En outre, tous deux réunis forment l'aliment parfait de l'homme, qui a besoin pour son entretien d'une nourriture solide et liquide. Puisque, .. , tous deux réunis peuvent être regardés comme la nourriture typique de l'homme, ils sont des plus propres à servir de symbole à la vie et à la personnalité humaines. Ce point est d'une grande importance pour le symbolisme des offrandes. » (Kramp)
Pourtant la manière dont le pain et le vin peuvent être « un symbole de la vie et de la personnalité humaines » ne saute pas aux yeux. Cette interprétation semble être déduite de la signification que ces substances revêtent dans la messe. . Mais en tant qu'ils constituent, à un certain point de vue, d'importants produits de la culture (.. l'allemand Kultur signifie à la fois « culture» et «civilisation». Dans tout ce passage, l'accent est mis tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre de ces sens.), ils expriment également l'effort humain correspondant. Ils représentent une réalisation de circulation obtenue par l'application, la patience, les soins, le dévouement et le travail pénible. L'expression « le pain quotidien » traduit toute la peine que l'homme se donne pour subsister. C'est en produisant le pain qu'il a assuré son existence. Comme toutefois il « ne vit pas seulement de pain » , celui-ci se trouve associé de façon adéquate au vin, dont la culture a toujours suscité de son côté un intérêt particulier et réclamé un soin correspondant de la P.301 part de l'homme. C'est pourquoi le vin est également une expression des réalisations de la culture. Là où l'on cultive le blé et la vigne, la vie civilisée a étabIi son règne. Mais là où la culture du blé et de la vigne est absente, c'est l'état sauvage des nomades et les chasseurs qui prédomine.
Dans l'oblation du pain et du vin, c'est donc avant tout le produit de la culture qui est offert, en quelque sorte le meilleur de ce qu'engendre l'activité humaine. Toutefois «le meilleur» n'est créé que par ce qu'il y a de «meilleur» dans l'homme, c'est-à-dire son application minutieuse et son dévouement. Les produits de la culture peuvent donc aussi représenter aisément les conditions psychologiques de leur production, c'est-à-dire ces vertus de l'homme qui le rendent en définitive capable de s'adonner à la culture. (. tout symbole a une origine objective et une origine subjective (= relative à la psyché) et peut par conséquent être interprété « sur le plan de l'objet » aussi bien que « sur le plan du sujet ». Cette considération revêt une grande lmponance dans l'analyse des rêves.)
En ce qui concerne la nature des substances, le pain est évidemment un aliment. Le vin « fortifie » .. mais dans un autre sens qu'un aliment. Il stimule et « réjouit le cour de l'homme », grâce à une certaine substance volatile appelée depuis toujours « esprit ». Par suite, il constitue, à la différence de l'eau inoffensive, une substance « qui inspire », car il est habité par un « esprit » ou un « dieu» qui engendre l'extase de l'ivresse. Le miracle du vin à Cana était en même temps le miracle des temples de Dionysos . Le pain représente le moyen d'existence physique, le vin le moyen d'existence spirituelle. Lorsque, par conséquent, on offre le pain et le vin, cela représente une offrande du produit de la culture matérielle aussi bien que spirituelle.
.. les plantes cultivées par lui croissent et prospèrent suivant une loi propre, interne, ou qu'il existe en elles un agens, une force à l'ouvre, que l'on comparait au souffle, à l'esprit de vie. . A coup sûr, l'initiative et le travail de l'homme étaient nécessaires, mais, aux yeux du primitif, il était plus nécessaire encore d'accomplir avec exactitude et soin ces cérémonies qui entretiennent le numen des plantes de culture, qui le fortifient et le rendent propice. Le blé et le vin se trouvent dotés par là d'une sorte d'âme personnelle, d'un principe de vie propre, qui les rend aptes à représenter non seulement le produit de la culture humaine, mais aussi le dieu qui meurt et ressuscite suivant le cours des saisons, et qui est leur esprit vital. Aucun symbole n'est « simple ». Seuls sont simples les signes et les allégories. Le symbole, lui, recouvre toujours un état de choses complexe qui se trouve placé au-delà des concepts du langage, de telle sorte qu'il ne peut absolument pas être exprimé de façon univoque, claire. Ainsi le symbole du blé et du vin se présente à nous avec une signification à quatre niveaux :
  1. Produits de l'agriculture ;
  2. Produits d'une certaine préparation ..
  3. Expression d'une réalisation psychologique (peine, soin, patience, dévouement, etc.) et de la force vitale de l'homme en général ;
  4. Manifestation du mana ou du daïmon de la végétation. P.303
.
 
b) Le sacrifice
.. l'offrande est symbolique, c'est-à-dire qu'elle concerne tout ce qui est exprimé par le symbole : le produit physique, la substance préparée, l'acte accompli par l'âme de l'homme, et le principe vital propre et autonome de la plante de culture, avec sa nature de daïmon. La valeur de l'offrande se trouve augmentée du fait qu'il s'agit du meilleur, de la fleur ou des prémices. En tant que le pain et le vin constituent la fleur de ce que produit l'agriculture, ils sont aussi la fleur du travail de l'homme. II en résulte que le blé traduit spécialement la manifestation visible du numen divin qui meurt et ressuscite, et le vin, la présence d'un pneuma qui promet l'ivresse et l'extase. L'antiquité a conçu ce dernier comme étant Dionysos, spécialement le Dionysos-Zagreus souffrant, dont la subsance divine est répandue dans la nature tout entière. Par conséquent, ce qui est sacrifié sous la figure du pain et du vin est, en bref, la nature, l'homme et Dieu rassemblés dans l'unité d'un don symbolique.
. l'homme peut-il, en définitive, offrir un tel don ? Un tel don relève-t-il de ses possibilités psychiques ? A cette question, l'Eglise répond par la négative en déclarant que le prêtre est le Christ lui-même. Toutefois, puisque l'homme .. est inclus d'une double manière dans l'oblation, l'Eglise donne en outre une réponse affirmative, mais, il est vrai, de façon conditionnelle. Du côté du sacrificateur, nous nous trouvons aussi devant un état de choses symbolique complexe : en effet, le symbole est le Christ qui est à la fois sacrificateur et victime. Ce symbole possède lui aussi un sens aux strates multiples ..
L'action sacrificielle consiste d'abord en l'offrande d'une chose qui m'appartient. Tout ce qui m' appartient porte comme une empreinte le fait d'être mien, c'est-à-dire une identité subtile avec mon moi. . Cette appartenance à ma personnalité de tout ce qui est marqué de l'empreinte d'être mien a été désignée d'une façon très adéquate par Lévy-Bruhl du nom de « participation mystique ». II s'agit d'une identité irrationnelIe, inconsciente, provenant de ce que toute chose qui est en contact avec nous n'est pas seulement elle-même, mais aussi en même temps un symbole. La symbolisation résulte du fait que d'abord chaque homme a des contenus inconscients et qu'ensuite chaque chose a aussi son côté inconnu. Ainsi, par exemple, ma montre : qui, s'il n'est horloger, osera affirmer qu'il connaît le mécanisme de sa montre ? Et quel horloger, .. connaÎt la structure moléculaire de l'acier des ressorts qu'il emploie ? . Mais là où deux éléments inconnus se réunissent, ils ne se laissent plus distinguer. L'inconnu dans l'homme et l'inconnu dans la chose coïncident. De là naît une identité psychique qui peut à l'occasion revêtir des formes grotesques. Ce qui est « à moi », un autre ne doit pas le toucher, à plus forte raison l'utiliser. Je me sens offensé s'il n'accorde pas les P.305 égards suffisants à « mes » affaires. (ex. du coup de pied dans la voiture ou véhicule du vis à vis) . Nos contenus inconscients sont en effet toujours projetés tant qu'ils demeurent inconscients, et cette projection s'opère dans tout ce qui est « mien », choses aussi bien que bêtes et hommes. Et en tant que « mes » objets sont porteurs de projections, ils sont davantage et ils exercent une fonction plus importante que ce qu'ils sont en eux-mêmes et pour eux-mêmes. Ils ont une signification aux strates multiples et sont par suite symboliques, état de choses dont nous ne sommes, il est vrai, que rarement ou jamais conscients. Notre psyché s'étend en réalité bien au-delà des frontières de la conscience, ce dont un alchimiste semble avoir eu conscience, lorsqu'il disait que l'âme est pour sa plus grande partie extérieure à l'homme.
Par conséquent, ce que je donne de ce qui est à moi est déjà en lui-même un symbole, c'est-à-dire une réalité aux sens multiples, mais, en raison de l'inconscience de son caractère symbolique, ce bien est rattaché à mon moi, puisqu'il constitue une partie de ma personnalité. C'est pourquoi une revendication personnelle est, peu ou prou, reliée à toute offrande. Qu'on le veuille ou non, c'est toujours un do ut des (je donne pour que tu donnes). Le don signifie par suite une intention personnelle, car le simple fait de donner n'est nullement un sacrifice. Pour qu'il existe quelque chose de tel, il faut d'abord que soit sacrifiée, c'est-à-dire abandonnée, l'intention personnelle « do ut des » (je donne pour que tu donnes) qui est liée au don. Ce qui est donné, s'il prétend constituer un sacrifice, doit en effet être éloigné par l'acte du don comme s'il avait été détruit ( C'est ce que traduit de façon parallèle la destruction totale de l'objet offert en sacrifice et qui est soit brûlé, soit jeté dans l'eau ou dans les abîmes.). Ce n'est qu'alors qu'existe la possibilité de voir la revendication annulée. Si le pain et le vin étaient donnés sans la conscience d'une revendication égoïste, l'inconscience ne serait pas une excuse mais elle garantirait bien au contraire l'existence d'une revendication secrète. En raison de la nature nettement égoïste de cette prétention, l'offrande posséderait immanquablement le caractère d'une action magique propitiatoire réalisée dans le but inavoué et l'attente tacite de pouvoir acheter ainsi la bienveillance divine. Pour éviter ce semblant de sacrifice dépourvu de valeur éthique, l'identité avec le don doit au moins devenir assez consciente pour que l'homme reconnaisse jusqu'à quel point il se donne lui-même lorsqu'il présente une offrande. Cela signifie qu'à partir du fait naturel de l'identité avec ce qui est « mien » grandit le devoir éthique, l'obligation de nous sacrifier, c'est-à-dire de sacrifier cette part de nous-mêmes qui est identique au don. On doit savoir que l'on se donne ou que l'on se dessaisit soi-même et que des revendications sont toujours liées à ce fait, d'autant plus grandes que l'on en a moins conscience. Seule cette conscience garantit que l'offrande est réellement un sacrifice. Lorsque, en effet, je sais et j'admets que je me donne ou me sacrifie moi-même et que je ne veux pas recevoir de paiement pour cela, j'ai sacrifié ma revendication, c'est-à-dire une partie de moi-même. C'est pourquoi une offrande faite en renonçant à notre revendication, c'est-à-dire P.307 offrande à fonds perdu à tous égards, représente un sacrifice de nous-mêmes. Un don banal qui n'est pas payé de retour est ressenti comme une perte. Mais l'offrande doit être une sorte de perte pour que l'on soit sûr de la disparition de la revendication égoïste. II faut donc que le don soit remis comme s'il avait été détruit. Et s'il me représente moi-même, je me suis détruit moi-même en lui, autrement dit, je me suis dessaisi de moi-même sans rien attendre en retour. Cette perte voulue n'est toutefois pas considérée, pour autant, à un autre point de vue, comme une perte véritable, mais au contraire comme un gain, car le fait de pouvoir se sacrifier montre que l'on se possède. Nul ne peut donner ce qu'il n'a pas. Par conséquent, celui qui s'offre, qui sacrifie sa revendication, doit l'avoir possédée, en d'autres termes, il doit être devenu conscient de sa revendication. Ceci présuppose un acte de connaissance de soi, sans lequel on demeure tout à fait inconscient d'une telle revendication. . Par le sacrifice, l'homme prouve qu'il se possède, car se sacrifier ne signifie pas se laisser prendre, mais c'est une cession consciente et voulue prouvant que l'on peut disposer de soi-même, c'est-à-dire de son moi. Le moi devient ainsi l'objet de l'action morale, car «je» décide alors à partir d'une instance qui est placée au-dessus de mon égoisme. Je décide en quelque sorte contre mon « moi » et sacrifie ma revendication. La possibiIité d'un anéantissement de soi est un fait empirique que je constate du point de vue purement psychologiue.. Psychologiquement, il veut dire que le moi est une grandeur relative, qui peut à tout moment être assumée par des instances quelconques placées au-dessus d'elle. Ces instances sont pas eo ipso identifiées à une conscience collective morale comme le vouIait Freud avec son surmoi, mais bien plutôt à des conditions psychiques qui existent a priori dans l'homme et n'ont pas été acquises empiriquement. L'homme n'a derrière lui ni l'opinion publique ni le code général des mours (S'il n'y avait en fait derrière l'homme que l'échelle de valeur collective d'une part et l'impulsion naturelle d'autre part, toute infraction à la norme normale ne serait qu'une révolte de la nature de l'instinct. Alors les nouveautés valables et significatives seraient impossibles. Car les instincts sont l'élément le plus ancien et le plus conservateur qui soit dans l'animal et dans l'homme. Cette manière de voir oublie l'impulsion créatrice qui peut, certes, se comporter comme un instinct, mais qui par contre est une particularité rare de la nature, à peu près exclusivement limitée à l'espèce homo sapiens.), mais cette personnalité dont il est encore inconscient. Comme l'homme est encore maintenant ce qu'il était auparavant, il est aussi déjà à tous moments ce qu'il sera plus tard. La conscience n'embrasse pas la totalité de l'homme, car celle-ci se compose d'une part des contenus de sa conscience, mais aussi d'autre part de son inconscient, dont l'ampleur est indéterminée et auquel on ne peut assigner de limites. Le conscient est contenu dans cet ensemble, peut-être comme un petit cercle dans un plus grand. Voilà sans doute pourquoi il existe la possibilité de faire du « moi » un objet, ou, plus précisément, de voir une personnalité plus compréhensive apparaître graduellement au cours de l'évolution et s'assujettir le moi. La croissance de la personnalité se fait à partir de l'inconscient, dont les frontières ne peuvent être délimitées. Par suite l'ampleur de la personnalité qui se développe graduellement est également illimitée. Mais, en rigoureuse opposition avec le surmoi freudien, elle est individuelle. Elle est même l'individualité dans le sens le plus élevé, et par suite théoriquement limitée, puisqu'il est impossible qu'un être individuel présente P.309 toutes les qualités. .
En tant que la personnalité est encore potentielle, elle peut être désignée comme transcendante et, en tant qu'elle est inconsciente, elle ne peut être distinguée de tout ce que ses projections contiennent, c'est-à-dire qu'elle est identique à une partie considérable de son entourage, ce qui correspond à la participation mystique .. Cette situation est de la plus haute importance pratique, étant donné qu'elle permet d'expliquer les symboles particuliers par lesquels cet état se traduit dans les rêves. Je veux parler des symboles du monde environnant et des symboles cosmiques. Ces faits constituent le fondement psychologique de la représentation de l'homme comme microcosme, lequel est relié, comme on le sait, au macrocosme par les composantes du caractère formulées en termes astrologiques. Le terme de « Soi » m'a semblé être une désignation adéquate de cet arrière-plan inconscient dont l'exposant dans la conscience est toujours le moi. Le moi se trouve à l'égard du Soi dans un rapport de patient à agent ou d'objet à sujet, car les décisions qui émanent du Soi englobent le moi et, par la suite, le dominent. De même que l'inconscient, le Soi est la donnée existant a priori dont naît le moi. Il préforme en quelque sorte le moi. Ce n'est pas moi qui me crée moi-même : j'adviens plutôt à moi-même. Cette conception des choses est d'une importance capitale pour la psychologie de tous les phénomènes religieux . Bien que cette idée soit fondamentale, elle ne peut cependant constituer que la moitié de la vérité psychologique. Sa valeur exclusive serait identique à un déterminisme. Car si l'homme est une réalité purement créée ou évoluant à partir d'un présupposé inconscient, il n'a aucune liberté, et la conscience, aucune raison d'être. Le jugement psychologique doit rendre compte du fait que, malgré tous les assujettissements à la causalité, l'homme éprouve un sentiment de liberté qui est identique à l'autonomie de la conscience. Bien que tout et chaque chose prouvent au moi sa dépendance et son caractère conditionné, il ne peut être convaincu de son entière absence de liberté. On doit, en fait, admettre qu'une conscience absolument préformée et un moi totalement dépendant seraient un spectacle sans but, car tout irait aussi bien et même nieux en demeurant inconscient. L'existence de la conscience du moi n'a de sens que si celle-ci est libre et autonome. .. nous avons .. formuler une antinomie, mais aussi esquissé une image correspondant aux situations effectives. Il existe des différences temporelles, locales et individuelles dans les degrés de dépendance et de liberté ; dans la réalité, deux choses sont toujours présentes à la fois : la prépondérance du Soi et l'hybris (..la démesure qui appelle, par un choc en retour, la vengeance des dieux (Némésis).), la présomption de la conscience.
Ce conflit entre la conscience et l'inconscient est au moins acheminé vers sa solution par l'élaboration en conscience. Le sacrifice de soi présuppose un tel acte par lequel les éléments inconscients sont rendus conscients. Le moi doit prendre conscience de sa revendication, et le Soi doit anéantir la sienne propre qui existait à l'adresse du moi. Cela peut se produire de deux manières :
J'annule tout d'abord ma revendication en considération d'un présupposé moral commun suivant lequel, si l'on offre un présent, on ne doit pas attendre de rémunération. Dans ce cas, le Soi coïncide avec l'opinion publique et le code général des mours. Le Soi est alors identique au surmoi de Freud, donc projeté P.311 dans les conditions du monde ambiant et, par suite, inconscient comme facteur autonome.
J'annule ensuite ma revendication parce que je m'y sens poussé par des raisons intérieures qui ne sont pas totalement claires. Ces raisons ne me procurent aucune satisfaction morale particulière, et je ressens peut-être même de la résistance à leur égard. Je dois toutefois m'incliner devant la puissance qui réprime ma revendication égoïste. Dans ce cas, le Soi est « intégré », c'est-à-dire retiré de la projection et devenu susceptible d'être éprouvé comme puissance psychique déterminante. L'objection selon laquelle dans ce cas, le code des mours demeure simplement inconscient n'est pas valable, car je sais pertinemment à quelles critiques morales je me serais heurté en mettant mon projet égoïste à exécution. On doit, il est vrai, admettre que, dans un cas où le désir de mon moi entre en collision avec la norme morale, il paraît difficile de mettre en évidence la nature individuelle de la tendance réprimante. Mais, s'il s'agit d'une collision de devoirs ou de ce cas dont l'exempIe classique est le prophète Osée recevant l'ordre d'épouser la prostituée, le désir du moi coïncide avec le code moral et Osée aurait dû accuser Yahve d'immoralité. Ou bien encore l'économe infidèle aurait-il dû convenir de sa faute ? Jésus était à ce propos d'un autre avis (Au profanateur du sabbat, Jésus dit : « Si tu sais ce que tu fais, tu es bienheureux. Mais si tu ne sais pas ce que tu fais, tu es un maudit et un violateur de la loi. »). Des expériences identique ou analogues montrent à l'évidence que le Soi ne peut être identifié ni à une morale collective ni à l'instinct naturel, mais qu'il doit être conçu comm une détermination individuelle sui generis. Le surmoi est un succédané nécessaire et inévitable de l'expérience du Soi.
De cette confrontation une chose ressort bien clairement : ce qui diffère, ce ne sont pas seulement les points de vue, mais aussi les situations dans lesquelles les revendications sont annulées. Dans le premier cas, il doit s'agir d'une situation qui ne nous saisit pas personnellement à la gorge. Dans le second, au contraire, ce ne peut être qu'un acte d'offrande très personnel dans lequel ce qui est mis en cause engage très sérieusement le donateur et est une véritable victoire sur soi-même. Pour donner un exemple .. dans le premier cas, il s'agit d'une participation à une messe, dans le second de quelque chose comme le sacrifice du fils unique offert par Abraham ou de l'agonie du Christ à Gethsémani. On peut vouloir ressentir sérieusement et vivre avec piété la première, sorte de sacrifice, mais la seconde est vécue de façon effective.
Tant que le Soi est inconscient, il correspond au surmoi de Freud et constitue une source de conflits moraux constants. Mais s'il s'est retiré des projections, c'est-à-dire s'il n'est plus l'opinion des autres, l'homme sait qu'il est son propre oui et son propre non. Alors le Soi agit comme une unio oppositorum et constitue par là l'expérience la plus immédiate du divin que la psychologie puisse en définitive saisir.
 
c) Le sacrificateur
 Ce que j'offre est ma revendication égoïste renonçant ainsi en même temps à moi-même. Tout sacrifice est donc plus ou moins un sacrifice de soi. Le degré dépend de l'importance de l'offrande. Si mon offrande est très précieuse et atteint ma sensibilité la revendication égoïste sera pour ma personnalité égotique une provocation à la révolte. Je puis être également certain que la force qui a réprimé cette revendication me refrène également et qu'elle doit donc être le Soi. Le Soi est par conséquent ce qui P.313 m'appelle au sacrifice, ou même qui me contraint au sacrifice. Le Soi est le sacrificateur, et je suis la victime offerte, la victime humaine. .. Abraham invité par un commandement divin écrasant à sacrifier son fils unique. Dans de telles circonstances, un père, au-delà de la compassion éprouvée pour son fils, ne se sentirait-ij pas lui-même la victime et ne ressentirait-il pas le coup de couteau dans sa propre poitrine ? Oui, il serait à la fois le sacrificateur et la victime.
Puisque l'attitude du moi à l'égard du Soi correspond à celle du fils en face de son père, on peut dire que le Soi, en nous contraignant au sacrifice de nous-mêmes, accomplit sur lui-même l'acte sacrificiel. Ce que cet acte sacrificiel représente pour nous, nous le voyons en toute clarté ; mais ce qu'il représente pour le Soi n'est pas si clair. Comme le Soi ne peut être saisi que dans des actes isolés, mais demeure caché en tant que tout, à cause de sa nature globale, nous pouvons seulement tirer des conclusions du peu que nous pouvons expérimenter du Soi. .. un sacrifice n'a lieu que si le Soi l'accomplit sur nous d'une manière sensible et indubitable. Nous pouvons également risquer la supposition que, puisque le Soi se comporte à notre égard comme le père à l'égard du fils, il ressent en quelque sorte notre sacrifice comme un sacrifice de lui-même. Par le sacrifice de nous-même, nous nous gagnons nous-mêmes, gagnons le Soi, car nous n'avons que ce que nous donnons. Mais le Soi, que gagne-t-il ? Nous voyons qu'il se manifeste, qu'il se détache de la projection inconsciente, qu'en s'emparant de nous il entre en nous et ainsi passe de l'état de dissolution de l'inconscience à l'état de consience, de l'état potentiel à l'état actuel. Ce qu'il est à l'état inconscient, nous ne le savons pas ; mais désormais nous savons qu'il est devenu homme, oui, qu'il est devenu nous-mêmes.
Ce processus de l'incarnation est représenté dans les rêves et les images intérieures comme une réunion à partir de multiples unités, un rassemblement de ce qui était dispersé d'une part et, d'autre part, une manifestation et une clarification progressives de quelque chose qui était toujours présent. C'est autour de ce processus que gravitent la pensée et la spéculation de l'alchimie, et en partie aussi celles du gnosticisme. Mais le même phénomène s'exprime également dans le dogme chrétien .. La psychologie de ce processus permet de comprendre pourquoi l'homme apparaît d'une part comme le sacrificateur, et d'autre part comme la victime, et pourquoi aussi il n'est pas le sacrificateur et l'offrande puisque c'est Dieu qui est l'un et l'autre, et pourquoi Dieu devient, dans l'acte sacrificiel, homme souffrant et mourant, et pourquoi ce dernier, en mangeant dans l'Eucharistie le corps glorifié, acquiert la certitude de sa résurrection, ou mieux, prend conscience de sa participation à la divinité.
L'intégration ou incarnation du Soi est .. préparée du côté conscient par la P.315 prise de conscience des vues égoïstes, c'est-à-dire que l'homme se rend compte de ses mobiles et cherche à se former une image aussi complète, aussi objective que possible de son être propre. C'est un acte de réflexion sur soi, de rassemblement de ce qui était dispersé et jamais mis en liaison mutuelle, et une confrontation avec soi-même en vue de devenir pleinement conscient.
(Un sacrifice de soi-même inconscient est donc simplement un événement, mais non un acte moral.) Cependant, la réflexion sur soi est pour l'homme chez qui l'inconscience prédomine ce qu'il y a de plus difficile et de plus rebutant. La nature humaine elle-même témoigne une peur marquée devant la prise de conscience. Mais ce qui y pousse l'homme malgré tout est le Soi lui-même, qui réclame le sacrifice en se sacrifiant en quelque sorte à nous. D'une part la prise de conscience, en tant que réunion de parties fragmentées, est un acte de volonté consciente du moi, mais d'autre part elle représente aussi une manifestation spontanée du Soi (En tant que le Soi amène le moi à réfléchir sur lui-même.) qui était depuis toujours. L'individuation apparaît d'une part comme la synthèse d'une nouvelIe unité qui était auparavant faite de parties dispersées, mais d'autre part comme la révélation d'un être qui préexistait au moi, oui, qui était son père, son créateur et son intégralité. Nous créons en quelque sorte le Soi par la prise de conscience de contenus inconscients et en conséquence il est notre fils. C'est pourquoi les alchimistes appelaient leur substance incorruptible, qui signifie le Soi, le filius philosophorum (fils des philosophes). Toutefois nous sommes amenés à faire cet effort par la présence inconsciente du Soi duquel émanent de très pressantes directives nous incitant à triompher de l'inconscience. Vu sous cet angle, le Soi est le père. De là viennent les désignations alchimiques : Mercure considéré comme senex, vieillard, à savoir, Hermès Trismégiste, ainsi que Saturne, qui est regardé comme vieillard et jeune homme dans le gnosticisme .. Ces connexions psychologiques s'expriment aussi .. dans les conceptions antiques de l'homme primordial, du protanthropos et du fils de l'homme. Le Christ existe de toute éternité en tant que Logos, et en tant qu'homme il est le « fils de l'homme ». Le Christ en tant que Logos est le principe créateur du monde. Il a pour pendant la relation du Soi à l'égard de la conscience, sans laquelle le monde en tant qu'existant ne serait pas perçu. Le Logos est, en rigueur de termes, le principium individuationis, car c'est de lui que tout est sorti et que procède tout ce qui existe sous forme individuelle, depuis le cristal jusqu'à l'homme. C'est dans cette manifestation aux divisions multiples, différenciées par des distinctions infinies, que s'exprime l'auctor rerum. Celui-ci a pour correspondant d'une part le Soi avec le caractère indéterminé et illimité de son existence inconsciente (malgré son unicité et sa singularité) et son attitude créatrice par rapport à la conscience individuelle, d'autre part l'homme individuel en tant que forme de manifestation du Soi. La philosophie antique a appliqué cette pensée à la légende de Dionysos démembré qui est, en tant que créateur, ..(l'esprit non divisé) et en tant que créature, .. (l'esprit divisé). Dionysos est divisé à travers la nature tout entière et, de même que Zeus avala un jour le cour encore palpitant du dieu, de même ses fidèles déchirent des animaux sauvages pour réintégrer l'esprit P.317 morcelé de Dionysos. .. intégration du Soi, réalisée en rendant conscients les contenus dissociés. .. Monoimos .. à Théophraste : « Cessant de chercher Dieu et la créature et toutes choses semblables, cherche-le à partir de toi-même et apprends qui est celui qui s'approprie absolument tout en toi et dit : « Mon Dieu, mon esprit, mon intelligence, mon âme, mon corps », et apprends d'où viennent le chagrin et la joie, l'amour et la haine, l'éveil involontaire et le sommeil involontaire, la colère involontaire et l'affection involontaire. Et si tu recherches ces choses avec rigueur, tu le trouveras en toi-même, l'un et le multiple, suivant ce point qui trouve une issue à partir de toi. »
La réflexion sur soi ou, ce qui revient au même, l'élan vers l'individuation, rassemble ce qui était dispersé et multiple, et l'élève à la figure originelle de l'Un de l'homme primordial. Ainsi l'existence particulière, c'est-à-dire toujours égotique, est supprimée, le cercle de la conscience est élargi et, grâce à la prise de conscience des paradoxes, les sources du conflit sont progressivement taries. La démarche vers le Soi est une sorte de repristinatio ou d'apocatastasis (Restauration de l'état ancien, primitif.), étant donné que le Soi possède les caractères de l'incorruptibilité, d'« éternité », grâce à sa préexisence inconsciente, qui devance la conscience. .
La figure du sacrificateur divin correspond trait pour trait au mode empirique de manifestation de cet archétype du Soi qui est à la base d'à peu près toutes les représentations de Dieu. Cet archétype n'est pas seulement une image statique, mais en même temps un dynamisme en mouvement : il constitue toujours un drame dans le ciel, sur la terre et dans l'enfer.
 
d) L'archétype du sacrifice
La comparaIson des idées fondamentales de la messe avec le contenu des visions de Zosime offre, malgré toutes les différences, une remarquable similitude. .
 
SIMILITUDES
Zosime Messe P.319
 
DISSEMBLANCES
Zosime Messe
 
Dans la vision, le concrétisme brutal frappe à un point tel que l'on pourrait aisément se sentir tenté .. de renoncer à toute comparaison avec la messe. . mon souhait est de montrer que le mystère central de l'Eglise catholique repose, entre autres, sur des conditions psychologiques profondément enracinées dans l'âme humaine.
La vision, dont le caractère onirique est hautement vraisemblable, doit être abordée comme une production psychique non préméditée, c'est-à-dire dépourvue de dessein conscient. C'est une production naturelle comme tous les rêves. La messe, par contre, est un produit de l'esprit, très précisément un processus spirituel et conscient. .. la vision peut être désignée comme psychique et la messe comme pneumatique. La vision est une matière brute indifférenciée ; la messe, ..un produit d'art hautement différencié. C'est pourquoi la première est horrible, mais la seconde, belle. . la vision est archaïque et primitive, mais elle évoque par son symbolisme l'idée alchimique fondamentale de la substance incorruptible, c'est-à-dire du Soi soustrait au changement. La vision est un fragment de nature, sans artifice, banal, grotesque, choquant, horrible et profond comme elle. La vision ne déclare pas, mais elle laisse pressentir, avec cette incertitude et cette ambiguïté profonde, qui caractérisent tout ce qui est non humain, surhumain ou sous-humain. La messe exprime, représente et enveloppe même la divinité dans le vêtement de la plus belle humanité.
.P.321
.. reconstruire le processus naturel qui constitue le fondement psychique de la messe, c'est-à-dire le processus qui se déroule dans l'inconscient . la messe repose .. sur les évènements de la vie de Jésus. .. certaines particularités .. la rapprochent .. de la vision de Zosime : .. la flagellation, le Couronnement d'épines, le manteau de pourpre qui font de Jésus l'archaïque victime royale. . Je rappellerai encore la torture du crucifiement .. La plèvre droite et peut-être la paroi droite du cour furent ouvertes par un coup de lance et il s'écoula du sang coagulé et du sérum. Si nous insérons ces détails dans le tableau de l'événement qui sert de base à la messe, iIs constituent l'équivalent digne de remarque de certains traits de l'image de la vision qui sont d'une cruauté archaïque. A cela viennent s'ajouter encore les idées dogmatiques fondamentales : .. le sacrifice a la signification, non seulement d'un sacrifice humain, mais aussi d'un sacrifice du fils et même du fils unique. C'est un sacrifice d'un caracère archaïque insurpassable. . La sanglante cérémonie du découpage du cour dans sacrifice aztèque signifie elle-même une mort rapide. Mais ce sacrifice du Fils qui constitue la quintessence de la messe . ne fut .. pas une mort rapide, mais un supplice lent et raffiné conduisant à la mort. En outre la crucifixion était un châtiment déshonorant pour esclaves. Dans ce sacrifice, l'horreur physique le dispute à la cruauté morale.
Faisons pour un instant abstraction de l'unité du Père avec le Fils .. mettons-nous dans les dispositions d'un père qui doit voir de ses propres yeux une telle souffrance de son fils qui a osé pénétrer dans le pays des ennemis, et qui doit contempler ce spectacle en ayant conscience que c'est lui qui a exposé volontairement et sciemment son fils à ce danger ! Un tel châtriment suprême est appliqué normalement par vengeance ou encore en punition d'un crime honteux auquel l'un et l'autre, père et fils, ont dû être mêlés. L'idée du châtiment est rendue particulièrement évidente par la crucifixion avec deux voleurs. Le châtiment est appliqué à la divinité elle-même. Le modèle de cette exécution est le meurtre rituel du roi. Le roi est mis à mort lorsqu'il manifeste des signes d'impuissance ou lorsque de P.323 mauvaises récoltes jettent un doute sur son efficacité magique. Il est donc mis à mort pour l'amélioration de la situation de son peuple et Dieu est sacrifié pour la rédemption de l'humanité.
Mais par quoi est motivé ce châtiment infligé à Dieu ? .. la question doit être posée en raison de l'incontestable caractère de châtiment que revêt le sacrifice. L'explication habituelle est,.. , que le Christ a été châtié à cause de nos péchés. Commo il (s'agit) de la reonstruction de l'événement psychique de base, il faut logiquement établir une faute correspondant au châtiment. Si l'humanité porte la faute, elle devrait logiquement en être châtiée Mais si Dieu prend le châtiment sur lui, il la disculpe par là même et il y a alors lieu de penser que l'humanité n'est nullement coupable, mais que c'est Dieu qui a la faute et que, par suite, il la prend logiquement sur lui-même. . L'Ancien Testament nous apprend que Yahvé était un gardien de la loi, mais que lui-même n'était pas juste, et qu'il tombait dans des accès de colère dont il avait à se repentir. Certains systèmes gnostiques nous montrent que l'auctor rerum a été un archonte inférieur, qui s'imagina créer un monde parfait, alors qu'il ne réalisa qu'une création douloureusement imparfaite. Cet archonte démiurge est comparé, en raison de son caractère saturnien, au Dieu des Juifs Jéhovah qui était également considéré comme créateur du monde. Son ouvre était imparfaite et n'a pas prospéré, ce dont la créature n'est pas coupable. . Nicolas Caussin donne le monoceros (« Animal à une corne ». « licorne ».) comme un symbole adéquat pour désigner le Dieu de l'Ancien Testament parce que, notamment, dans sa colère, il a mis le monde en désordre, tel un rhinocéros furieux. Mais finalement, soumis par l'amour à une vierge pure, il s'est transformé dans son sein en un Dieu d'amour.
. La faute de Dieu consiste en ce qu'il s'est montré insuffisant en tant que créateur du monde et roi de ses créatures et, par suite, il a dû subir la mort rituelle. Le primitif peut atteindre le roi concret, par contre cela n'est plus possible à un degré de civilisation plus élevé, doté d'une idée spirituelle de Dieu. Des époques plus anciennes pouvaient encore détrôner leurs dieux en donnant des coups à leurs images ou en les enchaînant. Mais à un degré plus élevé, seul un Dieu pouvait encore détrôner l'autre et, lorsque le monothéisme se développa, Dieu seul put encore se transformer. P.325
Le fait que le phénomène de transformation apparaisse comme « châtiment » - Zosime emploie ouverlent cette expression - a dû correspondre à une certaine rationalisation, c'est-à-dire à un besoin d'expliquer dans une certaine mesure la cruauté du procédé. Un besoin de ce genre apparaît lorsque se fait jour un degré de conscience assez élevé caractérisé par une sensibilité assez évoluée ; il s'emploie à découvrir une raison suffisante pour justifier la cruauté scandaleuse, incompréhensible, du processus, tel qu'il s'offre à nous par exemple dans le démembrement de l'initiation chamane. La première chose à laquelle on pense est sans doute, à ce niveau, à la punition d'une faute ou d'un péché.
Le phénomène de transformation reçoit ainsi une détermination morale qui n'était sans doute pas à la base de l'expérience primitive. On dirait plutôt qu'un degré plus élevé et ultérieur de conscience s'est trouvé confronté à une expérience qui n'était pas motivée ou expliquée de façon plus précise et qu'elle a cherché à rendre compréhensible en y entremêlant une étiologie morale. On peut voir sans peine que le démembrement primitif tendait de la façon la plus claire à faire du candidat à l'initiation un homme nouveau et plus vigoureux. L'initiation a même l'aspect d'une guérison.
.. l'interprétation morale qui parle de « châtiment » semble frapper à côté du but et, par suite, faire naître le soupçon qu'elle n'a pas entièrement compris le démembrement qu'elle veut expliquer. Dans son insuffisance, elle n'a pas vu la contradiction qu'elle renferme : une faute en effet doit être évitée pour empêcher que l'on ne soit puni. Mais ce serait pour le candidat à l'initiation un véritable péché que de se soustraire au supplice. La torture qu'on lui inflige n'est précisément pas un châtiment, mais le moyen indispensable de le mener vers sa destinée. Ces expériences se présentent souvent à un age si précoce qu'il ne peut être encore nullement question d'une faute d'une gravité correspondante. Pour cette raison, la conception morale de la souffrance comme châtiment me paraît non seulement insuffisante, mais encore, à un certain degré, propre à induire en erreur. Elle est manifestement une première tentative d'explication psychologique, dans le cas d'une représentation archétypique depuis longtemps transmise par la tradition, qui n'a jamais été jusque là objet de réflexion. De telles idées et de tels rites, bien loin d'avoir jamais été inventés, ont bien plutôt été vécus et accomplis longtemps avant que l'on ait formulé des pensées à leur sujet. . il est encore des usages dont le sens a été de tout temps inconscient. .
L'aspect de supplice et de châtiment correspond à une conscience réflexive juxtaposée à laquelle le sens véritable du démembrement est encore incompréhensible. L'acte que l'on accomplissait sur une victime animale et que le chaman tient pour un fait réel apparaît à un niveau plus élevé, dans la vision de Zosime, comme un phénomène psychique dans lequel une forme revêtue par l'inconscient, un homunculus, est démembrée et transformée. Suivant les règles de l'interprétation des rêves, cette forme est un aspect du sujet qui observe, ce qui veut dire que Zosime apparaît à lui-même comme un homunculus, ou encore que l'inconscient le représente ainsi, c'est-à-dire comme un homme imparfait ( « mutilé » ) , comme un nain, fait de matière pesante (par exemple de plomb ou de fer), ce qui veut sans doute traduire quelque chose comme un « homme hylique ». Un tel être est obscur et empêtré dans la matérialité. Il est essentiellement inconscient et a par suite besoin de transformation et d'illumination. A cette fin, sa forme doit être dissociée et réduite en morceaux, processus que l'alchimie a désigné des noms de division, séparation P. 327 solution, et a compris .. comme une discrimination et une connaissance de Soi. Ce processus psychologique est, il faut l'avouer, pénible, et constitue pour beaucoup une telle torture, de même qu'en définitive, chaque pas en avant sur le chemin qui mène à la conscience ne peut être acheté que par la souffrance.
Toutefois il n'est pas encore question chez Zosime d'une conscience quelconque du processus de transformation, comme le montre .. son interprétation de la vision : il pense que l'image onirique lui aurait montré « la production des eaux ». On doit en déduire qu'il ressent encore la transformation comme extériorisée et nullement comme sa propre modification psychique.
La situation est assez analogue dans la psychologie chrétienne, où les rites et le dogme sont conçus comme de purs facteurs extérieurs et non vécus comme des événements intérieurs. . La messe vise à établir une « participation mystique », c'est-à-dire une identité de la communauté des fidèles et du prêtre avec le Christ, c'est-à-dire d'une part une assimilation de l'âme au Christ et d'autre part une réalisation intérieure, une introspection de la figure du Christ dans l'âme. C'est à la fois une transformation de Dieu et de l'âme, car le drame entier de l'incarnation se répète, au moins par voie d'allusion, dans la messe.
 
3. Messe et processus d'individuation
 
Considéré du point de vue psychologique,
 
 
P.565 Si j'emploie l'expression « psychoïde », j'ai parfaitement conscience de me rencontrer avec la notion de psychoïde présentée par Driesch. Il entend par là ce qui dirige, « ce qui détermine la réaction », la « puissance prospective » de l'élément germinaI. C'est « l'agens élémentaire découvert dans l' action », l'« entéléchie de l'action ». Comme l'a fait ressortir avec pertinence Bleuler, l'idée de Driesch est plus philosophique que scientifique. Bleuler lui oppose la notion d'une psychoïde qui représente un concept global groupant les principaux phénomènes subcorticaux, dans la mesure où ils concernent biologiquement les « fonctions d'adaptation ». Il entend par là « réflexe et développement de l'espèce ». II donne la définition suivante : « La psychoïde est la somme de toutes les fonctions corporelles - y compris celles du système nerveux central - orientées vers une fin. Agissant à la façon d'une mémoire et tendant à la conservation de la vie (à l'exclusion des fonctions corticales que nous sommes depuis toujours habitués à considérer comme psychiques).» II dit à un autre endroit : « La psyché corporelle de l'individu isolé et la phylo-psyché réunies constituent à leur tour une unité qui doit précisément dans notre étude présente être utilisée au maximum, et dont la meilleure désignation est peut-être celle de psychoïde. La psychoïde et la psyché ont en commun. l'effort vers le but et l'utilisation des expériences antérieures en vue d'atteindre ce dernier, ce qui comprend mémoire (engraphie et ecphorie) et association, donc quelque chose d'analogue à la pensée. » Bien que ce que l'on entend par psychoïde soit clair, cette expression se confond dans la pratique avec celle de « psyché », ainsi que le montre P.565 ce texte. Et l'on ne voit pas bien pourquoi les fonctions subcorticales devraient être proprement désignées comme « semblables à l'âme ». La confusion provient visiblement de la conception, encore sensible chez Bleuler, qui opère à l'aide d'idées comme « âme corticale » et « âme du tronc cérébral » et révèle ainsi un penchant évident à faire provenir les fonctions psychiques correspondantes de ces parties du cerveau alors que c'est toujours la fonction qui crée, entretient et modifie son organe. La conception organologique offre l'inconvénient que, finaIement, toutes les activités de la matière visant à un but sont considérées comme psychiques, si bien que « vie » et « psyché » coïncident, de même que, par exemple, « phylopsyché et « réflexe » dans le langage de Bleuler. II est à coup sûr, non seulement difficile mais même impossible de concevoir, l'essence d'une fonction psychique indépendamment de son organe, bien que nous vivions, en fait, l'événement psychique sans sa relation au substrat organique. Pour le psychologue toutefois c'est précisément l'ensemble de ce vécu qui constitue l'objet de sa science, ce qui a pour conséquence de l'obliger à renoncer à la terminologie empruntée à l'anatomie. Si donc je fais usage du terme « psychoïde », d'abord, ce n'est pas sous forme substantive, mais adjective ; ensuite, ce qui est entendu par là n'est pas une réalité propre ment psychique, à savoir du plan de l'âme. Mais une qualité ressemblant au psychique, comme en possèdent les processus réflexes ; enfin, il s'agit de différencier par là une catégorie de phénomènes, d'une part, des simpIes manifestations vitales et, d'autre part, des processus proprement psychiques. Cette dernière distinction nous obligera aussi à définir le genre et l'étendue ..
 
Ils ne prouvent donc, en ce qui concerne la psyché inconsciente, que l'existence d'un psychisme au-delà de la conscience. Des contenus oubliés qui sont encore reproductibles en prouvent tout autant. .. lien indéniable de ces contenus avec la sphère des pulsions et de l'instinct. On conçoit ce dernier sous l'angle physiologique et surtout comme une fonction glandulaire. . il est extrêmement difficile, non seulement de déterminer conceptuellement les instincts et les pulsions, mais encore de fixer leur nombre et leurs limites. .. On peut seulement établir avec quelque certitude que les instincts et les pulsions ont un aspect physiologique et un aspect psychologique. . La manière de voir de Pierre Janet distinguant la partie supérieure et inférieure d'une fonction est d'une grande utilité.
Le fait que tous les phénomènes psychiques accessibles à l'observation et à l'expérience soient liés en quelque manière à un substrat organique prouve qu'ils sont incorporés à l'ensemble de la vie organique et qu'ils participent par conséquent à son dynamisme, à savoir, aux instincts et aux pulsions, c'est-à-dire qu'ils sont à un certain point de vue des résultats de l'action de ces derniers. Cela ne veut nullement dire qu'on doive faire dériver la psyché de la sphère des instincts ou des pulsions et, par suite, de leur substrat organique. L'âme, en tant que telle, ne peut être expliquée par le chimisme physiologique, pour la seule raison déjà qu'elle constitue avec P.571 « la vie » en général l'unique facteur naturel qui puisse transformer des ordonnances conformes aux lois naturelles, c'est-à-dire statistiques, en des états « plus élevés », c'est-à-dire « non naturels », par opposition à la loi d'entropie qui régit la nature inorganique. . La Vie possède donc ses lois propres, qui ne peuvent être déduites des lois physiques que nous connaissons. Malgré cela, la psyché se trouve dans une certaine dépendance par rapport aux processus organiques qui lui servent de substrat. . La base puIsionnelle gouverne la partie inférieure de la fonction. A la partie supérieure au contraire correspond la part principalement « psychique » de cette même fonction. La fraction inchangeable, automatique, se révèle constituer la partie inférieure de la fonction ; la fraction volontaire et modifiable, la partie supérieure.
. Quand pouvons-nous employer le terme « psychique » et quelle définition générale donnons-nous du « psychique » par opposition au « physiologique » ? L'un et l'autre sont des manifestations de la vie qui se distinguent cependant en ce que cette partie de la fonction que l'on désigne comme « inférieure » offre un incontestable aspect physiologique. Son être ou son non-être paraît être lié aux hormones. Son fonctionnement a un caractère contraignant ; de là la désignation d' « instinct ». .. nature de réaction de tout ou rien (Rivers), c'est-à-dire que la fonction agit totalement ou pas du tout, ce qui représente une spécification de caractère contraignant. Par contre, la partie supérieure, que l'on ne peut mieux décrire que comme psychique et que l'on ressent également comme telle, a perdu le caractère contraignant ; elle peut être soumise au libre arbitre et même être amenée à une utilisation qui est en opposition avec l'instinct premier.
D'après cette réflexion, le psychisme apparaît comme une émancipation de la fonction hors de sa forme instinctueIle et de son caractère contraignant qui, lorsqu'ils sont seuls à la déterminer, la figent en mécanisme. La fonction ou qualité psychique débute là où la fonction commence à relâcher ses liens avec les conditionnements extérieurs et intérieurs et devient capable d'un emploi plus élargi et plus libre, c'est-à-dire quand elle commence à devenir accessible à la volonté motivée par d'autres sources. .. si nous délimitons le domaine psychique par rapport à la sphère instinctuelle et pulsionnelle physiologique, c'est-à-dire en quelque sorte vers le P.573 bas, une telle limitation s'impose également vers le haut. En effet, à mesure que s'accentue la libération par rapport à ce qui est purement instinctuel, la partie supérieure finit par atteindre un niveau où l'énergie incluse dans la fonction n'est plus du tout orientée d'après le sens originel de l'instinct, mais acquiert ce qu'on pourrait appeler une forme spirituelle. II n'y a là aucune modification substantielle d'énergie instinctuelle, mais seulement une modification de sa forme d'utilisation. Le sens ou but de la pulsion instinctuelle n'est pas quelque chose d'univoque, en ce sens que dans la pulsion peut être caché un sens final différent de l'élément biologique, qui ne devient visible qu'au cours du développement.
A l'intérieur de la sphère psychique, la fonction peut être infléchie et modifiée de multiples manière sous l'action de la volonté. Ceci est possible parce que le système des pulsions ne représente pas à proprement parler une composition harmonieuse, mais est exposé à de nombreuses collisions intérieures. Un instinct trouble et refoule l'autre, et bien que, pris dans leur ensemble, les instincts rendent possible l'existence de l'individu, leur caractère de contrainte aveugle est souvent l'occasion de préjudices réciproques. La différenciation de la fonction hors de son caractère contraignant en vue de son emploi volontaire est d'une importance éminente en ce qui concerne le maintien de l'existence. Mais elle augmente la possibilité de collisions et provoque ces scissions, ces dissociations qui remettent sans cesse en question le caractère unitaire de la conscience.
A l'intérieur de la sphère psychique, la volonté agit .. sur la fonction. Elle exerce son action grâce au fait qu'elle est elle-même une forme d'énergie qui peut en dominer, ou tout au moins en influencer une autre. Dans cette sphère, que je définis comme psychique, la volonté est en dernière analyse motivée par des instincts, mais non toute fois de façon absolue, sinon ce ne serait pas la volonté, laquelle, d'après sa définition, doit s'accompagner d'une certaine liberté de choix. Elle signifie une quantité limitée d'énergie qui se tient à la libre disposition de la conscience. La conscience doit disposer d'une quantité d'énergie (= libido) de ce genre, sinon les modifications des fonctions seraient impossibles, étant donné que ces dernières sont si exclusivement liées aux instincts - lesquels sont en soi extrêmement conservateurs et, dans la même mesure, immuables - que des variations ne pourraient pas se produire, sauf si elles étaient provoquées par des modifications organiques. Ainsi qu'il a déjà été mentionné, la motivation volontaire doit être tout d'abord considérée comme essentiellement biologique. A la limite « supérieure» du psychisme - si l'on me permet cette expression -, où la fonction se détache en quelque sorte de sa fin première, les instincts perdent leur influence en tant que motivations de la volonté. Grâce à cette modification de sa forme, la fonction entre au service d'autres déterminations et d'autres motivations qui n'ont, semble-t-il, plus rien de commun avec les instincts. Je voudrais décrire par là le fait remarquable que la volonté ne peut franchir les limites de la sphère psychique : elle ne peut ni susciter l'instinct de force, ni le dominer, et n'a pas non plus pouvoir sur l'esprit, dans la mesure où l'on entend par ce mot autre chose que le seul intellect. L'esprit et l'instinct sont autonomes dans le genre, et l'un et l'autre circonscrivent d'une manière identique le domaine d'application de la volonté. Je montrerai plus tard en quoi semble consister, à mon avis, le rapport de l'esprit à l'instinct.
De même que l'âme se perd vers le bas dans la base organique matérielle, elle passe, vers le haut, dans une forme que l'on appelle spirituelle, dont la nature nous est aussi peu connue que le fondement organique de l'instinct. La portée de ce que je cherche à désigner comme la psyché proprement dite s'étend aussi loin que les fonctions sont influencées par une volonté. Une pure instinctivité ne laisse supposer aucune connaissance consciente et n'a d'ailleurs nul besoin de celle-ci. Mais, par contre, la P.575 volonté, à cause de sa liberté empirique de choix a besoin d'une instance placée au-dessus d'elle, de quelque chose comme une connaissance consciente d'elle-même, pour modifier la fonction. Elle doit avoir la connaissance d'une fin différente de celle de la fonction. S'il n'en était pas ainsi, elle coïnciderait avec la force instinctive de cette dernière. C'est avec raison que Driesch souligne : « Pas de volonté sans connaissance. » Le libre arbitre présuppose un sujet qui choisit et qui se représente différentes possibilités. Considérée sous cet angle, la psyché est essentiellement un conflit entre l'instinct aveugle et la volonté, c'est-à-dire le libre arbitre. Là où l'instinct prédomine commencent les phénomènes psychoïdes qui appartiennent à la sphère de l'inconscient en tant qu'élément non susceptibles de conscience. Par contre le phénomène psychoïde n'est pas l'inconscient pur et simple car ce dernier a vraisemblablement une bien plus grande extension. Il y a dans l'inconscient, outre des phénomènes psychoïdes, des représentations et des actes de libre volonté, quelque chose par conséquent comme des phénomènes conscients ; dans la sphère de l'instinct, par contre, ces phénomènes passent tellement à l'arrière pIan que le terme de « psychoïde » se justifie parfaitement. Mais, si nous limitions la psyché humaine au domaine des actes de volonté, nous parviendrons d'abord à la conclusion que la psyché est plus ou moins identique à la conscience, car on ne peut représenter une volonté et un libre arbitre sans une conscience. Il semblerait ainsi que j'atterrisse là où l'on se trouvait depuis toujours, dans l'axiome : psyché = conscience. Mais où reste alors la nature psychique de l'inconscient que nous avions postulée ? 
 
CHAPITRE V Conscience et inconscient
 
Avec le problème de la nature de l'inconscient commencent les extraordinaires difficultés de pensée que nous prépare la psychologie des phénomènes inconscients. . Par bonheur, la physique a montré au psychologue qu'elle peut opérer, même avec une apparente contradictio in adjecto. . Il ne s'agit pas, évidemment, de poser une affirmation, mais bien plutôt de tracer un modèle . Un modèle ne dit pas que les choses sont ainsi, mais il illustre seulement un mode déterminé d'examen.
Je voudrais clarifier à un certain point de vue le concept d'inconscient. L'inconscient n'est pas l'inconnu pur et simple, c'est le psychisme inconnu, c'est-à-dire tout ce dont nous présupposons que, s'il venait à la conscience, il ne se distinguerait en rien des contenus psychiques connus de nous. D'un autre côté, il nous faut aussi y compter le système psychoïde sur la composition duquel nous ne pouvons rien dire directement P.577 Cet inconscient ainsi défini décrit un état de fait extraordinairement flou : tout ce que je sais, mais à quoi je ne pense pas momentanément ; tout ce dont je fus conscient autrefois, mais qui est maintenant oublié ; tout ce qui est perçu par mes sens, mais à quoi mon conscient ne fait pas attention ; tout ce que je sens, pense, me rappelle, veux et fais sans dessein et sans attention, c'est-à-dire inconsciemment ; tout ce qui est futur, qui se prépare en moi et ne viendra que plus tard à la conscience ; tout cela est contenu de l'inconscient. Ces contenus sont pour ainsi dire tous plus ou moins susceptibles de conscience ou furent du moins conscients autrefois et peuvent le redevenir d'un moment à l'autre. Ainsi compris, l'inconscient est « a fringe of consciousness » . De ce phénomène marginal qui naît d'éclairements et d'obscurcissements alternés relèvent également les constatations freudiennes .
Mais nous devons encore .. ranger dans l'inconscient les fonctions non susceptibles de conscience, psychoïdes, dont l'existence ne nous est connue qu'indirectement. P.578
Nous en arrivons maintenant à la question : dans quel état se trouvent des contenus psychiques quand ils ne se rapportent pas au moi conscient ? .
. dans l'état inconscient, tout continue apparemment à fonctionner comme si c'était conscient. Il y a perception, pensée, sentiment, volonté, intention, comme s'il y avait un sujet. II y a même des cas assez fréquents, comme ceux de double personnalité où un second moi apparaît d'une façon effective et fait concurrence au premier. De telles constatations semblent prouver que l'inconscient est, en fait, un « subconscient ». Toutefois, certaines expériences que Freud, pour une part, a déjà faites, montrent que l'état des contenus inconscients n'est pas totalement identique à celui des états conscients. Ainsi, par exemple, les complexes à forte tonalité affective ne se transforment pas dans l'inconscient dans le même sens que dans le conscient. S'ils peuvent s'enrichir au moyen d'associations, ils ne sont toutefois pas corrigés, mais P.579 conservés sous leur forme primitive, ce qui peut se constater aisément à la constance et à la régularité de leur action sur la conscience. Ils
 
Comme psyché et matière sont contenues dans un seul et même monde, qu'elles sont en outre en continuel contact l'une avec l'autre et qu'en fin de compte elles reposent toutes deux sur des facteurs transcendantaux non représentables, il n'est pas seulement possible, mais, dans une certaine mesure, vraisemblable, que matière et psyché soient deux aspects différents d'une seule et même chose. Les phénomènes de synchronicité indiquent, me semble-t-il, une telle direction, puisque, sans lien causal, le non psychique peut se comporter comme le psychique, et vice versa. Nos connaissances actuelles ne nous permettent pas de faire beaucoup plus que de comparer la relation du monde psychique et du non matériel à deux cônes dont les sommets se touchent et ne se touchent pas, en un point sans étendue, véritable point zéro. .
Dans mes précédents travaux j'ai traité les phénomènes archétypiques comme psychiques, parce que dans le matériel à décrire ou à étudier il s'agissait toujours uniquement de représentations. La nature psychoïde de l'archétype proposée ici n'est donc pas en contradiction avec des formulations antérieures mais représente seulement une différenciation plus poussée du concept .
De même qu'il y a une transition progressive «psychique infrarouge », c'est-à-dire de l'âme instinctive biologique, aux phénomènes vitaux physiologiques et par là, au système de conditionnements chimiques et physiques, de même le « psychique ultraviolet », c'est-à-dire l'archétype, représente de son côté un domaine qui, d'une part, ne présente aucune particularité du monde physiologique et, d'autre part et avant tout, ne peut pas davantage être désormais exprimé comme psychique, bien qu'il se manifeste sous forme psychique. C'est également ce que font les phénomènes physiologiques, sans qu'on en donne pour autant une explication psychique. Quoiqu'il n'y ait pas de sphère existentielle qui nous soit transmise autrement que sous une forme psychique, on ne peut malgré cela tout expliquer en termes de pur psychisme. Si nous sommes conséquents, il nous faut appliquer également cette argumentation à l'archétype. Comme leur être en soi et pour soi nous est inconnu et que leur action spontanée est cependant objet d'expérience, il ne nous reste présentement sans doute, d'autre ressource que de désigner leur nature, d'après leur action essentielle, sous le nom d'« esprit » . Ainsi la position de l'archétype au-delà de la sphère psychique serait déterminée d'une façon analogue à celle de l'instinct physiologique, qui s'enracine directement dans l'organisme matériel et, grâce à sa nature psychoïde, constitue le pont menant à la matière en général. Dans la représentation archétypique et dans la réception de l'instinct, l'esprit et la matière se tiennent l'un en face de l'autre sur le plan psychique. La matière comme l'esprit apparaissent dans la sphère de l'âme comme des propriétés caractéristiques de contenus de la conscience. Tous deux sont, de par leur nature ultime, transcendantaux, c'est-à-dire non représentables, étant donné que la psyché et ses contenus constituent l'unique réalité qui soit pour nous une donnée immédiate. P.621