ANIMA:
"Si l'explication avec l'ombre est l'oeuvre de l'apprenti et du compagnon, l' explication avec l'anima est l'oeuvre du maitre.
La relation avec l'anima est en effet une épreuve du courage et une ordalie du feu pour les forces spirituelles et morales de l'homme.
La sphère de l'anima est composée précisément de faits psychiques qui ne furent pour ainsi dire jamais auparavant le bien de l'homme puisqu'ils étaient retenus, en raison de la projection, hors du domaine psychique.
Pour le fils, la suprématie de la mère recèle l'ANIMA, qui souvent laisse subsister un lien sentimental toute la vie durant et entrave le destin de l'homme, à moins qu'elle ne donne des ailes à son courage pour accomplir les actes les plus audacieux..
À l'homme de l'antiquité, l' ANIMA apparait sous les traits d'une déesse ou d'une sorcière ; l'homme du moyen âge, a remplacé la déesse par la mère du ciel et la mère de l'église.
L' ANIMA se trouve de préférence dans la projection sur l'autre sexe, ce qui entraîne des rapports magiques compliqués. p.57
L'ombre et l'anima sont des réalités à propos desquels il ne suffit pas d'avoir une connaissance conceptuelle ou d'exercer sa réflexion.
On peut aussi ne jamais faire l'expérience de leur contenu par pénétration active ou avec sa sensibilité.
Il ne sert à rien d'apprendre par coeur une liste des archétypes. Les archétypes sont des complexes que l'on vit ...
L' anima ne vient plus vers nous sous les traits d'une déesse, mais dans certains cas comme notre maîtrise la plus personnelle ou comme notre aventure la plus sensée et la meilleure.
C'est ainsi que se manifestent parmi nous une redoutable puissance démoniaque ... Page 58
L'anima, est certes une poussée vitale cahotique, mais il s'attache à elle une signification étrange, quelque chose comme un savoir secret ou une sagesse cachée, qui forme un contraste singulier avec sa nature irrationnelle d'elfe.
Mais la première rencontre avec elle amène d'ordinaire à conclure à son sujet à tout autre chose qu'à la sagesse. Page 59
Cet aspect n'apparait qu'à celui qui est confronté avec l'anima.
Seul le travail de la confrontation à l'inconscient en général permet de reconnaître à un degré croissant que derrière tout ce jeux cruel avec la destinée humaine il y a une intention secrète qui semble correspondre à une connaissance supérieure des lois de la vie.
C'est justement ce qu'il y a d'inattendu d'abord, le chaos angoissant, qui dévoile un sens profond.
Et plus on reconnaît ce sens plus l'anima perd son caractère pressant et contraignant.
Peu à peu des digues s'élèvent contre le raz de marée du chaos; car ce qui est plein de sens se sépare de ce qui en est dépourvu et, du fait que le sens et le non sens ne sont plus identiques, la puissance du chaos se trouve affaiblie par la dissociation du sens et du non sens.
C'est ainsi que nait un nouveau cosmos. De la plénitude des expériences vitales sort un enseignement que le père transmet à son fils.
Non seulement sagesse et bouffonnerie apparaissent dans l'être à la nature d'elfe comme une seule et même chose, mais elles sont une seule et même chose tant qu'elles sont représentées par l'anima. La vie est bouffone et signifiante.
Et si l'on ne rit pas de l'un de ses aspects et l'on ne spécule pas sur l'autre, alors la vie est banale, tout est de dimension minuscule. Il n'y a alors qu'un sens réduit et un non-sens réduit. Page 60
Ainsi l'ANIMA, et par conséquent la vie, sont sans signification en tant qu'elles n'offrent pas d'interprétation.
Mais elles possèdent une nature susceptible d'être interprétée, car dans tout chaos est un cosmos, et dans tout désordre un ordre secret, dans tout arbitraire une loi constante, car tout ce qui agit procède d'une polarité.
Pour le reconnaître, il faut la raison discriminante de l'homme, qui décompose toutes choses en jugements antinomiques.
Si l'homme se confronte avec l'ANIMA, l'arbitraire cahotique de cette dernière lui donne l'occasion de pressentir un ordre secret...
On se trouve empétré dans des événements sans but, et le jugement avec toutes ses catégories se révèle impuissant.
L'interprétation humaine est défaillante, car est apparu une situation vitale turbulente à laquelle aucune interprétation reçue ne convient.
C'est là un facteur décisif de l'effondrement.
Ce n'est pas une renonciation artificiellement voulue à nos propres capacités, mais une renonciation provoquée par une contrainte naturelle ; ce n'est pas une soumission ou une humiliation volontaire et parée de raisons morales, mais une défaite complète sans équivoque, couronnée de l'angoisse panique de la démoralisation.
Quand tous les soutiens et toutes les béquilles sont brisés et que n'existe même pas la moindre réassurance promettant encore un abri quelque part, alors seulement se présente la possibilité de faire l'expérience d'un archétype qui jusque là s'était tenu caché dans l'absurdité lourde de signification de l'ANIMA. C'est l' archétype du sens, comme l'ANIMA représente purement et simplement l'archétype de la vie. Page 62