L'ombre p.55

.Jung se tient dans la perspective où le phénomène apparaît et sollicite le sujet. Il suppose le refoulement, mais ne l'étudie pas. Il ne construit pas un modèle du mécanisme qui produit le phénomène, mais il observe ce qui arrive au sujet et l'histoire qui en résulte.

L'ombre est d'abord repérable à des figures qui ont le même sexe que le sujet et qui sont les principaux acteurs de ses rêves et de ses fantasmes : « le sauvage à la peau bronzée qui m'avait accompagné et qui avait pris l'initiative du guet-apens est une incarnation de 1'ombre primitive » (M.V. , p. 210). Ces personnages ont des traits de caractère et des façons d'agir qui sont la contre-partie de la personnalité consciente. Ils sont d'autant plus accentués que le conscient est davantage unilatéral : ils ne sont ni le complémentaire ni le double narcissique. En les analysant  on découvre qu'ils incarnent des pulsions refoulées, mais aussi les valeurs que le conscient rejette. Aujourd'hui où le modèle collectif est plutôt celui d'un individu agressif et sexuellement épanoui, 1'ombre se forme du côté de la faiblesse et du sentiment. S'il est vrai que 1'ombre d'une vieille dame retenue et timide peut être une danseuse de flamenco, une personnalité puissante peut avoir dans son ombre un enfant débile.

I1 ne faudrait pas en conclure que 1'ombre n'est que l'opposé du conscient. Elle représente plutôt ce qui manque à chaque personnalité. Elle est pour chacun ce qui aurait pu vivre et qui n'a pas vécu. En cela, elle met en scène la question d'identité : qui es-tu par rapport à celui que tu aurais pu être ? Qu'as-tu fait de ton frère ?

Cette question dépasse le refoulement, elle attire l'attention sur ce qui naît à partir d'un choix. On observe, en effet, que chaque position engendre son contraire. Ainsi, les forces qui poussent l'homme à devenir conscient nourrissent un narcissisme stérile et, sur un plan collectif, les techniques qui ont facilité l'existence menacent de la rendre impossible. L'ombre accompagne l'homme et figure auprès de lui la conséquence de ses choix.

Au-delà de ce que la personnalité réprime en s'organisant et de ce qu'enfantent ses choix, il existe des dynamismes qui n'ont pas encore eu la possibilité de devenir conscients « parce qu'il n'y avait aucune possibilité d'aperception, c'est-à-dire que la conscience du moi n'avait pas les moyens de les accueillir. I1s demeurent subliminaux bien que, considérés du point de vue énergétique, ils soient sans doute susceptibles de conscience (R.C., p. 487).

Cette observation éclaire un processus de « mise en ombre » qui relève du devenir conscient et non du refoulement : une part considérable du psychisme de chaque individu est projetée dans l'environnement au point que le sujet n'a aucun moyen de se l'attribuer à lui-même. C'est ce que Jung appelle 1'« identité archaïque ». Lorsque le travail de prise de conscience se développe on constate que des composantes psychiques qui étaient entiè rement projetées à l'extérieur se manifestent dans le psychisme individuel sous des figures d'ombre.

C'est notamment le cas des zones les plus primitives qui apparaissent sous forme d'animaux à sang froid ou même de cataclysmes naturels. Jung parle de la queue de saurien que l'homme civilisé se cache à lui-même et qu'il devra un jour redécouvrir. Pour désigner cette expérience, il emploie le terme de « Primitif ».

En se présentant au conscient comme des figures d'ombre, les différentes composantes que nous avons évoquées prennent une position de partenaire pour une histoire possible. De rêve en prise de conscience, et de modification du comportement en rêve nouveau, on voit 1'ombre réagir et changer. Elle demeure cependant comme l'éternel Antagoniste, car elle naît, sous d'autres formes, du développement même du sujet. Toujours elle est « l'ensemble de ce que le sujet ne reconnaît pas et qui le poursuit inlassablement » (G.P., p. 267).

Dans cette dialectique, il arrive que 1'ombre se projette sur un partenaire concret et déclenche ainsi un attachement qui est l'une des formes de l'homosexualité. Il arrive aussi que 1'ombre renverse l'ordre établi et s'empare du conscient de façon temporaire ou durable. On assiste alors soit à des comportements contradictoires, soit à un véritable bouleversement de la personnalité. La deuxième moitié de la vie connaît de ces «  conversions »  ou énantiodromies.

En général, la prise de conscience de 1'ombre provoque des conflits qui mettent en cause les habitudes, les croyances, les liens affectifs et plus radicalement les divers miroirs de la conscience de soi. C'est la Nigredo des alchimistes, la crucifixion et la torture. L'expérience de ce qui a été refoulé ou de ce qui n'est encore jamais venu au conscient désarticule le moi, lui fait perdre ses repères et le plonge dans l'obscurité.  Il vit alors une régression aux modalités caractéristiques.

Cette expérience est pour Jung la porte du réel. Le conflit dû à la prise de conscience de 1'ombre fait sauter les identifications imaginaires. Face aux idéologies, aux spiritualités, aux mystiques de toutes sortes, Jung se contente de demander où est 1'ombre. Il dira que « le résultat de la méthode freudienne d'élucidation est une élaboration minutieuse, sans exemple antérieur, du côté ombre de l'homme. C'est le meilleur antidote imaginable aux illusions idéalistes »   (G.W. 16, § 145). « Il ne s'agit pas de se détourner du négatif, mais d'en faire une expérience aussi complète que possible » (P.I., p, 267).

La connaissance de soi est  « un processus qui conduit à composer avec l' Autre en nous » (G.W, 14/2, § 365). P.57

 

  • Personna p.58

 

Dans la Dialectique du Moi et de l'Inconscient (1928), Jung propose la notion de persona pour désigner la forme que prend une personnalité en fonction de son environnement.

              «  La persona est le système d'adaptation ou la manière selon laquelle on communique avec le monde » (G.W. 9/1. § 221

 

Elle résulte d'une mise au point progressive et dure aussi longtemps que les échecs extérieurs ou la poussée interne de 1'ombre ne la mettent pas en question. Le conscient ignore jusqu'alors à quel point il s'est identiéé à un rôle et à une image ; il n'a pas d'avantage les moyens de savoir si cette apparence lui convient ou non.

              « On peut dire, sans trop d'exagération, que la persona est ce que quelqu'un n'est pas en réalité, mais ce que lui-même et autres pensent qu'il est » (G.W, 9/1. §221).

 

Sous cet aspect, la persona correspond au «  faux-self » de Winnicott. Mais elle n'a pas que cette dimension négative.

La «  persona » était le masque que portaient les acteurs dans le théâtre antique, il faisait résonner leur voix (per-sonare ) et permettait au public de reconnaître leur rôle.

Quand Jung emploie ce terme, il signifie que l'analyse du faux-semblant, de la tricherie avec soi-même, de l'identification au rôle social, doit être située dans la perspective de la communication. Celle-ci a besoin d'un intermédiaire, car il n'y a pas de communication pure. Sans masque, on régresse dans une participation archaïque ou on doit s'isoler et se cacher. La prise de conscience de la persona ne s'arrête donc pas à la dénonciation d'un faux, elle a aussi la charge de l'insertion du sujet dans le réseau social de communication.

Il ne s'agit pas de supprimer le masque, mais de ne plus s'identifier à lui, c'est-à-dire de ne plus utiliser le rôle social et le langage pour tenir lieu de sujet.

I1 est regrettable que Jung ait peu écrit sur la persona, car sa façon de l'envisager a le mérite de reconnaître la réalité du théâtre humain. Elle ne fait pas peser sur lui des exigences de «  vérité » , qui ne seraient pas à leur place, mais des exigences de conscience. La persona est la possibilité pour le sujet d'être présent tout en étant à distance, c'est-à-dire de communiquer.

 

  • La grande mère  p.59

 

Dans Métamorphoses de l'Ame et ses Symboles, Jung introduit en analyse une nouvelle problématique de la relation avec la mère. .Cependant, lui-même . se  situe comme un homme qui eut une mère pour partenaire à différents moments de sa vie.

On trouve le fil conducteur de sa pensée dans. « Les aspects psychologiques de l' archétype de la mère ».

               « Cette image de la mère qui a été chantée et célébrée dans tous les temps et dans toutes les langues. C'est cet amour maternel qui fait partie des souvenirs les plus touchants et les plus inoubliables de l'âge adulte, et qui signifie la racine secrète de tout devenir et de toute transformation, le retour au foyer et le recueillement, le fond primordial silencieux de tout commencement et de toute fin. Intimement connue et étrange comme la nature. Amoureusement tendre et cruelle comme le destin. Dispensatrice voluptueuse et jamais lasse de vie, mère des douleurs, porte sombre et sans réponse qui se ferme sur la mort. La mère est amour maternel. Elle est «mon » expérience et «  mon » secret »  (R.C., p, 110)

 

Comment pourrait-il y avoir une commune mesure entre cette image et «  l'être humain appelé mère dont - pourrait-on dire - le hasard fit le porteur de cette expérience » (ibid) ?

Pour devenir conscient de ce qu'est la mère, il faut démêler la confusion entre ce qui s'éveille en nous et celle qui en est l'instrument.

              «  Celui qui sait ne peut plus faire retomber cet énorme poids de signification, de responsabilité et de devoir, de ciel et d'enfer sur ces êtres faibles et faillibles, dignes d'amour, d'indulgence, de compréhension et de pardon qui nous furent donnés pour mères »  (ibid).

 

Chacun doit reprendre à son compte l'expérience maternelle de la vie.

              « Il n'a pas non plus le droit d'hésiter un instant à délivrer la mère humaine du fardeau effrayant, par égard pour elle et pour lui-même. Car c'est précisément ce poids de signification qui nous enchaine à la mère et qui l'enchaine à son enfant, pour la perte spirituelle et physique de l'un et de l'autre » (R.C. p.111).

 

Mais la véritable et nécessaire séparation d'avec la mère ne consiste pas seulement à rompre un attachement :

              « On ne dénoue pas un complexe maternel en réduisant unilatéralement la mère à une mesure humaine, et, pour ainsi dire, en la « rectifiant ». Ce faisant, on court le danger de dissoudre en atomes l'expérience

« mère », de détruire ainsi une valeur suprême et de jeter au loin la clé d'or qu'une fée mit dans notre berceau » (R.C. p. 111).

 

Jung dénonce l'analyse qui croirait en avoir fini parce qu'elle a réussi à rejeter ce qui a été vécu avec la mère et à rendre conscient le complexe qui s'est constitué à partir de cette relation. Pourquoi une telle exigence ?

              « La puissance élémentaire des références originelles disparaît. A la place s'installe la fixation à l'image maternelle et, lorsque le concept a été suffisamment défini et affûté, nous sommes bel et bien ligotés à la ratio humaine et condamnés alors à croire exclusivement ce qui est raisonnable. D'un côté, sans doute c'est une vertu et un avantage, mais c'est aussi une limitation et un appauvrissement, car on s'approche du désert du doctrinarisme. » (R.C. p 111).

 

Jung insiste sur la puissance originelle de ce qui a été vécu avec la mère ; pour lui, c'est ce vécu qui est la mère : elle est  « mon expérience ». La prise de conscience, le retrait des projections, la reconnaissance de l'imago n'en saisissent que le cadre et en perdent la substance. La puissance du vécu « mère »  se projettera ailleurs et probablement sous une forme régressive.

Dénouer les liens de la projection laisse chacun en face de «  son secret ». La mère en lui, merveilleuse ou horrible, plénitude ou manque, c'est lui-même. La rejeter, l'effacer, l'attribuer à quelqu'un d'autre, rétablirait l'aliénation. Que faire ? ]ung suggère qu'elle pourrait être une clé.

Il ajoute : « être premier, la mère représente l'inconscient » M.A.S., p. 689). Non pas que l'inconscient soit mère ou à l'image de la mère, mais, en se donnant à l'appel de la mère en lui, en se laissant régresser dans le trouble affectif qu' elle évoque, chacun peut retrouver le contact avec l'inconscient, la porte.

              « Lorsque Hiawatha se cache à nouveau au sein de la nature, c'est comme le réveil de ses relations avec sa mère, et de quelque chose de plus ancien encore «  (M.A.S., p. 553).

              « Quand on ne la trouble pas, la régression ne s' arrête nullement à la mère ; elle la dépasse pour atteindre, pourrait-on dire, un « éternel féminin » prénatal, le monde originel des possibilités archétypiques dans lequel «  entouré des images de toutes créatures », l'enfant divin attend en sommeillant de devenir conscient » (M.A.S., p. 546).

 

La « mère » ouvre la voie vers un renouvellement, c'est-à-dire vers un être plus entièrement lui-même parce que mieux relié à son inconscient. Mais pourquoi faut-il une régression ? Pourquoi l'enfant dort-il et ne vient-il pas de lui-même ?

Nous abordons ici au monde lointain et différent de la matrice inconsciente. Jung emprunte pour évoquer une figure de l'alchimie grecque : Ouroboros, le dragon qui s'engendre et se dévore lui-même. C'est l'image de la nature première et de l'organisation fondamentale de l'énergie psychique. Elle montre, à la façon dont le corps du dragon se développe ou s'épuise par le rapport fécondant ou dévorant de la queue et de la tête, comment l'énergie psychique est une tension entre des opposés. Comme le corps du dragon, l'énergie croît et décroît selon le sens des tensions. Il en résulte une expansion ou, au contraire, un étouffement et une stase, voire une dégradation en cercle vicieux. Seule l'exigence de la conscience peut convertir cette énergie dans une croissance linéaire. P.61

L'Ouroboros correspond au caractère apparemment contradictoire de celle qu'on appelle la Grande Mère, celle qui crée et qui détruit, qui ranime et qui castre, qui terrifie et qui protège. Cette Mère diffère grandement de celle qui fut, selon un schème linéaire, une origine. Elle ressemble davantage à la Bonne et Mauvaise Mère de la période de clivage, mais la façon dont elle permet l'aperception de l'énergie suggère qu'elle est le symbole 

dans lequel l'expérience du clivage se prolonge et prend toute sa portée.

Pour Jung, en effet, la Grande Mère n'est pas une puissance cachée. Elle est un symbole, l'appel d'une expérience et d'une confrontation.

 

-   Anima- Animus  p. 62

 

Ces figures . se manifestent dans 1es rêves et les fantasmes sous la forme de personnages masculins chez la femme, féminins chez l'homme. Leurs silhouettes ne ressemblent à personne de connu et semblent appartenir au monde intime du rêveur. Parfois, elles changent de vêtements, de rôle, d'allure ou d'âge, et lorsqu'on rapporte ces transformations aux modifications de la vie affective, on découvre à quel point les figures des rêves donnent un visage aux facteurs inconscients qui sont actifs dans l'existence diurne. L'observation de ces corrélations donne à penser que chaque humain porte en soi inconsciemment des traits de l'autre sexe. Ces figures ne sont pas des modèles du féminin et du masculin et ne correspondent pas à un archétype de la femme ou de l'homme. Jung estime qu'elles sont des dispositions à la relation avec l'autre sexe qui ont pris forme avec l'humanité elle-même.

        «  Il n'est pas d'expérience humaine, et aucune expérience n'est d'ailleurs possible, sans une disponibilité subjective .. Elle consiste en une structure psychique innée qui est le facteur permettant à l'homme de faire et de vivre cette expérience. Ainsi toute la nature de l'homme présuppose la femme et sa nature, aussi bien physiquement que psychiquement »  (D. M. I. p.168 - 169).

        « Cette image est un conglomérat héréditaire inconscient d'origine très lointaine, incrusté dans le système vivant, «  type » de toutes les expériences de la lignée ancestrale au sujet de l' être féminin, reste de toutes les impressions fournies par la femme. Système d'adaptation psychique reçu en héritage » (P. A. M. p. 173)

 

Parlant de l'anima, Jung renverse les perspectives habituelles en affirmant que cette composante féminine du psychisme de l'homme ne vient pas d'une intériorisation de l'image de la mère, comme l'animus ne vient pas davantage du père. Les parents sont, bien plutôt, la première actualisation de la disposition innée.

        « L'anima n'est pas une figure substitutive de la mère, mais, au contraire, il y a beaucoup de vraisemblance pour que les qualités numineuses qui rendent l'imago maternelle si dangereusement puissante dérivent de l'archétype de l'anima, qui s'est incarné à nouveau en chaque enfant mâle » (G,W. 9/2,§ 26)

          « Chaque mère et chaque bien-aimée est ainsi forcée de devenir le véhicule et l'incarnation de cette image sans âge et omniprésente, qui correspond à la plus profonde réalité dans l'homme » (G.W.9/2, § 24).

 

. l'anima et l'animus ne se projettent pas seulement dans des images oniriques, littéraires ou mythologiques, mais également dans le comportement et la vie affective. Ils organisent tout ce qui met en cause l'identité sexuelle du ujet, en particulier l'érotisme oral et anal, les fantasmes de castration et les relations oedipiennes. L'anima et l'animus ne son donc pas seulement des images virtuelles ou projetées de l'autre sexe. Ils deviennent, en fonction du vécu, des complexes autonomes qui exercent une pression considérable sur le sujet. Dans la mesure où ces complexes demeurent inconscients, ils ont une action principalement négative.

        « Dans sa première forme inconsciente, l'animus est une instance qui engendre des opinions spontanées, non préméditées ; il exerce une influence dominante sur la vie émotionnelle de la femme, tandis que l'anima est semblablement une instance qui engendre spontanément des sentiments, ceux-ci exerçant une influence sur l'entendement de l'homme et entrainant sa distorsion »  (M. V., p.452).

 

L'anima et l'animus ne sont pas symétriques, ils ont leurs effets propres : possession par les humeurs pour l' anima inconsciente, par les opinions pour l'animus inconscient (D. M. I., p. 217) Jung développe surtout ce qui concerne l'anima.

        «  L'anima inconsciente est un être auto-érotique, tout à fait incapable de relation, qui ne cherche rien d'autre que la prise de possession totale de l'individu, ce par quoi l'homme se trouve féminisé d'étrange et pernicieuse manière. Cela se manifeste par une humeur instable et un manque de contrôle de soi qui finissent par corrompre les fonctions jusque-là sûres et raisonnables, par exemple l'intelligence » (P. T., p. 164).

         « Elle appartient à l'homme cette périlleuse image de la Femme ; elle défend la loyauté que, dans l'intérêt de la vie, il doit quelquefois oublier ; elle est la très nécessaire compensation pour les risques, les luttes, les sacrifices qui se terminent tous par la désillusion : elle est le repos des amertumes de la vie. Et, en même temps, elle est la grande illusionniste, la séductrice qui attire dans la vie, par sa Maya - et pas seulement dans les aspects utiles et raisonnables de la vie, mais dans ses effrayants paradoxes et dans des ambivalences où bien et mal, succès et ruine, espoir et désespoir, se contrebalancent l'un l'autre. Parce qu'elle est son plus grand danger, elle demande à l'homme son maximum. » (G.W. 9/2. § 24).

 

Ces complexes sont particulièrement actifs dans les relations de couple où ils installent aussi bien la passion que la querelle.

            « Alors que le nuage d'animosité qui enveloppe l'homme est principalement composé de sentimentalité et de ressentiment, l'animus s' exprime dans la femme sous la forme de vues qui ont des opinions, interprétations, insinuations et fausses reconstructions, qui ont en propre de couper la relation entre leux êtres humains » (G.W. 9/2, § 32).

            « Nul homme ne peut s'entretenir cinq minutes avec un animus sans être victime de sa propre anima » (G.W . 9/2, § 29).

             « Quand l'animus et l'anima se rencontrent, l'animus sort son épée de pouvoir et l'anima projette son poison d'illusion et de séduction. Le résultat n'est pas toujours négatif, puisque les deux sont également prêts à tomber amoureux » (G.W. 9/2, § 30).

              « Très souvent, la relation suit son propre cours sans égard pour les acteurs humains, qui, après coup, ne savent pas ce qui leur est arrivé »  (G.W. 9/2. § 31).

 

On ne se dégage pas facilement d'une telle emprise.

              « L'effet de l'anima et de l'animus sur le moi .. est extrêmement difficile à éliminer, parce qu'il est extraordinairement fort et remplit la personnalité d'un sentiment inébranlable de justesse et de bon droit. D'autre part, la cause est projetée et semble tenir aux objets et aux situations objectives . La conscience en est fascinée, rendue captive, comme hypnotisée. Très souvent, le moi en éprouve un vague sentiment de défaite morale et traite alors tout sur la défensive, avec défiance et autojustification, établissant ainsi un cercle vicieux qui ne peut qu'augmenter son semiment d'infériorité » (G.W. 9/2. § 34).

 

La mise à distance de cette emprise procède par différenciations successives de l'anima ou de l'animus d'avec les imagos parentales et d'avec moi. Elle commence le plus souvent par une mise en question qui vient de 1'ombre.

                « C'est seulement par la connaissance de 1'ombre qu'on arrive à l'anima. C'est identique pour l'animus ; tant que leur ombre n'est pas reconnue, les femmes sont possédées par l' animus (Entretiens avec Jung. p. 33).

 

Dans la mesure où le moi prend conscience de l'anima et de l'animus, et se libère de leur emprise, ceux-ci se transforment, leur action devient positive et contribue à la maturité du psychisme.

                « L' anima cherche à unifier et à unir, l'animus demande à distinguer et à connaître » (P.T., pp. 173 - 174).

                 « De même que l'anima devient, par l'intégration, l'Eros ou la conscience, ainsi l'animus devient un Logos ; et de même que l'anima donne à la conscience de l'homme sa capacité de relation et d'alliance, de même l'animus donne à la conscience de la femme une capacité de réflexion, de délibération et de connaissance de soi-même » (G.W. 9/2, § 33).

 

Dans la société actuelle, le lien à l'autre est encore pour l'homme, comme l'affirmation de soi et la Parole le sont encore pour la femme, l'attribut du sexe inconscient. Ils sont le plus souvent projetés hors du commun dans les puissances prestigieuses de l'Eternel Féminin, du Héros et du Savant. C'est par la mise à distance et la relation avec l' anima et l' animus que l'homme et la femme intègrent respectivement leur capacité de lien et de parole. L'identité sexuelle ne s'acquiert pas seulement par l'exercice concret de la sexualité. Il y faut aussi la confrontation intérieure.

Elle se fait, en particulier, dans la conscience du désir. Sans employer ce terme, Jung reconnaît dans l'anima et l'animus des figures du désir. L'anima . . Pour elle, comme pour l'animus, l'objet et la satisfaction qu'ils procurent ne sont que le moyen d'une intensité et d'un goût. Le goût de la rigueur, de l'héroïsme ou de la jouissance, le goût d' aimer l'amour. L'animus cherche la logique et la vérité pour la sécurité et la puissance qu'il y trouve. L' anima fait le succès d'une idée en fonction de son esthétique. Ils entrainent ainsi la personnalité qu'ils dominent dans un auto-érotisme secondaire où elle devient prisonnière d'une subjectivité sans objet ni sujet.

Inversement, lorsque l'anima et l'animus sont reconnus et qu'ils n'exercent plus sur le moi une emprise inconsciente, leur action se transforme. Ils jouent le rôle d'une médiation avec l'inconscient. . Pour Jung la médiation avec l'inconscient est sexuée, et elle s'accomplit par le sexe inconscient. .

                    « L'ambiguïté de l'anima, porte-parole de l'inconscient, peut anéantir l'homme en bonne et due forme. Finalement, c'est toujours le conscient qui reste décisif, le conscient qui doit comprendre les manifestations de l'inconscient, les apprécier et prendre position à leur endroit. Mais l'anima a aussi un aspect positif. C'est elle qui transmet au conscient les images de l'inconscient et c'est cela qui me semblait le plus impartant » (M. V., p 218)

                    «  Pendant des décennies, je me suis toujours adressé à l'anima quand je trouvais que mon affectivité était perturbée et que je me sentais agité. Cela signifiait alors que quelque chose était constellé dans l'inconscient. En pareils moments j'interrogeais l'anima : «  qu'est-ce qui se passe à nouveau ? Oue vois-tu ? Je voudrais le savoir ». Après quelques résistances elle produisait régulièrement et exprimait l'image qu'elle discernait. Et dès que cette image m'était livrée, l'agitation ou la tension disparaissait ; toute l'énergie de mes émotions se transformait de la sorte en intérêt et en curiosité pour son contenu. Puis, je parlais avec l'anima à propos des images, car il me fallait comprendre aussi bien que possible «  (M. V., p. 218). P. 68

 

  • Moi/Soi  p. 68

 

I- .dans Psychologie de la Démence Précoce, il (Jung) pose la question du moi, dont la psychanalyse s'occupait alors fort peu, Il propose de considérer le psychisme comme un ensemble de complexes plus ou moins indépendants et opposés les uns aux autres. Le moi serait un complexe ; celui qui joue habituellement le rôle de pôle central du conscient.

                   « Le moi, n'étant que le centre du champ de conscience, ne se confond pas avec la totalité de la psyché : ce n'est qu'un complexe parmi beaucoup d'autres » (T. P., pp. 478 - 479).

                   « Il est dans sa réalité banale ce centre continu de conscience dont la présence se fait sentir depuis les jours de l'enfance » (G.W. 8, § 182).

                   «  Sous le terme de moi, il faut comprendre ce facteur complexe auquel se rapportent tous les contenus de la conscience. Il forme en quelque sorte le centre du champ de conscience pour autant que ce dernier embrasse la personnalité empirique, le moi est le sujet de tous les actes de conscience personnels » (G.W. 9/2, § 1).

 

Le moi n'est pas seulement sujet, il est également lui-même un contenu de conscience. Il est composé, comme tout complexe d'un ensemble de représentations et d'affects, qui se sont combinés sur la base de l'hérédité et par acquisition.

                « Le moi est fait de ses souvenirs et de ses affects » (H. D. A. p. 347).

                « En tant que contenu de conscience spécifique, le moi n'est pas un facteur simple ou élémentaire, mais un complexe qui, en tant que tel, ne peut être décrit de façon exhaustive. L'expérience montre qu'il repose sur deux fondements en apparence différents : le somatique et le psychique » (G.W. 9/2, § 3).

 

Du point de vue somatique, « le moi est l'expression psychologique de la connexion fermement associée de toutes les sensations corporelles élémentaires » (G.W. 3 § 83).

Du point de vue psychique, « le moi semble naître d'abord du heurt entre les facteurs somatiques et leur environnement ; une fois établi comme sujet, il continue de se développer par les conflits avec le monde extérieur et avec le monde intérieur » (G.W. 9/2, § 6).

Comme tout complexe et bien qu'il soit le centre du conscient, le moi est partiellement inconscient. Cela signifie qu'il se projette dans des formations imaginaires telles que la Persona pour Jung, le Moi Idéal et l'Idéal du Moi pour Freud.

                  « L'unité facilement endommageable du moi ne s'est formée que progressivement au cours des millénaires, et seulement avec l'aide d'innombrables mesures de protection »  (M. V., p. 393).

 

Dans la mesure où les autres complexes, tels que les complexes parentaux, 1'ombre, l'anima et l'animus, sont autonomes ils ont les caractères de « sujets secondaires » (R. C. p. 487) et prennent par moment le rôle du moi, à moins qu'ils n'englobent celui-ci pour des périodes entières. Jung dira, dans le premier cas, que ces complexes agissent comme des « dominantes du conscient » (R. C. pp. 526 - 527) et, dans le deuxième cas, il parlera de possession et d'inflation. 

 

II- .Jung ne traite pas du narcissisme. En fait, il analyse le même phénomène dans une épistémologie différente.  Le concept de narcissisme résulte, en effet, d'une observation extérieure. Narcisse, lui, éprouve directement l'avidité de la recherche de soi et l'angoisse de tout ce qui en menace l'image, Jung prend le même point de vue et découvre la Ichhaftigkeit, l'« attachement à être moi » avec lequel le sujet est aux prises. P.69

Cette force interne pousse à la constitution du complexe-moi, mais tend également à faire tourner toute la vie psychique autour de lui. Avant que le moi ne se différencie dans une relation avec l'inconscient il est dans l'état de Ichsucht (G.W. 14/2, § 18), un enroulement du conscient sur soi-même. L'image du monde et l'image du moi risquent alors de se confondre.

La Ichhaftigkeit. (G.W . 11, § 904) règnerait sur le psychisme individuel si son unilatéralité n'engendrait une ombre, qui devient, à son tour, un complexe indépendant et s'oppose à elle. La montée de l'ombre, dont le retour du refoulé est un aspect, bouscule l'organisation du moi. Jung analyse le processus de transformation qui commence alors. Au lieu du narcissisme il étudie les conflits, les sacrifices et les mutations qui marquent les moments successifs de la formation du sujet.

 

III- Il insiste sur le fait que devenir conscient met le moi en danger .

              « L'intégration des contenus projetés dans les imagos parentales a pour effet d'activer l'inconscient, car ces imagos sont chargées de toute l'énergie qu'elles possédaient originellement dans l'enfance. La solitude dans la conscience de soi a la conséquence paradoxale de faire apparaître dans les rêves et les fantasmes des contenus impersonnels qui sont les matériaux dont sont faits certaines psychoses . Une chute soudaine dans un état d'orphelin, un manque de parents, peut - dans les cas où il y a une tendance à la psychose - avoir des conséquences dangereuses à cause de l'activation également soudaine de l'inconscient »  (G.W. 16, § 218)

 

Même lorsqu'il supporte cette situation, le moi n'échappe pas à une inflation, positive ou négative. En rapport avec les composantes psychiques qu'il intègre et avec sa propre solitude, il se laisse posséder par l'afflux d'énergie ou il s'en défend en s'identifiant à ses propres limites conscientes. Y a-t-il une possibilité d'éviter ces deux fausses solutions ?

                «  Quand arrive ce moment, une compensation pleine de santé entre en jeu. Une réaction surgit de l'inconscient collectif , et lutte contre la dangereuse tendance à la désintégration. Elle est caractérisée par des symboles qui signalent, sans que l'on puisse s'y tromper, un processus de centration. Ce processus ne crée rien moins qu'un nouveau centre de la personnalité, dont les symboles montrent à l'évidence qu'il est surordonné au moi et dont la position se prouvera en effet empiriquement par la suite. Ce centre ne peut être rangé dans la même classe que le moi, il faut lui accorder une valeur plus haute.  On ne peut pas davantage lui donner le nom de moi. C'est pourquoi je lui ai donné le nom de soi. C'est un happening vital qui provoque une transformation de la personnalité. J'ai appelé le processus qui conduit à cette expérience le « processus d'individuation »  (G,W, 16. § 219) 

 

Ainsi la prise de conscience et le retrait des projections conduisent le moi à un état d'inflation (ou de déflation) qui ne se résout que par la mise à jour d'un centre inconscient de la personnalité et l'établissement d'une relation entre le moi et ce centre.

               «  Le centrage (Zentrierung) constitue dans mon expérience, le sommet jamais dépassé du développement, lequel se caractérise parce qu'il coïncide dans la pratique avec l'effet thérapeutique maximum »  (R. C., p. 525).

 

Qu'est-ce qu'un tel centre ? Jung considéra les mandalas qu'il peignait quand il en fit l'expérience comme une première source d'information.

Le mandala « peint le soi comme une structure concentrique souvent dans la forme d'une quadration du cercle. Cette structure est invariablement éprouvée comme la représentation d'un état central ou d'un centre de la personnalité essentiellement différent du moi. Elle est de nature numineuse «  (G.W. 14/2, § 431).

              «  On peut arrêter, avec quelque certitude, que ces symboles ont le caractère d'une totalité. En règle générale, ils sont des symboles « unificateurs » et représentent la conjonction d'une simple ou double paire d'opposés »  (G.W, 9/2, § 194-195).

 

Les mandalas suggèrent donc que ce dynamisme inconscient aurait les caractères suivants : centre, totalité, principe d'unité, conjonction des opposés, structure quaternaire..

..le Secret de la Fleur d'Or.Bien que ce texte ne parle pas du soi, il relate les phases d'une perte radicale d'identification aux objets et aux représentations et évoque le feu qui jaillit ensuite « dans la caverne du vide » Jung y découvrit une expérience proche de la sienne et forma alors l'idée du soi, en empruntant ce terme au RigVeda.

               « Je savais que j'avais atteint avec le mandala comme explication du soi, la découverte ultime à laquelle il me serait donner de parvenir. Un autre en saura peut-être davantage, mais pas moi (M.V.,p.229).

 

.Dans une première période, Jung met surtout en lumière le fait que le soi est projeté, avant d'être reconnu, dans des figures mythologiques et théologiques. L'idée du Dieu Unique, centre du monde, n'est-elle pas la projection dans le cosmos de ce qui existe dans le psychisme ? L'action par laquelle un individu se libère de l'imaginaire et naît à lui-même n'a-t-elle pas été attribuée à des figures d'Anthropos dans plusieurs cultures évoluées ? La venue dans la personnalité consciente d'une impulsion inconsciente qui donne un sens à la vie ne réalise-t-elle pas ce qui s'annonçait dans le Christ et dans l'Incarnation ?

Sous l'influence de l'alchimie, la pensée de Jung s'intéresse moins aux représentations et davantage aux processus. La conjonction des opposés, avec ce qu'elle implique de séparation et de différenciation, fournit le schème selon lequel on peut comprendre l'action du soi. Jung la formule en trois idées : le devenir suit un mouvement de compensation, la totalité est relation du conscient et de l'inconscient, l'organisation psychique évolue selon une loi de différenciation.

A propos de la notion de totalité que Jung emploie fréquemment, il faut rappeler que le mot français trahit l'original allemand. Jung utilise rarement die « Totalitat », mais presque toujours die « Ganzheit ». Or, le radical ganz ne signifie pas « total » mais « entier » . Il faudrait traduire Ganzheit par . « entièreté », dont les idées d'intégrité et d'intégration se rapprochent davantage que celle de totalité. Loin de viser à être tout, tout posséder ou faire toutes les expériences, la Ganzheit est corrélative aux expériences de dissociation et de morcellement. Jung pose que la Ganzheit n'est pas une Volkommenheit, « accomplissement total, perfection ».  A l'homme qui sent la présence de deux êtres en lui, la Ganzheit vient comme l'unité possible. C'est dans ce sens que l'expérience du soi résout la dissociation du conscient et de l'inconscient et donne au sujet d'être entier.

 

IV- La prise de conscience du soi fut pour Jung une sorte d'illumination. Il y perçut le sens de son existence et celui de la thérapie analytique.

C'est pourquoi, il fut d'abord enclin à brosser un tableau en deux thèses extrêmes où le soi est présenté comme le véritable centre de la personnalité tandis que le moi, aliéné dans ses valeurs et ses buts, doit sacrifier ceux-ci afin de se soumettre à l'orientation qui vient du soi. Ce sacrifice, provoqué par la reconnaissance de l'ombre, a les traits de ce qu'on appellera plus tard une castration symbolique ; il en diffère cependant puisqu'il ne se termine pas à la seule acceptation des limites et de la mort, mais débouche sur une relation vivante avec le sujet inconscient.

Les abandons, les pertes et les deuils que la personnalité doit vivre au fur et à mesure qu'elle devient consciente donnent à ce sacrifice du moi une ampleur qui semble rejoindre ce que les traditions orientales enseignent comme une mort du moi. Après quelques formulations hésitantes, Jung marque nettement la différence entre ces traditions et l'expérience analytique. P.73

               « Il ne peut être question d'une totale extinction du moi, car le foyer du conscient serait détruit et il en résulterait une complète inconscience »  (G.W. 9/2, § 79). 

 

Il ne s'agit pas d'une mort du moi, mais du sacrifice de la Ichaftigkeit. Non seulement, le moi ne disparaît pas, mais les conflits par lesquels il passe le dégagent de ses états imaginaires, le font naître à sa réalité propre.

Après avoir découvert l'existence du soi, Jung en a d'abord fortement accentué l'importance, Ce n'est que progressivement qu'il est devenu attentif au rôle du moi, jusqu'à insister sur sa fonction irremplaçable en corrélation avec le soi. Dans Réponse à Job, il montre comment le moi conscient est la seule réponse aux contradictions internes des puissances inconscientes, la condition de leur unité et le principe qui les oblige à s'inscrire dans l'histoire.

Le moi est le sujet du choix et de l'engagement éthique, le seul responsable de la décision.

             « Le moi est doté d'un pouvoir, d'une force créatrice, conquête tardive de l'humanité, que nous appelons volonté » (H.D.A., 90)

 

Dans Mysterium Conjunctionis, Jung reconnaît que le moi est la condition sine qua non de l'existence objective du monde.

 

V- Après avoir opposé le moi et le soi, comme l'illusion et la vérité, Jung reconnaît leur interdépendance. Il dénonce le danger rationnaliste de la non-reconnaissance du soi, et le danger « mystique » de l'absorption du moi dans le soi.

              « L'accentuation de la personnalité-ego et du monde conscient peut facilement prendre de telles proportions que les figures de l'inconscient sont psychologisées et que le soi est en conséquence assimilé par le moi » (G.W 9/2, § 47).

              « Le soi n'a de signification fonctionnelle que lorsqu'il peut agir comme compensation d'une conscience du moi. Si le moi vient à se dissoudre par identification au soi, il en résulte une sorte de vague surhomme doté d'un moi boursouflé au détriment du soi » (R.C., p. 553).

 

Le sujet humain se réalise dans une polarité interne, c'est-à-dire dans la coordination paradoxale d'un centre conscient et d'un centre inconscient. Ces deux centres ne sont pas du même ordre ; le soi n'est pas un moi profond.

              «  La différence entre la connaissance du moi et la connaissance du soi peut être difficilement formulée d'une façon plus nette que par la distinction entre « quis » et « quid ». (G.W. 9/2 § 252).

 

 

VI TRANSFERT

Les figures de l'autre sont des parts de nous-mêmes. Depuis que nous existons, notre environnement a fait notre substance. Pour démêler une telle ambiguïté, il faut la transférer dans l'espace d'une relation vierge. C'est ce que propose l'analyse.

 

- Le décollement des projections p. 76

 

Eprouver vis-à-vis d'un autre des affects et des réactions que l'on croyait inspirés par ses propres parents est sans doute une des premières expériences de l'analyse, après qu'elle ait dépassé le stade de l'anamnèse. Cette référence conduit à soupçonner la confusion de la subjectivité et de l'objet ; elle invite à penser également que les traits attribués à l'analyste nous appartiennent. Ainsi le transfert déplace sur un tiers les contenus psychiques qui avaient pris forme dans la relation avec l'entourage et qui étaient restés identifiés avec lui. 

              « Le transfert est un phénomène naturel en soi, qui ne se produit pas seulement dans le cabinet médical, mais que l'on observe partout » (P.T., p. 78).

 

Le transfert analytique diffère cependant des transferts de la vie courante. Il se fait dans un champ délimité où l' analyste ne répond pas à la projection, mais l'arrête, la cadre et la présente la conscience.

Sa présence engage son sentiment. Nous avons vu comment l'interprétation procède d'une évaluation Aucun savoir ne peut suppléer l'appréciation personnelle et il serait vain de se cacher combien l'issue de certaines phases de l'analyse dépend de l'évaluation qu'en fait l'analyste.

Une telle implication n'est imposée par aucune morale. Le thérapeute sait qu'elle fait partie de son destin et qu'elle résulte de sa responsabilité. L'observation populaire a remarqué qu'on se traite soi-même comme on traite les autres. La fonction médiatrice est, en effet, unique. L'analyste peut voir dans sa façon de réagir au transfert le reflet de son attitude vis-à-vis de lui-même.

Pour la même raison, l'analysant a à faire, quelle que soit la technique, avec l'anima ou l'animus de l'analyste. L'interprétation, le geste, le silence, l'ameublement même du cabinet, sont la voix de cette part secrète.

I1 ne serait pas possible de risquer un tel engagement mutuel - même quand il ne met en cause rien d' exceptionnel - s'il n'y avait l'éventualité d'un concours positif de l'inconscient. Certains rêves commentent, corrigent, complètent, réorientent l'analyse. La participation de l'analyste est fonction de l'existence de processus inconscients capables de réparer, de réorganiser, et de promouvoir une croissance.

 

  • L'enjeu d'un couple p.77

 

 

 

-Dans une commune inconscience

-Le processus

-Naissance d'une capacité symbolique

-Tu

 

DEUXIEME PARTIE : REFLEXION SUR LA RELATION CONSCIENT INCONSCIENT

 

1.EPISTEMOLOGIE 2. ARCHETYPES en se constituant, le psychisme individuel engendre de l'inconscient. . Il y a donc deux ensembles dont les raisons d'être inconscients sont différentes. L'un appartient à l'espèce, l'autre est la contre-partie du conscient individuel. . les dynamismes archaïques incomparablement plus forts que la personnalité consciente. . existence de facteurs inconscients qui seraient au principe de la guérison aussi bien que de la maladie.

. une représentation, un affect, une impulsion ont d'autant plus de force qu'ils sont moins individualisés. l'énergie dont (ces facteurs « collectifs ») disposent et les formes qu'ils animent sont à l'échelle de ce qui fait l'homme. Dans la mesure où les circonstances : hérédité, désir des parents, environnement social, économique, et culturel, n'ont pas permis de reprendre ces dynamismes collectifs dans un psychisme conscient suffisamment fort, la personnalité risque d'être submergée.

. le conscient est aux prises avec une ambivalence qui se retrouve notamment, dans la polarité des images et des complexes et son évolution passe par la différenciation des archétypes entre eux (par ex. celle de l'animus et de l'anima d'avec les imagos parentales.) L'ambivalence des archétypes et leur contamination mutuelle contribuent à l'achèvement et au désordre du psychisme individuel.

Les archétypes ne sont des organisateurs que sous l'action des facteurs conscients. Ils sont cependant toujours là, comme une source constante d'information. Ils peuvent corriger par compensation les troubles du psychisme individuel et lui proposer des symboles susceptibles de l'orienter.

Cette présence justifie le projet thérapeutique.. (comme) une possibilité de se brancher sur les schèmes organisateurs inconscients de telle manière qu'ils aient une action positive sur la vie. . Devenir conscient ne consiste pas seulement à découvrir et à éprouver les mécanismes qui nous font