Zeus, déguisé en mortel, eu en secret une aventure avec la ravissante Sémélé (nièce d'Europe et une des quatre filles de Cadmos (frère d'Europe) et d'Harmonie (fille d'Aphrodite et d'Arès)
La très jalouse Héra, s'apercevant de l'infidélité de son mari, lui tendit un piège et déguisée en vieille femme, conseilla à Sémélé, déjà enceinte de six mois, de demander comme faveur à son mystérieux amoureux de se montrer sous son véritable aspect. Sinon, comment saurait-elle qu'il n'est pas un monstre ?
Sémélé suit son conseil et Zeus lui apparaît sous la forme du tonnerre et de l'éclair. Sémélé, fille mortelle ne survit pas à cette rencontre ; elle brûle dans cet amour flamboyant et descend aux Enfers. C'est alors que Zeus arrache au corps flambant de Sémélé le fotus de Dionysos âgé à peine de six mois. C'est donc au moment de la mort de sa mère que Dionysos naquit pour une première fois.
Zeus fait une entaille dans sa cuisse, la transformant en utérus et y coud l'enfant qui y terminera sa gestation. Le moment venu, Zeus ouvre sa cuisse et Dionysos en sort naissant pour la deuxième fois et de son père.
Dionysos rencontre dès son enfance l'incrédulité quant à son ascendance divine. D'abord, les sours de sa mère ; cependant Ino acceptera de l'élever et de le protéger de la colère d'Héra en l'habillant avec des vêtements féminins. Mais Héra découvrant la vérité frappe Ino et son mari de folie.
Pour le protéger, le Zeus le transforme en chevreau et le confie aux Nymphes du Mont Nysa. L'enfant grandit dans une caverne, lieu de naissance et de régénération. C'est sa troisième naissance, initiatique.
Une fois son éducation achevée, le dieu parcourt les vallons boisés couronné de lierre et de laurier.
Devenu adulte, Dionysos découvre la vigne, mais par la magie d'Héra, il tombe dans le délire. La « mania » le saisit, lui qui sera le dieu menant les hommes à la folie. Il est encore sous la puissance d'Héra.
Il parcourt le monde accompagné des Ménades, des Satyres et des Silènes portant le thyrse, un bâton entouré de lierre, surmonté d'une pomme de pin, mais aussi des épées, des serpents et des rhombes.
Il erre entre l'Egypte et la Syrie ; va jusqu'en Phrygie, dans la demeure de Cybèle. Accueilli par Rhéa, la Mère des dieux, la Grand Mère protectrice, qui le sauve de sa marâtre et met fin à sa folie, le purifie et le délivre de sa « mania »
Elle apprend à Dionysos à connaître le cycle de la vigne comme une résurrection après la mort, la gestation interrompue et reprise, souterraine et céleste à la fois. Elle lui donne l'enseignement fondamental, que toute naissance vient de la mort et que selon une dynamique cosmique, l'âme végétale, soumise par l'homme à une métamorphose s'incarne dans une matière divine : le vin. Le vin, source d'ivresse physique et métaphysique, à laquelle l'homme vient boire, donc s'identifier par une communion interne pour vivre en image son immortalité.
Ainsi Dionysos, réfugié sur l'autel de Rhéa, apprend ses propres cérémonies et reçoit des mains de la Grand Mère son costume de Bacchant. En se faisant, il devient ce qu'il est : une divinité double, montrant deux visages et deux masques.
Sauvé par Rhéa, Dionysos entame un long vagabondage et se fait difficilement accepter dans les cités ; venu d'ailleurs, il est considéré comme un dieu dangereux, apportant en même temps que la vigne, l'ivresse et le désordre.
En Thrace, il est mal reçu par le roi Lycurgue, qui lui refuse le passage et capture les Bacchantes et les Satyres et les obligent à plonger dans la mer auprès de Thétis. Mais les Bacchantes sont miraculeusement délivrées et Lycurgue frappé de folie. Croyant que son fils est un pied de vigne, il le frappe d'un coup de hache et le tue. Après quoi, il se coupe la jambe et ampute son fils du nez, des oreilles et des doigts. La terre est alors frappée de stérilité et un oracle indique aux habitants du pays que le seul moyen de lui rendre sa fécondité est d'écarteler Lycurgue, ce qui est fait sur le mont Pangée, où quatre chevaux le mettent en pièce (sparagmos)
Après un long voyage jusqu'en Inde, Dionysos revient à Thèbes, sa terre natale et le tombeau de sa mère. Il arrive avec le double pouvoir de la « mania », qui peut être une purification de la folie même parce qu'elle est d'abord connaissance de l'impureté de la violence du délire qui appelle en retour d'être purifié.
Il arrive à Thèbes sous l'apparence d'un beau jeune homme, à la tête d'un groupe de Ménades (femmes possédées). La famille royale de Thèbes, avec Penthée son cousin, fils d'Agave, qui avait hérité du trône de Cadmos, refuse de reconnaître sa divinité. Penthée emprisonna le jeune homme dans une tour, mais les chaînes tombèrent miraculeusement sur le sol et les portes de la prison s'ouvrirent d'un coup.
Dionysos tente une dernière fois d'expliquer sa nature divine à Penthée quand celui-ci lui demande : « Qui est ce dieu ? Comment le connais-tu ? Comment reconnaître un dieu que l'on ne connaît pas ? Tu l'as vu la nuit, en rêve ? »
Dionysos répond ainsi : « Non, non, je l'ai vu éveillé. Je l'ai vu me voyant. Je l'ai regardé me regardant. »
Mais Penthée n'arrive pas à comprendre le sens de cette formule énigmatique. En entendant nier par ses « proches » qu'il fut un dieu, Dionysos va leur montrer ce qu'il coûte de le reconnaître trop tard. et va rendre folles les femmes de Thèbes.
Ces femmes, qui étaient solidement installées dans leur statut d'épouses et de mères, vont abandonner leurs enfants, laisser là leurs travaux ménagers, quitter leur mari et s'en aller dans les montagnes et les bois. Là, elles se promènent dans des tenues étonnantes pour des dames pleines de dignité et se livrent à toutes sortes de folies. Dionysos les a rendues folles, mais elles ne sont pas véritablement des adeptes du dieu. Juste le contraire, pour ne pas l'avoir accepté, pour ne pas l'avoir cru, c'est pour cela qu'elles sont « malades du dionysisme », cette maladie contagieuse. Dans leur folie, tantôt elles sont comme des adeptes du dieu, dans la béatitude du retour à un âge d'or, de fraternité où tous les êtres vivants, les dieux, les hommes et les bêtes sont mêlés. Tantôt au contraire, une rage sanguinaire s'empare d'elles ; elles taillent en pièces une armée et peuvent égorger et déchirer tout vivant leurs propres enfants. C'est dans cet état hallucinatoire de dérangement mental que se trouvaient les femmes de Thèbes.
Penthée fulminait ! N'accordant pas même un regard à Dionysos, il convoque sa garde et exige que l'on rassemble son armée, qu'on lance l'assaut sur ces folles qui avaient fuit la ville et que l'on ramena sa mère et ses tantes à la raison.
C'est alors que quelque chose dans l'allure et les manières de Dionysos, arrêta Penthéé et que le jeune prince se mit à l'écouter.
Suite à ce dialogue, Penthée finit par convenir que avant de déclencher l'offensive, il valait mieux aller observer de près la ronde dépravée des femmes .
En vérité, Penthée ne faisait que chercher un prétexte pour assouvir sa curiosité. Il était déjà sous l'emprise de Dionysos ! Et Dionysos insista, se moqua de lui, le poussa dans ce sens.
« Mais oui, Penthée, il faut aller voir ce que font ces femmes entre elles. Mais attention, sois prudent ! Tu sais qu'elles massacreront celui qui sera surpris à les épier. Si tu veux les approcher, il faut passer inaperçu. Revêts donc cette tunique et cette perruque de femme. Si tu veux réussir, il faut te travestir ! »
Offusqué, Penthée commença par refuser mais sa soif de découvrir ce qui se tramait entre les femmes était trop forte.
Une nouvelle fois Dionysos frappa de sa magie et Penthée enfila une robe de lin, rehaussa ses cils et ses joues de couleurs criardes et délia ses cheveux qu'il parfuma minutieusement.
Mais au moment de quitter son palais par une porte dérobée, il rebroussa chemin et se mit à déambuler dans les rues de Thèbes, en proie à des hallucinations, titubant comme un homme ivre sous les quolibets de ses sujets consternés. Puis il gagna les montagnes et s'approcha de l'endroit où la horde criarde dansait son incessant ballet. Sa propre mère, Agavé, était au milieu des Ménades et semblait présider l'orgie. Pour mieux voir, il se jucha dans sur la plus haute branche d'un pin. Mais au premier coup d'oil, les Ménades s'aperçurent de sa présence.
Les femmes de Thèbes se ruèrent sur l'arbre, le déracinèrent à la seule force de leurs bras. Puis la mère de Penthée, égarée par sa frénésie et le prenant pour une bête sauvage, se précipita sur lui, le déchiqueta vif, arrachant ses membres un par un. De cette façon, Penthée est démembré.
Agavé, s'empare de la tête de son fils, la plante sur un thyrse et se promène avec cette tête qu'elle prend dans son délire pour celle d'un jeune lionceau ou d'un taureau..
Quand les femmes de Thèbes recouvrent leurs esprits et reviennent dans leur cité, Dionysos les attend, un sourire bienveillant sur ses lèvres d'enfant.
« Mais que nous est-il arrivé ô Dionysos ? » demandèrent elles en chour
Dionysos s'avança et leur parla ainsi :
« Peuple de Thèbes, je suis le plus grand défi jamais lancé à la face de l'humanité. Tu t'es laissé prendre au piège des habitudes, comme tous les mortels. Tu révères l'ordre et la rigueur, qui sont certes indispensables pour vivre en paix au sein de la cité mais tu refoules la part d'étrangeté qui t'inquiète et qui pourtant croît au fond de toi. Moi je suis l'Autre, l'étranger, le différent. Et je suis venu vous révéler cette part obscur qui est en vous. Si vous la rejetez comme vous m'avez rejeté hors de vos murs, alors vous serez perdus comme le fut l'orgueilleux Penthée. Mais si vous acceptez ces forces sauvages, si vous les intégrez au lieu de les brider, alors vous serez sauvés. »
Il continua encore : « Zeus m'envoie t'apprendre que la véritable folie n'est pas celle que l'on croit. Ce qui est folie, c'est de vouloir une cité parfaitement vertueuse, parfaitement rationnelle. Seuls les dieux touchent à cette perfection. Vous autres mortels, gardez vous de ces deux excès : n'admettre que la raison, n'exclure que la raison. Fait bon accueil à la raison mais acceptez aussi la part d'imprévu et d'inattendu qui, de prime abord vous dérange. C'est à cette condition que vous serez libres. »