CHAPITRE VII Malkuth I - Les pieds

. l'Arbre sort des racines invisibles de l'Aïn Soph, se manifeste en Kether, première des dix séphiroth, et s'épanouit en Malkhuth, dixième et dernière séphirah, la septième des sept séphiroth de la Création. Autrement dit, cet Arbre dont les racines sont en haut et le feuillage en bas nous apparaît comme un arbre inversé. Or le corps humain, qui lui est semblable, est un arbre inversé.
. le langage populaire dit de l'homme qui fait le poirier, qu'il fait « l'arbre droit ». Le docteur Larcher poursuivait .. cette posture permet la mise en évidence du véritable petit univers que recèle la cage thoracique ; l'arbre pulmonaire s'épanouit sous l'héliotropisme du cour, lequel tient lieu de soleil qui luit ainsi sous la voûte « coliaque ».

.. réalisme de cet Arbre humain, inversé par rapport à l'arbre de nos forêts dont il est le complément indiscutable. P.87 Donnant l'oxygène à l'arbre pulmonaire, l'arbre vert reçoit , de lui le gaz carbonique qui, à son tour, va dans l'alchimie de lla chlorophylle donner l'oxygène. Ce dernier, jouant dans le sang le rôle que nous lui connaissons, nous ne pouvons que constater l'étonnante complémentarité de la chlorophylle et du sang, au point de pouvoir parler de la complémentarité de l'Arbre vert et de « l'Arbre rouge », ou de « l'Homme vert » et de « l'homme rouge ».

.. en hébreu, « le Adam » est étymologiquement « l'Homme rouge » (Adamah est la « terre rouge » et Dam est le « sang »). L' « Homme vert » est loin d'être inconnu des trois traditions bibliques : .. Saint Jean l'Évangéliste, le toujours jeune, celui qui a fait le lien avec le divin. II est intimement proche d'Élie qui, enlevé dans le char de feu, ne connaît pas la mort. Et dans l'Islam, Elie est curieusement confondu avec l' « Homme de Dieu » qui vient instruire Moïse dans la XVIIIe Sourate du Coran, appelée « la Grotte ». Cet homme, la littérature musulmane le nomme Khadir, ce qui signifie « toujours vert ».

Dans les trois traditions du Livre (Judaïsme, Christianisme, Islam), l'homme qui a accompli toutes les morts et résurrection et qui est né à sa dimension divine est l'Homme vert .
L'arbre vert est image de l'Homme vert, c'est-à-dire l'homme de dimension divine. L'arbre est alors le symbole de nous-même dans notre norme ontologique et notre vocation eschatologique.

.. au VIIIe chapitre de l'Évangile de Marc (versets 22-26) .. l'aveugle guéri par le Christ recouvre une première vision et s'écrie : « J'aperçois les hommes, mais j'en vois comme des arbres qui marchent. » Alors le Christ, dans un second temps, lui ouvre les yeux à la vision du monde. .
Dans l'optique de l'arbre inversé, au niveau du corps, les pieds - qui correspondent à Malkhuth - sont racines de l' Arbre humain et frondaison de l'Arbre divin dont les racines, elles, plongent dans les ténèbres de l'Aïn Soph.

Fig. Le pied du Bouddha Premier germe, le pied contient le corps tout entier. Depuis le talon jusqu'aux extrémités des orteils en passant par la roue solaire, il inscrit le Devenir de l'Homme.

Malkhuth, le Royaume, est le réceptacle de toutes les énergies divines venues d'en haut. Dixième séphirah, elle est la substance divine incréée et créatrice. Créatrice, elle se fait Germe dans l'Arbre humain. Les Hébreux l'appellent « la Reine », celle à qui tous les pouvoirs du Roi (Kether) sont confiés.
Elle est encore appelée « Vierge d'Israël ». Elle est celle qui doit enfanter et, en ce sens, mère de toute vie. Elle est la Création toute entière, et chacun de nous, en particulier, récapitulons toute la Création.

En tant que septième séphirah de la Création ou de la «petite face divine » Malkhuth correspond au septième de la Genèse, jour du Shabbat où l'Ouvre étant achevée, Dieu Se retire. Il Se retire et ne Se retire pas, car Se faisant « base » de Sa Création, Il fait retrait en elle. Il Se fait Germe, Germe que symbolise la lettre Yod.

Dixième lettre de l'alphabet, le Yod profile le Tétragramme divin que les Hébreux appellent HaShem (Le NOM) et qui récapitule tous les NOMS. Ceux-ci sont inscrits respectivement au cour de chacun de nous. Chacun constitue notre noyau qui est encore notre « personne », celle que nous sommes appelés à devenir. Chacun de nous, hommes ou femmes, est Vierge d'Israël, lourde du NOM, appeléé à le mettre au monde.
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.. les pieds de l'Homme correspondant à Malkhuth symbolisent l'Homme en tant qu'il est « Vierge d'Israël » et mère appelée à mettre au monde son NOM divin, .. Les pieds contiennent la totalité des énergies à accomplir et recèlent le secret du NOM. Ils symbolisent notre féminin, le coté ombre de l'Arbre de la Connaissance.

Un pied a la forme d'un germe, forme de ce qu'est l'Homme à son point de départ dans sa toute potentialité lorsqu'il baigne dans les eaux matricielles. Cette forme est déterminée par le germe divin, le NOM, qui, par le cordon ombilical, est relié à Elohim.
Dans le ventre de la mère, le placenta est symbole d'Elohim nourricier. Le placenta, frère jumeau du fotus puisqu'il se détache de l'ouf initial, est avec le fotus dans la relation qui lie Elohim à mi . Relation mystérieuse puisqu'un seul Dieu dans deux fonctions différentes, unies et distinctes, mais dont la différence fait l'objet même de la Création. Après l'expulsion du placenta formel, à la naissance, un placenta virtuel relie Elohim à l'Homme, Elohim à mmi qu'Elohim cherche en l'homme.
Ontologiquement, le Père cherche en l'Homme le Fils. Précisons bien ces différentes fonctions du créé par rapport à l'Incréé : la Création, fille d'Elohim-Père, est appelée à devenir Son Épouse.
La création, tout entière contenue en Malkhuth, est vierge, lourde de l'enfant divin, appelée à le mettre au monde.

Chacun de nous, hommes ou femmes, en tant que Malkhuth, est vierge et Mère. Chacun de nous est aussi époux pénétrant Malkhuth, pour se mettre au monde jusqu'à la dimension de Fils-Yod. Chacun de nous devient alors ce Fils.
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Les énergies décrites dans les six jours de la Genèse sont notre potentiel d'accomplissement ; elles sont le flux érotique fondamental qui tend l'épouse vers son Époux. C'est pourquoi le pied, Reguel, est aussi la « fête » (peut-être le « régal » ?). . P.91 .
Le drame de la chute, violation de ces énergies par le faux époux Satan, s'exprime dans le mythe biblique par la blessure aux pieds.
Nos pieds sont blessés.

1. Les pieds de l'Homme sont blessés

Adam a transgressé les normes ontologiques .. Il s'est coupé du Yod, du divin, de son principe, de son triangle supérieur. Il s'est tranché la tête. Plus exactement, il a rejeté les informations du Yod, puis a oublié son ontologie profonde. Il s'est alors recouvert d'une fausse tête, d'un masque, parodie du triangle premier. A son niveau, Intelligence et Sagesse ne sont plus divines. Elles ne président plus à l'accomplissement de la vocation de l' Homme qui est conquête du Royaume divin à l'intérieur de lui-même. Mais elles transposent ce désir sur la conquête du Royaume extérieur à lui-même, conquête de Malkhuth séparé de Kether, qui devient le cosmos seul dont l'Homme ne sait plus qu'il le porte aussi en lui et qu'il en a les clefs.

Tout se passe comme si, au lieu.de remonter le long de l'Arbre pour leur juste réalisation, les énergies de l'Homme s'écoulaient au niveau des pieds - Malkhuth - par le trou béant d'une blessure.
Voilà pourquoi nous allons voir l'humanité, à travers ses livres sacrés, ses mythes et ses contes, exprimer douloureusement son erreur en traînant un pied blessé avec Odipe, vulnérable avec Achille, mordu par le serpent avec Ève.
Puis nous découvrirons les prémices d'une guérison avec Jacob tenant en sa main, à sa naissance, le talon de son frère Esaü. Nous verrons alors se dessiner le mouvement de pénitence de l'humanité avec Marie-Madeleine, la prostituée, venant oindre de parfums les pieds du Christ et les essuyer de sa chevelure. Nous participerons enfin à la guérison totale de l'humanité avec les apôtres dont, avant la Cène, le Christ, médecin cosmique, lave les pieds.

Guérir la blessure, se séparer du faux époux et reconstituer les énergies dans leurs « terres » intérieures respectives, c'est redonner à Malkhuth sa vocation féminine. Matrice universelle, Malkhuth est mère de toute vie. Force germinatrice, elle exalte la puissance divine. Monde obscur, souterrain, elle plonge ses entrailles dans les archétypes abyssaux, reflets des archétypes divins où s'opèrent les lents processus de mort et de résurrection qui sont les deux pôles d'une même réalité. P.93

Fig. Eve blessée aux pieds Violation par le Satan du potentiel énergetique contenu symboliquement dans les pieds-germes, le drame de la chute est exprimée dans le mythe biblique par la blessures originelle : Ève a le talon écrasé. (Véselay)

Sous le symbole des Vierges noires, Malkhuth est la substance suprême, l'infinie possivilité universelle de l' Aïn Soph, celle qui doit enfanter. .. les mythes expriment le drame de la chute en pleurant le Père tué, le roi mort, la reine veuve et le fils orphelin. Vide est devenue la vierge d'Israël, vide de l'Époux-Père qui l'appelle et qu'elle n'entend plus.
En Égypte, elle est Isis pleurant et cherchant désespérément Osiris.
En Israël, elle est celle dont le fils orphelin meurt (le Yod meurt en germe dans son ventre devenu stérile).
Mais les textes bibliques ne cesseront de demander protection pour « la veuve et l'orphelin ».
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Au plan du corps humain, la tête a été retranchée, les pieds sont vides. Sont-ils absolument vides ?

C'est en reprenant le langage des mythes que j'ai parlé du « Père tué ». Mais le meurtre ne peut avoir de réalité qu'au plan de la chute, au plan existentiel de l'Homme. Adam s'est coupé du divin mais le divin est et ne peut mourir. Adam s'est retranché du père mais n'a pu « tuer le Père », si ce n'est dans sa conscience. Sorti d'Éden, il a perdu la connaissance du divin, mais le divin reste serti en lui comme un invisible vitrail dans ses plombs.
L'image divine est profondément refoulée en lui, recouverte du masque - d'un masque de plomb .. -mais non altéré. Le refoulement est cependant si profond qu'un abîme sépare désormais l'humain du divin. C'est le franchissement de cet abîme qui fait l'objet de l'insondable inquiétude de l'humanité. . Elle le projette au plan psychique et l'exprime à ce niveau en déferlement confus et nosalgique, vite désorganisé, cédant alors le pas à une marée démoniaque qu'une médecine agnostique ne peut endiguer.

La nature ontologique de l'Homme est mariage.

. Le triangle supérieur se laissant recouvrir du masque continue d'envoyer la vie au corps tout entier, autant que celui-ci la peut recevoir, sans quoi il serait néantisé.
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Non, les pieds ne sont pas vides. Mais ce qu'ils contiennent, l'Homme n'en a aucune conscience.
. il est juste de ne pas séparer les deux pôles du mariage ontologique et d'étudier alors les deux mots : « Tête » et « pied » .
Leur valeur numérique .. expriment la même idée, l'une au plan manifesté, l'autre au plan cosmique ..
Au niveau de la tête, le 1 ou 10 exprime l'unité divine, qui, passant dans le « prisme » de la manifestation - aux pieds, se révèle 3. Trinité de principes ou tri-unité de personnes, dans toutes les traditions le trois est UN. Dans cette perspective, la tête et les pieds sont le P.95 même mot. Si la tête, en haut, récapitule tout le corps, en bas les pieds le récapitulent aussi et portent son devenir en puissance. .
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Dans la perspective chrétienne, l'incarnation du Christ est la démarche de Dieu descendant en Malkhuth, les pieds cosmiques (liés au symbolisme des poissons), à la rencontre de l'Homme dont il panse la blessure et qu'il arrache à sa torpeur mortelle pour l'amené à la conquête de sa tête cosmique, à ses vraies épousailles. Il Se germe pour éveiller en chacun son germe divin et le faire devenir Arbre vert, Arbre de Vie.
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La réalité est la royauté.
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Les pieds sont liés au signe zodiacal des « Poissons ».
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.. en rapport avec le poisson sous lequel apparaît le premier avatar de Vishnou, Principe conservateur de la Trimurti hindoue ? Premier avatar de l'Homme, le germe ne vit-il pas lui aussi, tel un poisson, dans les eaux matricielles ? Il semble que, quel que soit son âge, l'Humanité ait connu ou connaisse le sens profond de sa vocation et l'exprime à travers la floraison de ses symboles et de ses mythes. P.97

Fig.L'Acrobate de Vézelay .. il est le symbole de l'Homma accompli, celui dont la tête rejoint les pieds.
Acrobate dans la cathédrale de Monreale (Sicile).
L'acrobate de Tlatilco confirme, chez les Olmèques, ce symbole d'accomplissement connu des autres traditions P.99

Partant des pieds, l'Homme vivant doit croître, comme un arbre, et atteindre la tête où se multiplieront ses fruits.
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Sur un plan physique, les pieds potentialisent le corps de l'Homme tout entier. . Dans cette optique, les doigts de pieds correspondent à la partie céphalique du corps, le talon au fondement.
Dans un resserrement encore plus grand de l'optique, le pouce de pied peut être vu comme un petit pied à lui seul. (Le « petit Poucet » ne me contredirait pas !)

.. fresques babyloniennes, on voit le guerrier agnouillé devant le roi avant de monter à la bataille. Il a un genou à terre, la plante du pied est retournée vers le ciel à l'exception du pouce. Le pouce repose alors seul sur la terre comme pour recevoir d'elle, à ce niveau très précis du contact, l'élan vital dont le guerrier a besoin. Ce point de contact . « Fontaine jaillissante ».
.. le Maître hindou (Shri Nisargadatta Maharadj) qui dit à son disciple : « En Marathi, le mot « pied » signifie « début du moment » . Trouvez le tout début, le jaillissement de la source, le premier instant de conscience. » Si le disciple trouve ce « tout premier instant », il devient le vrai « guerrier » et peut partir à la conquête de son royaume intérieur.
Lorsque l'Homme écoule à l'extérieur de lui, dans des motivations vaniteuses ressortissant au plan d'un avoir non juste, les précieuses énergies contenues dans le pied, ce dernier témoigne des enflures de l'âme. Le langage populaire ironise sur les « chevilles enflées ». Et nombre d'incidents au niveau de ce membre : fracture, entorse, etc., ne sont autres que la somatisation signifiante d'une erreur profonde.
Toute maladie est signifiante.
Celle du pied dénonce un faux départ dans le chemin de la croissance.

Le premier départ de toute croissance se fait dans l'enfance. Le pied est lié à l'enfance, nous l'avons vu, et spécifiquement à l'enfance intra-utérine.
. en grec, le mot enfant : Pais - Paidos est tout proche du mot pied : Pous - Podos. En hébreu, il y aurait là parfaite homonymie, donc relation intime.

La vocation de l'Homme se détermine dès le sein de sa mère. Elle est inscrite dans le NOM qu'il y reçoit du Verbe créateur. Elle est inscrite aussi, en tant que réalisation possible, dans la qualité de la coupe maternelle qui l'y nidifie.
Par la mère, dès l'enfance intra-utérine, l'Homme peut prendre ce départ. .. fait l'expérience de Malkhuth.
Nous ne pouvons cependant pas parler, chez lui, d'une démarche consciente. Par contre, l'adulte qui est passé de l'Avoir à l'Etre, par la « Porte étroite » du sentier Hod-Netsah et qui assume consciemment la plénitude de son incarnation, atteint la séphirah Tiphereth.

Dans le schéma des Énergies Divines, Tiphereth (Cour-Beauté) reflet de Kether et de Aïn, réunit et manifeste toutes les possibilités divines en autant d'Archétypes que toutes les séphiroth et leurs antinomies. Elle est le moyeu, le centre de la roue solaire qui relie le haut et le bas, la gauche et la droite, et embrasse le tout dans le feu divin de l'harmonie principielle.
Dans le schéma des énergies humaines, celui qui entre dans ce tourbillon est précipité selon le vecteur des rayons de la roue micro- et P.101 macrocosmique dans l'expérience du Centre qui réunit toutes les possibi1ités humaines. Il vit le mariage et le dépassement de toutes les antinomies pour atteindre à l'expérience ineffable du cour divin.L'Homme est alors amené dans la plus grande profondeur des abîmes en Malkhuth avant d'être élevé au plus sublime.

Je ne veux pas anticiper en parlant ici de cette « descente aux lieux inférieurs », si ce n'est pour dire que c'est à ce niveau seul du vécu conscient, que l'Homme fait l'expérience de Malkhuth. A ce niveau seul, il épouse réellement Malkhuth, la Reine, Vierge et Mère.
La grandeur des mystères d'Israël, accomplis par le Christ consiste en cela essentiellement que l'Homme doit épouser la Mère des profondeurs dont toute mère biologique est le symbole, d'être élevé vers le Père.
Tout être humain a cette vocation.

Mais toute femme en particulier a aussi la vocation d'incarner Malkhuth et d'être matrice à chaque instant de sa vie, pôle de mutation pour elle-même, pour les siens et pour l'humanité. Refuser cette vocation, c'est refuser d' entrer dans le plan ontologique.
Dans le mythe grec, Odipe épouse sa mère.

2. Odipe ou le pied gonflé

Qui est Odipe ?
Son nom signifie « pied gonflé ». Il est fils de Laïos (« le Gauche ») et petit-fils de Labdacos («le Boiteux ») dont le grand-père est Cadmos, fondateur de Thèbes.

Odipe est le rejeton d'une farnille royale. Tout homme est d'ontologie royale. Thèbes est la ville sainte chez les Grecs (ce qu'est Jérusalem chez les Hébreux). L'homme qui habite sa ville intérieure est conscient de sa boiterie, de son ombre féminine, de son coté gauche à épouser.
Mais le couple Laïos-Jocaste est stérile. Laïos et Jocaste se rendent à Delphes pour entendre de l'oracle qu'ils auront un fils mais que ce fils tuera son père et épousera sa mère.
Odipe est celui-là.
A sa naissance, Odipe est confié à l'un des serviteurs du palais .
Laïos se dirige vers Delphes pour consulter le divin Apollon au sujet de cette calamité, cependant qu'Odipe, lui, approche de Thèbes. Tous deux se croisent dans un chemin creux et étroit. Le char du roi écrase le pied d'Odipe. Furieux, Odipe se retourne contre le conducteur et le tue.
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. la sphinge. Tétramorphe, elle a des « Pieds de taureau, un corps de lion, des ailes d'aigle et un visage de femme.
Odipe décide de l'affronter. .
La Sphinge descend alors du rocher et donne le pouvoir à Odipe P.103 qui entre triomphalement à Thèbes. Il épouse la reine Jocaste.
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D'elle naissent quatre enfants : deux fils, Étéocle et Polynice, et deux filles, Ismène et Antigone.
Mais la joie de ces naissances est assombrie d'une nouvelle épreuve ; la ville est la proie d'un autre redoutable fléau : la stérilité. Toute la cité est atteinte : les femmes n'ont plus d'enfants, les animaux ne portent pas de petits, la terre ne donne plus ses fruits, les arbres sont frappés de sécheresse.

Odipe décide de rechercher sans trêve la cause de ce désastre .
Odipe entre dans la connaissance.

Il arrache ses yeux de chair, quitte Thèbes et guidé par Antigone commence son long voyage nocturne vers l' Attique, cependant ,que ses deux fils Etéocle et Polynice se partagent le trône et finissent par s'entretuer.
A Colonos, Odipe est arrêté par les Érinyes, déesses aux cheveux de serpents et gardiennes des enfers. Elles sont ici appelées Euuménides, nom nouveau sous lequel elles présentent leur face bienveillante et font entrer ceux qui en sont jugés dignes dans le séjour des dieux.
Odipe est introduit dans le séjour des dieux.

. le pied d'Odipe, broyé par l'arbre de la forêt, est porteur de la blessure originelle de l'Humanité. Odipe, fils d'Eve (si l'on peut parler ainsi), est blessé au pied. Il a déjà tué le Père. Laïos et Jocaste sont, dans le mythe, les parents ontologiques, roi et reine archétypiels. Thèbes, ne l'oublions pas est la Jérusalem céleste grecque. Chassé du palais, de ses normes ontologiques, Odipe sort d'Eden.

Le mythe grec rend compte de la réidentification de l'Homme au monde animal après la chute par l'exposition d'Odipe aux bêtes sauvages. Odipe devient la proie de ses propres énergies.
Mais, de même que dans le mythe biblique Adarn est recouvert d'une « tunique de peau », de même ici Odipe est protégé par les bergers de Corinthe qui vont lui permettre d'assumer ses énergies, le monde animal. Ces bergers symbolisent les parents biologiques.

Odipe élevé chez ses parents de Corinthe est l'Homme que chacun de nous est chez ses parents biologiques : en profondeur d'essence royale - car il est à l'image de Dieu et appelé à entrer dans Sa ressemblance - et dans sa réalité quotidienne, en proie à des énergies - pulsions animales - qu'il n'a pas commencé de nommer,de connaître , d' « épouser ». La dimension ontogique est recouverte par la nature animale existentielle. P.105 .. les mythes expriment souvent cette double réalité de l'Homme sous le symbole de la gémellité : Qaïn et Abel, Jacob et Esaü, pour ne parler que des plus célèbres chez les Hébreux ; Castor et Pollux chez les Grecs .
Les jumeaux signifient toujours, pour l'un : l'Homme dans son ontologie, porteur de la conscience du Yod, et pour l'autre : l'Homme dans sa nature seconde (celle d'oubli), oblitération de la conscience (réidentifié à l'animal !).
Cet autre est l'Homme blessé au pied !

C'est ainsi que nous verrons à leur naissance Jacob et Esaü : le premier tenant en sa main le pied du second comme pour y maintenir les énergies en fuite et en guérir la blessure.
Dans le mythe grec qui nous intéresse ici, les deux natures coexistent en l'Homme-Odipe : la dimension ontologique, celle que tout homme doit retrouver (dont il doit se souvenir !) pour l'accomplir vers la ressemblance divine, est ici svmbolisée par l'arbre vert de la forêt. L'arbre est « l'homme vert» ; l' « Homme rouge », l'Homme-en-tunique-de-peau, étant Odipe lui-même.

.. singu1ière symétrie entre les deux mythes : l'arbre vert tenant le pied de l'Homme rouge en sa main au moment de la laissance de celui-ci est la réplique de Jacob tenant dans la nême constance le talon de son frère Esaü.
.. la similitude des deux mythes nous permet de lire dès maintenant, dans l'histoire d'Odipe, la promesse de la guérison de ce héros dont l'arbre vert saisit le talon, maintenant l'Homme rouge au-dessus des animaux sauvages de la forêt (ses énergies), qui ainsi ne le dévorent pas. L'Homme vert, sous-jacent en Odipe, est celui qui va dominer. Très vite, il arrache Odipe à ses parents biologiques pour l'amener à se poser la seule vraie question de son être et de son existence, quesl qui sera posée par la Sphinge. Mais, auparavant, l'oracle consulté à Delphes - la conscience de l'Homme vert - amène Odipe à différencier de l'Homme rouge (quitter Corinthe) et à se diriger vers la ville royale Thèbes où règnent ses parents ontologiques.

Le meurtre de Laïos n'est que la répétition formelle de la rupture de l'homme avec ses normes ontologiques ; la blessure au pied d'Odipe faite par le char royal, la répétition formelle de la blessure en « Eden ».

Pour retrouver maintenant l'image du Père en lui, pour ressuscier le Père dans sa conscience blessée, Odipe doit épouser sa Mère.
Ce n'est qu'en épousant la Mère, « en se retournant vers la Adamah, la terre-mère de laquelle il a été tiré » (Genèse, III, 19) qu'Adam peut revenir à son ontologie et s'accomplir dans les normes originelles.
Revenir à la terre-mère, mère royale qui gouverne avec le roi la ville sainte intérieure, c'est passer la « Porte des Hommes ».

Un gardien du seuil se tient à l'entrée et dévore ceux des habitants qui ne peuvent répondre à son énigme. Frère de tous les monsres dévoreurs des mythes, ce gardien est à son tour dévoré, c'est-à-dire intégré par celui qui saisit les énergies-informations qu'il est. Celui-là devient l'informé, le connaissant.
Ce gardien est nous-même dans une dimension effrayante tant que nous ne le sommes pas devenus et pour le devenir, car il nous oblige à aller vers nous-même, vers ces épousailles avec la mère intérieure, pour y atteindre. Ces gardiens sont souvent des femmes terrifiantes car c'est le féminin intérieur, nous l'avons vu, qui détient la force que nous sommes appelés à épouser, et qui, à la limite, détient le noyau, le NOM.

La Sphinge tétramorphe est Odipe dont l'accomplissement sera symbolisé par les quatre enfants qui lui naîtront de Jocaste, quatre dimensions de lui-même au fur et à mesure de ses épousailles de plus en plus profondes avec lui-même, avec les énergies de la Mère.
« La Sphinge, selon ce que certains disent, était une fille bâtarde de Laios .. » (Pausanias, II, 26,3-5 ..) Cette version vient confirmer la lecture du mythe, selon laquelle la Sphinge est « sour d'Odipe », autrement dit, son aspect féminin non encore accompli.

Ismène ( « force vigoureuse » ) est le taureau : première étape de la vie, ancrage en terre, fécondité promise et promesse de la couronne que les cornes de l'animal symbolisent. P.107
Polynice ( « nombreuses victoires » ) est le lion : deuxièrre étape de la vie centrée sur une qualité solaire d'amour vrai qui permet toutes les victoires sur soi-même (épousailles des énergies).
Étéocle ( « vraie clef») est l'aigle, gardien de la « Porte des dieux » qui détient le pouvoir des « clefs » (nos clavicules au niveau du corps.
Antigone ( « avant la naissance » ) est le retour aux normes ontologiques, dimension dans laquelle seule l'homme peut accomplir le NOM qu'il est.

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Tirésias est sa mémoire. Aveugle au monde extérieur, Tirésias - dont l'oil intérieur est ouvert - est la conscience et la force mâle d'Odipe.

Fig. Le Sphinx archaïque Le « Tétramorphe » est le symbole des quatre étapes essentielles que l'Homme doit réaliser. Le visage de femme, dernière étape, est celui de l'épouse céleste (Grèce, VIe siècle av. J.-C., Musée de l'Acropole, Athènes)

Ce n'est que dans le souvenir total de ce qu'il est qu'Odipe peut totalement épouser la Mère et donc accomplir sa descente dans le plus profond de lui-même, sa descente aux enfers où il trouvera son noyau, son NOM.
Jocaste disparaît elle-même à ce moment des yeux du lecteur, car la dimension de son féminin qu'Odipe doit maintenant épouser ne peut l'être que dans l'ouverture d'une autre vision, laquelle est cécité pour nous.
Guidé par celle qu'il est devenu, Antigone porteuse de cette vision des profondeurs, Odipe assume sa descente aux enfes dans la nuit la plus dense. Avec Antigone (« avant la naissance ») Odipe recouvre son ontologie, son « ciel antérieur ».

« Dans cette opération l'aigle dévore le lion », disent les alchimistes. C'est Antigone qui assure la sépulture de ses frères Polynice, le lion, et Etéocle, l'aigle, car elle les intègre tous.
Odipe se présente alors à Colonos, « lieu élevé » - nous pourrions dire antinomiquement « lieu le plus profond » - devant les trois gardiennes de la « Porte des dieux », gardiennes du NOM.
TROIS et UN.
Odipe passe. Il devient son NOM.

3. Achille ou le pied vulnérable

La colère légendaire du « bouillant Achille » n'a d'égale que la fureur d'Odipe se déversant dans le « chemin creux ».
La nymphe Thétis voulant rendre invulnérable, donc immortel, son fils Achille, le trempe dès sa naissance dans les eaux sacrées du Styx ; une seule partie du corps de l'enfant n'est pas immergée, le talon, par lequel Thétis le tient.

Achille « aux pieds légers » reste par le talon fils de la terre, mortel. Par rapport au reste de son corps devenu d'essence divine, le talon est comme « blessé ». A ce niveau s'écoulent toutes ses énergies dans les activités guerrières extérieures à la conquête de lui-même. Elles s'écoulent en colères, en passions apparemment nobles, en conquêtes grandioses, mais en aucun cas ne sont investies dans la conquête de son être divin, de sa qualité d' « immortel ».

Au siège de Troie, Pâris, guidé par Apollon, dieu du ciel, décoche une flèche qui frappe le futile Achille au talon. Le héros a le courage de retirer la flèche, mais par le trou le sang s'écoule et s'échappe. L'homme s'écroule et meurt. L'Homme rouge meurt.
Notons bien que la flèche divine est rayon divin. L'homme est visité du Yod qui l'oblige à mourir à sa dimension d'homme rouge pour ressuciter l'homme vert. L'histoire d'Achille ne comporte pas ce second volet. L'hellénime en général y mène, mais ne le développe pas.

Blessée au talon, à la naissance de ses énergies, l'humanité, dans ses différents mythes, n'est autre que Ève, épouse d'Adam, qui, dans l'expression biblique donnera naissance au Yod, le Messie, et celui-là maîtrisera le Serpent : « Une inimitié je placerai entre toi et Isha, dit Dieu au serpent, entre ta semence et sa semence. Celle-ci te blessera en tant que toi-tête, et toi tu blesseras Isha en tant que elle-talon » (Genèse, III, 15).
La dialectique tête-talon s'éclaire pleinement, me semble-t-il, après cette étude.
Le serpent désigné ici en tant que « tête » est le faux époux auquel l'humanité vient de se donner, auquel elle vient de s'ouvrir en lui livrant la totalité de ses énergies (symboles du pied ouvert blessé).
Alors que le véritable Epoux divin nourrit l'Humanité afin qu'elle grandisse et devienne Epouse, le serpent mange celle dont il avive ainsi constamment la blessure au talon afin d'y puiser son énergie.
Et combien est grande et mortelle la blessure, abondant le sang qui s'écoule d'elle ! Et comme l'humanité aveugle y perd son âme ! Et comme chacun de nous ignorant, et pourtant averti, y engouffre ses forces, trouvant la mort au terme de cette saignée !

Ontologiquement, l'Homme ne peut conquérir le monde extérieur qu'en conquérant son cosmos mtérieur. Il ne peut être maître de la terre extérieure qu'en épousant la création tout entière dans la profondeur de son mystère et non en la violant de l'extérieur, provoquant le hérissement de « ses ronces et de ses épines ». Epouser la mère, c'est cela devenir des dieux, et seulement alors reconquérir le cosmos. P.111
Tout le reste est activisme, perte d'énergie, saignée et mort ! Le danger est d'autant plus subtil que le mobile est noble, apparemment utile (noblesse et utilité ressortissent à notre condition psychique). La plupart des ouvres dites « bonnes ouvres » exécutées sans la conscience spirituelle font partie de cette saignée ! .

Posons-nous plutôt tout de suite la question essentielle ;
-Comment panser cette plaie ?
-Comment arrêter la saignée ?
l'histoire de Jacob va nous mettre sur le chemin de la guérison.

4. Jacob ou le « Talon divin ». La guérison de la blessure

Dans le sein de sa mère, déjà, Jacob se bat avec son jumeau, nous apprend la Genèse. Son père Isaac a quarante ans lorsqu'il épouse Rébéqah. Deuxième patriarche d'Israël, symbole même de ce peuple,Isaac aborde sous ce signe de 40 l'épreuvc du 4, du quadrilatère de l'Arbre. Il quitte ses béquilles, et pour cela choisi la femme, le 2, afin, avec elle, de devenir 1.

Tout mariage contracté avant d'aborder ce quadrilatère reste voué à la déchirante dualité qui se solde par une séparation, à moins qu'il ne devienne ascèse des époux qui abordent ensemble le quadrilatère.

Avec Isaac, le peuple hébreu quitte ses béquilles pour entrer à l'étage de son « Etre », marqué, nous l'avons vu, par le dodécanaire, (12 vertèbres dorsales du quadrilatère). C'est Jacob, troisième patriarche qui, devenu Israël, va vivre cet étage à travers les douze tribus qu'il engendre.

Pour passer de « l'Avoir » à « l'Être » du premier au deuxième étage, Isaac devra lutter avec lui-même. Ses deux fils qui se battent dans le sein de leur mère sont les héros de cette lutte ; ils sont les deux natures de l'homme :
-nature première potentialisant le devenir divin, symbolisé par Jacob ;
-nature « en chute », en tunique de peau, symbolisée par Esaü.

Esaü est l'aîné, c'est lui qui sort le premier du sein maternel. Il doit avoir l'héritage. Il est roux, couvert de poils ; il est l'homme rouge sorti d'Éden. Cet homme-là efface, étouffe celui qui, en puisance, peut devenir dieu. Il a sur lui droit d'aînesse, c'est-à-dire tout pouvoir.
C'est à cette charnière que l'histoire de l'humanité se joue : si Jacob n'a aucun pouvoir, il tient cependant en sa main le talon de son frère, tel l'arbre vert tenant par le pied l'homme rouge.

« Talon », en hébreu, se dit Aqev, d'où le nom de Jacob -Yaaqov ~ donné à ce fils. A ce niveau, la lettre Yod précédant le mot « talon » laisse supposer qu'en Jacob le talon rejoindra la tête, qu'en lui le peuple hébreu atteindra à sa royauté. L'homme retrouvera sa dimension divine.

La main, .. est symbole de connaissance, donc de puissance. La main de Jacob empoignant le talon de son frère signifie que Jacob rassemblera toutes les énergies humaines de l'Adam contenues en Esaü et les amènera à leur accomplissement. Il a toutepuissance sur elles.

Pour réaliser cela, il faut qu'en Isaac l'homme spirituel - l'Arbre vert - acquière la primauté sur l'arbre rouge, l'homme temporel qu'il aime : « Isaac aimait Esaü » (Genèse, XXV, 28). Isaac aime sa tunique de peau bien qu'il soit sur le chemin de l'unité.

De sa femme Rébéqah, il dit : « Elle est ma sour » . « Rébéqah aimait Jacob ». Elle connaît le germe qu'elle porte. Rébéqah est une matrice spirituelle, un pôle de mutation. Son nom retourné est Haqéver - le « tombeau » - celui dans lequel s'accomplit le double processus de mort et de résurrection.

La première partie de la mutation se fait en dehors d'elle : Jacob doit obtenir la primauté sur son frère, c'est-à-dire acquérir son droit d'aînesse : il prépare un potage, un « roux » ( en hébreu, un « Edom »). .L'échange entre les deux frères se fait donc au niveau de ce « roux ».
Symboliquement, cela signifie que Jacob abandonne le « vieil Adam ». Il le laisse à son frère Esaü qui le mange ; et la manducation P.113 étant symbole d'identification, Esaü devient Edom, c'est-à-dire, en hébreu, l'Adam figé dans le 6.

Esaü, l'homme rouge, reste chez ses parents, entre ses deux « béquilles » à l'étage infantile. Lui, Jacob, part ; il doit porter la maison d'Israël au 7 afin qu'elle retrouve l'unité. . L'Homme nouveau a supplanté le vieil homme ( « supplanter » est encore en hébreu la même racine Aqev).
Avec la complicilé de sa mère maintenant, Jacob se couvre d'une fausse tunique de peau pour faire croire à Isaac devenu aveugle, qu' il est bien son fils premier-né, le vieil Adam, qui doit recevoir de lui sa bénédiction. Il existe en hébreu un jeu de mots entre le « premier-né » et la « bénédiction ). Cette fausse tunique de peau indique bien le caractère non ontologique de cette dernière. La vraie nature de l'homme est recouverte de cette peau.

Quant à l'aveuglement d'Isaac, il ressemble étrangement à celui d'Odipe. Sous le symbole du devenir de Jacob, Isaac est en évolution et ses yeux sont dans les ténèbres du voyage qui prélude à la lumière spirituelle. Il bénit en Jacob ce qu'il croit être son premier-né, sa postérité, lui donnant toute-puissance sur ses « frères » les hommes rouges. Jacob est prêt désormais à ramener cette postérité en terre promise, en épousant les terres-mères successives jusqu'à celle qui contient le NOM. La ruse de Jacob est le contrepoint de la ruse du serpent en Éden.

Alors Jacob prend le départ . C'est la lignée de sa mère qu'il va épouser, lignée de purificaton aussi, car « Laban » veut dire « blanc ». Symboliquement encore, l'homme dans son devenir épouse sa mère, tandis qu'Esaü - devenu Edom, c'est-à-dire resté figé dans le 6, dans la banalisation - épouse des femmes « qui furent un sujet d'amertume au cour d'Isaac et de Rébéqah » (Genèse, XXVI, 35).

. « Talon » - est proche du mot Iqar .. qui signifie « racine », « qui est de la race ».
. Jacob est bien de la race divine. Le prophète Isaïe dit de lui : « Jacob prendra racine, Israël poussera des fleurs et des rejetons, et il remplira le monde de ses fruits » .

L'Arbre vert fleurira. Le fruit que va porter Israël est celui dont la Tradition dit qu'il est le « second Adam », le Christ. En fait, toute la lignée d'Israël est Adam, un Adam que Jacob a ramassé par ruse dans la poussière où il se faisait dévorer et qu'il porte à sa véritable dimension.
Mais j'insiste sur ce détail : Jacob endosse cette tunique de peau ; il reçoit avec elle la bénédiction du Père, et va la transformer en robe de lumière.

5. Le Christ lave les pieds de Ses apôtres

Il est classique de voir dans le geste du Christ qui lave les pieds de Ses apôtres le symbole même de l'humilité de Celui qui, bien que Maître, Se fait serviteur.
. Mais il y a là beaucoup plus.
.. c'est avant de se mettre à table, pour célébrer la Pâque, le cour même du Mystère, que le Christ fait ce geste.

Dans nos sociétés fonctionnelles qui n'ont plus aucun sens du symbole, ce sont nos mains que nous lavons avant un repas. Lorsque Pilate se lave les mains, cela veut dire qu'il ne veut pas connaître. Les mains .. sont symbole de connaissance. « Je ne veux pas le savoir, je ne veux pas m'en mêler, je n'ai aucune compétence à ce sujet », veut ainsi dire Pilate en déclinant toute responsabilité.
Mais avant de participer au repas mystique .. les apôtres doivent être ramenés à leurs normes ontologiques. Christ .. guérit ainsi la plaie de l'humanité, dont symboliquement les pieds sont porteurs, car ils potentialisent l'être malade tout entier.

« De la plante du pied jusqu'à la tête, rien n'est en bon état. P.115 Ce ne sont que blessures, contusions et plaies vives qui n'ont été ni pansées, ni bandées, ni adoucies par l'huile » (Isaïe,I,5-7) .

Mais Christ confirme à l'apôtre Pierre la nécessité de guérir ,la bessure en lavant les pieds seuls : « Si Je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » .

C'est dans le même sens que Moïse reçoit l'ordre d'enlever ses chaussures devant le buisson ardent. Ce dernier, symbole de l'Arbre deVie qu'embrase le Feu de Vie, le Feu qui ne consume pas, est enraciné dans une terre pure. Aucun corps étranger ne doit séparer les pieds de l'Homme de la terre-mère.
Les musulmans restés conscients de cette tradition, se déchaussent en entrant dans la mosquée. C'est aussi pieds nus que s'accomplissent dans les différentes traditions les mystères initiatiques. Cette nudité physique implique le dépouillement psychique et spiritue1 de l'être.

Le dépouillement exige le dépôt de tout fardeau au pied de l'Arbre. C'est ainsi que l'homme désirant reprendre contact avec celui dont il a été séparé par une erreur vient « se jeter aux pieds » de ce dernier. C'est le geste de Marie-Madeleine .. Elle est l'Humanité. .

Marie-Madeleine pleure ; elle mouille de ses larmes les pieds du Christ, les essuie de ses cheveux et les oint de parfums.
.trois nouveaux symboles : les larmes, le parfum et les cheveux, dont chacun fera l'objet d'une étude ..
N'est-ce pas cette même femme .. qui, au soir de la passion, répand sur la tête du Christ « un parfum de nard pur de grand prix » (Marc, XIV, 3) ?

Des pieds jusqu'à la tête le corps entier est devenu parfum. P.117