ARÈS LE GUERRIER, LE DANSEUR ET LES APHRODISIA

.e sang rouge et le sang blanc

(( Chaque fois que la conscience s'emprisonne dans des concepts définis et trop nettement délimités et qu'elle s'enferre dans des règles et des lois qu'elle a elle-même édictées. La nature se manifeste avec ses exigences qu'il n'est pas possible d'ignorer. Qng C.synchronicité et 'aracelsica, Pë

 

Mots clefs : Conllit. Démesure ( Ubris). Émotion. Guerre. Sexe. Sang. Sperme. Métis.

 

I Quelques textes de la mythologie grecque

 

es épithètes d'ardent, de puissant, d'insensé, de tête à l'évent, de sot et bien d'autres pleuvent sur lui et ne l'affectent pas. Sé ns distance vis-à-vis des événements, il court d'un bout à J'autre des champs de bataille. Nc

.a blessure au ventre

La blessure au cou

Hymne à Arès

 

II L'atmosphère d'Arès. Émotion et explosion

 

Mythologie

 

: »ils unique d'un couple, Héra et Zeus, qui le déteste ou fils parthénogénétique d'une mère furieuse et rivale du père, ArE rès est figure jaillissant de l'ombre des Olympiens. Point ici de distance froide ou de ruse ourdie on secret, apanages de son père ; point non plus de territoires, réservés à Poseidon, Hades et Zeus. Mais Arès, c'est l'énergie,  le feu, l'entreprisE, l'ardeur, la présence immédiate et bouillante. Ses animaux symboliques sont le Loup, le Bélier et le Pic-vert.

 

Merge aussi une série de symboles : la lance, l'épée, la cuirasse, e char. De même des compagnes aux noms sonnants : Deimos, Phobo Éris et Ényo (la Crainte, la Terreur, la Discorde et la Guerre). « «  « ais aussi es oppositions tendues sur fond d'analogie ; avec Athéna, alliée pour la circonstance à Héra, avec Zeus, avec Héraclès. Voire encore de fugaces Arès n'intervient que dans les conditions suivantes : à la lumière, du printemps à l'automne, et de jour.

 

\rès affronte les épreuves, élevé qu'il fut J :ar Priape. C elui-ci, avant l'art de la guerre, lui a appris celui de la danse. Ii fut fut sauvé, par Hermès, e l'emprisonnement dans une jarre, pris au filet d'Héphaïstos, b ;elsé :ar Diomède, dépouillé de ses armes et en proie aux remontrances d'Athéna, au nom du sang familial.

 

\rès hurle, et, dit-on, son cri fige la bataille (H On le voit surgir dans la confrontation, la joute et la bagarre. Bri ûlant, les 'TlUscles tendus, le feu dans le sang, il dépasse parfois la mesur~. Il va jusqu'à affronter la toute- puissance de Zeus pour venger ses enfants belle, il ose - et c'est bien le seul dénoncer l'iniquité. Le plus dépourvu de ruse, il est quelquefois victime :le l'Ubris (la démesure) du poltron qui le vainc .non au combat mais par de tortueuses paroles et l'emploi d,e Faux SerI ;erments «  (\

 

;es conquêtes se font aux limites de la Nuit, Nyx, avec la terreur de nber sans fin et d'être agité dans toutes les directions, ou alors d'être irnrnobiJisé, paralysé, privé du pouvoir de déplacement instantané. Les imagES de Ny » du Tartare, du filet d'Héphaïstos et de la jarre surgissent : prison de l'incommensurable inconscience, dirions-nous rI18ge de la jarre aussi ; prison de la pétrification comme peur du sang versé ou de la vaine attente sans butin. Audace à affronter le fél11inin, à courir aussi le risque du grotesque (être vu nu en coït, suer dans la danse), voire dans l'archaïque (le risque de la souillure par les rnenstnes). Eues savent, les femmes de guerriers, le prix qu'elles font payer à ceux qui les ravissent. Elles connaissent l'enjeu : il devra affronter l'irréductibilité du féminin, celui-là qui veut les faire siennes, accepter la blessure de l'âme et la limite du corps.

 

Arès et le sang rouge 

 

Les héros sont « amants d'Arès ». Ils ont la force, pas d'espace, l'énergie de l'émotion vive, le temps de l'immédiat (Humbert E.)

Autour du sang, danse la ronde des interprétations défensives : sang qui se perd dans la terre, sang qui fascine, donne le vertige, souille, fertilise ou stérilise, sang-souffle, sang-vie, sang-âme. Pour se prémunir de la contamination de cette dangereuse substance, l'homme a recours à des rites, des sacrifices, des tromperies et des mensonges ( «  l'animal sacrifié est proclamé consentant. ce n'est pas moi qui ai versé le sang, c'est mon ennemi, mon  voisin, l'autre.»).

Dans les textes, la démesure se retrouve souvent dans la condamnation unilatérale d'Arès, parce qu'il rend présent l'irrationnel. Serait-ce la peur de la chair, de sa puissance et de sa fragilité ou alors la fascination pour le sang qui, dans un contexte judéo-chrétien occidental, induirait P.129 certains auteurs à décrier ce dieu ? «  Arès, c'est l'esprit de la bataille qui se réjouit du carnage et du sang » ( GrimaI P.)

C'est bien de la chair et du sang qu'il s'agit, donc de la naissance et le la mort. Roux, pour sa part, précise son point de vue : « Ares, dieu violent et engrosseur, né de la seule Héra, engendré sans semence masculine, marqué de la souillure féminine qu'aucun élément mâle n'est venu tempérer et, dès lors, comme Athéna, dévoué à la guerre, mais à une guerre sauvage, à celle qui conduit aux folies meurtrières » 

Ce sang qu'il faut cacher car il rappelle la mort, c'est celui d'Ouranos. Il se répand sur la terre et les Erinyes en naissent, vengeance du sang. Il est témoin des Serments et, s'ils sont rompus, il sera totalement répandu et non parcimonieusement compté. Par le sang ou par le Styx, on jure. Du corps des dieux, seul coule l'ichôr, la substance divine. Mais chez les hommes, seul compte le sang, et, par-dessus tout, celui de ceux qu'on soupçonne d'entretenir des rapports privilégiés avec l'invisible : souverains, hauts dignitaires religieux, prêtres. Ainsi arrive-t-il que les couples, au moins pour un instant, éprouvent l'ineffable. La mort paraît tentante, parce qu'ils ont, croient-ils, atteint le sommet du bonheur ou du plaisir, voire de la jouissance.

Dans les interactions quotidiennes, les rites autour des menstrues persistent et insistent. Les enfants naissent dans le sang. Les familles et les petites communautés se fondent autour du même sang. L'exogamie pourrait avoir pour origine le fait que le sang étranger est moins dangereux à verser. Mais c'est le sang de la première fois, celui de la vierge qu'on déflore, qui est le plus dangereux. De nombreux rites de mariage l'attestent. Et si les femmes sont appelées chiennes, à Athènes, c'est par métonymie, par analogie de partie : les chiens lèchent le sang. Un sang qui coule, mystérieux et fascinant, du sexe des femmes.

Arès est lié à l'angoisse fondamentale des Grecs devant la mort amechanos, celle avec laquelle on ne peut pas ruser, angoisse d'être agité dans toutes les directions, sans fin.

 

Arès et le sang blanc 

 

Le sperme participe à la fascination par les humeurs qui coulent du corps. De la continence destinée à garder ses forces à la castration pour obtenir la toute-puissance, il ya continuité de liens parcellaires, métonymiques. Le fils-amant de la Grande Mère est castré mais participe à ses pouvoirs occultes. L 'homme continent s'affirme plus fort que le désir. Celui qui ;larde son sperme evite la souillure par le sang des femmes. S'ouvre ici une contrée obscure des rapports hommes-femmes, qui ne se laisse pas capter par les mots mais pressentir dans le clair-obscur des éprouvés subliminaires.

 

Arès et la danse

 

Priape, fils d'Hermès, est tuteur d'Arès. Il commence par lui apprendre la danse. Partout les rituels de combat s'apparentent à la danse. . Lorsque Arès est impliqué dans une histoire d'amour, c'est en passant, comme en dansant. II est l'amant d'Aphrodite, non son mari.

À propos de la transe, Platon, .., décrit les deux mania : l'une relevant d'une maladie humaine, l'autre due à un état divin « qui nous fait sortir des règles coutumières » Cet état, il le divise en quatre sortes de mania différentes : la « mantique », inspirée par Apollon, la « télestique », par Dionysos, la « poétique » par les Muses, et enfin l'« érotique », par Eros et Aphrodite.

Du point de vue psychologique, l'énergie est celle qui monte dans la proximité émotionnelle  et sensuelle des corps. Elle passe de l'un à l'autre, tel l'Arès de l'Illiade, sans choisir de camp. Elle confronte le couple à ses limites. Dans la joute amoureuse ou le corps à corps, elle mène les amants aux frontières de ce qu'ils connaissent de leurs corps. Et ce, avec les dangers que cela comporte, les excès auxquels ces incursions dans le domaine de l'inconnu et de l'inconscient des corps peuvent mener. C'est le moment de se souvenir de la nécessité d'un rituel qui contienne et permette ces états particuliers. Le danger d'Arès est semblable à celui de la possession, de la transe non ritualisée. Son côté positif est sa participation physique et émotionnelle intense. C'est cette dernière qui lui donne une force prodigieuse.

Dans les thérapies, les corps en présence, ceux des partenaires et ceux du thérapeute s'affectent les uns les autres sans qu'il soit nécessaire qu'ils se touchent. Le mouvement de l'un engendre un écho chez l'autre et inversement. C'est le domaine d'étude de la proxémique qui décrit comment les gestes et les postures des personnes en présence ponctuent leur échange et l'infléchissent, sans qu'elles en soient conscientes. L'image est celle d'une danse des corps, entre partenaires du couple, mais aussi avec le thérapeute. La participation mystique de Jung, P.131 ou, si l'on préfère, l'identification projective de Bion, sont les termes actuels pour exprimer ces énergies qui passent d'un corps à l'autre sans les mots.

Le terme « contenant », utilisé par Bion, pourrait être une résurgence de la notion de la jarre, celle où le danseur fut enfermé treize mois. Celle aussi qu'ouvrit Pandore, laissant s'échapper tous les maux. Un des principaux privilèges des dieux, c'est leur pouvoir d'ubiquité, de déplacement instantané. Sa perte, par l'enfermement par exemple, est le fait d'Hypnos, frère jumeau de Thanatos, ou encore celui de l'enchaînement ou, dans le cas d'Arès, de l'enfermement dans une jarre.

 

Arès et le feu 

 

Le feu, rouge comme le sang, brûle ou cuit. Il libère les parfums, nourriture des dieux, symbole de la sublimation. «  Sans le feu des émotions, il n'est pas de transformation d'obscurité en lumière et d'inertie en mouvement » (Jung)

Le feu est aussi ce qui éclaire la nuit, ce qui permet d'affronter les terreurs nocturnes et les bêtes sauvages les limites de la cité et celles de la conscience. C'est l'arme de conquête, dérobée certes aux Olympiens, mais qui permet d'explorer ce qui est hors des limites connues, le royaume de Nyx. Le Héros prométhéen amène ainsi aux hommes de nouvelles connaissances que, tel Épiméthée, ils ne comprendront qu'après coup.

Le feu des Alchimistes, habilement manié, tantôt vif, tantôt modéré, transforme ou métamorphose. Instrument de la transmutation, il image la mise en mouvement de l'énergie entre les êtres. Il était représenté par l'élément Sulfur, le soufre qui évoque la substance chimique inflammable, et, par jeu de mot, la souffrance. En termes modernes, nous parlerions de la circulation de l'inconscient entre deux personnes, ou encore d'effets de transfert qui ravivent des souffrances passées. Quelques fois, lorsque l'être est touché à vif, le feu lui monte aux joues. Est-il besoin de citer ici l'érythrophobie et ses rapports à la rage ou la colère ?

 

Arès et le bélier

 

En Grèce, la guerre se faisait le jour, à la bonne saison. Arès se fête au printemps, sous le signe du Bélier, signe de feu, comme le sang du guerrier qui bout ou fume lorsqu'il est répandu. C'est le feu originel, à la fois destructeur et créateur. Son symbole est un « V » ouvert, qui évolue dans le signe du taureau en « U ».

Le bélier est aussi la machine qui permet d'abattre les portes et les murs des villes assiégées, qui sont symboliquement la carapace des collectivités.

 

Arès, le bronze, le bruit et la démesure ( Ubris)

 

Arès est associé à l'airain, le bronze des anciens. Le lien évoque l'armure mais aussi le vacarme des armes entrechoquées. Chez les Grecs, le ciel est de bronze, à l'image des portes fermées par Poséidon sur le Tartare.

La race de Bronze, selon Hésiode, est démesurée. Son Ubris, exclusivement militaire, consiste à ne vouloir connaître que la lance et non la loi. Vernant écrit : «  Entre la lance, attribut militaire, et le sceptre, attribut royal, il y a une différence de valeur et de plan. La lance, normalement, est soumise au sceptre. Lorsque cette hiérarchie n'est plus respectée, la lance exprime l'Ubris comme le sceptre la Dikè. Pour le guerrier, l'Ubris consiste à ne vouloir connaître que la lance, à se vouer entièrement à elle. La race de bronze succombe à la guerre, les uns tombant sous les coups des autres.

Arès et les guerriers sont, selon Hésiode, porteurs d'Ubris ( orgueil ou démesure), en opposition au Basileus et au paysan soumis à la Dikè (mesure, loi). Ce point de vue d'Hésiode se comprend dans le cadre de la pensée antique et de son contexte historique : la nécessité, pour Athènes, de justifier la cité et ses lois, et donc de fonder sa légitimité sur le mythe. Dès lors, Arès est le plus décrié des dieux.

 

Arès et l'artisan

 

Les rapports entre Arès et Héphaïstos sont liés au bronze. De bronze est la demeure d'Héphaïstos, mutilé des pieds comme son grand- père Ouranos a été castré. En opposition à Arès, dépourvu de ruse, Héphaïstos est dit « klutomêtis » et « polumêtis »,  plein de ruse. Pourtant, la déesse Athéna qu'il désire se refuse à lui. Son sperme répandu féconde Gaia : il en naît Érichthonios, premier roi guerrier d'Athènes.

Sur le plan psychologique, Héphaïstos apparaît comme l'ombre évoluée d'Arès. Là où le guerrier est sans mesure, l'artisan qui a su s'aguerrir contre les moqueries et le rejet parental (Zeus et Héra détestent Héphaïstos) s'inscrit dans le temps de la création.

Quelle était la composition de l'airain ? Il était formé d'un mélange complexe de minerai de cuivre, mis en fusion, auquel on ajoutait de l'étain. De nos jours,  il contient en outre une certaine proportion de zinc, de plomb ou d'autres métaux. Selon sa composition, il est plus  ou moins malléable ou cassant.  P.133

 

Arès, ombre de Zeus et des Olympiens

 

Zeus est petit-fils d'Ouranos, son grand-père châtré. Fils de Cronos, qui avalait ses enfants, et ayant lui-même pris la place du père, il ne peut que se méfier d'Arès. Les textes grecs illustrent la difficile relation entre Zeus et Arès en donnant deux versions de sa naissance : par parthénogénèse ou des ouvres de Zeus.

Zeus dit à Arès :  « .de ta mère.,. tu tiens la hargne insupportable que moi j'ai tant de peine à vaincre avec les mots. »

Zeus est un tyran. Il a pris la place de son père. Il a confisqué Métis (la ruse) à son profit, s'assurant ainsi la pérennité du pouvoir. Vernant le décrit ; « En inaugurant un monde où chacun jouit de ses privilèges sans craindre jamais d'en être dépouillé, le vainqueur de Cronos fonde en même temps la loi qui légitime l'exercice immuable de sa souveraineté ; il confisque à son profit la seule force [Métis] qui pourrait remettre en cause le partage du pouvoir, et lui confie le soin de maintenir le système d'écarts différentiels que constitue, d'une certaine manière, le panthéon soumis à son autorité » 

Zeus se tient à distance. Il décide sans examiner les circonstances. Son pouvoir se fonde sur l'usage de la foudre, l'attaque éclair, de loin, de plus loin que l'arc, mais aussi sur Styx (le fleuve des enfers), enfant de Nyx (la nuit), par l'Horkos (le Serment solennel), et, enfin, sur les mots. .

Il existe une opposition analogue Arès-Athéna. Athéna, fille de Zeus, née de sa tête, vierge de toute trace du maternel, est dévouée au père des dieux. Elle est l'ombre ou le surgeon du couple Zeus-Métis. Entre Athéna et Arès, l'opposition est de distance-proximité, d'obéissance -révolte. Athéna fait appel à la menace des Erinyes, donc à la loi de consanguinité, pour arrêter Arès lorsqu'il veut, malgré l'ordre de Zeus, se lancer dans la bataille pour venger son fils. Arès s'y soumet, provisoirement du moins, lui qui espère sans doute toujours n'être plus rejeté mais reconnu.

Archétype du rebelle, Arès répond par la désobéissance au rejet qu'Héra lui témoigne, ce qui lui vaudra d'être frappé par Athéna d'une pierre au cou.

Arès deviendra, dans le contexte romain, le dieu Mars, celui qui protège la cité et détruit les structures vieillies.

 

Arès, agressivité ou agression ? Le chaud et le froid

 

L'effort grec est fait de mesure et de distance, et ce grâce aux mots. Il ne pouvait dès lors que se méfier d'Arès, trop porteur d'émotion et de fusion. Cette méfiance s'est perpétuée jusqu'à nos jours sous forme de l'interprétation systématique d'Arès comme être violent, néfaste et démesuré. Pourquoi ? Parce qu'on ne fait généralement pas la distinction entre agressivité et agression. La première résulte d'une affirmation de soi face à l'autre : deux partis s'opposent. La seconde, c'est attaque à l'intégrité de l'autre ; exercice de toute-puissance sur lui et irrespect de la loi.

La langue française distingue agression - attaque faite sans provocation - et agressivité - qualité de celui qui est porté à attaquer -  L'importance des provocations dans l'Iliade devrait empêcher d'utiliser le terme d'agression à propos d'Arès.

Un dieu de la proximité, qui n'appartient à personne, n'est certes pas le préféré de celui qui prétend imposer la loi au nom des destins ou des principes. Arès intervient lorsque la vie est figée par une distance excessive entre deux clans, deux opinions, deux manières de faire.

 

Le point de vue psychologique

 

Dans notre civilisation qui insiste sur le contrôle et la mise à distance, Arès reprend un aspect positif : ramener le contact chaleureux, là où la distance et les contrôles rigides, voire pervers, ont stérilisé la vie. Les liens d'Arès avec les artisans montrent sa place comme protecteur des « enfants », c'est-à-dire du devenir.

Arès intervient chaque fois que la distance excessive risque de faire retomber l'action dans une routine répétitive. Il remet les énergies en branle. Arès représente le retour du refoulé, dans un contexte de distance excessive. Il est le seul qui ose affronter Zeus lorsque celui-ci se conduit en tyran. Dans la perspective de peuples dirigés par des rois, la rébellion liée à la figure d'Arès ne pouvait pas être évoquée positivement.

Fils rejeté, Arès a par ailleurs des qualités : il défend sa progéniture ; il est chaud et émotionnel. Arès représente l'émotion masculine, qui est musculaire et adrénalinique et qui s'inscrit dans le mouvement immédiat et l'instant d'enthousiasme où la force se démultiplie, où, selon la belle expression de Robert Bly, l'homme est « endieué ». P.135

Refoulé dans un monde obsessionnel, il surgit avec les caractéristiques de l'Ombre : l'irruption et le tout ou rien. Il est moteur de changement. Il partage avec Aphrodite la qualité de l'instant. C'est pourquoi on dit de lui qu'il est son amant.

Dans le cycle d'évolution du masculin actif et héroïque, Arès trouve sa place et son opposition au masculin passif, institutionnalisant, représenté par Zeus qui se tient à l'écart, édicte froidement des règles et manipule les autres.

 

Arès, Freud, la névrose obsessionnel le et la psychanalyse

 

Le christianisme a développé pendant des siècles l'art, l'éthique et  proposé des idéaux de spiritualisation élevés, que nous ne pouvons écarter d'un revers de plume, mais ce fut au prix d'une dévalorisation du corps. Dans l'ombre du christianisme, le déni de la vie dans sa liberté, tout comme la suspicion systématique du sujet ont refoulé les pulsions. . l'Occident chrétien rationalisant a progressivement abouti à rendre coupables toutes les impulsions de l'âme. La faute serait de ne pas obéir au pouvoir. Or ce pouvoir a été pris, au nom de la raison, et peut-être aussi du contrat d'alliance entre Dieu et les hommes - notion sémite par excellence - par ceux qui, à distance et de loin - comme Zeus ou Jahweh, manient les mots.

Durant certaines périodes de l'histoire s'installe un mépris, ou pire un déni des pulsions au profit du rationnel. Un tel déni entraîne le refoulement de tout ce qui est non mesurable, donc de l'irrationnel et de la sensualité. Ceux qui dominent le monde se prennent alors pour des Olympiens. Leur volonté de tout maîtriser n'a d'égal que leur manque de courage physique et de sens de la vie. Ils méprisent les émotions autant que l'instinct guerrier. Fascinés par l'apparence de pouvoir qui résulte de leur emprise technique, ils ne voient pas qu'ils projettent sur les êtres chaleureux leur propre ombre, à savoir leur violence inconsciente et sans frein. Jusqu'au jour où se produit un retour du refoulé, sous forme d'un monstre surpuissant : les tueries en témoignent.

Lorsque la pulsion est refusée au nom du projet, d'un programme de vie ou des règles d'un Etat, le conscient construit un Surmoi implacable, qui se veut rationnel et n'est que rationalisant (ratiocinant, voire même ergoteur). Il se borne à une notion linéaire du temps. La pulsion ou l'impulsion prennent alors la forme de la compulsion, type de conduite que le sujet est poussé à accomplir par une contrainte interne. et dont le non-accomplissement est ressenti comme devant entraîner une montée d'angoisse. Une névrose obsessionnelle est ainsi créée, qui trouve ses racines dans l'inconscient occidental.

Cette névrose résulte d'une surcompensation de la difficulté de gérer les émotions. Dans les moments de régression, l'aspect oral d'Arès ( il crie, hurle au combat ou lorsqu'il est blessé) resurgira. Il se heurtera à l'agressivité anale, contrôlée et contrôlante. Arès n'était-il pas arrêté par Athéna, dans les récits homériques, lorsque son émotion dans le combat débordait le champ de la mesure ?

Nous savons que Freud se méfiait de l'irrationnel qui pouvait même, paraît-il, le terrifier. C'était une des sources de tensions entre lui et Jung. . Bergeret a .. relevé .. la dénégation freudienne de la violence comme force vitale indispensable à la vie. Peut-être en retiendrons-nous la nécessité de distinguer entre force vitalisante, animante dirions-nous, et violence néfaste.

Relevons enfin que les liens entre pulsion agressive, pulsion d'emprise et désir de posséder restent obscurs dans la théorie psychanalytique. Par contre, le mythe énonce avec clarté qu'Arès n'est propriétaire de rien, sinon de l'instant : il n'a aucun territoire en apanage.

 

Arès, Jung, l'alchimie et le surgissement de l'Ombre

 

Quels repères Jung peut-il nous donner ? Il a insisté sur le danger, pour l'homme occidental, de refouler l'irrationnel, l'âme. Il a décrit la recherche des Alchimistes, leurs intuitions archaïques de l'influence de l'inconscient sur le conscient : le travail de l'alchimiste était « une certaine libération de l'âme de la prison corporelle »

Les Alchimistes parlaient de l'Arès comme d'un principe de structuration des formes individuelles. En termes actuels, on parlera d'une force créatrice préconsciente. Elle se manifeste comme le Sulfur, énergie masculine, proche du mercure. Paracelse parle d' « un objet instable et émotif, qui n'est que trop enclin à participer à la turbulentia corporis » 

Pour les Alchimistes, il fallait isoler ce composant turbulent, le multidistiller dans le pélican.

En termes psychologiques, il s'agit de prendre le temps d'accueillir les contenus qui surgissent de l'inconscient et de les observer. Ensuite, il faut examiner l'effet d'une réapplication à l'inconscient de ces contenus devenus conscients. L'émotion se retourne en quelque sorte sur elle-même, ce que l'alchimie décrit dans l'image du Styx enroulé neuf fois sur lui-même ou celle du pélican en laboratoire, utilisé pour la multi-distillation du même produit. Chez Paracelse, l'Arès, c'est l'énergie de mise en forme, celle qui, dans la rencontre amoureuse avec Mélusine, Eau et Feu, libérera la lumière enfermée dans la matière, c'est-à-dire l'intelligence du corps. P.137

L'Arès est, avec Aphrodite, capacité de maintenir une relation chaleureuse entre deux parties opposées ou deux opinions contraires, ce qui est déroutant aux yeux de ceux qui croient détenir la vérité. Une personne identifiée à cet archétype risque de prendre des coups des deux côtés, les uns et les autres lui reprochant de n'être pas d'un seul parti.

L'Arès donne une forme, un contour, à ce qui n'est ni figé ni unilatéral. C'est donc, comme l'écrit Jung, l'énergie d'individuation en germe, l'émergence à la conscience de l'influence du Soi inconscient. Nous savons qu'un contenu inconscient se scinde en opposés lorsqu'il devient conscient. Comment résoudre cette opposition ? Avec quelle énergie pouvons-nous aborder le conflit qui se prépare ? Il s'agit d'ouvrir, et de maintenir, un espace de création entre deux ennemis, deux antagonismes. Plutôt que de rester dans une tension statique entre contraires (pétrification - Méduse), ou de cliver entre les deux (Zeus - la foudre), on créera un Temenos, un vase alchimique. A l'intérieur de celui-ci, l'Arès maintient en contact les partis en présence. Dès lors, l'esprit d'Hermès (qui est la capacité de voir les événements avec une autre perspective) fera évoluer les problèmes.

D'un point de vue apollinien ou rationaliste, la tension entre opposés n'évoluera que vers un état de plus en plus dégradé, par augmentation d'entropie. Or, durant la transformation, se présenteront des moments non prévus par la logique newtonienne, moments qui contiennent en germes des probabilités imprévisibles, des voies d'évolution inattendues. On les nommera « sauts logiques ». Ils ne se présenteront que si la tension entre les opposés est maintenue par un effort de la volonté consciente.

Mais ce n'est pas si facile. En effet, lorsque l'émotion, ou l'excitation, prend des allures d'explosion exponentielle et fonctionne en feed-back positif, l'instinct débridé devient jouissance de l'instant, prend le dessus sur toute autre considération et nous fait côtoyer la mort. JI s'agit donc Jien d'une opération risquée. D'un autre côté, Jung précise : «  Ce qui du monde intérieur, n'est pas pris en considération par la conscience revient au sujet, dans le monde extérieur, sous forme de destin. » Entre le Charybde de la rupture et le Scylla de la fusion, individus et couples chercheront une troisième voie.

Tentons ne clarification au plus proche des difficultés quotidiennes. On a tous rencontré des personnes qui, vues de l'extérieur, avaient des comportements odieux. Elles paraissaient investir le meilleur de leurs forces à se rendre abominables. Leurs comportements exécrables semblaient viser leur propre exclusion. Et, malgré tout, celle-ci ne se produisait pas ! Comment expliqueriez-vous cette étrange affaire ?

Prenant du recul, nous apercevrions peut-être le contexte suivant, présenté en forme d'hypothèse. Nos compères sont pris au piège d'un système clos, groupe, couple ou famille, voire même entreprise ou institution. L'agressivité nécessaire à s'échapper leur manque. Elle fut rabotée dans leur enfance par des parents inconscients qui, oublieux de leur devoirs, ne les ont point traités comme sujets à rencontrer mais comme objets à posséder. Dès lors, ils ne peuvent ni fusionner, ni se séparer, l'Arès n'étant pas disponible. L'inconscient a pris le relais. Tout se passe comme s'ils cherchaient à se faire vomir par la bouche familiale ou groupale qui les tient au pouvoir de ses mâchoires. Cela n'évoque-t-il pas l'histoire de Cronos vomissant ses enfants ?

À propos du couple intérieur, Jung écrit : « l'union de la conscience (sol) avec sa contrepartie féminine (luna) a d'abord un résultat indésirable : elle produit des animaux venimeux . Cela ne peut provenir que de la présence chez l'un des deux parents d'une obscurité mauvaise qui est mise en lumière dans les enfants, comme cela se voit souvent dans la vie humaine » 

Certaines impulsions qui contraignent l'individu à chercher sans  cesse de nouveaux partenaires sexuels, vaine tentative de se faire rejeter par un conjoint éventuellement jaloux, auraient une origine analogue.

Qu'en est-il, à présent, dans le processus d'évolution des couples ?

Fils rejeté, Ombre de la prise de pouvoir du couple parental, Arès illustre l'énergie qui anime les couples lorsqu'ils mettent en cause les règles établies par leurs parents. La joute amoureuse et les disputes les ont confrontés à l'indéterminé des sensations, au chatoiement des émotions. La conquête de leur individualité implique désormais d'accepter la perte de fusion avec la génération précédente et la non-jouissance des privilèges de celle-ci.

Le processus de couple n'est pas linéaire. Il progresse par bonds, surgissements, irruptions, transformations et métamorphoses. Les partenaires en sont surpris. L'énergie courageuse d'Arès et la fluidité d'Hermès circulent entre eux. Face à tous ces aspects, il arrive parfois que le Moi freine le processus et cherche à s'accrocher aux anciennes structures.

Arès en tant que moment, instant, n'est jamais  inscrit dans le temps rigide de la perversion. Au contraire, il anime chez les partenaires le désir de se rapprocher. Sans ce désir, qui voudrait courir le risque d'entrer en relation ? Mais pour qu'un couple se stabilise, il faudra des énergies différentes.

Plutôt que de s'accuser l'un l'autre, d'immobilisme ou d'activisme, les partenaires pourraient devenir conscients de leurs frustrations d'origine. C'est du couple parental qu'il s'agit : «  Le véritable facteur de séparation entre la mère et l'enfant n'est pas le père, mais bien le désir, le désir pour le couple de se retrouver en dehors de l'enfant » (Humbert E ) P.139

Les qualités agressives masculines ont été souvent décriées. La frustration d'être séparé, de ne pas fusionner, est projetée sur l'homme, décrit comme toujours prêt à s'enfuir ou, au moins, à refuser de s'engager. Peut-être la prise de distance excessive qui caractérise certaines personnes est-elle vengeance d'une séparation trop précoce ou trop dure d'avec la mère ? 

Il arrive, d'une part, que l'homme tienne la femme à distance par peur de la fusion ou de la dépendance réciproques. D'autre part, il arrive de même que l'animus.. retienne l'homme au loin. S'agirait-il d'une rétorsion d'anciennes froideurs excessives des parents vis-à-vis de l'enfant ? Par-dessus la tête des partenaires et sans qu'ils s'en rendent compte, il arrive que des complexes inconscients entrent en conflit. Celui-ci oppose une demande féminine de relation intense et instantanée et une volonté masculine, froide et stratégique, de garder le pouvoir. Il s'agit d'une des portes d'entrée dans la perversion. Ou encore, a-t-on affaire à une collusion  entre hystérie et névrose obsessionnelle.

La réflexion nous fait entrevoir qu'au-delà du couple de vie, c'est du couple intérieur dont il est question, c'est-à-dire d'établir l'harmonie en soi-même, de s'individuer.

 

Couple en thérapie

 

Quelles propositions pouvons-nous formuler pour les thérapies de couple ? Le thérapeute permettra aux partenaires du couple de réinvestir l'énergie de lutte (Éris), celle des disputes stériles, dans la construction d'un nouveau système-couple. Celui-ci devra permettre à chacun d'affirmer son identité et de poursuivre sa quête d'individuation.

Sans Arès, certains thérapeutes risquent de devenir, pour leurs clients, des tyrans qui s'ignorent. Ils s'autolégitiment  avec leurs théories au lieu de chercher la liberté du couple ; la thérapie devient attentiste ou interminable. Les thérapeutes attentistes s'accrochent à une position dite analytique, avec un silence glacial, et médusent le couple. D'autres exploitent le désarroi du couple pour le lancer dans une lutte de pouvoir, au nom de la suprématie d'un sexe ou d'un genre sur l'autre, à moins que ce ne soit au nom de la suprématie du couple sur l'individu. ou l'inverse.

Quels risques courent les Arès ? Arès est le plus dépourvu de ruse ( métis) de tous les dieux. En effet, le guerrier du premier rang tout comme la personne en proie à une émotion ne sont pas sans cesse sur leurs gardes. Les machinations et les paroles torses peuvent aisément les piéger. Mais le rapport amoureux exige au contraire une aimable confiance dans le partenaire. Dans les couples, la vigilance de tous les instants, qui est la trace de douloureuses blessures infligées autrefois à l'enfant ou l'adolescent, empêche l'abandon réciproque. L'absence de confiance ne laisse aucune place à une curiosité émoustillée pour le corps de l'autre, pour ses réactions, pour son comportement.

Tous ces pièges ont une origine soit chez l'homme soit chez la femme. II s'agit parfois de volonté consciente, comme chez les pères qui tyrannisent  leur famille. Zeus imposait un ordre aux Olympiens sans autoriser le développement de leur propre métis. D'autres fois, l'origine des problèmes se situe dans l'inconscient. Ils sont générés par des éléments masculins refoulés et illustrés par Typhon et les autres Monstres. Pour rappel, ceux-ci furent engendrés par Gaïa lorsqu'elle perdit son statut de toute-puissance unique et bisexuée.

 

III L'homme Arès

 

L'influence de l'archétype du guerrier se manifeste, dès la prime enfance, par l'intensité de ses réactions physiques et émotionnelles, ce qui ne manque pas de perturber ses parents. Nourrisson, il hurle et proteste avec la dernière énergie pour obtenir ce qu'il veut. Plus que d'autres enfants, il lui faut tout et tout de suite. La frustration le laisse inconsolable, mais il l'oublie vite dans les bras d'une mère chaleureuse. Il se lance tête baissée dans n'importe quelle expérience, confiant dans ses moyens physiques.

Enfant rebelle, il sera volontiers indiscipliné et bagarreur. La mère affligée d'un tel rejeton sera d'ailleurs vite experte en pansements. Les théories l'ennuient, les sports l'enthousiasment : il s'y adonne avec fureur. S'il apprend, c'est par expérience directe. Malheur à la mère faible dont il deviendra facilement le tyran, surtout en l'absence du père.

Malheur aussi à cet enfant trop vif, si son père est froid et légaliste. Un tel père pourra d'autant moins le comprendre qu'il a lui-même abandonné une partie de sa spontanéité, comme le font beaucoup d'hommes  pour être acceptés dans une société qui valorise la distance et le contrôle de soi. La relation entre un tel père et son rejeton sera faite, au mieux, d'incompréhension, voire de rejet. Au pire, le père deviendra punisseur et abuseur, d'autant plus facilement que la violence vitale du fils le confronte à ses propres émotions, autrefois refoulées, et resurgissant avec force.

Remarquons que, pour survivre à l'abus, les enfants répriment leurs propres sentiments de terreur et de désespoir. Une dissociation s'impose à eux. Une fois adultes, ils sont incapables d'empathie à l'égard de leurs propres enfants et en abuseront parfois. La participation à un groupe d'hommes peut aider un Arès à se dégager des rages et désespoirs laissés par les abus dont il a été lui-même victime dans l'enfance. P.141

\dolescent, il se heurtera à la loi, car son moyen de connaître les limites, c'est de les outrepasser, quitte à subir brimades et rebuffades. Ses professeurs le croient provocateur à cause de l'intensité de ses réacons. S'il n'apprend pas à réagir avec plus de réflexion, ses condisciples risquent de le fuir. Alors qu'un être plus froid et rationnel peut être heu reux dans la distance et la solitude, un Arès a besoin de proximité, de groupe, de chaleur et de camaraderie. Qu'on le rejette et le voilà plongé Jans le chagrin le plus intense.

Adulte, il sera l'homme des réactions passionnées, pris dans l'ici et maintenant. Son imprudence /' exposera à de crue/les déconvenues. Sa haine de la paperasserie n'aura d'égal que son goût de tout ce qui est stimulant : l'agitation, le bruit, et même la bagarre. Contrairement aux Olympiens pour qui la guerre est un jeu, j'Arès s'y adonne à fond, Comme à tout ce qu'il entreprend.

Amant, il est homme des grands appétits, des sensations physiques ntenses, mais sans la dimension mystique OU extatique des dionysiens. Arès protège les enfants, dût-il affronter Zeus lui-même. Il est homme  de .engeance immédiate, mais sans rancune. Certains hommes, que leur tête dirige, refoulent dans leur corps leur caractère guerrier, avec pour :onséquence une hypertension artérielle.

Le caractère et la réussite de la vie d'un tel homme dépendent es.sentiellement de ses expériences d'enfant et d'adolescent. Doté d'une mère chaleureuse, qui lui donne de l'espace et des limites, et d'un père compréhensif, /' Arès fera montre de qualités d'entreprise soit dans le domaine physique, soit dans le domaine créateur. S'il travaille en entreprise, sa volonté de vérité et son manque de diplomatie pourraient être cause de licenciement. Il peut aussi avoir quitté l'école trop tôt, parce qu'il ne supporte pas la bureaucratie ou l'autorité.

)ans ses relations aux femmes, il plaît par sa nature intense et sensue lIe  mais celle-ci donnera lieu aussi à de nombreuses tempêtes relationnelles. Pourtant, il est père d'Harmonie ! S'il a une épouse qui a peu d'estime d'elle-même ou a été victime d'abus, il peut être très destructeur. Les femmes de type Athéna le mépriseront et l'éviteront. Il aime, JUS j'avons dit, manger, danser, jouer et se consacrer tout entier à c qu'il entreprend.

« rès aime consacrer du temps à ses amis, fabriquer des objets, pratiquer un sport. Parfois ses relations les plus profondes ont lieu avec les porteurs d'uniforme : soldats, légionnaires et autres. S'il devient bouc émissa ire,  il souffrira en particulier de la perte de camaraderie qui s'ensuit.

Les hommes du type Arès ne sont pas bien acceptés dans une cul ture puritaine et hypocrite, qui valorise distance et froideur. S'ils sont issus de ce milieu, ils réprouvent parfois leur propre vigueur et leurs appétits, comme s'ils étaient insensés. Ils s'en veulent de leur désirs adultères et, s'ils passent aux actes, les Arès sont souvent dénués de la stratégie nécessaire à les cacher.

E type d'être se marie tôt, au sortir de l'école. Ils ne songent pas eux-mêmes au mariage : l'entourage le fait pour eux. Leur nature terrienne et sensuelle les conduit facilement à rendre les femmes enceintes. Si leurs compagnes répondent alors à leurs besoins sensuels, qu'ils ont un job et peuvent pratiquer un sport, et si, de surcroît, leurs femmes se contentent de la vie qu'elles mènent, ils seront satisfaits.

Is découvrent parfois, dans leurs rencontres, de nouveaux horizons et de nouvelles ambitions qui les font se sentir à l'étroit dans un mariage trop precoce. Cependant des conflits pourront survenir si l'alchimie corporelle des débuts diminue et si la femme ne répond pas à leur attente de relation physique, ou si elle est jalouse, voire plus ambitieuse.

.es Arès font des enfants sans s'en apercevoir et sans les programmer. Ils paternent facilement et sont généreux s'ils en ont les moyens. Ils entraînent leurs enfants à la pratique d'un sport et jouent  volontiers avec eux. Mais si l'un d'eux est plus introverti ou intellectuel, des problèmes surgiront à l'adolescence.

Lorsque J'Arès est courroucé, ses crises de rage peuvent engendrer de la terreur chez ses enfants.

La vie d'un Arès dans la classe moyenne supérieure qui valorise la distance, la capacité de manipuler les autres et d'avoir de )' argent peut devenir une véritable tragédie. Ce sera pire encore, s'il a un père du type Zeus qui l'humilie et le dénigre. Cependant, si l'Arès a eu, dans son enfance ou adolescence, le support émotionnel nécessaire de développement de ses qualités créatives, il pourra, avec des moyens essentiellement individuels, atteindre le succès. Celui-ci est plus facile pour les Arès de la classe ouvrière, laquelle valorise leur vigueur, leur appétit de vie, ou à l'intérieur de petites communautés ; ils y rencontreront l'esprit de camaraderie dont ils ont besoin.

Les Arès meurent souvent jeunes dans un accident ou une violence, ou alors à la guerre. Pour certains cependant, (' âge avancé sera la meilleure période ; ils ont en effet appris à s'adapter, tout en restant fidèles à eux-mêmes. Ils se comptent parmi les personnes les plus individuées et les plus développées. Cela se reflète dans le choix très personnel de leur lieu de vie et leur entourage.

L'Arès risque de souffrir de sentiments de découragement, voire de dépression, car l'amoureux de J'ici et maintenant, Je danseur, le guerrier ou l'abuseur, sont en opposition avec les autres archétypes et, dans la civilisation occidentale, avec la culture. Si l'alcool lève parfois les inhibitions à la spontanéité et à l'affection, il pourra aussi libérer l' abuse ur.  Les femmes devraient savoir que, si elles ne réagissent pas à la première brutalité, elles encouragent un type Arès à les battre et que ce problème risque de se transmettre à la génération suivante.

.. notre homme manque parfois des ualités qui conduisent au succès dans le mariage et la profession. Il se P.143 'ferra alors comme un perdant. Il arrivera aussi qu'une femme l'épouse pour ses qualités de vivacité ou parce qu'elle a été émue par l'enfant rejeté qu'elle a perçu en lui. Elle cc )urra à la déception si, plus tard, elle veut en faire un homme stable et apprécié en société ( Bc

:Si la partenaire d'un homme du type Arès est jalouse, elle rencon. Rera bien des problèmes. Car, pour lui, Ja fidélité n'est qu'un aboutissement durement conquis. Il devra apprendre à résister à j'attraction du moment, à dire non à sa sexualité amorale et purement instinctive, sans quoi son pénis décidera pour lui. Au regard de l'attrait du moment, les conséquences lointaines de ses actes restent vagues à ses yeux. « Comment avez-vous pu ? «  est une phrase qu'il risque d'entendre souvent.

Arès ne pense pas aux conséquences et aura souvent des enfants hors mariage. La femme devra dès lors assumer seule le contrôle des naissances. D'un autre côté, l'enfant est souvent la seule raison pour laquelle un tel homme se marie.

Hermès représente, on le sait, la capacité de communiquer d'une 'nanière inventive et adroite, sans perdre le sens de soi-même. Un en fa nt  connu pour être bagarreur sera souvent provoqué par un autre. S'il épand, sa réputation le désignera comme bouc émissaire. Développer le côté Hermès lui apprendra à trouver une réponse verbale pour détournef le conflit.

Apollon est l'archétype de la distance émotionnelle, de la discipline et du trait, de la flèche lancée à grande distance. Il partage avec Hermès 1 la capacité de voir les choses sous un autre angle, de mettre la situation en perspective et de tenir compte des conséquences lointaines. De plus, il représente la capacité d'utiliser efficacement intelligence et volonté. Voilà bien les qualités que notre Arès aura à cultiver. BolE .

.. )rs de la guerre de Troie, Achille disputa la captive Briséis à Agamemnon, le chef des armées. Bouillant de colère, il je serait mutiné sans l'intervention d'Athéna. Elle lui enjoignit d'attendre et de réfléchir. Symboliquement, Athéna représente la voix intérieure, la pause qui change une réponse émotionnelle en choix d'action.

En contraste avec toute cette violente vitalité que nous avons évoquée, nous constatons qu'Arès, nommé Mars par les Romains, est reconnu comme le protecteur de la communauté. Un homme Arès peùt- il, ..Jvec l'évolution, se rapprocher du père terrestre et devenir celui qui protège les enfants et leur procure un sentiment de sécurité ? Il sera peut-être, dans un âge avancé, celui qui dirige une communauté prête à se battre pour le respect des droits des autres.

 

Arès chez Robert Bly, dans « L'homme sauvage et l'enfant »

 

Chaque fois que l'homme et la femme font usage de leurs armes sans réfléchir et sans les nommer, l'un et l'autre peuvent être certains de perdre des plumes dans la bataille.

. « Il faut vingt ans pour comprendre les lois, mais toute une vie pour passer des lois aux légendes. »

Jung, de son côté, disait : «  Les mariages américains sont les plus tristes du monde, car l'homme se bat exclusivement au bureau ». Et c'est encore Robert Bly qui parle du guerrier dans le mariage et les relations humaines. Ne va-t-il pas jusqu'à  écrire que se battre consciemment aide beaucoup dans les rapports entre hommes et femmes ?

 

« Quand un homme et une femme se disputent pied à pied, que veut l'homme ? Souvent, il ne le sait pas. Il veut que la dispute se termine parce qu'il a peur ; parce qu'il ne sait pas se battre, parce qu'il ne « croit pas à la lutte », parce qu'il n'a jamais  vu son père et sa mère s'affronter fructueusement, parce que ses frontières sont si mal protégées que chaque trait qu'on lui décoche lui pénètre au cour de la poitrine, poitrine qu'il a tendre et fragile. Quand ses cris de rage sortent de lui, cela signifie que ses guerriers n'ont pas été capables de le protéger ; les lances ont déjà pénétré, il est trop tard. » .

Michael Meade, de son côté, propose que les deux partenaires commencent  par identifier les armes qu'ils ont chacun reçues par transmission généalogique. L'épouse peut avoir hérité de la dague courte qu'on dégaine à l'improviste, et de la masse d'arme qu'elle abat en fin de discussion sur la tête du fantassin, qu'elle a en face d'elle. Le mari, lui, peut avoir hérité d'une épée à large lame, avec laquelle il fait, quand il a peur, de grands moulinets imprécis au-dessus de sa tête. Cette épée s'exprime par  « Jamais » et « Toujours », « Tu parles comme ta mère ». A quoi il peut parfois ajouter le fin javelot de la raillerie. . Une bonne bagarre éclaircit les choses et nous pensons que les femmes n'ont qu'une  envie : se battre et vivre avec des hommes qui savent se battre.

Ajoutons cependant qu'une fois la bataille terminée, ce sont les enfants intérieurs qui peuvent être grièvement blessés.

Le guerrier adulte, chez l'homme et la femme, peut, s'il est entraîné, recevoir un coup sans se renfrogner ou s'effondrer. Il sait se battre pour des objectifs limités, il garde à l'esprit les règles du combat et il sait généralement comment se battre proprement, en posant les limites à ne pas dépasser.  « Seul le guerrier intérieur peut vous dire si le partenaire que vous avez en face de vous est en-deça ou P.145 au-delà de la ligne de partage entre l'humain et le reste (c'est-à-dire un état de possession).»

. le fer appartient à Mars et à Arès : « On pensait autrefois que ce métal avait à voir avec le sang à cause de sa coloration rouge intérieure. » Les Anciens en distinguaient de deux sortes : le fer magnétique associé aux dieux célestes et « tombé des cieux » et le fer ordinaire associé aux dieux terrestres et noirs, tel Seth qui poursuit et tue le dieu solaire Osiris. En astrologie, le fer gouverne la planète Mars. Blake associait le fer à l'intellect et à la guerre spirituelle. Dans les contes de fées, l'énergie a la figure bienveillante du Père-Esprit, elle apparaît parfois sous la forme de « petits bonhommes habillés en fer ».

«  Le travail du cuivre, pour un homme, commence probablement tôt dans sa vie, lorsqu'il pose une main sur la poitrine de son père courroucé et l'autre sur la terre ; ou lorsqu'il pose une main contre le cour de sa mère angoissée et l'autre sur la terre ; ou lorsqu'il pose une main sur la tête d'un être en détresse, et l'autre sur la terre. Le garçon qui devient ainsi  conducteur se valorise par le biais du courant complexe qui passe à travers son corps, par le biais de sa capacité à détourner sa colère vers le sol grâce à une réponse faite avec calme, par le biais du sacrifice qu'il accomplit en étirant les bras afin de toucher les deux pôles en même temps. . La fureur et le mépris se croisent quelque part dans la poitrine du fils ou de la fille. »

L'enfant, quand il est tout petit, ne poursuit qu'une envie : satisfaire ses parents. Pour un enfant, le désir d'être bon vis-à-vis des autres est une perspective naturelle. Aux yeux des parents, l'idéal serait bien sûr que l'enfant grandisse mais conserve cette même perspective toute sa vie. L'enfant, même devenu adulte, serait qualifié de bon. Mais ce n'est pas si simple : parce que, tout en étant qualifié de bon, il sera tenu de faire une croix sur les perceptions et les émotions qui ne correspondent pas aux attentes des parents. A chercher ainsi à satisfaire père et mère, le rejeton devenu adulte risque de tomber dans le mythe de l'androgyne et d'y perdre son identité sexuelle.

 

IV Quelques couples en lutte

 

Entrée en matière

 

. ils aimeraient être sûrs de l'avenir ; du moins de celui des enfants, auxquels ils sont prêts à sacrifier une part de leurs désirs. .

Le conflit a les apparences de la jalousie, refoulée chez elle, crainte chez lui.

Quelques séances nous confronteront tous trois à la peur d'aimer ; pierre de touche de leur évolution. Soudain, il n'est plus question de l'autre, le parent ou l'amante, mais de soi, de risquer son âme et son corps, dans une avancée sans recours, ni retour. .

La peur de tout perdre les confronte au sacrifice, à la nécessité de mettre de l'ordre dans leurs envies.nécessité aussi de creuser le désir ; de constater enfin que tout ne peut pas être vécu. En même temps que deux adultes, ce sont deux enfants qui s'affrontent, blessés dans leur omnipotence. Sauront-ils voir la limite que met le corps aux réalisations ou continueront-ils, par peur de la mort, leur fuite éperdue ? Cesseront-ils de s'accuser mutuellement d'avoir tué leur projet commun, leur enfant symbolique, pour découvrir que c'est la vie qui les confronte à une nécessaire évolution ? .

. Chaque minute qui passe est menace de rupture, de guerre et de mort. Y aura-t-il  un retour à la mère, à ses protections et ses réparations ? Ou une soumission au père, à la loi des hommes, à la monogamie vécue, ici, comme mutilation ? La crise se résoudra-t-elle en défoulement, en abréaction ou en mutilation ?

L'identification de Gilles au guerrier, à Arès, sera-t-elle autre chose qu'un feu d'artifice, que la tentative de s'affirmer non castré ? Martine jouera-t-elle Déméter qui stérilise tout avenir au nom de Perséphone, son enfant perdue ? Pourront-ils l'un et l'autre, dans une telle constellation d'archétypes, faire autre chose que souffrir dans leurs cours et dans leurs corps ?

 

Ces questions assaillent chaque jour les couples et les thérapeutes. Elles requièrent d'eux du courage, de la mesure et l'examen attentif des P.147 circonstances. .

Nous pouvons - et cela a été fait - nous interroger sur les conditions d'enfance qui ont abouti à faire de Martine et Gilles ces combattants désespérés de l'amour. Nous pouvons aussi parler du cycle des changements, nous rappeler que toute crise exige un passage par un moment d'inconscience. La révolution est suivie, dans le meilleur des cas, d'une acceptation de ce qui avait été exclu de l'ordre précédent. Avec Jung, nous pouvons aussi nous demander de quelles identifications aux archétypes procède ce manque de limites, quels dynamismes puissants sont à l'ouvre et programment le conflit.

Ce qui est démesure est aussi source de fascination. Ce ne sont plus, à certains moments, Gilles et Martine qui se battent pour créer leur vie, mais des forces archétypiques qui les emportent. Deux d'entre elles surgiront facilement dans les crises de couple. Leur repérage permettra parfois d'entrevoir un sens et de retrouver les limites humaines lors de conflits passionnels. Il s'agit d'Arès, Mars chez les Romains, et d'Aphrodite, nommée Vénus par les Latins.

 

La femme idéale et le manque d'affirmation de soi

 

. « Je recherche la femme idéale : elle sera simple, pas inquisitrice. On pourra avoir avec elle une complicité, que ce soit dans la vie réelle ou au niveau érotique, avoir les mêmes pensées, sans se marcher sur les pieds, avec des échanges d'idées, des oppositions aussi. Je cherche quelque chose de moins heurté, de moins saccadé, moins en rapport de forces  ou d'autorité. Je dis ce que je n'aime pas dans ce couple. Je cherche une femme qui soit créative, qui ait de l'initiative, qui ait une certaine indépendance ».

Le contrat tacite du couple est une confusion femme-anima et femme-mère. Il s'ensuit que  l'épouse veut être, comme la mère, l'unique ; ce qui, pour une épouse, est impossible. .

 

Disputes de parents, disputes d'enfants

 

Quelques mots ressources pour aider à une meilleure compréhension de ce qui suit : Amour. Rivalité. Enfant. Rupture. Séparation. Sexualité. Accident.

 

. sa compagne l'a soigné mais a senti monter en elle de la haine, à cause de l'épreuve qui lui était imposée, tandis que lui se plaignait d'un manque d'attention de sa part.

. La famille est coincée dans une succession d'accidents et de blessures physiques : retour du refoulé et conséquence de la démesure ambiante.

La perte d'estime de soi-même que chacun ressentait dans le couple sera clarifiée mais sans progrès : Anne n'ose plus écouter ses sentiments, Raymond ne se sent plus mâle.

 

Lorsqu'une demande de reconnaissance d'identité est imposée au partenaire, on le met en position de parent, ce qui le place devant une double contrainte. On lui demande à la fois d'être partenaire et « bon parent ». Ces deux demandes en effet procèdent d'une logique différente. Le partenariat implique l'égalité. Etre parent suppose une différence de degré. On ne peut pas être partenaire et parent à la fois ! P.149

Parfois même, cette demande de parentification sera adressée aux enfants. Ceux-ci deviendront alors des enfants-rois et, pour leur plus grand dommage, ils se retrouveront investis du pouvoir de qualifier ou disqualifier la position des parents, la valeur de leur comportement, leur identité. .

 

Conclusion pour Arès

 

. Ils (les auteurs) l'ont réduit à n'être que le symbole de l'excès et de la violence démesurée. Cette opinion .. ne rend pas compte de l'action de cette énergie lorsque celle-ci s'anime dans l'âme de nos contemporains.

Sans l'audace du héros à braver l'ordre établi, la cité risque d'étouffer dans ses murs comme la personnalité de s'endormir dans de stériles habitudes. L'éternel combat entre le désir et la peur du changement et le souhait de maintenir la paix ne peuvent être résolus si facilement. L'Ombre accompagne toute entreprise, à l'image d'Arès qui n'est jamais très loin de Zeus.

Passés les premiers moments amoureux, les couples risquent l'enlisement dans des habitudes qui les mèneront à la déception, voire même à l'amertume. C'est alors que les cycles de disputes s'installeront.

Thérapeutes, nous pouvons dénicher un point de vue plus fécond. Ainsi pouvons-nous montrer aux partenaires en quoi leurs conflits sont des tentatives spontanées de relancer l'évolution. Ils peuvent apprendre à utiliser leur violence pour intégrer à leur vie une part plus grande du potentiel dont chacun d'eux est porteur. Les conflits répétitifs et stériles deviendront alors des confrontations fructueuses.

Songeons aux parents bousculés par des adolescents rebelles. Ils tentent quelquefois de fuir le conflit par la séparation, le divorce, ou, pire encore, l'abandon pur et simple de leurs prérogatives. Mieux encore, il leur arrive de croire qu'ils revivent leur propre adolescence et qu'ils peuvent rivaliser avec la génération qui les suit. Mais s'ils ne se séparent pas, s'ils ne rivalisent pas, ils sont confrontés à leurs propres ombres. C'est douloureux, bien sûr, mais c'est aussi une chance de réintégrer la part de leur personnalité que le métier, la famille ou les habitudes trop confortables avaient exclue ou mise de côté.

Pour l'adolescent, voir ses parents faire face à la crise avec souplesse et courage est une leçon de vie. Ne vaut-elle pas mieux que tous les discours moralisants dont nous croyons devoir les abreuver ?

À la lumière de ce que les aventures d'Arès nous ont appris, réfléchissons un instant aux liens entre le choix, la perte et le sens. S'il nous est souvent pénible de faire un choix, n'est-ce pas parce que nous sommes convaincus que le choix implique la perte ? Combien d'entre nous n'ont jamais pensé : «  Je veux sortir de ce mariage, qui m'empêche de vivre mes désirs, pour d'autres partenaires ». Cette affirmation, l'avons-nous vraiment interrogée ? Nous sommes-nous demandés d'où nous provenait cette croyance ?

Bien plus, nous sommes persuadés que notre situation actuelle est insensée. C'est l'enfer qui s'est ouvert sous nos pieds, subitement et sans motif, voilà notre conviction !

Les faits de vie d'une part, l'écoute des couples et les découvertes de l'analyse d'autre part, nous incitent pourtant à la prudence. Tentons quelques hypothèses en forme de questions. Ne sommes-nous pas pressés d'agir, par crainte d'interroger notre désir de sortir ? Cette expression n'a-t-elle pas un goût d'adolescence ? Ne confondons-nous pas notre partenaire avec un parent ?

. ; quelques hypothèses sur l'origine de la conviction que choisir et perdre sont inséparables. Il peut s'agir d'une dépendance inconsciente vis-à-vis des parents : plutôt que de les traiter comme des humains, qui ont eu leurs propres difficultés de vie, nous préférons garder l'illusion qu'ils étaient ou auraient pu être tout-puissants.

nécessité du respect des parents, et donc d'oser reconnaître leurs limites, leurs faiblesses parfois et, a fortiori, leur névrose. Dès lors qu'ils ont trouvé le courage de relire leur histoire personnelle, ils découvrent le chemin qui reste à parcourir pour forger leur propre manière de vivre.

 

Épilogue pour Arès

 

Le couple, mot qui gronde et qui souffle de désir. Le couple, lien qui se mesure par deux. Lieu du plaisir ou de l'horreur, lieu de désir et, parfois, de déshonneur. 

. nous pourrions croire que cette histoire d'amour et de mariage ne sert à rien qu'à tuer l'humour, à faire surgir la rage. P.151

Et pourtant, seul à deux, deux qui font un seul, deux qui font quatre et en engendrent d'autres, le couple n'est pas une mathématique comme les autres.

Lieu de création et de destruction à la fois, il est chanté pour la blancheur de sa mie, pleuré pour ses veuves, crié pour ses fureurs.

En se  constituant, le couple signe la fin de l'errance sexuelle  et d'une pseudo-identité. Dix ans de romance et peut-être de volupté n'empêcheront cependant pas le couple de se retrouver dans une impasse. L'ombre de leur réalisation en forme les murs. Il s'y cogne et parfois même sombre dans l'horreur.

Le couple meurt mais il ne se rend pas ! Il rencontre, à la surprise des deux, ce qui de famille et d'origine ne pouvait être ancestralement pensé.

Le « ça » se présente comme une histoire impossible à accepter, belle affaire ou mer à boire, mais on ne peut pas opposer son refus.

Les anciens amants plongent alors au cour de la nuit, au sein du conflit, au profond du combat. Parfois ils s'entre-déchirent sans bien comprendre l'intensité, la haine et l'usage de cette lutte.

Pourtant les dieux sont là. Souverains, ils présentent en corps à cour ou en symboles, en images ou en impulsions, ce surcroît de vie qui ressemble à la mort.

Ce calice, dont seule importe la lie, sera bu jusqu'au fond, jusqu'à l'amertume.

Si l'acceptation vient, si l'on devient plus soi-même, alors, découvrant ses limites, on explorera aussi les marges du conscient, le bord du monde de notre réalité. Se découvriront des paysages souterrains ou sous-marins, des dieux, des dames et des héros. Au lieu de se prendre pour eux, on pourra les reconnaître et les voir évoluer.

Sur l'écran de la nuit enfin affrontée, se dévoilent les forces anciennes mais toujours revisitées. L'âme s'y renouvelle en même temps qu'elle y trouve ses limites. Elle y parcourt ses cycles et y active ses transformations. Elle y découvre l'utile de la mort et le nécessaire de la révolution.

Et lorsque le soir de la vie descend, voilà que la tendresse baigne et caresse doucement ces compagnons courageux. Sans rien nier d'eux-mêmes ou de l'autre, ils ont osé tout essayer, tout confronter. Ils ont vécu la vie telle qu'elle se présente à chacun de nous, unique et diverse, multiple et identique.

 

APHRODITE MÉTAMORPHOSES ET ÉMERGENCES

 

«  L'anima, comme la femme, représente la hauteur et la profondeur de l'homme. Ce n'est que l'interférence de l'espace et du temps dans l'ici et maintenant qui crée la réalité. La totalité n'est réalisée que dans l'instant, cet instant que Faust chercha sa vie durant » Jung

 

Mots clefs : amour, désir, création, kaïros, transformation.