II POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT DANS LES CONTES

A. LE TERME D' « ESPRIT»

. On désigne par esprit le principe qui est l'antithèse de la matière. On entend par là, une substance ou une existence immatérielle qui, au niveau le plus élevé et le plus universel, est appelée Dieu. On se représente aussi cette substance immatérielle comme support du phénomène psychique ou même, plus généralement, de la vie. L'opposition esprit-nature vient contredire cette conception. Dans ce cas en effet, le concept d'esprit se limite à ce qui est surnaturel ou opposé à la nature, et il a perdu sa relation substantielle à l'âme et à la vie. La conception de Spinoza qui fait de l'esprit un attribut de la substance Une manifeste une limitation analogue. Et l'hylozoÏsme qui comprend l'esprit comme propriété de la matière va, lui, encore plus loin.
Une conception largement répandue fait de l'esprit un principe d'activité supérieur, de l'âme au contraire, un principe inférieur ; à l'inverse, chez certains alchimistes, l'esprit passe pour ligamentum animae et corporis, conçu alors manifestement comme spiritus vegetativus (plus tard, comme esprit de la vie ou des nerfs). Il est également commun de considérer l'esprit et l'âme comme fondamentalement semblables et le fait de les dissocier, par là même, comme purement arbitraire. Chez Wundt, l'esprit, c'est « l'être intérieur, sans que soit prise en considération la moindre relation sur un être extérieur » D'autres limitent l'esprit à certaines facultés, fonctions ou qualités psychiques, telles que l'aptitude à penser ou la raison, face au sentiment qui relève plutôt de l' « âme ». Chez eux, l'esprit évoque l'ensemble des phénomènes de la pensée rationnelle, c'est-à-dire toutes les manifestations de l'intellect, y compris la volonté, la mémoire, l'imagination, la capacité créatrice et toute aspiration qui procède d'un idéal. Un autre concept « avoir de l'esprit », qui renvoie à un fonctionnement de l'intelligence diversifié, riche, ingénieux, brillant, astucieux autant qu'inattendu. Enfin, on désigne par esprit un certain point de vue ou le principe dont il relève. L'esprit du temps, en tant qu'il représente le principe moteur de certaines conceptions, positions ou actions d'ordre collectif, est une manifestation particulière de l'esprit. Par ailleurs, il y a ce que l'on appelle l'« esprit objectif », par lequel on entend l'ensemble des productions culturelles de l'homme, tout spécialement celles qui sont de nature intellectuelle ou religieuse.
L'esprit, quand il s'agit d'une « disposition d'esprit », .. témoigne, une indéniable tendance à la personnification. l'esprit signifie tout aussi bien fantôme ou représentation de l'âme d'un défunt. Le « souffle glacial des esprits » renvoie.. P.89 ..froid, .. « air en mouvement », tout comme animus et anima ont à voir le vent. Avec le mot allemand Geist (esprit), on a bien plus à faire à un bouillonnement ou à une effervescence, car on ne peut nier sa parenté d'un côté avec Gischt, Gäscht, gheest (l'écume), de l'autre avec l'aghast émotionnel. .. l'émotion a toujours été connue comme « possession » . De même que les esprits et les âmes des morts sont, selon une vieille conception, constitués d'une substance fine telle qu'un souffle d'air ou une fumée, de même, chez les alchimistes, le spiritus est fait d'essence subtile, volatile, active et vivifiante.
. Il s'agit en fait d'un complexe fonctionnel qui, à l'origine, à un stade primitif, a été ressenti comme une présence invisible, une sorte de souffle - a presence. . Le coup de vent de la Pentecôte en est un exemple. Dans l'expérience primitive, la personnification de cette présence invisible, fantôme ou démon, est quasi immédiate. Les âmes et les esprits des morts sont l'équivalent de l'activité psychique des vivants ; ils en sont la continuation. D'où la conception qui veut que la psyché soit un esprit.