Par progression, il faut entendre d'abord la quotidienne marche en avant du processus psychologique d'adaptation. L'adaptation n'est jamais faite une fois pour toutes, bien que l'on soit enclin à le croire parce que l'on confond l'attitude atteinte avec la véritable adaptation.
La progression de la libido consisterait en une continuelle satisfaction donnée aux exigences posées par les conditions du milieu. Ce travail ne peut se faire qu'au moyen d'une attitude; celle-ci renferme une orientation, et par suite, une certaine partialité; il arrive donc que cette attitude ne soit plus à même de remplir les exigences de l'adaptation parce que des modifications se sont produites dans les conditions extérieures demandant une autre attitude que celles qui existent déjà.
Par exemple, l'attitude sentimentale peut se trouver aux prises avec une situation qui ne peut se résoudre que par l'attitude intellectuelle, c'est-à-dire une compréhension intellectuelle préalable.
Dans ce cas, l'attitude sentimentale fait faillite. La progression de la libido s'arrête également. Le sentiment vital antérieur s'éteint ; par contre, grandit désagréablemant la valeur psychique de certains contenus de conscience ; contenus et réactions subjectifs se pressent en avant, l'état devient affectif et tant à exploser. Ces symptômes indiquent une accumulation de libido.

L'état d'accumulation est toujours caractérisé par la désintégration des couples d'opposés. Tandis que la libido progresse, les couples d'opposés sont unis dans le cours coordonné des événements psychiques. Leur coopération active rend possible la régularité équilibrée du processus qui, sans équilibration intérieure, serait unilatéral et insensé.
Aussi a-t-on raison de considérer toute extravagance et toute exagération comme une perte d'équilibre, puisque leur manque évidemment l'effet coordonnateur de la pulsion antagoniste. Par conséquent il appartient à l'essence de la progression, qui est la réussite du travail d'adaptation, qu'impulsion et contradiction, que oui et non, en soit arrivé à agir régulièrement en une harmonieue réciprocité. Cet équilibre pression et l'union des coupes de poussées, nous les trouvons, par exemple, dans le processus de réflexion en vue d'une décision ...
Lorsque la libido stagne et que la progression est devenue impossible, oui et non ne peuvent plus s'unir en vue d'un acte coordonné, puisqu' ils ont atteint des valeurs légales qui se contrebalancent réciproquement. Plus la stagnation dure, plus grandit l'importance des position opposée qui, par la suite, s'enrichissent en association et s'adjoignent des nouveaux districts du matériel psychique.
La tension mène au conflit; le conflit, à des tentatives de refoulement réciproque et, si le refoulement du parti adverse réussit, c'est la dissociation de la personalité...et la possibilité de névrose.
Lesactes issus de cet état sont incoordonnés, pathologiques même, et prennent l'aspect d'actes symptomatiques ; quoique leur détermination soit en partie normale, ils s'appuient pourtant sur l'opposé refoulé qui, au contraire de ce qui se passe lors du déroulement progressif, n'exerce plus d'action équilibrante mais une action d'opposition...p.55

La lutte des contraires se continuerait inutilement si l'explosion du conflit ne mettait en branle le processus de régression, la marche rétrograde de la libido. Le choc des contraires les uns contre les autres a pour effet de dévaloriser peu à peu les couples. Cette perte de valeur croit sans cesse : c'est la seule chose que perçoive la conscience. A mesure que se continue cette diminution de valeur des opposés conscients, augmente en même temps celle de tous les processus psychiques qui n'entrent pas en ligne de compte pour l'adaptation et qui, pour cette raison, sont rarement ou jamais utilisés par la conscience. Ces éléments psychiques sans valeur pour l'adaptation au milieu sont surtout inconscients. La valence des arrière-plans de la conscience et celle de l'inconscient augmentent de telle sorte qu'il faut s'attendre à se qu'augmente leur influence sur la conscience. À cause de l'inhibition qu'exerce la conscience sur l'inconscient, les valeurs inconscientes ne se font d'abord sentir que indirectement.Cette inhbition est une conséquence de
l'orientation exclusive des contenus conscients.
Ces contenus d'abord exclus de l'adaptation consciente, se trouvant poussés au-dessus du seuil de la conscience, sont de l'aveu de tous sans utilité pour l'adaptation; raison pour laquelle la fonction consciente ou dirigée les tenaient à l'écart. Ces contenus sont des contenus et tendances infantiles sexuelles mais aussi des contenus et tendances incompatibles de caractère soit immoral, soit inesthétique, soit irrationnel, voire imaginaires. Ce caractère de peu de valeur pour l'adaptation a été l'origine de ces jugements dépréciatifs portés sur le fond de la 1'âme ... p.56
Pour un examen superficiel, c'est certes la fange de fonds que la régression met au jour. Mais si l'on renonce à juger d'après l'apparence, on découvrira qu'il y a là aussi des germes de nouvelles possibilités de vie.


Le processus d'adaptation exige une fonction consciente dirigée caractérisée par une conséquence interne et une rigueur logique. Cette fonction dirigée doit nécessairement écarter tout ce qui ne convient pas, pour conserver sa direction. Ce qui ne convient pas est voué à l'inhibition et soustrait à l'attention. La fonction d'adaptation consciente dirigée était une.:Pensée et sentiment sont des fonctions absolument différentes. Pour satisfaire aux lois logiques de la pensée, il faut même écarter soigneusement le sentiment ... Dans ce cas, je soustrais, autant que faire ce peu, de la libido au processus affectif et c'est pourquoi cette dernière fonction tombe dans une relative inconscience.p.57

L'attitude est affaire d'habitude ; les autres fonctions, qui ne conviennent pas, parce qu' incompatibles avec l'attitude prévalante sont relativement inconscientes, donc inutilisées, non exercées, non différenciées (embryonnaires, archaïques) et parce qu'elles leur coexistence, associées aux autres contenus de l'inconscient considérés comme inférieurs et incompatibles. C'est pourquoi activées par régression et parvenant à la conscience, ces fonctions apparaissent sous une forme pour ainsi dire incompatible comme défigurée et recouverte par la fange de fonds.
La cause de la stagnation de la libido étant l'échec de l'attitude consciente, nous comprenons dans quelle mesure ces contenus activés par régression sont des germes de vie: ils contiennent les éléments de l'autre fonction exclue par l'attitude consciente, fonction apte à compléter ou à remplacer efficacement l'attitude consciente défaillante.
La régression activant un état de fait inconscient, confronte la conscience au problème de l'âme, mise en face du problème de l'adaptation externe. Il est naturel que la conscience se cabre contre l'acceptation de ces contenus; et pourtant elle est finalement contrainte, à cause de l'impossibilité de progresser, de se soumettre aux valeurs régressives ... La régression impose une nécessaire adaptation, au monde psychique intérieur. p. 58

L'adaptation au milieu peut échouer à cause de l'unilatéralité de la fonction adaptative, l'adaptation au monde de l'intérieur peut aussi échouer à cause de l'unilatéralité de la fonction qui s'en occupe.
Il devient ainsi indispensable de prendre une attitude complète en face du monde intérieur jusqu'à ce que soit réalisée l'adaptation intérieure. Une fois celle-ci atteinte, la progression de la libido peut se faire.p.59

Il ne faut pas confondre progression et développement ; le continuel flot, ou courant de la vie, n'est pas nécessairement développement ou différenciation ... La vie psychique de l'homme peut progresser sans évoluer et rétrograder sans involuer. Progression et régresson sont de simples mouvements de vie et correspondent à ce que Goethe a appelé diastole et systole.p.60

Progression et régression sont des phénomènes de force.
L'intensité de la progression réapparaît dans l'intensité de la régression. p 61

La progression est fondée sur la nécessité vitale d'adaptation. La nécessité oblige à s'orienter selon les conditions du milieu et à refouler toutes les tendances et que possibilités servant l'individuation.
La régression au contraire, est adaptation aux conditions du monde intérieur de chacun, fondée sur la nécessité vitale de donner satisfaction aux exigences de l'individuation.
Une homme ne peut pas accomplir de façon continue la même performance de travail; au contraire, il ne peut répondre totalement et de façon idéale aux exigences de la nécessité extérieure que s'il est en accord avec lui-même. Inversement, il ne peut s'adapter à son propre monde intérieur et parvenir à l'accord avec lui-même que s'il est aussi adapté aux conditions du milieu.
L' échec d'une fonction adaptatrice jusqu'alors suffisante s'explique par l'incompréhension typique de l'exigence interne.p.63

Le principe de la progression et de la régression se reflète dans le mythe du dragon-baleine. Le héros est le représentant ssymbolique du mouvement de la libido : l'entrée dans le dragont est un mouvement régessif. L'engloutissement total et la disparition du héros dans le ventre de la baleine représentent l'attitude qui se détourne complètement du monde extérieur. Le travail d'adaptation aux conditions du monde interne est représenté par la victoire remportée de l'intérieur sur le monstre. La sortie hors de son corps indique que la progression recommence.
La traversée nocturne vers l'est est l'indice que la régression est une phase nécessaire du développement, phase durant laquelle l'homme n'a pas conscience d'un développement puisqu'il se trouve dans un état de contrainte qui se présente comme s'il étaitel dans un état de sa première enfance, embryonnaire même, dans le sein de sa mère.
C'est seulement quand l'homme persiste dan cet état que l'on peut parler de développement rétrograde, d' involution ou de dégénérescense.p.59