INTRODUCTION : Chanter au-dessus des os

  1. HURLER AVEC LES LOUPS

 

2. TRAQUER L'INTRUS : UN DÉBUT D'INITIATION

 

Barbe-Bleue

Il y a plusieurs êtres humains en un seul et chacun possède ses propres valeurs, ses propres motivations, ses propres systèmes. .

.. que faire de ces créatures intérieures lorsqu'elles sont folles ou qu'elles apportent la destruction ? I1 faut leur faire une place, une place où, néanmoins, elles puissent être contenues. I1 faut tout particulièrement prendre conscience de l'existence de l'entité la plus trompeuse et la plus fugitive de la psyché - le prédateur naturel - et la contenir.

 L'insuffisance de sève nourricière est une des grandes causes des souffrances de l'être humain, mais il existe aussi dans la psyché un aspect contra naturam inné, une force contre nature. Cette force contre nature s'oppose à l'aspect positif : elle va contre le développement, contre l'harmonie, contre le sauvage. .. le seul but de l'intrus est d'essayer de transformer tous les carrefours en routes barrées.

 Ce potentat prédateur (.. sous la forme du voleur, du fiancé animal, du violeur, de l'étrangleur et quelquefois de la femme malfaisante. .. Les liens affectifs délétères, des figures de l'autorité abusive, des prescriptions négatives issues de la culture influencent les images des rêves et du folklore au moins autant que le schéma archétypal inné de chacune. En fait l'image fait partie du motif  « rencontre avec la force de Vie et de Mort » et non de la catégorie « rencontre avec la sorcière ».)  apparaît de manière récurrente dans les rêves des femmes. Il fait irruption dans leurs plans les plus inspirés, les plus significatifs. Il les coupe de leur nature intuitive. Lorsqu'il a accompli cette tâche, il laisse la femme avec des sentiments appauvris.

 

LE PRÉDATEUR NATUREL DE LA PSYCHÉ

 Dans le cadre de l'individuation de la femme, il est très important qu'elle établisse une relation avec la nature sauvage. Pour se faire elle doit s'aventurer dans l'obscurité, sans pour autant être irrémédiablement prise au piège, capturée, ou tuée à l'aller ou au retour. (cf. rêve Catherine D. 17-02-00 et Pouyon 15-02-00))

. Pour contenir le prédateur naturel de la psyché, il faut que les femmes restent en possession de leurs pouvoirs instinctuels, parmi lesquels la perspicacité, l'intuition, l'endurance, l'affection obstinée, la sensibilité aiguë, la vision de loin, la finesse de l'ouïe, le chant sur les morts, la guérison instinctive et l'alimentation de leur propre flamme créatrice.

. Barbe-Bleue correspond à un complexe de profonde réclusion. est appelé « un magicien raté ». . un mage à l'allure plutôt normale mais à l'immense pouvoir destructeur.  .

 Dans le mythe chrétien, Lucifer prétendit à l'égalité avec Yahveh.. Le folklore ne manque pas d'apprentis sorciers qui voulurent imprudemment s'aventurer au-delà de leurs possibilités en tentant de contrevenir aux lois de la nature. .

.. les prédateurs souhaitent avoir sur les autres la supériorité et le pouvoir. Ils présentent une sorte d'inflation psychologique. Celle-ci pousse l'entité à souhaiter être aussi importante et plus sublime que l'Ineffable, qui, traditionnellement, répartit et contrôle les forces mystérieuses de la nature .. les systèmes de la vie et de la mort et les règles de la nature humaine.

 L'histoire et le mythe nous montrent que lorsqu'une entité essaie de violer, soumettre ou altérer le mode par lequel opère l'Ineffable, elle est punie et doit souffrir soit un amoindrissement de ses capacités dans l'univers du mystère et de la magie - comme des apprentis qu'on n'autorise plus à pratiquer -, soit un exil solitaire loin de la terre des dieux, ou toute autre perte similaire de grâce et de pouvoir par amoindrissement, par mutilation ou par la mort.

. voir en Barbe-Bleue le représentant interne du mythe intégral d'un tel être déchu, nous devons pouvoir également comprendre la solitude profonde, inexplicable, qui l'(nous) envahit de temps en temps, parce qu'il vit un exil permanent, loin de la rédemption.

 Le problème posé dans Barbe-Bleue est celui-ci : plutôt que d'aviver la lumière des jeunes forces féminines de la psyché, il est au contraire rempli de haine et désire anéantir les lumières de celle-ci. .

. tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. il y a une force qui va se trouver en opposition avec les instincts du Soi naturel et cette force maligne est ce qu'elle est. Nous devons nous montrer indulgentes à son égard, mais nous devons commencer par la reconnaître, par nous protéger de ses ravages pour plus tard nous séparer de son énergie meurtrière.

Toutes les créatures doivent apprendre l'existence des prédateurs. ..Comprendre le prédateur, c'est être un animal qui a atteint sa maturité et ne saurait être vulnérable par naïveté, inexpérience ou inconscience.

 

LA FEMME NAÏVE COMME PROIE

. La plus jeune soeur représente un potentiel de création à l'intérieur de la psyché. Quelque chose qui s'achemine vers une vie exubérante. Mais elle fait un détour en chemin.parce qu'elle n'a pas gardé intact l'instinct.

Sur le plan psychologique, les jeunes gens et les jeunes filles ne sont pas conscients du fait qu'ils représentent une proie. . Nous sommes tous en naissant des anlagen, comme le potentiel au coeur d'une cellule : en biologie, l'anlage est la partie de la cellule qui représente « ce qui va devenir » . Dans l'anlage se trouve la substance primaire qui, avec le temps, va se développer, nous permettant de devenir quelqu'un de complet.

 . Le mariage.. représente un nouveau statut recherché.

 La jeune épousée, néanmoins, s'est leurrée. Au début, Baïbe-Bleue lui faisait peur. Elle s'en méfiait. Et puis, un peu de plaisir dans les bois a suffi pour que son intuition soit noyée. .

 Cette erreur de jugement est routinière. 

 .. Comme dans le monde animal, la jeune fille apprend à voir le prédateur à travers ce que lui en apprennent ses père et mère.

 Pourtant, même protégée par la sagesse parentale, l'adolescente peut, surtout vers les douze ans, être séduite et éloignée de sa propre vérité par ses pairs, des groupes culturels, des pressions psychiques et commencer ainsi à prendre des risques dans le but de se rendre compte par elle-même. Quand je travaille avec des jeunes filles qui sont convaincues que le monde sera OK si elles savent s'y prendre avec lui, je me sens comme une vieille chienne en face d'elles. ..

 Au début de notre existence de femme, nous envisageons les choses sous l'angle très naïf et donc nous appréhendons mal ce qui est caché. . nous commençons toutes, en nous plaçant dans des situations confuses. . nous sommes capables de voir seulement ce qui est évident.

La plus jeune soeur du conte ne fait pas seulement preuve de naïveté sur son fonctionnement mental. elle se révèle aussi capable de se laisser prendre aux plaisirs du moi. . Tout être humain souhaite le paradis sur terre. Le problème est que le moi en éprouve le désir, mais que cette aspiration au paradis, lorsqu'elle s'ajoute à la naïveté, loin de nous combler, va venir nourrir le prédateur.

C'est généralement quand les filles sont très jeunes -avant l'âge de cinq ans - qu'elles acceptent l'idée d'épouser le monstre. 0n leur apprend à fermer les yeux.. « Au fond, sa barbe n'est pas si bleue que cela », cet apprentissage précoce qui demande aux femmes d'  « être gentilles » et finit par se substituer à leur intuition. En ce sens, on leur apprend purement et simplement à se soumettre au prédateur. ..

Dans le conte, même la mère collabore.. On pourrait dire que la mère biologique ou la mère intérieure est endormie, ou qu'elle est elle-même naïve, comme c'est souvent le cas chez les femmes qui n'ont pas été maternées.

. les deux autres soeurs se montrent plus averties. C'est-à-dire que certains aspects de la psyché, représentés par les soeurs aînées, voient un peu mieux les choses, qu'elles ont un «  savoir un plus développé qui les met en garde et les protège. La femme qui n'a pas été initiée ne fait pas attention ; elle est déjà trop identifiée à la naïveté.

. Mais le désir du paradis pousse la femme à épouser Barbe-Bleue, le dealer qui lui procure des paradis psychiques artificiels.

Quelque soit le problème auquel une femme est confrontée, la voix de ses aînées de la psyché continue à l'adjurer de montrer lucidité et sagesse dans ses choix. Elles chuchotent des vérités qu'elle peut fort bien ne pas vouloir entendre, car elles mettent un terme à son fantasme du paradis retrouvé.

.. Il faut espérer qu'elles finiront par ouvrir la porte de la pièce où gît tout ce qui a été détruit de leur vie.Tant qu'une femme est forcée de croire qu'elle est impuissante et/ou qu'on lui a appris à ne pas prendre conscience de ce qu'elle sait être la vérité, les élans et les dons de sa psyché féminine seront tués dans l'oeuf,

Lorsque la jeune âme épouse le prédateur, elle est captive ou limitée durant une période de son existence qui devait être épanouissement. Au lieu de vivre librement, elle commence à vivre dans l'erreur.

 

LA CLEF DE LA CONNAISSANCE : SAVOIR FURETER 

 .. cette petite clef.. représente la permission de prendre connaissance des secrets les plus sombres de la psyché - dans ce cas précis, ce qui dégrade et détruit le potentiel humain d'une femme.

 La femme naïve accepte tacitement de rester « sans savoir ». .. La femme naïve ou la femme handicapée va donc se laisser facilement prendre à des promesses d'opulence, de bonheur, de plaisirs variés, qu'elles soient promesses d'un statut élevé aux yeux de leur famille ou de leurs pairs ou promesses d'une sécurité accrue, d'un amour éternel, de la grande aventure, ou d'une sexualité torride. P.53

 Barbe-Bleue interdit à la jeune femme de se servir de la clef qui lui ferait prendre conscience des choses. En cela, il la dépouille de sa nature intuitive, de l'instinct naturel qui la pousse à la curiosité et lui permet de découvrir «  ce qui gît en dessous »  et au-delà de l'évidence. Sans ce savoir, la femme est dénuée de protection. Si elle essaie d'obéir à l'injonction de Barbe-Bleue de ne pas se servir de la clef, elle choisit la mort pour son esprit. En choisissant d'ouvrir la porte de la terrifiante pièce au secret, elle choisit la vie.

 Certains théoriciens de la psychologie.. ont interprété les épisodes du type de celui que l'on trouve dans ce conte comme une punition de la curiosité sexuelle des femmes. .. la psychologie traditionnelle donnait une connotation franchement négative à la curiosité féminine, tandis que chez les hommes, la curiosité se voyait qualifier d'investigatrice. .. En fait, en banalisant la curiosité féminine de façon à la réduire à des manières de fouine, on dénie aux femmes toute perspicacité, tout pressentiment, toute intuition. Tous leurs sens. On s'en prend à leurs pouvoirs les plus fondamentaux : leur capacité à différencier et à déterminer les choses.

.. Il est important de trouver la petite porte, important de désobéir aux ordres du prédateur et il est absolument essentiel de découvrir ce que cette pièce a de particulier.

. Jadis.. l'idée même de porte signifiait qu'à l'intérieur se trouvait quelque chose ayant une valeur spirituelle ou devant être contenu.

Dans le conte, la porte est décrite comme une barrière psychique. Ce gardien .. nous rappelle la réputation de mage du prédateur -une force psychique qui nous embrouille et nous emmêle comme par magie, de sorte que nous sommes empêchées d'avoir connaissance de ce que nous savons. Lorsque les femmes se découragent ou découragent les autres de plonger dans les profondeurs, car sinon, « tu pourrais être dépassée par ce que tu vas trouver » , elles renforcent cette porte ou cette barrière. Pour la forcer, il convient d'employer une « contre magie » adéquate. On la trouve dans le symbole de la clef.

 En matière de transformation, il y a un acte essentiel : poser la bonne question. C'est valable dans les contes de fées, en analyse, dans l'individuation. La bonne question fait germer la conscience. La bonne question, correctement formulée, naît toujours d'une curiosité fondamentale à propos de ce qui « se trouve derrière ». Les questions sont les clefs qui ouvrent d'un coup les portes secrètes de la psyché.

 Les sours.. ont t recours à leurs bons instincts et posent précisément la question psychologique : « Où penses-tu que se trouve cette porte et que peut-il bien y avoir derrière ? » 

.. « Qu'y a-t-il au-delà des apparences ? .. » . c'est la capacité de supporter ce qu'elle voit qui permet à une femme de faire retour à sa nature profonde, là où elle sera soutenue dans toutes ses pensées, ses émotions, ses actions.

 

LE FIANCÉ ANIMAL

. elle finit par introduire la clef, la question, dans la porte et découvre l'horreur du carnage qui a été perpétré quelque part dans sa vie profonde. Et cette clef, ce minuscule symbole de son existence, va soudain se mettre à saigner sans discontinuer, à pleurer des larmes de sang intarissables pour avertir que quelque chose ne va pas. Une femme peut essayer de se cacher la dévastation de sa vie, mais l'hémorragie, la perte de l'énergie, va continuer jusqu'à ce qu'elle reconnaisse le prédateur pour ce qu'il est et qu'elle le maîtrise.

.elles s'aperçoivent .. qu'elles ont autorisé l'assassinat de leurs rêves, de leurs objectifs et de leurs espoirs vitaux. Des pensées, des émotions, des désirs autrefois pleins de promesses, gisent là exsangues, sans vie.. le prédateur naturel, souvent symbolisé dans les rêves par le fiancé animal, est passé par là.

.. La présence de ce facteur dans la psyché explique que les femmes qui déclarent vouloir établir une relation amoureuse font au contraire tout leur possible pour saboter une histoire d'amour qui marche. Elle explique que les femmes qui se fixent des buts bien précis dans le temps et dans l'espace ne vont même pas faire le premier pas vers eux ou abandonneront au premier handicap. Elle explique que tous les atermoiements qui finissent par conduire à la haine de soi-même, tous les sentiments de honte qui sont repoussés sous la surface ou au-dehors et laissés à s'infecter, tous les nouveaux départs dont le besoin douloureux se fait sentir, tout ce qui aurait dû arriver depuis longtemps, rien de tout cela n'aboutit. Partout où le prédateur vient accomplir sa tâche, tout déraille, tout est détruit, décapité.

C'est là un processus archétypal fort de la psyché féminine. La femme est intuitive et, même si au début elle accepte d'épouser le prédateur naturel de la psyché, si elle passe une période où elle se perd dans la psyché, elle trouve la volonté de s'en sortir à la fin, car elle est capable de voir la vérité, d'en prendre conscience et de faire ce qu'il faut pour résoudre le problème.

 Vient alors l'étape suivante, encore plus difficile, celle qui consiste à être capable de supporter ce que nous voyons, notre autodestruction, notre anéantissement.

 

L'ODEUR DU SANG

.

 Maintenant, le soi naïf sait qu'une force meurtrière est lâchée dans la psyché. Le sang sur la clef, c'est du sang de femme. S'il s'agissait simplement du sang résultant du sacrifice de fantasmes frivoles, il n'y aurait qu'une trace sur la clef.. il exprime le carnage des aspects les plus profonds de la vie créatrice, les plus ancrés dans l'âme.

 La femme qui se trouve dans cet état perd son énergie créatrice, soit pour résoudre des problèmes quotidiens tels ceux de l'école, de la famille, des amis, soit pour se préoccuper des problèmes du monde qui l'entoure, soit vis-à-vis de questions moins terre à terre comme son développement personnel ou son art. . Même si les idées ne lui manquent pas, elle semble vidée de tout, profondément anémique et de plus en plus incapable d'entreprendre quoi que ce soit.

Le sang dont il est question dans le conte n'est pas du sang menstruel, mais le sang des artères de l'âme. Il ne se contente pas de souiller la clef, il coule sur toute la personne de l'épouse et tache sa robe, comme il va tacher toutes les robes que contient sa garde-robe. En psychologie archétypale, le vêtement peut personnifier la présence extérieure. La persona est un masque que la personne présente au monde. ..

 Lorsque la clef qui pleure des larmes de sang - la question - tache notre persona, nous ne pouvons cacher plus longtemps nos peines. . Et de voir la vérité nous fait perdre encore des flots d'énergie. Cela fait mal.

 Dans ce conte, la clef joue aussi le rôle d'un récipient, elle contient le sang, qui est la mémoire de ce que l'on a vu, de ce que l'on sait maintenant. Pour les femmes, la clef signifie la pénétration d'un mystère ou d'un savoir. .. cette clef symbolique est souvent présentée par des mots, comme le « Sésame, ouvre-toi » qu'Ali-Baba crie à la montagne, l' «  Abracadabra » qui transforme la citrouille en carrosse et les souris en cochers.

 Dans les mystères d'Eleusis, on cachait la clef sur la langue, ce qui signifiait que le noeud de la question, l'indice, la trace, pouvait être découvert dans un certain groupe de mots, ou dans des questions-clés. .. « Qu'est-ce qui n'est pas selon son apparence ? Que sais-je, au plus profond de mes ovarios, et que j'aimerais ne pas savoir ? Qu'est-ce qui, de moi, a été tué ou est en train d'agoniser ? »

 Chacune de ces questions est une clef. Et il est probable que les réponses arriveront tachées de sang, si la femme, au cours de son existence, n'était qu'à demi vivante. L'aspect meurtrier de la psyché, qui .. faire en sorte que la femme ne puisse prendre conscience des choses, va se manifester de temps en temps et arracher, ou empoisonner, toute nouvelle pousse.

Aussi est-ce seulement la persistance du sang sur cette clef qui conduit  psyché à s'accrocher à ce qu'elle a vu, au sens positif du terme. Il s'établit dans notre existence une censure de tous les événements négatifs et douloureux.  Le moi censeur doit sans aucun doute vouloir oublier ce qu'il a vu cette pièce et les cadavres qu'elle contient. C'est pourquoi l'épouse de Barbe-Bleue entreprend de récurer la clef. Pourtant, non seulement elle échoue à cautériser la clef, mais elle ne peut mettre un terme au processus en prétendant qu'il n'a pas lieu. Elle ne peut empêcher la minuscule clef de pleurer des larmes de sang. Paradoxalement, alors que sa vie d'avant est en train de mourir et qu'aucun remède ne peut dissimuler ce fait, elle prend conscience qu'elle perd son sang et en conséquence commence tout juste à vivre. .

. Barbe-Bleue tue le féminin créatif,  potentiel de développement d'une existence nouvelle, riche sous tous ses aspects. Le  prédateur se révèle particulièrement agressif à l'égard de la nature sauvage féminine. .. Il cherche à accabler sous son mépris la femme dans sa relation avec son inspiration, sa perspicacité, la poursuite de ses objectifs et peut aller jusqu'à tenter de couper ces liens. .

 L'âme privée de nourriture peut éprouver une souffrance telle que la femme finit par ne plus pouvoir la supporter. Parce que les femmes ressentent dans l'âme le besoin de s'exprimer à leur manière propre, elles doivent pouvoir s'épanouir comme elles l'entendent et sans subir les brimades des autres. En ce sens, on peut dire que la clef avec le sang dessus représente aussi les liens du sang avec les femmes qui les ont précédées. .

Lorsqu'on éclaire au maximum l'obscurité de la psyché, les ombres n'en paraissent que plus noires là où la lumière ne porte pas. C'est un des points les moins discutés du processus d'individuation. Il en résulte que lorsque nous illuminons une partie de la psyché, nous devons affronter l'obscurité encore plus profonde. Il ne faut pas ignorer cette part obscure. La clef, les questions, ne doivent être ni cachées, ni oubliées. Il faut poser les questions. Et trouver la réponse.

.Une femme courageuse, toute femme en train de devenir sage va aménager les territoires les plus pauvres du psychisme, car si elle ne construit que sur les meilleurs terrains de sa psyché, elle aura vue sur ce qu'elle a de moins bien. Ne craignons donc pas d'explorer ce que nous avons de pire. Le pouvoir de l'âme en sortira renforcé, grâce aux nouvelles perspectives, aux nouvelles opportunités qui permettront une vision neuve de notre vie, de notre soi.

. la Femme Sauvage.. n'a pas peur du noir : elle voit dans l'obscurité. .. Elle peut en supporter la vue, l'accepter, apporter son aide.

 Les squelettes du cabinet représentent la force indestructible du féminin sous son jour le plus positif. Sur le plan archétypal, les os représentent l'indestructible. . quelque chose de difficile à détruire dans la psyché. Notre seul bien difficile à détruire, c'est notre âme.

..l'essence de la féminité.. l'âme féminine. .. des corps éparpillés dans la cave.. quelque chose est arrivé à la force de l'âme et pourtant, même si sa vitalité extérieure lui a été ôtée, elle n'a pas été complètement détruite. Elle peut encore revenir à la vie.

Là se trouvent les restes de ce qui fut jadis une Femme dans son intégralité. Toutefois, à la différence des cycles vie et de mort de l'archétype de la Femme Sauvage qui prend la vie prête à mourrir, l'incube et la replace dans le monde, Barbe-Bleue se borne à tuer la femme et à la démanteler jusqu'à ce qu'elle ne soit qu'un tas d'os. Il ne lui laisse ni beauté, ni amour, ni moi et, en conséquence, aucune capacité d'agir pour elle-même, Pour y remédier, nous devons, en tant que femmes, voir la chose meurtrière qui s'est emparée de nous, examiner le résultat de son travail de mort, l'enregistrer dans notre conscience et s'y maintenir, avant d'agir, pour notre propre compte et non pour le sien.

 Les symboles de la cave, du cachot, de la caverne ont tous un lien commun. .. anciens lieux d'initiation, vers lesquels ou par lesquels une femme descend auprès de la ou des victimes de l'assassinat, brise des tabous pour découvrir la vérité et grâce à son intelligence et/ou à une douloureuse mise au jour, parvient à triompher en la bannissant, transformant ou exterminant l'assassinat de la psyché. Le conte nous indique clairement la tâche à accomplir : rechercher les cadavres, suivre ses instincts, voir ce qui doit être vu, rassembler ses forces psychiques et anéantir l'énergie destructrice. .

 

RENTRER SOUS TERRE ET RESURGIR PAR DERRIÈRE

. L'élément meurtrier de l'inconscient vient menacer de détruire la femme consciente.

 L'analyse, l'interprétation des rêves, la connaissance et l'exploration de soi, sont autant de manières d'esquiver et de surprendre. C'est une façon de plonger sous le problème pour l'examiner sous un autre angle. Si l'on n'a pas la capacité de voir, et de voir vraiment, ce qu'on apprend du soi-moi et du Soi numineux nous échappe.

. la psyché tente maintenant d'éviter d'être tuée. Elle n'est désormais plus naïve, mais rusée ; elle réclame un peu de temps.

  Ironiquement, les deux aspects de la psyché, le prédateur et le jeune potentiel, atteignent l'un comme l'autre le degré d'ébullition. Lorsqu'une femme comprend qu'elle a servi de proie, à la fois dans la vie courante et dans sa vie intérieure, elle a du mal à le supporter. Frappée à la racine de son être véritable, elle enviisage, comme elle doit le faire, de tuer la force prédatrice.

Pendant ce temps, son complexe prédateur est furieux de voir qu'elle a ouvert la porte interdite. Cette force destructrice se fait meurtrière..

  Lorsque les aspects opposés de la psyché d'une femme atteignent ces extrêmes, elle se sent souvent épouvantablement fatiguée, car sa libido est tirée dans deux directions opposées. . Traverser cette période critique, c'est comme passer un jour et une nuit dehors, alors que le thermomètre est tombé au-dessous de zéro pour survivre, il ne faut pas céder à l'épuisement. Dormir maintenant, c'est mourir.

 C'est là l'initiation la plus profonde, l'initiation d'une femme à ses propres sens instinctifs. C'est le moment où la femme captive passe du statut de victime à celui d'être à l'esprit rusé.. par un effort quasi surnaturel, la psyché exténuée parvient à son ultime tâche.

 Les questions-clés continuent à apporter leur aide, car la clef continue à perdre son sang de sagesse même lorsque le prédateur a interdit de prendre conscience des choses. «  Prends-en conscience et tu meurs » , tel est son message..

 .. dans le monde animal.. Si la proie lance un certain regard servile, si un frisson parcourt sa peau, elle reconnaît sa faiblesse et accepte de devenir la victime.

 A ce moment critique, la femme ne doit pas frissonner, ne doit pas ramper.  .. Elle va rentrer sous terre pour lui échapper et réapparaître par surprise dans son dos.

 

POUSSER LE CRI

.elle essaye donc de rassembler ses forces afin de triompher du prédateur - que ce prédateur soit une religion et/ou une famille et/ou un mari destructeurs, ou des complexes négatifs. .

 La jeune femme fait appel à ses frères psychiques. . Ce sont les moteurs les plus musclés, les plus agressifs de la psyché. Ils représentent la force intérieure de la femme qui va agir lorsque le temps de mettre fin aux impulsions mauvaises sera venu. On leur donne habituellement le genre masculin, mais le genre féminin leur convient également. Ils peuvent aussi être neutres, représentés par des éléments comme la montagne qui se referme sur l'intrus, ou le soleil qui, un instant, descend et vient réduire le maraudeur en cendres.

. Mais à l'origine, les défenseurs de la psyché ne sont pas aussi près de la conscience qu'ils le devraient, Chez beaucoup de femmes, l'empressement et la nature combative sont insuffisamment proches de la conscience pour être efficaces.

. le symbole du tourbillon représente une force de détermination capable de leur communiquer une énergie considérable si elles évitent de l'éparpiller. ..Les questions-clés ouvrent la porte de leur libération, mais sans les yeux des soeurs, sans l'épée des frères, elles ne peuvent réussir.

 Lorsque les femmes refont surface, laissant derrière elles leur naïveté, elles ramènent quelque chose d'inexploré. Dans le cas présent, c'est l'aide d'une énergie interne masculine que l'épouse, désormais plus avisée, reçoit. Jung l'a appelée l'animus. Cet élément de la psyché féminine en partie mortel, en partie instinctuel, en partie culturel, apparaît dans les contes de fées et dans les rêves sous la forme du fils, du mari, de l'étranger et/ou de l'amant - et se révèle parfois menaçant, selon les circonstances. Il revêt une importance particulière dans la mesure où il possède des qualités que l'éducation traditionnelle refuse aux femmes, notamment l'agressivité,

 Lorsque cet élément énergique appartenant au sexe opposé est sain, comme les frères dans Barbe-Bleue, il aime la femme qu'il habite et l'aide, de l'intérieur de la psyché, à accomplir ce qu'elle souhaite. C'est lui qui possède la force, les muscles psychiques, alors qu'elle aura peut-être le don de différer. Il va l'aider à prendre conscience des choses. Chez de nombreuses femmes, cet aspect contresexuel jette un pont entre les émotions, les pensées intérieures et le monde extérieur.

 Plus cet animus est fort, plus ce pont est solide, plus les femmes sont capables d'exprimer leurs idées et de créer de manière concrète, avec facilité et originalité. La femme dont l'animus est faiblement développé a de nombreuses idées, mais reste incapable de les manifester. .

 

LES MANGEURS DE PÉCHÉ

Barbe-Bleue est tout du long une histoire d'amputation et de réunion, avec pour finir le cadavre de Barbe-Bleue abandonné aux mangeurs de chairs, cormorans et autres vautours. . Dans l'Antiquité, il y avait des mangeurs de péché, personnifiés par des esprits, des oiseaux, des animaux, parfois même des humains, qui, un peu à la manière des boucs émissaires, se chargeaient des péchés, des déchets de la collectivité, afin que les gens soient rachetés et purifiés des immondices d'une vie difficile ou d'une existence mal vécue.

 Cette dévoration des péchés et des pécheurs, suivie de leur incubation puis de leur restitution à la vie, constitue un processus d'individuation pour les aspects fondamentaux de la psyché. Il est bon en ce sens de supprimer toute énergie aux éléments prédateurs de la psyché et de les tuer à proprement parler, afin qu'ils puissent retourner à la mère de la Vie/MortlVie qui, pleine de compassion, leur permettra d'être transformés et de renaître à la vie dans un état moins belliqueux, il faut l'espérer.

. il existe le sentiment mystique que tout travail d'individuation accompli par les êtres humains apporte un peu de lumière dans l'inconscient collectif de l'humanité, là où réside le prédateur. Jung . postulait que les hommes permettent à la lumière d'éclairer la face sombre de Dieu lorsqu'ils chassent leurs démons personnels vers la lumière du jour.

. si l'on suit le schéma archétypal .. : ai lieu d'invectiver contre le prédateur de la psyché ou de le fuir, nous le démembrons, et ce, en ne nous autorisant aucune pensée qui soit un facteur de division à propos de la vie de l'âme et de notre valeur en particulier. Nous capturons toute odieuse pensée avant qu'elle ne prenne suffisamment forme pour faire des ravages et nous la démembrons.

Nous effectuons ce démembrement en prenant le contre-pied des diatribes du prédateur grâce à nos pensées nourricières. Le prédateur : « Tu ne termines jamais ce que tu entreprends. »  Nous : «  Je termine pas mal de choses. »  Et puis, nous prenons à coeur ce qu'il y a de vrai dans ses affirmations, nous nous en occupons, et nous jetons le reste.

 Ce démembrement, nous l'accomplissons aussi en nous attachant à nos intuitions, à nos instincts et en résistant aux assauts de séduction du prédateur. . les  moments de déception, d'impuissance face aux tourments, les fantasmes de frivolité. sont .. des points vulnérables de notre psyché. C'est vers eux que se tourne le prédateur..

.. les restes de Barbe-Bleue livrés aux charognards. .. aperçu très net de la transformation du prédateur, car c'est l'ultime tâche des femmes, au cours de ce voyage, de permettre à la nature de Vie/Mort/Vie de dépecer le prédateur et de l'emporter afin qu'il soit incubé, transformé, et remis dans le circuit de la vie.

. Quand l'energum psychique du prédateur est restitué, on peut lui donner une autre forme, dans un but autre. Et dans ce cas, nous sommes des créatrices ; une fois la substance brute réduite à l'essentiel, elle devient le matériau de notre propre création.

 En triomphant du prédateur, en lui prenant ce qui est utile et en laissant le reste, les femmes sont emplies d'une intense vitalité, d'un élan formidable.  Elles lui font restituer ce qui leur a été volé, de la vigueur, de la substance, en quelque sorte elles le « clarifient ». On peut concevoir ainsi cette transformation de l'énergie du prédateur en quelque chose d'utile : avec la fureur du prédateur, on alimente le feu de l'âme. La ruse du prédateur va servir à mieux voir, à mieux prendre ses distances. Sa nature meurtrière va servir à anéantir ce qui doit mourir dans une vie de femme, ou ce à quoi celle-ci doit mourir dans sa vie quotidienne, ce qui n'est pas la même chose et ne se fait pas en même temps..

 « Extraire la substantifique moelle » de Barbe-Bleue, c'est comme prendre.. à la belladone empoisonnée ses éléments curatifs. Des cendres du prédateur, de ce qu'il en reste, renaîtra de fait quelque chose, mais sous une forme plus réduite, plus reconnaissable, quelque chose qui aura un bien moindre pouvoir de duperie et de destruction - car vous vous serez réappropriée nombre des pouvoirs qu'il utilisait.

..Il parle de la naïveté du psychisme et du pouvoir que donne le fait de violer l'interdiction de ne pas « regarder »,  avant de tailler en pièces le prédateur naturel..

.. une histoire a pour but de remettre en marche la vie intérieure. .

 A un niveau peut-être plus fondamental, Barbe-Bieue élève jusqu'à la conscience la clef psychique, la capacité de poser toutes les questions nécessaires sur soi-même, sur sa famille, sur ses efforts et sur la vie.

 

L'HOMME NOIR DANS LES RÊVES DES FEMMES

 Le prédateur naturel de la psyché ne se rencontre pas seulement dans les contes de fées. Il vit aussi dans les rêves. .

 Il y a une composante fortement physique dans ce rêve de l'homme noir, souvent accompagné par une respiration haletante, des sueurs, des mouvements désordonnés et parfois des cris de terreur et des gémissements. C'est comme s'il y avait dans ce rêve des messages subtils qui, par le biais d'images perturbant le système nerveux de la rêveuse, lui communiquent leur urgence.

 Le ou les antagonistes rencontrés dans ce rêve de «  l'homme noir «  sont habituellement.. « des terroristes, des violeurs, des étrangleurs, des nazis dans les camps de concentration, des maraudeurs, des assassins, des criminels, des personnages répugnants ou mal intentionnés, des voleurs » . .

 Il indique par exemple .. que la dormeuse, est en train de prendre conscience du prédateur inné de la psyché. Il  peut aussi être le signe précurseur de la découverte, récente ou proche, d'une fonction de la psyché captive et sur le point d'être libérée, Parfois encore, le rêve montre que le contexte culturel dans lequel évolue la dormeuse lui est de plus en plus intolérable et qu'elle doit s'en libérer soit par la fuite, soit en combattant.

. Le rêve de « l'homme noir » révèle à la femme dans quelle mauvaise passe elle se trouve, quelle attitude cruelle, personnifiée par la brute, elle adopte envers elle-même. Telle épouse de Barbe-Bleue, la femme peut se libérer si elle parvient à mettre la main sur la question-clé et à y répondre en toute franchise. ..

 L'homme noir apparaît dans les rêves lorsqu'est imminente une initiation - le passage, dans le psychisme, d'un niveau de connaissance et de comportement à un autre niveau de savoir et d'action, plus mûr ou plus énergique. .

Les rêves sont des portales, des entrées, des exercices, une préparation à une nouvelle étape dans la conscience des femmes, le «  lendemain »  dans le processus d'individuation. Une femme peut donc faire un rêve mettant en scène le prédateur lorsque dans son psychisme tout est trop calme ou trop complaisant. .. ce rêve intervient afin de déclencher un orage dans la psyché et de permettre qu'un travail énergique s'accomplisse. Il peut aussi révéler que la vie de cette femme doit changer.

 Le rêve de l'homme noir est aussi un signal d'alarme. Il signifie qu'il faut prêter attention à quelque chose qui risque d'être définitivement perdu dans le monde extérieur, la vie personnelle ou le contexte culturel. .

 Quand le monde intérieur fait intrusion dans la vie de l'âme fondamentale d'une personne ou de plusieurs, les rêves de l'homme noir sont légion. .

 Pour les femmes naïves ou peu informées, ce rêve signifie : « Attention, réveille-toi, tu es en danger. » Pour celles qui sont conscientes des choses et engagées dans l'action sociale, l'homme noir semble pratiquement avoir une action tonifiante et leur rappeler ce contre quoi elles luttent, les encourager à rester en éveil et à continuer.

 Le rêve du prédateur naturel n'est donc pas toujours seulement un message concernant la vie intérieure. C'est parfois un message mettant en garde contre des aspects menaçants de notre environnement culturel - que ce soit dans le cadre de notre profession, celui de notre propre famille, du voisinage, ou celui, beaucoup plus vaste, de notre culture religieuse ou nationale. Chaque groupe, chaque culture semble .. posséder son propre prédateur naturel psychique et l'histoire est là pour nous prouver qu'il existe des époques où le prédateur se trouve identifié à la souveraineté absolue jusqu'à ce que la marée de ses opposants le balaie.

Une grande partie de la psychologie met l'accent sur les causes familiales de l'angoisse et pourtant les composantes culturelles ont un poids aussi lourd, car la culture est la famille de la famille.. Si cette culture guérit, les familles vont apprendre à se soigner, à moins lutter, à avoir une action réparatrice.. Si c'est une culture où règne le prédateur, toute nouvelle vie à naître, toute vie ancienne à disparaître vont être maintenues dans l'immobilité.

 On ignore exactement pourquoi cet intrus qui, dans les rêves féminins, prend la plupart du temps une forme masculine tente d'assaillir la psyché instinctuelle et tout particulièrement ses pouvoirs sauvages de connaissance. On dit que c'est sa nature. Il s'avère toutefois que ce processus de destruction est exacerbé lorsque l'environnement culturel d'une femme fortifie et protège les attitudes destructrices à l'égard de la nature instinctuelle profonde et de l'âme. En cela, la culture permet à ces valeurs destructrices .. de se renforcer dans la psyché collective de tous ceux qui en font partie. Quand une société exhorte ses membres à se méfier de la vie instinctuelle profonde et à s'en tenir à l'écart, elle renforce l'élément autoprédateur dans la psyché de chacun.

 Et pourtant, même dans une culture oppressive, en chaque femme où la Femme Sauvage existe encore et fleurit ou tout au moins luit, les questions-clés vont être posées .. «  Qu'y a-t-il derrière ces interdictions du monde extérieur ? Qu'est-ce qui gît là, assassiné ou agonisant, et qui était bon et utile à l'individu, à la culture, à la planète, à la nature humaine.» .

 Il faut donc absolument préserver la nature sauvage des femmes et.. dans certaines circonstances, exercer à son égard une vigilance de tous les instants afin qu'elle ne leur soit pas soudain enlevée et proprement étranglée. Il faut aussi la nourrir, l'abriter, la faire croître, car même dans l'environnement culturel, familial ou psychique le plus restrictif, la femme qui a su rester en relation avec la nature instinctuelle sauvage montre une capacité de réaction. Certes, la femme captive et/ou induite à demeurer naïve et accommodante est blessée, mais elle a toujours en elle suffisamment d'énergie pour venir à bout de son geôlier et s'échapper, puis, plus tard, pour en extraire la substantifique moelle et s'en servir pour le reconstruire.

 Il existe d'autres circonstances particulières dans lesquelles les femmes ont de fortes chances de faire le rêve de l'homme noir : c'est lorsqu'en elles la flamme de leur créativité s'étouffe toute seule, manque de combustible.. Ces syndromes peuvent se produire lorsque nous sommes devenues des vétérans dans notre domaine ou que nous ne nous y impliquons plus. .

 Dans ce cas, le rêve de l'homme noir, même s'il s'accompagne d'un réveil en sursaut, n'est pas un rêve de mauvais augure, bien au contraire. Il nous fait sentir en temps voulu le besoin de prendre conscience d'un mouvement destructeur qui a lieu dans la psyché - vol de notre feu intérieur, intrusion au sein de notre énergie créatrice, dépossession du lieu, de l'espace, du temps, du territoire où nous créons.

 Notre créativité est souvent ralentie ou stoppée parce que, dans notre psyché, un élément a une faible opinion de nous-mêmes et qu'au lieu de lui donner un bon coup sur la tête et de nous enfuir vers la liberté, nous nous traînons à ses pieds. .. nous pouvons rétablir la situation en nous prenant au sérieux.. tout ce qui touche à la valorisation de la vie créatrice - c'est-à-dire la valorisation des idées et des travaux issus de l'âme sauvage, profondément originaux, artistiques et harmonieux - est devenu pour les femmes un problème permanent. .

 A nous toutes, la menace que représente l'homme noir sert d'avertissement : si tu ne prêtes pas attention aux trésors, on va te les voler. réévaluer ses talents et reconnaître, appréhender, s'occuper de ce qui lui était dérobé ou la détruisait.

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 Sur le plan du quotidien, la femme qui fait des rêves d'homme noir ou de personnages du genre de Barbe-Bleue doit évacuer toute négativité de son existence. 11 lui faut parfois restreindre ou réduire certains liens, car si elle est entourée de personnes qui s'opposent à sa vie profonde ou la négligent, son prédateur intérieur s'en nourrit et s'en fortifie, à son détriment à elle.

  Les femmes ont souvent des sentiments ambivalents lorsqu'il faut attaquer l'intrus.

  Il est donc courant de voir les femmes supprimer leur nature sauvage, fondamentalement originale, leur âme créatrice en réaction à la menace du prédateur. C'est pourquoi les femmes gisent, sous forme de cadavres et de squelettes, dans la cave de Barbe-Bleue. ..

 .. Le conte traite de la transformation de quatre introjections.. : manquer de perspicacité, n'avoir ni vision propre, ni voix originale, ni action décisive. .

 Celles qui ont une nature instinctuelle forte reconnaissent intuitivement le prédateur intérieur par l'odorat, la vue, l'ouïe ; elles devinent sa présence. Celles dont l'instinct est endommagé n'ont même pas encore conscience de sa présence que le prédateur est déjà sur elles, car leur capacité d'écoute, d'appréhension, leur savoir sont amoindris - notamment par des introjections qui les exhortent à se montrer gentilles, à bien se comporter et tout particulièrement à ne pas voir qu'elles sont abusées.

 Pour la femme naïve comme pour celle dont l'instinct est endommagé, le remède est le même : écouter son intuition, sa voix intérieure, poser des questions, être curieuse, voir ce qu'elle voit, entendre ce qu'elle entend et agir en connaissance de cause. Notre âme a reçu ces dons intuitifs à la naissance. Ils ont été recouverts de cendres et d'excréments, quelquefois des années durant. .. nous pouvons nettoyer.

 Nous devons à tout prix avoir à l'esprit que lorsque nous faisons des rêves de l'homme noir, il y a toujours un pouvoir opposé, c'est-à-dire équilibrant, qui se tient prêt à nous aider. Lorsque nous libérons de l'énergie sauvage pour rétablir l'équilibre avec le prédateur, devinez qui se montre aussitôt ? La Femme Sauvage..

 La Femme Sauvage dit aux femmes dans quelles circonstances elles ne doivent pas se montrer « gentilles » quand il s'agit de protéger la vie de l'âme. .. Quand cette vie-là est menacée, il n'est pas seulement recommandé, mais requis, de prendre ses distances. La femme qui agit ainsi ne subit plus pendant longtemps d'intrusion dans sa vie, car elle découvre immédiatement ce qui ne va pas et elle peut repousser le prédateur dans ses foyers. Elle a cessé d'être naïve, d'être une cible, une proie. C'est là le remède qui, en fin de compte, peut faire cesser de saigner la clef. P.73

 

5. LA CHASSE : QUAND LE COEUR EST UN CHASSEUR SOLITAIRE

 

LA FEMME SQUELETTE : AFFRONTER LA NATURE DE VIE/MORT/VIE DE L'AMOUR

Les loups savent ce qu'être ensemble veut dire. . Tandis que la vie instinctuelle des loups inclut la loyauté, et des liens de confiance et de dévotion à l'autre qui ne s'éteignent qu'avec eux, les êtres humains ne s en sortent pas toujours aussi bien. . l'intégrité de leur relation provient de leur soumission à l'ancestrale nature de Vie/Mort/Vie.

La nature de Vie/Mort/Vie est un cycle d'animation, de développement, de déclin, de mort, toujours suivi de réanimation. Il affecte la vie physique et la vie psychique sous tous ses aspects. Tout.. y est soumis.

Au contraire des humains, les loups ne sont pas surpris par les hauts et les bas de l'existence, de l'énergie, de la nourriture, des opportunités, pas plus qu'ils ne les considèrent comme des punitions. Ils les prennent comme ils viennent et s'en accommodent du mieux qu'ils peuvent. La nature instinctuelle a une capacité miraculeuse : elle passe à travers le positif et le négatif sans pour autant altérer la relation à soi et aux autres. 

. l'amour n'est pas un flirt, ni une poursuite pour le pur plaisir de l'ego, mais un lien visible, constitué par le nerf psychique de l'endurance, une union qui perdure de périodes d'abondance en temps d'austérité, de nuits limpides en jours difficiles. ..

Ce genre d'union a cependant certaines exigences. Pour créer cet amour durable, on invite un troisième partenaire : la Femme Squelette, dite également Dame Mort. En tant que telle, elle représente la nature de Vie/Mort/Vie sous l'un de ses nombreux déguisements. . c'est une déité.

Dans une relation amoureuse, elle joue le rôle de l'oracle qui, sait quand est venu le temps pour les cycles de commencer et de finir. (Cela ne veut pas dire que la relation amoureuse touche à sa fin. Mais que certains de ses aspects sont en train de muer, de disparaître pour réapparaître sous une autre forme.) En tant que telle, elle est le côté sauvage de la relation, celui qui terrifie le plus les hommes et quelquefois aussi les femmes, car lorsqu'on n'a plus foi dans la transformation, on craint par la même occasion les cycles naturels d'accroissement et d'usure.

I1 est nécessaire, pour créer un amour durable, que les deux amants admettent la Femme Squelette au sein de leur relation et l'enlacent. .

 

LA MORT DANS LA MAISON DE L'AMOUR

C'est l'incapacité à affronter la Femme Squelette et à la désenchevêtrer qui provoque l'échec de bien des histoires d'amour. Pour aimer, il faut se montrer fort et sage. La force vient de l'esprit, la sagesse de l'expérience avec la Femme Squelette.

Dans le conte .. pour être nourri à vie, il faut admettre de créer un lien avec la nature deVie/Mort/Vie. Une fois celui-ci établi, nous cessons de voguer à la poursuite de nos fantasmes pour faire face aux morts nécessaires et aux naissances stupéfiantes qui créent les vrais rapports amoureux. . La Femme Squelette nous démontre qu'une existence partagée, au fil des flux et reflux, des commencements et des fins, est ce qui crée un inégalable amour. .

. On nous a appris à tort à accepter une forme mutilée de l'un des aspects les plus profonds, les plus essentiels de la nature sauvage. On nous a dit que la mort était toujours suivie de plus de mort. Il n'en est pas ainsi. La mort est toujours en train d'incuber une nouvelle vie, même lorsque l'existence d'un être est réduite à des os.

Plutôt que de considérer les archétypes de la Vie et de la Mort comme des opposés, il faut les maintenir ensemble, comme le côté gauche et le côté droit d'une même pensée. . P.129

. La perspective d'une fin aux choses fait peur. .. à l'intérieur de la maison de l'amour.. Dame Mort est assise.. devant elle une liste des tâches à accomplir, avec inscrit d'un coté ce qui vit, de l'autre ce qui meurt. Elle a l'intention d'aller au bout, d'équilibrer les choses.

. la vie va être renouvelée par ses soins. .

Sur le plan archétypal, la nature de Vie/Mort/Vie est une composante essentielle de la nature instinctive. .

Notre peur de la mort contamine une grande partie de notre connaissance de la nature de Vie/Mort/Vie. En conséquence, nous n'avons qu'une capacité réduite à évoluer selon ses cycles. Ces forces ne nous « font » pas quelque chose. Elles ne viennent pas nous voler ce que nous chérissons. .

Non, les forces de Vie/Mort/Vie font partie de notre nature. C'est une autorité que nous portons en nous. composée des parties de nous-mêmes qui savent quand quelque chose peut, devrait ou doit venir au monde et quand cela doit mourir. C'est un professeur précieux.

. Sans la mort, point de leçons, sans la mort point d'obscurité pour y faire briller le diamant. .. notre culture nous encourage souvent à jeter la Femme Squelette du haut de la falaise, car non seulement elle fait peur, mais il faut beaucoup trop de temps pour apprendre comment elle agit. ..

La quête contemporaine d'une machine animée d'un mouvement perpétuel rivalise avec la quête d'une machine à aimer perpétuelle. .

.. tenir compte des points faibles, des peurs et des bizarreries de la nature humaine. ..

 

LES PREMIERES PHASES DE L'AMOUR

Découverte accidentelle d'un trésor

. voir ce conte comme une suite des 7 tâches destinées à apprendre à une âme comment aimer profondément une autre.

LES ULTIMES PHASES DE L'AMOUR

Le cour en guise de tambour et de chant

 

La danse du corps et de l'âme

Par l'intermédiaire de leur corps

P.153

L'énergie, l'émotion, le sentiment de proximité, la solitude, le désir, l'ennui, tout cela se suit selon des cycles relativement proches. On a envie de se rapprocher de quelqu'un, puis de se séparer et ainsi de suite. La nature de Vie/Mort/Vie nous apprend à effectuer ces figures de danse mais elle nous enseigne qu'il faut chercher la solution au malaise dans son contraire. A l'ennui le remède d'une action nouvelle, à la solitude le remède du rapprochement avec l'autre, à l'impression d'être étouffé le remède de la solitude.

Si l'on ne connaît pas cette danse là, on a tendance, e, période de calme, à manifester son besoin d'action et de nouveauté en dépensant trop d'argent, en affrontant le danger, en effectuant des chois périlleux, en se lançant dans une nouvelle liaison. .

Nous pensons être capables de passer outre à l'aspect « mort » de la nature de Vie/Mort/Vie. Le monde est dominé par ces cycles. Et si nous prenons la vie comme nous respirons, inspire puis expire, les choses ne peuvent aller de travers.

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La nature de Vie/Mort /Vie requiert des amants qu'ils affrontent franchement cette nature, sans l'esquiver ni faillir, qu'ils s'engagent l'un envers l'autre bien au-delà du « vivre ensemble », que leur amour se fonde sur ce qu'ils apprennent et sur la force qu'ils manifestent en rencontrant, en aimant cette nature et en dansant avec elle, ensemble.

La Femme Squelette se donne en chantant un corps voluptueux . le corps d'une femme dans son intégrité. .P.155

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Quand l'union a commencé par la phase charnelle, il est toujours possible d'effectuer, plus tard, la rencontre avec la nature de Vie/Mort/Vie. mais cela nécessite une résolution plus forte. La tâche est plus difficile. En effet, il faut écarter le moi plaisir de son centre d'intérêt charnel afin d'effectuer le travail de fondation. ..

Pour découvrir cette éminente conseillère en matière de vie et d'amour, il suffit d'arrêter de courir, de désenchevêtrer un peu ce qui en a besoin, de regarder en face et avec compassion sa propre blessure, ses propres envies profondes et d'y mettre tout son cour . . le chemin du cour est celui de la création, et la création est une série de naissances et de morts. . se protéger ne conduit à aucune création, pas plus que l'égoïsme ne permet de créer, ni le fait de s'arc-bouter. Seul le cour, lorsqu'il est donné, seul ce grand tambour, ce grand instrument de la nature sauvage peut créer.

C'est ainsi que doit fonctionner la relation amoureuse, chaque partenaire transformant l'autre. La force et le pouvoir de chacun sont désenchevetrés, partagés.  . P.157

 

 

9 RENTRER CHEZ SOI : RETOUR A SOI-MEME

 

L'HOMME SEUL

 

. Considérons que l'homme seul qui dérobe la peau de phoque représente le moi (l'animus ?) dans la psyché féminine. On mesure souvent le bon état du moi à la façon dont nous déterminons les limites dans le monde extérieur, dont nous structurons solidement notre identité, dont nous faisons la différence entre passé, présent et futur, et à la manière dont nos perceptions coïncident avec la réalité consensuelle. Le moi et l'âme rivalisent pour contrôler la force vitale dans la psyché. Au début de l'existence, c'est le moi, avec ses appétits, qui prend souvent le dessus.

A un moment pourtant. le pouvoir change de main. .. le moi se voit rétrograder et assigner à se soumettre aux nécessités de l'âme.

Du moment où nous naissons il y a un violent désir que ce soit notre âme qui mène notre vie, car la compréhension du moi est limitée. . il prend peur dans les mystères de la vie et de l'esprit. Il a la fâcheuse habitude de réduire toute numinosité. Pourtant, l'homme seul éprouve un brûlant désir d'âme. Il reconnaît ce qui appartient à l'âme, ce qui est sauvage, quand il s'en approche.

. L'âme est la gynitrice et la génitrice de l'esprit. Il s'incarne dans la matière afin de prendre des informations sur les voies du monde et les rapporter à l'âme. . P.245

Dans la psychologie jungienne, la moi est souvent décrit comme un îlot de conscience flottant sur une mère d'inconscience. Le folklore, lui, le montre comme une créatures avec de forts appétits, que symbolise souvent un être humain ou un animal pas très malin, entouré par des forces auxquelles il ne comprend pas grand chose et qu'il entreprend de maîtriser. Parfois le moi est capable de les dominer d'une manière des plus brutales et destructrices, mais à la fin grâce à la progression du héros ou de l'héroïne, il échoue dans ses visées sur la pouvoir.

 

12  MARQUER LE TERRITOIRE : LES LIMITES DE LA RAGE ET DU PARDON

 

L'ours au croissant de lune

 

Sous la tutelle de la Femme Sauvage, nous revendiquons l'antique, l'intuitif, le passionné. Quand notre vie reflète la sienne nous agissons de manière cohérente. .. allons jusqu'au bout des choses .. nous apprenons. Nous faisons ce qu'il faut pour faire connaître nos idées.. nous nous reconcentrons quand nécessaire, veillons à nos propres rythmes personnels. .. Nous choisissons d'avoir des liens avec ceux qui enrichissent notre vie instinctive et créatrice.

Mais la maîtrise des choses comporte un autre aspect : la rage féminine. Une rage qu'il faut libérer. . Nous voici avec une émotion forte que nous n'avons pas demandée à ressentir.

 

L'Ours au Croissant de Lune

 

LA RAGE COMME PROFESSEUR

 

. quête d'un objet magique. variations sur le thème du trésor représenté par la fourrure ou une partie du corps animal. .

.. Le contenu de cette histoire nous montre que la patience vient en aide à la fureur, mais au-delà, il nous faut comprendre ce qu'une femme doit faire pour rétablir l'ordre dans sa psyché et soigner par là même le soi en fureur. .. un modèle complet pour se comporter avec la rage et en guérir : en faisant appel à une force de guérison calme et emplie de sagesse (aller chez la guérisseuse), accepter le défi de se rendre sur un territoire psychique dont on a jamais approché auparavant (escalader la montagne), reconnaître les illusions (escalader les rochers, courir sous les arbres), mettre au repos ses idées et ses sentiments obsessionnels (rencontrer les muen-botoke, les esprits qui ne connaissent pas le repos, faute de proches pour les enterrer), solliciter le grand Soi compatissant (nourrir patiemment l'ours et voir l'ours rendre la gentillesse), comprendre l'aspect rugissant de la psyché compatissante (reconnaître que l'ours, le Soi compatissant n'est pas soumis)

. combien il est important de ramener cette connaissance du niveau psychologique au niveau de la vie quotidienne (descente de la montagne et retour au village), d'apprendre que la guérison est dans le processus de la quête et de la pratique et non pas dans une seule idée (destruction du poil.)  .. « Appliquons cela à notre fureur et tout ira bien » (la guérisseuse conseille de rentrer à la maison et de mettre ces principes en pratiques) 

. nous voyons qu'il y a dans la psyché un secteur torturé, en proie à une grande fureur, représenté par le mari de retour de la guerre. L'esprit aimant de la psyché, l'épouse, se donne le mal d'aller chercher un remède à cette colère et à cette rage afin qu'elle et son amour puissent à nouveau vivre en paix. .

.. la patience est un bon remède à la fureur ancienne ou récente, tout comme la quête entreprise pour la guérir. Même si la guérison et l'introspection varient avec chaque personne.

. chacun doit accomplir un travail psychique dans le monde extérieur comme dans le monde intérieur. . la tolérance envers chaque être humain, chaque animal, chaque émotion.  (enseignement de Shotoku Taishi) Admettre que toute émotion a son prix est sans aucun doute une façon de se respecter soi-même.

.. les émotions même brutes, même désordonnées, sont une forme de lumière, bourrée d'énergie. Il est possible d'utiliser la lumière de la fureur de manière positive, pour voir dans des endroits qui nous échappent habituellement. Nous l'utilisons négativement quand nous la concentrons de manière destructrice sur un point . P.317

. Toute émotion, la fureur y compris, véhicule une connaissance, une perspicacité. Notre rage peut devenir un professeur.. un élément dont il ne faut pas se débarrasser trop vite, qui va servir à escalader la montagne, que l'on va personnifier, par le biais de différentes images, afin d'en recevoir des leçons, de la gérer à l'intérieur puis de la transformer en quelque chose d'utile pour le monde ou de la rendre à la poussière. Dans une existence cohésive la rage n'est pas un élément isolé. C'est une substance qui attend nos efforts de transformation. Son cycle est pareil à tous les autres : elle croit, décroît, meurt et renaît sous forme d'énergie nouvelle. .

En permettant à la rage de nous donner des leçons et donc en la transformant, on la disperse. Notre énergie retourne à d'autres secteurs, particulièrement celui de la créativité. . Une fureur qui n'est pas transformée peut devenir un mantra permanent qui répète combien nous sommes des êtres opprimés, blessés, torturés.

. La rage est corrosive : elle attaque notre confiance et nous croyons qu'il ne peut rien nous arriver de biens dans la vie. Quelque chose est arrivé à l'espoir. Et, derrière la perte de l'espoir on trouve habituellement la rage, la douleur, derrière la douleur, une forme quelconque de torture, parfois récente, parfois ancienne. .

Le trauma originel va provoquer de terribles perturbations dans les systèmes et les rythmes corporels, par exemple sur le plan immunitaire, osseux et locomoteur. . on revient de la guerre.. mais il semble qu'on soit toujours en guerre dans son corps et dans son esprit. Et pourtant en entretenant la rage .. au lieu de comprendre ce qui la provoquée et ce qu'on peut en faire, nous nous enfermons avec elle. il faut une pratique consciente pour la contenir, la guérir.

 

FAIRE INTERVENIR LA GUERISSEUSE : ESCALADER LA MONTAGNE

 

Donc, plutôt que d'essayer de « bien nous tenir » et de ne pas ressentir notre rage ou de .. réduire tout ce qui vit en cendres.. mieux vaut d'abord inviter la fureur.. à bavarder un peu, de façon à découvrir ce qui nous a valu sa visite. Au début, la rage se comporte comme le mari furieux.. Elle ne veut ni parler, ni manger, elle a juste envie qu'on la laisse tranquille. C'est à ce moment critique que nous devons faire appel à la guérisseuse, notre soi le plus avisé, nos meilleurs ressources pour y voir clair au-delà de l'irritation, de l'exaspération du moi. La guérisseuse est toujours « clairvoyante » ... C'est elle qui peut nous dire quel bénéfice tirer de l'exploration de cette vague émotive.

.. aspect de la psyché calme et impassible. Le monde peut s'effondrer la guérisseuse intérieure ne broche pas. . « fixateur » qui appartient à la psyché sauvage et naturelle.

Le sentiment d'outrage, l'irritation que nous éprouvons

 

L'OURS ESPRIT

 

. Pour les anciens l'ours symbolisait, la résurrection. . Non seulement parce qu'il se réveille après l'hibernation comme après une mort, mais surtout parce que la femelle se réveille avec des petits, cet animal est une métaphore de notre vie ; du retour de la croissance issus de ce qui était apparemment mort.

On associe l'ours à de nombreuse déesse de la chasse : Artémis .. Ces déesse accordaient aux femmes le pouvoir de découvrir, connaître, mettre au jour les aspects psychique de toute chose. Chez les japonais l'ours symbolise la loyauté, la sagesse et la force. . L'ours au croissant de lune est .. un être sacré, auquel le déesse bouddhiste Ku'an Yin, dont l'emblème est le croissant de lune, a fait don de la marque blanche sur sa gorge. .. déesse de la profonde Compassion, l'ours est son émissaire.

Dans la psyché, on peut considérer l'ours comme la capacité de régler sa propre vie et tout particulièrement sa vie émotionnelle, de vivre selon des cycles, d'être parfaitement alerte ou de plonger dans un sommeil d'hibernation qui va régénérer l'énergie pour le cycle à venir. L'image de l'ours enseigne qu'il est possible d'exercer une sorte de régulation de la vie émotionnelle, d'être en même temps farouche et généreux, de protéger son territoire et ses frontière tout en étant disponible.

Le poils de la gorge de l'ours est un talisman, une façon de se remémorer ce que l'on a appris.

 

LE FEU QUI TRANSFORME ET L'ACTION REQUISE

 

. « Rentre chez toi et met en pratique ce que tu as appris. » Dans le Zen, ce moment où la guérisseuse jette le poils dans le feu et prononce ces simple mots est celui de la véritable illumination. . Elle se produit quand, par le fait de brûler le poils de l'ours au croissant de lune, la projection du remède magique est dissoute. Nous devons toutes faire face à cela, car nous sommes persuadées qu'au prix de mains efforts et en nous livrant à une quête sacrée, nous allons revenir avec une substance qui va définitivement tout faire rentrer dans l'ordre, comme par un coup de baguette magique.

Mais les choses ne se passent pas ainsi. . On peut avoir la connaissance universelle, on en reviens toujours à la pratique. Rentrer à la maison et pas à pas mettre à exécution ce que nous savons, aussi souvent que nécessaire.

Il est rassurant , quand la rage monte en nous, de savoir que faire.. : la mettre en attente, libérer les illusions, l'emmener escalader la montagne, lui parler, respecter son enseignement.

. idées sur la façon de parvenir à l'équilibre : prendre patience, traiter avec douceur la personne en fureur et lui laisser le temps de surmonter sa rage par l'introspection et la recherche.

C'est le retour à la vie ordinaire, mais elle le trésor de son expérience sur la montagne. Elle sait. Et l'énergie que la rage monopolisait va pouvoir être utilisée ailleurs.

La femme qui est parvenue à un arrangement avec sa rage à l'impression nouvelle qu'elle va pouvoir mieux vivre sa vie. Pourtant, un beau jour, il suffit d'un mot, d'un regard, d'une intonation, de l'impression d'être manipulée ou sous-estimée, pour que sa rage s'accumule de nouveau. Alors le reste de souffrance s'enflamme.

( La libération d'une rage ancienne calcifiée, morceau par morceau ou couche après couche, est une entreprise essentielle. Il est bon de s'éloigner de tout stimulus, de toute personne, de tout projet. Il existe pour cela plusieurs moyens : changer de pièce, de décor, de préoccupations.)

On peut comparer aux ravage d'une bombe à fragmentation la rage résiduelle consécutive à d'anciennes blessures. Une fois les éclats enlevés, il demeure néanmoins de minuscules fragments qui vont, en certaines occasions, réveiller la douleur et faire souffrir comme le ferait la blessure originelle.

Ce n'est pourtant pas cette fureur originelle qui est en cause, mais de petites particules ui en sont issues, des substances irritantes demeurées dans la psyché. La douleur qu'elles provoquent est presque aussi intense que celle de la blessure d'origine. La personne se contracte dans la crainte de cette souffrance, ce qui a pour résultat d'aggraver celle-ci. Elle va manouvrer sur trois fronts : essayer de maîtriser l'événement extérieur, tenter de contrôler la douleur qui émane de la vieille douleur interne et essayer de se mettre à l'abri.. sur une position de replis.  nécessité impérative de s'arrêter au beau milieu de tout cela et de se retirer dans la solitude de la montagne, afin de s'occuper du plus ancien événement, ensuite du plus récent, de décider de l'attitude à adopter et de rentrer au bercail pour y agir avec dignité.

Personne ne peut échapper à son histoire. . vous pouvez surmonter votre rage. . Vous saurez désormais quand il est temps d'appeler à nouveau la guérisseuse, d'entreprendre l'ascension de la montagne, de vous débarrasser de l'illusion que le présent est une répétition calculée du passée. La rage ne s'en va pas toute seule. Il faut faire ce qu'il faut.

 

Une juste colère

 

Avant de tendre l'autre joue, autrement dit de ne pas répondre à l'injustice ou aux mauvais traitements, il faut soigneusement peser le pour et le contre. . lorsque les femmes sont encouragées à restées silencieuses, ou forcées de l'être pour subsister dans une situation impossible de corruption ou d'abus de pouvoir . Elles se retrouvent amputées de leur nature sauvage.

Il y a des moments où il est impératif de libérer une fureur à faire trembler les murs, de donner toute sa puissance de feu. Il faut le faire en réaction à une offense grave, dirigée contre l'âme ou l'esprit, avoir tout essayé auparavant et bien choisir son moment. . Les femmes savent très bien quand ce moment est venu si elles prêtent attention au soi instinctuel.

 

Les Arbres desséchés

 

. enseignements sur la colère que l'on ne doit pas libérer n'importe comment et seulement au moment adéquat. .. l'homme apprend à donner de l'eau - la vie- même dans des conditions de sécheresse. Donner la vie est inné à la plupart des femmes. Cependant, il y a aussi un temps pour le courroux sorti des tripes.

La plupart des femmes sont sensibles comme le sable est sensible à la vague, les arbres à la qualité de l'air. Elles ont le don de voir, d'entendre, de sentir, recevoir des idées, des images, des sentiments, de deviner la moindre variation de caractère chez une autre personne, de lire sur les visages et les corps -on appelle cela l'intuition - et souvent à partir de minuscules indices, elles savent ce que les gens ont en tête. Pour pouvoir exercer ces dons sauvages, elles restent ouvertes à tout. Mais en même temps, c'est cette ouverture qui rend leurs frontières vulnérables et les expose à des blessures de l'esprit.

. Elle peut renfermer une rage diffuse qui va la pousser à chercher querelle ou à se retrancher derrière la froideur ou à prononcer des mots gentils tout en voulant punir ou abaisser. Ou bien elle va abuser de son pouvoir sur ceux qui dépendent d'elle ou encore les menacer de couper court à leurs relations, de leur retirer son affection. Elle peut se montrer avare de compliments ou même ne pas reconnaître aux autres ce qui leur est du et se comporter comme quelqu'un qui souffre de graves blessures à l'instinct. La personne qui traite les autres de cette manière est elle-même en butte dans sa psyché aux attaques répétées d'un démon qui lui inflige exactement le même traitement.

. suridentification à un modèle de générosité, tel l'homme du conte qui, dans son oasis, se sent de mieux en mieux à force de servir les autres et finit par s'identifier au calme -plat- de sa vie.

De même la femme qui évite les confrontation se sent mieux mais l'amélioration n'est que temporaire. . La plupart du temps les loups évitent l'affrontement, mais lorsqu'ils doivent défendre leur territoire, lorsqu'ils sont harcelés ou acculés, ils explosent. . la capacité d'exprimer cette colère fait partie de leur répertoire. Elle doit également faire partie du notre.

. Dans sa psyché instinctuelle, la femme a le pouvoir de manifester une colère réfléchie en réponse à des provocations - et cela, c'est remarquable. La colère est pour elle une façon innée de tenter de faire naître et de conserver l'équilibre auquel elle tient. .

.. il y a un temps pour .. révéler la capacité que nous avons de défendre notre territoire, de dire : « Stop ! On ne va pas plus loin. » . beaucoup de femmes portent en elles un soldat fatigué de se battre, qui ne veut plus parler, ni entendre parler de combat. Ainsi sort de la psyché une oasis brûlée par le soleil. Il s'agit toujours , au dehors ou au dedans, d'un lieu de silence qui attend que quelque chose vienne faire renaître la vie.

. ce n'est pas durant l'acte lui-même qu'à lieu l'illumination. Elle intervient une fois l'illusion anéantie et l'on parvient à voir le sens caché des choses.

 

LES DESCANSOS

 

. transformer la colère en un feu de cuisson plutôt qu'un feu de déflagration. . quelque soit la source de cette rage, il faut que quelque chose permette de la reconnaître, de la bénir, de la contenir et de la libérer.

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Il y a toujours un moment dans notre existence, généralement à la maturité, où il faut prendre la décision -peut-être la plus importante, sur le plan psychique, pour notre vie future- d'éprouver ou non de l'amertume. En général cela se passe vers la fin de la trentaine, début quarantaine, quand les femmes commencent à en avoir plus qu'assez de tout . Peut-être leurs rêves de leur jeunesse sont-ils en lambeaux. cours brisées, mariages rompus, promesses non tenues.

Tout corps qui a vécu longtemps accumulent nécessairement des déchets. Pourtant, la femme qui, au lieu de sombrer dans l'amertume, revient à la nature instinctuelle, va renaître. .

. le concept de descansos, petites croix blanches. lieux de repos.

Les descansos sont des symboles qui marquent une mort. . quelque chose s'est passé qui a mis un terme à une existence.

Avant d'avoir 20 ans, les femmes ont connus mille morts. Elles sont parties dans telle ou telle direction et on leur a coupé la route., comme on a coupé les ailes à certains de leurs espoirs et de leurs rêves. .

Tout ceci approfondit sans aucun doute l'individuation, la différenciation, le passage à l'age adulte, le développement, l'épanouissement de l'être, l'éveil de la conscience, mais il s'agit aussi de véritables tragédies qui doivent être pleurées en tant que telles.

Fabriquer des descansos, c'est jeter un regard à sa propre existence et marquer les endroits où on eu lieu les petites morts et les grandes morts. .. établir la carte chronologique ..  Nous marquons ainsi les endroits où des routes n'ont pas été empruntées, où d'autres ont été barrées, les lieux des embuscades, des trahisons, des morts. .. là où il aurait fallut pleurer, où des deuils restent à faire.

. c'est une pratique consciente qui prend en pitié et qui honore les morts orphelins de notre psyché et leur permet de reposer en paix. Créez en pour les aspects de P.329 vous-mêmes qui étaient en route vers quelque part et qui ne sont jamais arrivés. Ce sont des lieux funéraires mais aussi des mots d'amour à votre souffrance. Ils sont agents de transformation.

 

RAGE ET INSTINCT ENDOMMAGE

 

Les femmes (et les hommes) ont tendance à vouloir mettre fin aux épisodes passés. C'est comme si on plaçait un garrot sur une plaie profonde ; au bout d'un certain temps la gangrène se déclare.. Nier la douleur et la colère n'est d'aucune efficacité.

La femme dont l'instinct est endommagé doit faire face à plusieurs défis en ce qui concerne la rage. Elle a souvent du mal à reconnaître les intrusions, elle est lent à remarquer les violations de son territoire et ne prend conscience de sa propre colère lorsque celle-ci l'envahit. .

C'est le résultat des dommages causés aux instincts quand les petites filles se voient exhortées à ne pas se préoccuper des dissensions, à essayer de faire la paix à tout prix, à ne pas interférer et à supporter la douleur jusqu'à ce que les choses s'arrangent ou se calment temporairement. .. ces femmes n'agissent pas sous le coup de la colère mais des semaines.. voire des années après, quand elles se rendent compte de ce qu'elles auraient pu, du, voulu, faire ou dire.

.. ce n'est pas du à la timidité ou à l'introversion. Elles réfléchissent trop, sont trop disposées à se montrer gentilles, à leur propre détriment, et n'agissent pas selon l'âme. L'âme sauvage sait quand et comment agir. Il faut que la femme l'écoute. La bonne réaction est celle qui fait preuve de perspicacité et d'un mélange adéquat de force et de compassion. On peut restaurer les instincts endommagés en s'exerçant à tracer solidement des frontières, à les renforcer et à réagir de manière ferme, quoique généreuse, quand c'est possible.  .

 

LA FUREUR COLLECTIVE

 

.. également une fonction naturelle. Le chagrin de groupe, la blessure de groupe.

.. cette colère est saine, dans la mesure où elles l'utilisent pour dénoncer l'injustice et tenter d'inventer des solutions. En revanche, il n'est pas sain de neutraliser cette colère afin de ne plus le ressentir et ne pas exercer de pressions en faveur du changement et de l'évolution. La fureur collective est un professeur, au même titre que la colère personnelle. . Réagir avec force aux menaces, aux offenses, au manque de respect est le propre de la psyché instinctuelle saine. .

 

BLOCAGE DANS UNE RAGE ANCIENNE

 

Si la rage vient à nouveau constituer un barrage contre la créativité, il faut soit l'adoucir, soit la modifier. .

Quand une femme a du mal à se débarrasser de la colère ou de la rage, c'est souvent parce qu'elle s'en est servie pour se rendre plus forte. Au début cela peut être utile, mais elle doit maintenant être prudente, car une rage persistante est un feu qui brûle son énergie primaire. . P.331

Il ne faut pas confondre le feu de la colère et une vie passionnée. .. c'est une forme de défense qui, une fois qu'on en a plus besoin pour se protéger coûte très cher d'entretien. .

.. L'angoisse et les tourments du passé surgissent dans la psyché de manière cyclique. .. on ne peut jamais complètement faire disparaître les résidus. On peut en revanche faire en sorte qu'il ne reste que quelques cendres légères et non un feu dévorant. . rituel hygiénique périodique libérateur, car en la conservant quand elle n'est plus utile, on génère une anxiété sans doute inconsciente, mais constante. . être bloqués dans une rage ancienne.. signifie que l'on est sans cesse fatigué, on promène une solide couche de cynisme, on détruit ce qui est riche d'espoir, de tendresse, de promesses.. on a peur de perdre avant même d'ouvrir la bouche, on atteint -visiblement ou non- le point d'ébullition, on se réfugie dans un silence amer, on se sent impuissant. Il existe une solution. Le pardon.

. le pardon a plusieurs strates, plusieurs saisons. Ce n'est pas « passer l'éponge », ni « faire comme si une chose n'avait jamais exister »

. Ce qui importe en matière de pardon, c'est de commencer et de continuer. Terminer, c'est l'affaire d'une vie. Tout pourrait se pardonner si nous pouvions tout comprendre.. Mais la plupart ont besoin de mijoter longtemps dans le bain alchimique pour y arriver. .. Nous avons la guérisseuse. Nous aurons donc la patience d'aller au bout.

. Une forte vitalité, une sensibilité élevée ne permettent pas toujours aux offenses de s'estomper facilement. .

Pour parvenir néanmoins à une véritable guérison, il faut dire notre vérité et pas seulement notre regret et notre souffrance. Il faut dire aussi le mal qui a été fait, la colère, le dégoût et quel désir de nous châtier ou de nous venger a été provoqué en nous. La vieille guérisseuse de la psyché comprend la nature humaine et ses faiblesses et accorde le pardon sur la base de la vérité nue.

 

LES QUATRE ETAPES DU PARDON

 

1.Aller de l'avant- laisser les choses derrière soi

2.S'abstenir-éviter de punir

3.Oublier-refuser de s'appesantir sur les souvenirs

4.Pardonner-faire abandon de la dette

 

ALLER DE L'AVANT

. c'est à dire de cesser un temps de penser à la personne ou à l'événement en question. Il ne s'agit pas de laisser quelque chose inachevée mais plutôt de nous mettre en congé, ce qui va nous éviter l'épuisement, P.333 nous permettre de nous renforcer dans d'autres domaines, d'avoir d'autres sources de bonheur dans notre existence.

C'est un bon exercice en vue du lâcher prise. Abandonner aussi souvent que nécessaire la situation, le souvenir, la question afin d'acquérir force et agilité dans le processus de détachement. . s'atteler à une tâche, apprendre telle ou telle chose intéressante et gratifiante. cela aide à guérir. .

 

S'ABSTENIR

 

.. au sens d'éviter de punir, de ne pas châtier, ni même de penser au châtiment de près ou de loin. .. cet exercice verrouille la question en un point précis au lieu de la laisser se répandre un peu partout. . se concentrer en vue des étapes ultérieures. .. tout en veillant à sa propre protection.

S'abstenir, c'est aussi faire preuve de patience, faire face, canaliser ses émotions. . éviter de maugréer, d'agir de manière hostile, et d'exprimer du ressentiment. ..

 

OUBLIER

 

Oublier c'est refuser de s'appesantir sur les souvenirs.. lâcher prise, desserrer notre étreinte sur la mémoire. .. on laisse aller l'événement, on ne s'obstine pas à la garder au premier plan mais .. on lui permet de sortir de la scène.

C'est en refusant d'évoquer le matériel brûlant, en refusant de nous le remémorer que nous pratiquons l'oubli conscient. Oublier c'est un effort actif et non une pratique passive. C'est refuser de tourner et retourner certains matériaux, de les faire remonter à la surface, de laisser des pensées, des images, des émotions répétitives nous travailler. . cesser volontairement de se laisser obséder, aller de l'avant sans se retourner, s'insérerer dans un paysage nouveau, se faire une vie nouvelle. Ce genre d'oubli n'efface pas la mémoire, il met au repos l'émotion qui entoure le souvenir.

 

PARDONNER

 

. C'est prendre en connaissance de cause la décision de cesser d'entretenir le ressentiment, ce qui signifie également effacer une dette et abandonner la résolution de pulir. C'est vous qui décider quelle dette n'a désormais plus besoin d'être payée.

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On ne cesse pas de se protéger, on se départit de sa froideur. Ne plus exclure l'autre, abandonner toute attitude de froideur à son égard, arrêter de l'ignorer ou de se raidir, de jouer faux, c'est pardonner profondément. Mieux vaut, pour le bien être de l'âme-psyché, limiter les temps passé avec les personnes dont la présence pose problème et éviter de leur répondre, plutôt que d'agir avec l'indifférence d'un mannequin de bois. .

(Non seulement les gens ont leur propre rythme pour accorder aux autres leur pardon mais encore l'offense joue un rôle dans le temps nécessaire au pardon. Ce n'est pas la même chose de pardonner un malentendu et de pardonner un meurtre, un inceste, des abus, un traitement injuste, la trahison, un vol. Selon leur nature, les abus uniques sont quelque fois plus facile à pardonner que les abus répétés.)

Pardonner, c'est faire acte de création. . Vous pouvez pardonner pour le moment, jusqu'à tel P.335 moment, jusqu'à la prochaine fois, pardonner pour cette fois mais ce sera la dernière.. Vous pouvez donner un autre chance, plusieurs autres chances. C'est vous qui décidez. (Parce que le corps aussi a sa mémoire, il faut lui prêter attention. L'idée n'est pas d prendre de vitesse sa fureur, mais de l'épuiser, la démanteler et de reconfigurer la libido ainsi libérée de manière différente. Cette libération physique doit s'accompagner d'une compréhension psychique.)

Comment savoir que vous avez pardonné ? Vous avez tendance à éprouver du chagrin plutôt que de la fureur en évoquant l'événement, à être désolée pour la personne plutôt qu'en colère à son égard. Vous comprenez la souffrance qui a conduit à l'offense. Vous préférez vous tenir à l'écart de tout ça. Vous n'attendez rien. Vous ne voulez rien. Vous n'êtes plus rattachée à l'événement comme si vous aviez une corde à la cheville, vous êtes libre de vos mouvements. . désormais un nouvel « il était un fois » vous attend.