Chaos et Eros:
Les idéalisations que l'éros tend toujours à consteller peuvent être contrebalancées : la créativité s'exprime aussi par la destruction.
Les tortures de l'amour ne conduisent pas toujours à d' heureuses conclusions ..
On peut mieux évaluer ces idéalisations si l'on se rappelle les liens existant entre Eros et Chaos chez Hésiode...
Eros est né de Chaos, ce qui implique que la créativité peut naître de tout moment chaotique.
De plus, il tend à retourner à ses origines, recherche le chaos pour y être revivifié.
Eros essaiera toujours de créer ces nuits et ces confusions ténébreuses où il se niche.
Il se renouvelle dans les accès affectifs, jalousies, colères et agitations.
La proximité du dragon lui profite.
Mais la voix de l'ordre qui est en nous ne veut rien savoir: Eros, passe encore, mais le chaos, jamais.
La raison apollinienne est hostile envers le chaos : « Les savants supportent le doute et l'échec, parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Mais le désordre est la seule chose qu'ils ne peuvent ni ne doivent tolérer. L'objet entier de la science pure est d'amener à son point le plus haut et le plus conscient la réduction de ce mode chaotique de percevoir.... » (cité par Levi-Strauss)
Si on refuse le chaos, l'éros, sa conséquence, peut également être perdu pour la science, ce qui nuira peut- tre à sa recherche d'ordre.
Mais celà nuira certainement au devenir de l'âme et à la créativité du savant.
La relation mythique d'Eros et de Chaos confirme .. : chaos et créativité sont inséparables.
Creux, vide et lacune qualifiant aussi le chaos, l'éros a une prédilection pour les « trous » psychotiques de la psyché, pour son aspect informe, son incomplétude et sa désespérance.
( Psyché est toujours dépeinte comme une petite fille, ce qui désigne moins sa jeunesse que les lacunes de l'anima, son vide que nous ressentons comme un désespoir, une blessure et un flou esthétique, surtout dans sa relation à l'éros.)
Appeler " ombre " ce vide informe d'obscurité psychotique de notre nature ne lui rend que partiellement justice, car l 'ombre tend à désigner le mal moral, envisagé du point de vue du moi.
Mais le chaos renvoie à une prima materia, indiquant l'existence d'un lien inhérent particulier entre la bourbe la plus inerte et la plus affreuse de la nature humaine, son increatum le plus frustre, et ses attraits de l'éros.
La flèche de l'éros nous dévoile ces blessures, nous rend conscients de ces lacunes de notre personnalité, de ces aspects non cicatrisés, de ces lieux de chaos.
De ces blessures s'écoule l'amour, car il s'écoule plus aisément des faiblesses et des phénomènes psychopathologiques que de la force.
Eros est toujours quelque peu psychotique et psychopathe : l'amour doit nous rendre fou.