Deus faber:
Ce terme technique caractérise Dieu comme étant l'ouvrier ou l'artisan qui, tel un architecte, un charpentier , un forgeron,
crée le monde selon le mode emprunté à l'un ou l'autre métier.
- P'an Kou (mythe chinois),créateur unique, maître dans tous les métiers, à forme humaine ,était une sorte d'Adam cosmique.
A sa mort, son corps se défit et devint les différentes parties du monde; il fabrique le monde et devient ce monde
en même temps, si bien que, d'une certaine manière, il se façonne lui-même.
Artisan divin on le représentait accompagné d'une tortue primitive et d'un être ressemblant à un phénix, qui symbolisent
les principes fondamentaux du monde.
On le figurait aussi, en tant que dieu créateur , tenant une herminette, un marteau ou un ciseau.
- Ptah (cosmogonie égyptienne) crée tout l'univers, y compris les autres dieux, sur son tour de potier.
Plus tard on pensa qu'il habitait le coeur et la langue de tous les êtres vivants. Thoth était issu de lui, Horus était issu de lui.
Il est ce qu'il y a de meilleur en chacun, ce que chaque bouche profère de meilleur, il est ce qui fait vivre et penser
chaque coeur; tous ses désirs s'accomplissent.
Il annonce toute chose.
Les yeux voient, les oreilles entendent, le nez respire et par eux tous l'air pénètre jusqu'au coeur, mais c'est le coeur qui
prend chaque décision et la langue répète la pensée du coeur.
Il créa ce qu'on aime et aussi ce qu'on hait.
C' est une création à partir de la glaise comme dans certains mythes africains et dans la Bible.
(Genèse 2, 7), il est dit : « Alors Yahvé-Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie
et l'homme devint un être vivant. »
- Dans les Rigveda et certains mythes grecs le dieu créateur est un tisserand; ce qui est plus rare car cette activité,
étant généralement considérée comme plus féminine, est attribuée de préférence à une déesse de la nature.
Némésis, déesse de la loi naturelle, siège au centre du monde , et l' axe du cosmos tourne dans son sein, tel un fuseau.
Le filage et le tissage sont des activités liées à l'idée de nature.
La Déesse de la nature est aussi le métier sur lequel Dieu lance la navette pour tisser le monde.
Zeus, dieu du ciel, épousa Chthonia, la déesse de la terre et tissa le monde, lui donnant la forme d'un grand manteau
qu'il étendit sur un chêne: le monde est donc un immense vêtement, en grec un pharos, étendu sur un gigantesque arbre du monde.
- Dans l'art médiéval Dieu est souvent représenté comme un géomètre tenant un compas à la main; assis sur son trône
au-dessus du monde, il trace un plan, tel un architecte avant le bâtir une maison .
Il construit aussi le monde comme un charpentier une maison.
En sanscrit, en grec (hylê) et en latin (materia), le mot qui désigne le bois signifie à la fois la matière et le matériau de
construction, dont le bois déjà coupé et préparé pour cet usage.
C'est essentiellement dans les civilisations à l'aspect technique assez développé que l'on rencontre l'image d'un dieu
façonnant le monde comme si ce dernier était un objet dépourvu de vie.
En outre, ces mythes traitent l'idée de création à la manière du charpentier, du forgeron ou autre, comme une simple
similitude.
Les mythes de création où Dieu apparaît comme un artisan reflètent un stade d' évolution où la conscience s'est déjà,
jusqu' à un certain point, développée en tant que puissance indépendante, séparée de l'inconscient.
La divinité n' est plus immanente au monde matériel, mais existe en dehors de lui et traite ce dernier en objet, tel un
artisan son matériau.
Ainsi le conscient dégagé de l'inconscient de façon notable, comme entité indépendante, peut se retourner vers
celui-ci et se comporter envers lui comme si c'était une matière inanimée.
Cela montre une séparation déjà nette entre sujet et objet;
Dieu est le sujet de la création, et Ie monde et la matière dont il est fait sont des objets sans vie dont Il se sert.
L'artisan des sociétés primitives ne s'imaginait jamais qu'il faisait lui-même son ouvrage; de nos jours, il a le
sentiment que sa compétence technique est une acquisition humaine, qu'il la possède.
Des récits du folklore et de la mythologie des différents métiers, montrent que l'homme n'a jamais inventé aucun
métier ni aucun art, mais que ceux-ci lui furent révélé.
Il existe toujours, au fond de l'invention, une révélation divine, une action divine que l'homme a seulement eu l' idée lumineuse de copier ou de réaliser. C' est ainsi que tous les métiers vinrent à l'existence et c'est pourquoi tous ont un arrière-plan mystique.
Dans un mythe africain, le même mot signifie « dieu » aussi bien qu'« habileté » ou « compétence ».
La divinité y est décrite comme ce quelque chose qui apparaît en l'homme sous la forme mystérieuse d'un don ou d'une compétence inhabituels; c'est une étincelle de la divinité en lui, non pas son bien ni sa réalisation, mais un miracle.
Cette séparation relative du sujet et de l'objet dans les mythes de ce type détruit partiellement l'un des aspects de l'acte créateur, puisqu'elle transforme une partie de la création en un objet inanimé.
Lorsque nous travaillons un matériau, nous le regardons plus ou moins comme dénué de vie; alors que dans d'autres civilisation, les objets ont une vie.