HESTIA
Hestia est l'âtre en tant que centre de la maison et siège de la chaleur et de la préparation de la nourriture.
Elle représente l'aspect statique et immuable du féminin, à l'exclusion de l'aspect dynamique : c'est pourquoi elle est vierge, et reste toujours immobile sur son trône.
Son affranchissement de la loi d'Aphrodite revêt le sens d'une préservation de cet aspect archétypique du féminin, qui reste immuable et immobile au-delà de toute transformation.
L'apparition du culte du foyer, présent dans tous les peuples indo-européens, marque probablement le passage de la vie nomade des pasteurs à la vie sédentaire des agriculteurs, qui avaient une maison et un lieu de résidence fixes.
L'âtre, au centre de la maison, était aussi l'autel originel autour duquel les membres de la famille se réunissaient pour offrir des sacrifices aux dieux.
La garde du feu devint ainsi le symbole de la sécurité et de la solidité des liens les P.81 plus sacrés, d'abord familiaux, puis sociaux, étatiques et patriotiques.
A Rome, le temple rond de Vesta a la forme de l'antique maison ronde au centre de laquelle se trouvait l'âtre.
Ce dernier indique que la féminité est le centre de la vie de la maison et représente cette aire de domination féminine qui s'est maintenue intacte depuis la fin de l'organisation religieuse matriarcale. Depuis les temps les plus reculés, c'est le lieu sacré qui offre protection et sécurité même à l'étranger.
Seule parmi les dieux de l'Olympe, Hestia ne participe jamais aux guerres et aux querelles. C'est la plus douce et la plus charitable des déesses, la protectrice des suppliants.
Elle représente la sécurité des affections, la concorde familiale : d'après le mythe, elle inventa l'art de construire les maisons, c'est-à-dire de créer le lieu où une stabilité et une continuité des affections deviennent possibles, symbolisées par le feu de l'âtre, centre émotif de la vie relationnelle.
Autour du feu tout le monde se réunit, on mange ensemble et on parle, on invoque ensemble les dieux.
Hestia, la déesse vierge étrangère aux guerres et aux querelles, est le principe non conflictuel du féminin, toujours égal à lui-même, fixe et immuable, qui a une fonction nécessaire au sens compensatoire, compte tenu de l'extrême variété des aspects apparemment contradictoires et inconciliables qui coexistent dans la psyché féminine, et les étapes de transformation psychophysiques auxquelles la femme doit accéder dans le processus de maturation de sa personnalité, qui renversent et bouleversent tout son être.
Rien de tel n'arrive au garçon : son être reste toujours univoque, à tout moment de son évolution physique et psychique.
Il peut ne pas dépendre de la rencontre avec la femme et du rapport sexuel, ne pas appartenir à l'événement de la fécondation, et y rester extérieur ; et même lorsqu'il y participe, parce qu'il aime sa femme et son fils, son identité et sa vie restent libres d'un engagement et d'une transformation totaux.
La femme, en revanche .. si elle est fécondée reste dépendante de cet événement certainement pendant neuf mois, presque toujours de nombreuses années, et elle se trouve engagée dans une expérience qui la transforme radicalement, ainsi que sa vie.
« La vie de la femme est entièrement différente de celle de l'homme. Celui-ci est toujours le même, du jour de sa circoncision jusqu'à sa vieillesse. Il est le même avant sa première rencontre avec une femme et après. Par contre, le jour, où une femme connaît l'amour pour la première fois, il scinde sa vie en deux. Ce jour-là, elle devient une autre. Après son premier amour l'homme est pareil à ce qu'il était auparavant. Après le jour de son premier amour, la femme est une autre. Il en est ainsi toute sa vie durant. L'homme passe une nuit avec une femme, puis il s'en va. Sa vie et son corps restent toujours pareils. La femme conçoit. En tant que mère, elle est différente de la femme sans enfants. Et surtout, elle porte dans son corps durant neuf mois les suites de cette nuit. Dans sa vie quelque chose croît qui ne disparaîtra jamais plus. Elle est mère. Elle est et restera mère même si son enfant, même si tous ses enfants devaient mourir, parce qu'elle a porté son enfant sous son cour. Mais ensuite, l'enfant né, c'est dans son cour qu'elle le porte - et il n'en sortira plus, même s'il meurt. L'homme ne connaît pas tout cela, il n'en sait rien. Il ignore la différence entre « avant l'amour » et « après l'amour », entre avant la maternité et après la maternité. » (Frobénius citant une noble abyssine)
C'est pourquoi la présence rassurante d'Hestia est nécessaire, Hestia qui représente tout ce qui demeure archétypiquement chez la femme solide et immuable, égal à soi-même, au-delà de tout changement. Elle est la sécurité, le point ferme, le centre inaltérable de l'être, le feu permanent en tant que continuité de la vie des sentiments, dont toute femme a besoin, pour se retrouver elle-même chaque fois qu'elle se sent bouleversée par des situations qui la désorientent ou l'aliènent trop gravement.
Cette solidité et cette stabilité fondamentales de la femme trouvent leurs P.83 racines et leur justification dans la constance de son engagement affectif au sein de la famille.
Dans ses moments de préoccupation, d'anxiété, voire de désespoir, la femme reste d'ordinaire fidèle à ses devoirs essentiels dans la maison : mettre de l'ordre, prendre soin de ses enfants, préparer les repas, tous ces actes deviennent alors les points fermes et fixes de sa vie qui confèrent stabilité et fermeté à son caractère, et dans lesquels elle cherche refuge et protection contre des changements brusques et cruels qui la bouleversent (une maladie, un malheur, une mort.)
C'est la signification d'Hestia : une sécurité de la vie affective et un principe de stabilité qui survit à tout devenir et à toute transformation.