JUSTICE COLERE ET FACE A FACE
Tout plutôt que de renoncer à ma vérité et à mon exigence de justice ! Plutôt mourir avec mon droit à parler et à être entendu dans ma quête de justice, que de me taire ! Job a basculé du coté de lui-même vivant : s'il faut choisir, j'aime mieux être tué par l'AUTRE que de tuer moi-même qui je suis ; autrement dit, il y a plus important que ma vie, c'est mon droit à la parole, donc à ma vérité et à mon exigence de justice. . j'ai définitivement choisi de défendre ma cause et refusé d'étouffer en moi le besoin criant de justice ; tant pis si je me suis trompé et s'il n'y a pas de justice dans l'AUTRE, je serai peut-être le seul et le dernier P.91 à prendre mon parti, j'affronterai Dieu avec cette solidarité là dans le cour, et on verra bien : je n'ai plus rien à perdre.
Je ne suis jamais aussi vivant que le jour où même ma représentation de l'Autre comme celui qui veut me tuer- ou venir à bout de qui je suis- ne me fait plus peur : parce que je « dé-visage » cet AUTRE, son masque tombe et je m'aperçois que c'est moi qui le lui avait mis sur la figure. En réalité, il y avait en moi tout une partie de moi qui voulait ma mort. Avec Job, en me tenant coûte que coûte aux cotés de ma vérité et de ma soif de justice, j'ai choisi de vivre.
La confrontation à l'AUTRE est donc inévitablement ambivalente, à la fois risque de mort et possibilité d'accès à la vie. . Notre expérience ne dit-elle pas aussi quelque chose de cette ambivalence, quand il y a « de l'AUTRE » à l'ouvre en nous ? N'avons-nous pas toujours à surmonter une certaine peur de mourir quand nous regardons en face cet AUTRE en nous qui nous bouscule, nous travaille, nous meurtrit. parce que nous n'avons pas du tout la preuve qu'il nous veut du bien et qu'il a soif de justice,.., au moins autant que nous ? Comment en aurons-nous la preuve si ne lui crions pas : « tu veux ma mort ou tu es de mon côté ? », et que nous ne lui opposons pas notre solidarité inconditionnelle avec nous-mêmes ?
. Jacob ne sera plus le même : il fait un « retour sur soi » après avoir constamment fui et « vécu si longtemps dans l'ambiguïté qu'il n'y voyait plus clair. Il appelle sa propre épreuve. et advienne que pourra.
Au registre de la psychologie, on soulignera . l'importance de l'agressivité envers la mère qui permet au sujet de se poser comme différent d'elle : « La mère mauvaise incarne la frustration, la haine, en un mot la menace de mort. Elle représente le risque d'être déchiqueté, morcelé, réabsorbé et dissous. La projection par le sujet de son agressivité interne sur la mère est un phénomène capital. Elle est la chance d'entrer en contact avec autrui tel qu'il est, du fait qu'elle amène le sujet à se heurter à lui. Cela peut donc marquer la fin de la relation duelle et fusionnelle, saturante et aconflictualisée. » J-C Sagne Il suffit de remplacer « mère mauvaise » par « Dieu méchant » et nous sommes replongés dans l'univers de Job ou la nuit de Jacob.
C'est donc une « chance » pour tout être humain que d'avoir à disposition un Dieu à la fois père et mère qui accepte de faire les frais de cette colère destinée à ses pères et mères terrestres et/ou tout autre père ou mère de remplacement. Le résultat est le même : nous nous heurtons à « de l'AUTRE », nous découvrons que cet AUTRE ne nous déchiquette pas et que loin d'être dissous, nous sommes bien vivants, trop en colère pour en douter ! P.93