Le moyen d'y parvenir est l'imagination. C'est au travers de la vision imaginaire que nous avons d'eux que les phénomènes prennent vie et permettent à l'âme de circuler. Lorsque notre vision du monde est dépourvue d'imagination, le monde alors devient objectif, mort ; même une vision telle que celle de la pollution aide à redonner vie au monde, de sorte qu'il fait à nouveau sens pour l'âme. L'imagination n'est pas seulement un processus intérieur se déroulant dans ma tête. C'est une manière d'être dans le monde, une manière de lui redonner de l'âme.
nulle part ailleurs que dans la méchanceté caustique des mauvaises humeurs, les réflexions qui échappent, les petites susceptibilités qui n'ont de cesse de tourmenter, nous rencontrons de façon plus opiniâtre, la réalité de l'âme ... il y a dans la banalité de ces nuisances, une imagination qui est le fait de l'anima ; et l'existence psychique peut à son tour devenir réalité, si nous reconnaissons la force pulsionnelle et toute la portée qui résident dans l'imagination. L'anima fait référence à une « quintessence d'images » et à une « quintessence couleur d'air », dont l'effet final, en restituant la réalité de la psyché, constitue une réalisation « car c'est un fait psychique que ces images. Il est aussi réel que nous sommes réels en tant qu'êtres psychiques », « comme si nous étions nous-mêmes une figure imaginaire» La conviction que j'ai que la psyché et ses images sont aussi réelles que la matière et la nature, aussi réelles que l'esprit, dépend de la capacité qu'a eue l'anima à me convaincre. C'est donc d'elle par conséquent que dépend l'appel de la psychologie.
... Des cinq pulsions instinctuelles (faim, sexualité, activité, réflexion et création) sur lesquelles Jung a construit sa théorie, c'est sa notion de réflexion - « se pencher vers l'arrière » et « se tourner vers l'intérieur », loin du monde et de son objet, en faveur des images et des expériences psychiques, qui apparaît comme étant le plus précisément en corrélation avec sa notion d'anima. L'anima en tant que Luna, passive, froide, génitrice, sombre, intérieure, décrit, dans le langage alchimique, la réflexion. L'archétype correspondant à l'instinct de réflexion serait donc l'anima.
Les images primordiales de cet éloignement en marche arrière sont représentées par les nymphes fuyantes mais cependant fécondes, les voix trompeuses, les éphémères (clair P.157 Le détachement de l'objet par le biais de l'intériorisation, en faveur des images intérieures, correspond ici encore à l'introjection endogamique de l'anima, ou « intériorisation par le sacrifice » .. nécessaire à la conscience psychique. II existe une autre image de réflexion que l'on associe traditionnellement à l'anima ; c'est celle du miroir et de l'activité liée à sa fonction.
... L'anima est nature devenue consciente d'elle-même à travers la réflexion. Ou, selon la formule de Jung « . la réfIexion est un acte spirituel qui va à l'encontre du processus naturel ; un acte au moyen duquel nous nous arrêtons pour évoquer quelque chose, former une image, puis entrer en relation pour ensuite en finir avec ce que nous avons vu. Il faut, par conséquent, la comprendre comme un acte permettant de devenir conscient. »
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La conscience qui émane de l'âme provient des images, elIe pourrait être appelée conscience imaginale. Selon Jung, la condition sine qua non à toute conscience est « l'image psychique ». « Tout événement d'ordre spirituel est à la fois image et imagination. S'il n'en était pas ainsi, il n'existerait (pas de) conscience. » .. Une image est, d'une part, le reflet intérieur d'un objet externe. D'autre part, et c'est ainsi que Jung préfère utiliser Ie terme, les images représentent le matériau même de la réalité psychique. L'image est « une représentation immédiate, bien décrite par la langage poétique, un phénomène imaginatif, (un) produit. de l'activité imaginative. » Les images peuvent être internes, « archaïques » et primordiales ; elles trouvent leur origine suprême dans l'archétype, et c'est dans la formulation des mythes que leur expression est la plus caractéristique. C'est donc vers le mythe que la conscience qui émane de l'anima doit se tourner, le mythe tel qu'il se manifeste dans les mythologèmes des rêves et des fantasmes et dans les patterns de vie ;...
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Du fait que les phénomènes imaginatifs constituent le fondement de la conscience c'est vers eux donc qu'il nous faut regarder afin d'obtenir une compréhension fondamentale. Le « devenir conscient » pourrait désormais signifier une prise de conscience des images et de la reconnaissance de leur existence partout, et non pas uniquement dans un « monde imaginaire » séparé de la « réalité ». Et en particulier, nous pourrions reconnaître ces images en tant qu'elles jouent au travers de ce « miroir dans lequel l'inconscient voit son propre visage », le moi ses structures de pensée et ses notions pratiques de réalité. Les phénomènes imaginatifs deviennent ainsi le mode instrumental de perception et de pénétration, au moyen desquels nous réalisons mieux ce sur quoi Jung a si souvent insisté, à savoir : la psyché est le sujet de nos perceptions, l'élément percepteur qui agit par l'intermédiaire de l'activité créatrice, plutôt qu'elle n'en est l'objet. Ce ne sont pas les productions de l'imagination que nous analysons, mais ce sont elles qui nous permettent d'analyser ; et la traduction de la réalité en phénomènes imaginatifs serait certainement une meilleure façon de définir ce qu'est le devenir conscient, que ne l'est la notion antérieure donnée par le moi, celle de traduire les images en réalités. « La psyché crée chaque jour la réalité. P.165 Je ne dispose, pour désigner ce terme que celui de fantaisie créatrice» .