PERTE D'AME
Diamétralement opposée à cette explication de l'origine de la maladie, existe une autre conception, également très répandue, selon laquelle « l'âme », une substance nécessaire à la vie et à a santé de l'individu, aurait été perdue ; c'est le soi-disant phénomène de la perte d'âme. L'âme peut être perdue au cours du sommeil, lors d'un réveil brutal, d'une grande frayeur, ou d'un éternuement, mais le plus souvent lorsqu'un mauvais esprit vous la vole, ce que l'on craint par-dessus tout est qu'un mort vienne enlever l'âme d'un proche pour l'emmener avec lui au royaume des morts. Dans ce cas le patient traîne sa maladie désespérément, à moins qu'un guérisseur retrouve à temps son âme perdue et puisse la restituer à son propriétaire. Cette conception de la maladie est dominante dans les cultures chamaniques .
La « perte d'âme », comme le phénomène de l'intrusion d'un esprit, sont encore aujourd'hui psychologiquement observables dans la vie quotidienne de tous les hommes. La « perte d'âme » se manifeste sous forme d'accès soudains de tristesse et d'apathie. On n'a plus de joie de vivre, on se sent vide et paralysé, tout semble dépourvu de sens. Si l'on regarde de plus près et en particulier les rêves, on peut constater qu'une grande partie de l'énergie psychique s'est déversée dans l'inconscient et n'est donc plus disponible pour le Moi. Cette quantité d'énergie est la plupart du temps absorbée par un complexe inconscient qui se trouve ainsi fortement chargé (d'où la croyance à l'enlèvement de l'âme par l'esprit d'un mort ou fantôme, c'est-à-dire par un complexe ). Si l'on se maintient suffisamment longtemps dans, cet état. Alors la plupart du temps, le complexe, réactivé par l'énergie prélevée, arrive dans la sphère de la conscience. Apparaît un intérêt nouveau, intensif, qui presque toujours engage dans une direction différente de la précédente. Dans bien des cas de dépression endogène, on peut observer qu'il existe, derrière des stagnations paralysantes de la personnalité, un désir particulièrement intense (pouvoir, amour, pulsion expansionniste, agression etc.) que le dépressif, pour différentes raisons, n'ose pas laisser s'exprimer ; d'où, comme le renard de la fable, il décrète que les raisins sont trop
verts !
Ces deux idées, vieilles comme le monde, de « perte d'âme » et d' « esprit envahisseur » ont donc, tout comme le projectile, un rapport étroit avec le phénomène de la projection. Dans la mesure où, lors d'une projection une partie de la personnalité est transférée à un autre objet, cela signifie que l'on subit en même temps une perte d'âme. C'est pourquoi tant d'amoureux se sentent souvent complètement dépourvus d'entrain et dépérissent quand ils sont séparés de l'objet aimé ; leur âme est là-bas, près de l'autre, et c'est seulement près d'elle ou de lui qu'ils se sentent vivre. Même la propre intelligence peut être projetée de cette manière. La tradition raconte qu'un élève de Socrate, du nom d'Aristide, pouvait très bien philosopher quand il tenait fermement un pan du manteau de Socrate ; mais dès qu'il en était séparé, tout son talent dans ses argumentations philosophiques était perdu.