L'ARAIGNEE:
Le grand problème que nous devons garder en mémoire dans tout travail analytique est de savoir si le conscient du patient, la substance de sa personnalité (qui est un facteur que l'on sent mais qui est impossible à définir) sont assez forts pour supporter le choc de l'inconscient.
Certaines personnes font d'étonnantes expériences dans le domaine de l'inconscient collectif, mais, en raison d'une certaine faiblesse de réaction, n'en retirent aucun bénéfice.
Ainsi, les schizophrènes, au moment crucial où le matériau devrait être consciemment intégré, tout échoue. . Ex. d'une patiente qui vous racontait ces choses avec beaucoup de détails, mais comme absente ; elle dévidait son fil, P.179 comme une araignée, le parcourant de haut en bas et de bas en haut sans se sentir concernée.
Dans de pareils cas, on a le sentiment d'être en face du vide ou en l'air : les éléments sont surprenants et intéressants, mais c'est comme s'il n'y avait pas de sujet derrière.
La femme-araignée dit à l'héroïne de garder les yeux fermés jusqu'à ce qu'elle touche terre. .
Ce genre de personne ne désire pas regarder en face la nécessité du retour à la réalité, car ce peut être une bien grande chute que de se retrouver brusquement dans le réel quotidien après avoir été l'épouse du dieu de la lune. L'on peut préférer rester « dans la lune » !
C'est là très souvent la raison pour laquelle les gens ne veulent pas guérir ; ce refus comprend une certaine part de choix conscient.
Le retour à la misère quotidienne est un bien pauvre substitut aux épousailles avec un esprit, ou, comme ici, avec le dieu de la lune.
Dans ce conte, il y a, de plus, une sorte d'incapacité ou de paresse. De même, dans le cas de cette femme hospitalisée, j'avais le sentiment qu'elle n'était pas retenue par la peur; elle était plutôt endormie. . On pouvait, à n'importe quel moment, lui demander de raconter une histoire ; elle dévidait un long fil archétypique, puis s'en allait : c'était une fileuse de phantasmes, une araignée qui n'ouvrait pas les yeux sur le monde.
Le conte précise que le dieu de la Lune ne peut être vaincu que par la magie de la femme-araignée, et on nous laisse entendre que ceci se produit régulièrement et que cette femme est la grande force qui fait décroître la lune. L'héroïne entre donc dans le jeu des opposés que sont le dieu lunaire et l'araignée, le masculin et le féminin.
L'araignée est bienveillante dans ce récit, tandis que l'Esprit de la Lune est une sorte de dieu créateur à l'humeur changeante. La femme-araignée est, dans ce contexte, un symbole du Soi, car elle est positive et a plus de pouvoir que la lune. Mais, en dépit de l'aide de celle-ci contre cet animus destructeur, sorte de Barbe Bleue, l'héroïne ne parvient pas à retrouver la terre.