MONSTRE ET HEROS ENGLOUTI
Le parallélisme avec le mythe de héros saute aux yeux : il est fréquent que le combat contre le monstre, qui en est le motif typique (le monstre représentant ici le contenu inconscient ressenti comme monstrueux), se déroule au bord de l'eau, parfois à un gué (Hiawatha). Au cours du combat décisif le héros (comme le fut Jonas) est chaque fois avalé par le monstre .. Mais une fois dans l'intérieur du monstre le héros commence, à sa manière, à "s'expliquer" avec lui, tandis que l'animal le contenant vogue vers l'est, vers le soleil levant: de son épée, il tranche une portion des entrailles, par exemple le cour du monstre, grâce auquel celui-ci vivait. (Ce qui revient à dire, psychologiquement parlant, qu'il retranche l'énergie précieuse qui avait déterminée l'activation de l'inconscient.)
Ainsi le héros tue le monstre, dont le corps vient alors s'échouer sur le rivage. Là, le héros, qui est passé par une véritable renaissance sous l'influence de la fonction transcendante (la traversée nocturne de la mer..) s'élance au-dehors amenant souvent avec lui tout ce que le monstre avait englouti auparavant.
Ce processus a pour résultat de restaurer un état normal : l'inconscient, dorénavant dépouillé de l'énergie excédentaire dont il s'est trouvé momentanément doté, n'occupera plus une position prépondérante. Ainsi ce mythe, qui fut le rêve de nombreux peuples décrit d'une façon très intelligible le problème qui occupe notre malade.
. dans ce rêve, l'inconscient collectif apparaît sous un jour très négatif, comme quelque chose de dangereux et de nuisible. Cela tient à ce que la malade possède une vie imaginative non seulement riche et très développée, mais même surabondante, véritablement hypertrophiée et envahissante, et qui d'ailleurs est sans doute en rapport avec ses dons d'écrivain, si elle n'est à leur origine.
Ses débordements imaginatifs sont d'ailleurs un symptôme morbide en ce sens qu'elle s'adonne trop à ses fantasmes, laissant s'écouler la vie réelle sans y prendre garde. Accentuer ce travers, en augmentant la proportion du mythologique dans son existence, constituerait un danger positif, alors qu'elle a encore devant elle une part importante de vie extérieure, réelle et concrète, avec tout ce que cela comporte de devoirs et d'obligations multiples, alors qu'il lui reste encore à passer par ces fourches caudines. Elle n'a pas jusqu'ici pris suffisamment pied dans la vie réelle pour que l'on puisse déjà envisager sans risques un renversement du point de vue. Elle s'est trouvée assaillie par l'inconscient collectif, qui menace de l'arracher à une réalité aux exigences de laquelle elle n'a même pas encore suffisamment P.173 satisfait.
Selon le sens du rêve, l'inconscient collectif devait apparaître comme quelque chose de dangereux, faute de quoi elle n'aurait été que trop portée à y chercher un refuge contre les exigences légitimes de la vie réelle.
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Dans le cas de ce jeune homme, les images de P.187 l'inconscient collectif jouent un rôle essentiellement positif, ce qui tient évidemment à ce qu'il n'a nulle propension dangereuse à s'abandonner à des succédanés imaginatifs ou à se retrancher de la vie pour finir dans un monde fantastique.