Transfert:
Il se produit toutes les fois qu'une relation profonde agit comme un facteur de réalisation de l'âme ; c 'est une nécessité de la vie psychique
Jung affirma : « C'est un fait que dans toute relation humaine possédant un certain degré d'intimité, certains phénomènes de transfert opérent presque toujours comme facteurs salutaires ou perturbants. »
Les phénomènes de transfert sont immensément compliqués...iIs mettent en jeu toute sorte d'émotions et de fantaisies et n'offrent pas de solution simple.
Le transfert psychanalytique est la réplique intensifiée ou le paradigme archétypique de toute relation humaine.
Jung, pour présenter ce paradigme archétypique, se sert de l'imagerie alchimique.
Cette imagerie se réfère à l'union de l'homme et de la femme, de l'esprit et du corps, et autres couples habituellement conçus oomme opposés.
Derrière ces images de couples se profile le phénomène de l'union elle-même, le troisième terme.
Ils se rejoignent dans la psyché et par l'éros .
D'après Jung :"S'il n'existe pas de lien d'amour il n'y a pas d'âme. "
La coniunctio requiert l'amour autant que l'âme, qui ne font qu'un par leur union.
Si le transfert est l'alpha et l'oméga du schéma analytique, il est à la fois le début et la fin de l'analyse.
Celle-ci se termine lorsqu'il a été résolu...
Si le transfert prend pour modèle la réalisation de l'âme, telle que la présente le mythologème Eros-Psyché, c'est ce mythe qui tend à se réaliser dans la vie d'un individu quand il entre en analyse.
En conséquence, il n'éprouve plus d'intérêt pour l'analyse quand il comprend ce qu'il était venu y chercher : il s'agissait de trouver l'âme pour son éros et l'amour pour sa psyché.
Nommer " transfert " ce mythe, tel qu'il se joue dans l'analyse, trompe grossièrement l'âme dans ses besoins et l'éros dans ses désirs.
A l'origine, le transfert ne signifiait que des rééditions de conflits antérieurs par lesquelles le patient s'efforce de se comporter comme il se comporta la première fois.
On le définit, à présent, dans les limites assignées par le médecin et par rapport à sa personnalité.(Freud)
Toutefois, si l'analyste travaille à partir du modèle développé - la mise au monde de l'âme par l'amour - il nous faut admettre que ce qu'il y apporte pour sa part, le prétendu " contre-transfert ", est en fait antérieur au transfert.
L'analyste part de la position clairement définie par le daimon de son désir qui est à la fois de procurer la santé à la conscience, l'imagination et la beauté à la vie de l'âme et de consteller, par sa psyché, l'éros de l'autre.
Ce n'est plus sur l'analyste que sont transférées les projections; c'est plutôt l'analyste qui transfère les intentions du mythe de la coniunctio sur l'analysé qui, d'emblée, a tendance à contrer les effets de l'analyste.
Celà constitue les dites "réactions de transfert" et "la névrose de transfert",
résistances qui, lorsqu'elles ne sont pas clairement familiales mais similaires à ce mythe, forment l'alpha et l'oméga du travail créateur.
On a depuis longtemps reconnu dans le transfert une demande d'amour ; mais cette quête fut généralement située par la psychanalyse dans le contexte trop personnel du problème familial et des besoins individuels.
Le besoin d'amour n'est donc jamais entièrement admis.
Celà est trop souvent dû au fait que cette « demande impossible » est tenue pour avoir comme racine le désir incestueux .
Dans le cadre de la métaphore que nous utilisons, je reste bloqué dans mon transfert jusqu'à ce que mon daimon se soit enflammé et je conserve le désir légitime de l'étincelle de l'éros de l'autre, nécessaire à mon propre développement.
Moins l'autre peut révéler son éros, plus grande sera mon exigence ; et comment faire autrement ? Il faut que ma propre impulsion à l'individuation, mon désir de psyché soit « allumé ».
Seul cet amour de la psyché - et non l'analyse des « réactions de transfert » - peut résoudre un transfert immobilisé.
En accordant la préséance à l'éros et à la psyché propres de l'analyste, nous paraissons bien loin de la conception freudienne : I'analyste comme
« réflecteur ».
Plutôt que de devenir un miroir froid, nous sommes menacés d'un nouveau danger, celui de devenir un faiseur d'images, un sculpteur qui façonne des figures et les réchauffe jusqu'à leur donner vie, mais sans jamais pouvoir s'en détacher.
L'analyse nouvelle possèdera donc sa nouvelle ombre, non plus celle du vieux sage omniscient et méditatif, mais le " fou " d'amour, celui dont le savoir n'est qu'amour, et qui, comme Pygmalion, risque de s'identifier à ses créations.
Heureusement, comme dans toute oeuvre, celle-ci a aussi des effets sur le créateur ; l'analyste est transformé par les « contre- effets » de son travail et par la façon dont il est accueilli.
Il se retrouve serviteur, jouet des imaginations de l'oeuvre, fasciné par sa beauté; son moi est devenu symbole dans l'histoire de l'âme de l'autre comme il l'est dans sa propre histoire ; le voici mû par le daimon de l'autre.
Il nous faut encore considérer le niveau objectif de ce qui est transféré et dont la source n'a qu'un rapport indirect avec les personnes impliquées, avec leurs besoins psychiques et leurs désirs érotiques teIs que chacun Ies ressent personnellement.
Cette nécessité d'objectivation se rapporte principalement à l'anima (Psyché) et à sa relation avec la tradition.
Eros n'a pas de passé; il fait partie des dieux, conçu comme perpétuellement jeune et perpétuellement renouvelé, comme la jeunesse, le feu, la flèche ardente.
Eros est le révolutionnaire originel, toujours en dehors de l'histoire.
L'anima, au contraire, a des niveaux de culture qui remontent à l'histoire et plongent dans la nature.(cf.Apulée et les aspects de Psyché dans sa situation familiale et son histoire humaine).
Les aspects complexes et emmêlés que l' anima apporte dans l'union sont une part de sa dot.
Il existe un niveau historique de transfert, des aspects sociaux et culturels qui influencent les besoins et les réactions de l'âme par-delà le comporte- ment que lui ont transmis l'enfance et les parents.
Son histoire commence bien avant, tout comme le transfert.
On ne s'engage pas dans une situatjon comme un innocent nouveau-né à l'esprit malléable comme de la cire.
L'amour peut faire fondre un être, mais il lui faut brûler très profondément et très longtemps pour transformer et éduquer le niveau historique de ses structures d'âme inconscientes.
Le poids de cette inconscience fournit à la fois une ancre à l'ascension de l'amour, un contenant à ses complexités et une substance à la réflexion.
Le transfert se poursuit souvent péniblement pour la même raison qu'il freine le travail : l'anima alimente la résistance inhérente à la nature conservatrice et à la culture traditionnelle.
L'instinct préféré de l'anima semble être ce que Jung a appelé l'instinct réflexif.
Le recul et l'éloignement de la reflexio apparaissent dans l'image de la timide,virginale et fuyante héroïne du mythe
"... Par l'instinct réflexif, le stimulus est plus ou moins entièrement transformé en un contenu psychique, à savoir qu'il devient une expérience...La réflexion est l'instinct culturel par excellence, et sa force se manifeste dans la puissance de la culture à se maintenir elle-même."
Grâce à la réflexion, la psyché, étant déja enracinée dans un contexte
historique, apporte la culture à l'éros.
Le processus qui se déroule au cours d'une analyse transfert la culture sur la pulsion et vice versa.
Nous ne faisons que reconnaître l'existence de l'arrière-plan objectivement historique et culturel de la psyché,où l'impulsion créatrice se reflète.
La psyché filtrera cette impulsion, la rendra toujours complexe; c'est en elle que se forme l'oeuvre.
Le transfert représente l'expérience que nous avons des effets de l'histoire sur le désir, de la culture sur la créativité, de l'âme sur l'impulsion,
Comme le transfert se produit dans tout engagement intime, tout lien personnel fort affecte la psyché historique.
Le maintient de ces relations est une préoccupation première de l'âme, étant indispensable non seulement à sa santé individuelle, mais à l'intégrité de toute vie humaine et au transrert de l'histoire psychologique aux générations futures.
L'analyse ne représente qu'une seule forme de créativité dans une relation psychologique. C'est un rite... ( l'analyste n'est ni amant, ni daimon, ni démiurge créateur, ni personnification de la culture.)
La créativité psychologique, faite de l'union d'éros et de psyché, se rêvait en nous bien avant que la psychanalyse ne devienne historiquement nécessaire à cette réalisation.
Chaque fois que se produit un transfert, une analyse est en cours et chaque fois que se produisent ces phénomènes jusque là liés aux termes de « transfert » et d' « analyse ", l'âme est en devenir.
Désormais le mythe d'Eros et Psyché ...important dans notre pratique analytique et que nous vivons dans le transfert, ne peut plus être réduit à un lieu thérapeutique spécial conçu pour le couple particulier d'une personne " saine " et d'une autre " malade ".
La psychanalyse tend désormais à se dépasser elle-même ; quelque chose d'autre doit se produire. afin que l'éros et la psyché puissent s'unir dans la vie et que la créativité psychologique - psychopathologie y compris - trouve des formes adéquates en dehors du cabinet de consultation.