Infériorité du féminin:
La primauté masculine et la nature seconde et dérivée de la femme ont trouvé dans notre culture leur locus classicus dans l'histoire d'Adam et Eve.
Premièrement, l'homme est antérieur temporellement car il fut créé le premier.
Deuxièmement, l'homme est supérieur, puisqu'il est dit de Iui seul qu'il fut créé à l'image de Dieu.
Troisièmement, l'homme a une conscience supérieure, Eve ayant été extraite du profond sommeil d'Adam, de son inconscient. Eve est le " sommeil " de l'homme.
Quatrièmement, Adam est supérieur par la substance, Eve étant préformée en Adam comme une partie dans un tout.
Adam est parfait au commencement, reflet de la perfection même de Dieu.
L'existence, l'essence et la substance matérielle d'Eve dépendent d'Adam. Il en est la cause formelle, puisqu'elle existe préalablement en lui; il en est la cause finale, puisque le but et la fin d'Eve sont d'aider l'homme.
L'homme est la condition préalable du principe féminin, le champ de ses possibilités.
En outre, cette métaphore est physique... si le sexe est le lieu spécifique de la différence, il est aussi le lieu spécifique où démontrer cette différence et la priorité adamique.
La différence entre homme et femme devient ainsi différence entre mâle et femelle c'est-à-dire une différence sexuelle ; la lutte entre homme et femme devient une lutte sexuelle ; et la conjonction des principes masculin et féminin prend la forme d'une union sexuelle.
Ce mode particulier de raisonnement qui tend à démontrer la différence masculin-féminin - sur le plan de la sexualité, de Ia reproduction et de Ia physioIogie - est le plus tenace et plus pernicieux obstacle à la conjonction, et c'est très précisément là que se situent les problèmes psychologiques les plus opiniâtres et les plus réfractaires.
C'est là, « dans la profondeur abyssale du corps humain », que la psyché est ensevelie dans la physis, dans l'étreinte obscure de la matiére féminine, comme auraient dit les alchimistes.
Tant que le physique représentera le féminin, il ne cessera de faire l'objet de projections antiféminines.
La tradition nous a familiarisés avec le point de vue que l'on résume souvent par le terme (( manichéisme )), d'après lequel la matière, le mal, l'obscurité et le féminin sont des concepts interchangeables.
L'aspect matériel du féminin, "son corps humain lui-même..." subira une distorsion doublement négative.
Plus la matière sera féminine et plus elle sera mauvaise ; plus le féminin sera matérialisé et plus il sera ténébreux.
C'est par rapport au corps physique de la femme que les fantaisies concernant l'infériorité féminine s'épanouissent le plus, puisque c'est bien là que se constelle " la profondeur abyssale du corps humain à la nature instinctive et passionnée ".